Comme dans la plupart des histoires, Ymir et Viola étaient amoureux.

Mais pas l'un de l'autre. 

Lui, aimait Mark Walters, capitaine de l'équipe de football et elle, Bethany Scofield, reine des cheerleaders. Total cliché. Et pour rendre les choses encore plus difficiles, Mark et Bethany qui, comme on pourrait s'en douter, étaient les deux élèves les plus populaires du lycée, sortaient ensemble.

Ainsi, à leurs yeux, Ymir et Viola étaient comme des insectes, insignifiants au plus haut degré. Il fallait, pourtant, que ça change. Car, si l'amour est souvent comparé à un feu, cela signifie aussi que tôt ou tard, il peut finir par vous consumer.

–J'ai décidé de lui dire ce que je ressens.

Ymir fixa son amie, les sourcils levés. Il essaya de déceler dans ses yeux la moindre trace de plaisanterie. Il n'en trouva aucune.

–Tu es sérieuse...

Viola hocha la tête, se tourna vers lui. Quand elle vit son air hébété, elle sourit et lui tira la langue.

–Ne fais pas cette tête, tu risques de me décourager.

C'est justement mon intention, pensa Ymir.

–Je croyais qu'on avait décidé de jamais leur dire, lui dit-il avec une once de reproche dans la voix. Je croyais que la raison pour laquelle on se faisait passer pour eux était qu'on savait pertinemment qu'on n'avait aucune chance. Je croyais –

–Je sais, le coupa Viola.

–Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?

Viola se contenta de fixer un point devant elle en guise de réponse.

–Alors ? insista Ymir.

–N'en as-tu pas marre ?

–Marre ? De quoi ?

–De ne pas t'accepter tel que tu es.

Ymir soupira. Bien sûr qu'il en avait marre. Mais à quoi bon remuer le couteau dans la plaie ? se dit-il. Non seulement ils n'en avaient pas les moyens, mais leurs parents n'accepteraient jamais, eux qui étaient si conservateurs, si... étroits d'esprit. 

–Mais qu'est-ce que ça change ? retorqua Ymir. Tu sais très bien qu'on ne peut pas... qu'on ne peut pas...

–Changer, dit Viola, les yeux toujours fixés sur l'horizon.

–C'est ça. En tout cas, pas pour l'instant. Nos parents nous crucifieraient. En plus, Mark et Betty sont hétéros, alors à quoi ça nous avancera de leur dire ce qu'on ressent ?

Un silence accueillit les paroles d'Ymir. Un silence tellement long qu'il se dit que peut-être ses arguments avaient fait mouche, quand soudain, Viola se leva.

–Je vais lui dire quand même, dit-elle d'une voix tremblante mais décidée.

Ymir secoua la tête pour montrer sa désapprobation et se mit debout à son tour.

Ils se trouvaient, comme à leur habitude, sur le toit du lycée, leur endroit préféré.

–Tu crois vraiment –

–Imagine qu'ils acceptent, le coupa encore une fois Viola. On a tellement envisagé le pire... Et si pendant une minute, on essayait d'envisager le meilleur ?

Ymir déglutit. Il ferma les yeux, s'imaginant dans les bras de Mark, le bonheur fou que cela lui procurerait. Mais c'était impossible, il le savait. Il rouvrit les yeux.

–Viola...

La jeune fille n'attendit pas qu'il eut finit sa phrase et se jeta sur lui. Réticent au départ, il finit par lui donner accès à ses lèvres. Leurs langues s'entortillèrent, s'enroulèrent, dansèrent encore et encore. Soudain, il sentit quelque chose de chaud sur sa joue. Tout doucement, il se dégagea.

Viola était un volcan qui venait d'entrer en éruption. Des laves de larmes coulaient de ses yeux.

–Imagine..., dit-elle à nouveau, la voix chevrotante.

Et à cet instant, Ymir fit plus qu'imaginer. Il la crut.