La différence

Osez grandir, seule dans un environnement hostile qui ne cherche qu'à briser vos petites tentatives, si frêles qu'elles paraissent risibles. Se lever chaque matin, non pas avec cette peur si frustrante qui peut paralyser certains, mais bien avec cette pensée : « si je vais jusqu'au bout, serais-je critiquée, serais-je encore la seule qui dénotera et détonera dans cet environnement si gris, noir et blanc ? Si triste finalement ».

Que de pensées sombres dans la tête d'une enfant de douze ans.... Comment connaitre les attentes de ses pairs pour les appliquer avant qu'il ne soit trop tard ? Car malgré tout, un seul pas et ce sera la chute, une chute sociale si profonde qu'il parait impossible d'en sortir, une chute fatale en un sens.

« Ne pas vouloir se laisser malmener », une pensée bien dérisoire me diriez-vous face à un ensemble de personnes, une foule même qui ne vous montre qu'un visage hostile. Comment leur résister ? Faire semblant que rien ne m'atteint, peut-être qu'au bout d'un moment cela leur sera dérangeant ? Vont-ils vraiment croire à mon masque ? Ce masque si fragile qui me permet de tenir pour un certain temps. Chaque matin, je l'enfile du bout des doigts comme si le toucher aller finir par me contaminer, par me faire sombrer dans une réalité vaine et illusoire. Ce masque auquel finalement je tiens et que je répare minutieusement chaque soir et effaçant les fissures qui s'y sont imprimées doucement mais malgré tout sûrement.

Finalement pour les éloigner, j'ai fini par me forcer à croire que cela ne m'atteignait pas, que je ne croyais pas en leur remarque, que je savais, telle une acrobate, éviter tous leurs poignards et dagues acérées. J'ai même fini par en jouer, accentuant ce trait qui m'avait toujours été reproché, mon excentricité et cette vivacité d'esquive. Cela m'a finalement desservie.

Moi qui était si fan des couleurs vives, de leur contraste et qui croquait la vie à pleine dents j'ai fini par ne les arborer que par défi et par m'en détourner intérieurement.

Si tôt que ces années furent finies, je m'empressais de supprimer tout cela pour tenter un nouveau départ, me conformant à ce qui était attendu de moi. Ne sortant plus du cadre, mon existence n'en était pas pour autant plus heureuse.

Encore aujourd'hui, cette volonté de différence et de couleurs me frappe par vagues irrégulières. Ces moments colorées et joyeux ne durent finalement qu'un temps pas et finissent toujours pas se faner, telle un bouquet de fleurs dont on n'aurait pas pris soin ou qui aurait été contaminée, ma peur du rejet reprenant finalement le dessus.

Je n'ai pas réussi à intérioriser finalement cette belle pensée de défi qui m'a pourtant en un sens portée et protégée pendant 3 longues et dures années. Cette pensée de défi que je cherche toujours en vain a fini par succomber aux attentes du modèle et à la peur. Pourtant avec le recul, je crois en cette pensée si catégorique et fière, qui se tient droite devant les assauts rochers qui l'assaillent et la bombardent.

A vous qui me lisez, à vous qui vous peut-être vous reconnaissez dans ces mots, non pas forcément dans cette situation mais qui comprenez ces sentiments de ne pas correspondre. Ce sentiment de ne pas se conformer aux attentes, d'être à côté de ce qui est voulu, alors que vous voulez vous sentir inclus... Ces sentiments de tristesse et de regret mêlé d'incompréhension.. Alors sachez que vous n'êtes pas seuls comme j'ai pu l'être, sachez que vous n'avez rien à regretter, que vous portez en vous quelque chose de beau et qui vaut le coup d'être protégé.