22 - Mon petit chasseur...
Moriarty sortit de la piscine d'un pas décidé, toujours porté par l'adrénaline de sa rencontre avec Sherlock. Il avait trouvé quelqu'un avec qui jouer. Et pour la première fois de sa vie, il semblerait que cette personne soit presque à sa hauteur. C'était tellement, tellement excitant !
Il avança un moment en sautillant, son esprit envisageant une dizaine de scénarios possible pour continuer le jeu.
L'adrénaline était retombée, mais il restait complètement surexcité.
Ce soir, songea-t-il avec d'une voix volontairement vulgaire, je vais baiser Sebastian à le faire hurler...
Il s'amusa un instant de cette affirmation. Puis il imagina le corps du chasseur, arc-bouté sous le sien. Son excitation monta d'un cran.
À l'image du visage de Sebastian convulsé par le plaisir se superposa soudain celle du fusil abandonné sur le sol. C'était le fusil qu'il lui avait offert. Pourquoi Sebastian l'avait-il laissé derrière ?
Moriarty s'arrêta.
Il venait de se rendre compte que pour la première fois depuis leur « association », il n'avait aucune idée d'où pouvait se trouver son chasseur. En fait, ça faisait bien deux semaines qu'il ne l'avait plus vu. L'esprit trop occupé par Sherlock, il avait simplement mis Sebastian de côté, comme un élément secondaire, un jouet qu'on utilise à sa convenance. C'était sa manière de faire habituelle.
Alors pourquoi, cette fois-ci, il avait l'impression d'avoir fait une erreur ? Pourquoi il avait l'impression qu'il aurait dû s'occuper de Sebastian, qu'il aurait dû se préoccuper de ses sentiments, au lieu de le jeter comme s'il ne valait rien ?
Depuis quand se préoccupait-il des sentiments des gens ?
Moriarty était mal à l'aise. Ce qui était déjà une grande première. Il envisagea, avec un haussement d'épaule, de laisser tomber l'affaire et de rentrer fêter sa victoire tranquillement.
Tout seul ?
Ennuyant.
Prendre quelqu'un au hasard ? Payer un.e prostitué.e ?
Non. Il voulait Sebastian.
Que signifiait ce fusil laissé derrière ? Qu'il partait ?
Moriarty se souvint soudain d'une de leur conversation, dans le parc. Lorsqu'il avait fait semblant de le renvoyer.
Sebastian avait été clair. C'était Moriarty ou la mort.
Lucifer sentit une petite vague de peur grimper jusqu'à son esprit. Se pourrait-il qu'en délaissant totalement Sebastian, il lui ait fait croire qu'il ne voulait plus du tout de lui ? Et s'il...
S'il...
Moriarty s'assit sur un banc.
Si Sebastian était mort, qu'est-ce que ça changeait ?
La première chose qui lui vit à l'esprit c'est que le monde serait définitivement plus vide.
Un sourire désabusé effleura ses lèvres. Il se souvenait de la promesse qu'il s'était faite, bien sûr. De tuer Sebastian s'il s'apercevait qu'il devenait trop dangereux, trop attaché.
Mais il savait depuis bien longtemps qu'il n'aurait jamais la force de tenir cette promesse-là.
Mon petit Sebastian, songea le génie du crime, tu as intérêt à ne pas avoir touché à un cheveu de ta charmante tête blonde.
Le monde était désert, tout autour de lui. La ville dormait, loin du fracas de ses pensées et du débat de son cœur.
Il calma le tumulte de son esprit pour réfléchir. Soit Moran était mort. Soit...
Lucifer ferma les yeux.
-Sebastian, dit-il, arrête de te cacher.
Il n'entendit rien. Aucun son. Aucun bruit de pas, aucune respiration. Mais il savait que ça ne voulait rien dire. Était-il seul ?
Une main toucha son épaule. Il sourit. Il ne l'était pas.
-Je suis fatigué, lança-t-il avec une voix d'enfant. Ramène-moi à la maison.
Il sentit des mains le soulever, et referma ses bras autour d'un cou familier. Il posa la tête sur l'épaule de son ange silencieux. Et ouvrit enfin les yeux.
-On peut savoir où tu étais ? Dit-il d'une voix plaintive.
-Derrière vous, répondit doucement Sebastian. Toujours.
Il sembla hésiter un instant.
-Est-ce que ça va ? Demanda-t-il finalement.
-Drôle de question, mon petit chasseur, s'amusa Moriarty. Je crois que c'est la première fois qu'on me la pose.
-C'est faux. Je vous la pose à chaque fois. C'est juste que vous n'écoutez pas.
Il ne répondit rien. Il n'en avait pas besoin.
Ils étaient arrivés.
Sebastian ouvrit la porte sans lâcher le gamin infernal juché sur son dos et grimpa les escaliers. Jusqu'à la chambre.
-On dirait que tu as une idée derrière la tête, mon petit Sebastian, s'amusa le criminel consultant en descendant du dos (pourtant très confortable) de son sniper.
Ils se regardèrent un instant en silence.
-Tu as l'air bien triste, remarqua enfin Moriarty.
-Je n'aime pas le jeu dans lequel vous vous êtes engagé, répondit Sebastian en détournant le regard. Je n'aime pas ce Sherlock Holmes.
-Et... ?
-J'ai peur pour vous.
-Je ne vais pas m'arrêter, tu sais ? Dit Moriarty d'une voix étonnamment douce.
-Je sais.
-Je mènerai la danse jusqu'à sa fin. Jusqu'à la fin.
-Je sais, répéta Sebastian, avec cette fois une note de douleur indicible dans la voix.
La main de Moriarty se posa sur sa joue. Il se figea. C'était le geste le plus affectueux qu'il n'ait jamais reçu du criminel.
-Le jeu est en pause, pour le moment, dit enfin Moriarty en plongeant son regard dans l'océan du sien. Ce n'est pas à moi de pousser la prochaine pièce. Nous avons un peu de temps...
La main de Moran se posa sur la sienne.
Puis elle remonta le long de son bras en une longue caresse, frôla son épaule, et échoua dans son cou. Le chasseur se pencha et enfouis sa tête dans le creux de son épaule. Ses lèvres se posèrent sur la peau nue, au-dessus du col de sa chemise. Ses mains agirent seules, enlevant la veste bleue, déboutonnant les boutons avant de se glisser sur la peau pâle de sa poitrine...
Moriarty retenait son souffle. Sa gorge était sèche. Ses pensées tournaient au ralenti.
Il n'avait jamais expérimenté le sexe de cette façon. Lui, il connaissait la baise brutale, la soumission de son partenaire, sa domination, les jeux lubriques... Pas des lèvres sur sa peau, pas la douceur et l'attention de cette main sur sa poitrine... Il tint le plus longtemps possible, savourant malgré lui cette sensation déstabilisante.
Puis il craqua, attrapa les poignets de Sebastian, et le poussa en arrière pour les plaquer contre le lit.
Leurs visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Leurs souffles s'emmêlaient, comme s'ils ne formaient plus qu'un.
Mais ils ne s'embrassèrent pas.
Moriarty brisa abruptement l'instant, se redressa, et arracha sa cravate. Il lia entre elles les mains du chasseur.
-Tu as intérêt à être en forme, mon petit Sebastian, parce que j'ai des choses à fêter...
Sebastian sourit, et lui renvoya un regard qui le secoua jusqu'au fond de son âme. Puis Moriarty ouvrit la braguette de son pantalon.
Et tout ne fut plus que luxure et désir brûlant.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro