Quand il rentra chez lui ce jour-là, Ymir fut surpris de trouver son père devant la porte principale de leur maison, comme s'il l'attendait. Dès qu'il croisa son regard, il sut qu'il était sur le point de passer un sale quart d'heure.

Parfois, il lui arrivait de se demander ce qu'il avait bien pu faire au ciel pour mériter un père pareil. En effet, en plus du fait qu'il était un musulman assez radical, son père était également médecin, un cardiologue pour être plus précis. Ymir trouvait ce dernier fait très ironique. Car, s'il y avait bien une personne dans ce monde qui ne connaissait absolument rien en matière de cœur, c'était sans aucun doute son paternel. Pour lui, tout devait toujours suivre une parfaite logique.

—Allah a créé toutes choses dans un ordre bien défini, disait-il souvent. C'est notre devoir de les respecter.

Combien de fois Ymir l'avait-il entendu s'insurger contre les gays, que ce soit dans la vie réelle ou à la télévision ? Il n'aurait pu le dire, tellement c'était fréquent.

Son comportement avait particulièrement empiré depuis que sa femme, la mère d'Ymir, l'avait quitté, quelques années plus tôt, pour se mettre en couple... avec une femme. Depuis ce jour, il percevait l'existence des homosexuels ou toute personne faisant partie de la communauté LGBTQ comme une offense personnelle.

—Ces gens-là, on devrait les pendre, avait-il dit un jour alors qu'ils étaient à table, le regard plein de mépris et de haine.

Et c'était avec ce même regard qu'il dévisageait maintenant son fils alors qu'il se tenait debout devant cette porte rouge bordeaux qui donnait accès à leur demeure.

Ymir s'approcha tout doucement, tout en veillant bien à rester hors de sa portée.

—Papa... ?

—Ton principal m'a appelé, dit brusquement son père. Il prétend que toi, mon fils, tu aurais dit à un autre garçon que tu étais amoureux de lui. Est-ce que c'est vrai ?

Ymir déglutit. Comment le principal pouvait-il être au courant ? Le jeune homme ne voyait qu'une explication.

Mark, oh mon Mark... As-tu vraiment poussé mon humiliation aussi loin... ? Le fait que tu m'aies rejeté aussi violemment n'était-il pas suffisant ?

—Alors ?

Son père attendait une réponse. Ymir savait ce qu'il devait dire. Il lui suffisait de mentir. Mentir pour s'en sortir, mentir pour continuer à vivre...

Vivre ? Était-ce bien ce qu'il avait fait jusqu'à présent ? Non. Survivre, peut-être...

—N'en as-tu pas marre ?

—Marre ? De quoi ?

—De ne pas t'accepter tel que tu es...

Sa conversation avec Viola lui revint en mémoire et les mots de son amie le frappèrent en plein cœur tel un coup de poignard.

Ymir ferma les yeux avant de les rouvrir un instant plus tard.

—Oui, répondit-il à son père. C'est vrai.

Il en avait assez de mentir.