Asking out - Part 2
Pour Ymir, l'affaire fut résolue en un temps assez court. Après s'être séparé de Viola, il s'était aussitôt mis à la recherche de Mark.
Pendant de longues minutes, il l'avait cherché en vain. Il n'était ni sur le terrain de foot, ni dans sa salle de classe (la même que celle de Bethany) ni même avec ses amis que Ymir avait repérés, regroupés à l'abri d'un des grands arbres qui se trouvaient dans la cour.
Pris d'une soudaine envie d'aller au petit coin, Ymir se rendit aux toilettes en se disant qu'il continuerait ses recherches plus tard.
Dès qu'il ouvrit la porte, cependant, il reçut un choc. Mark était là, penché sur le lavabo, en train de se laver les mains.
Ses cheveux noirs qu'ils gardaient courts d'habitude avaient énormément poussé, à tel point qu'ils lui cachaient une partie du visage.
Il portait un tee-shirt blanc, un jean noir et des baskets converse ordinaires. Alors qu'il était baissé, son tee-shirt remontait légèrement, ce qui permit à Ymir d'admirer le bas de son dos musclé.
Tout comme lui-même, Mark était métisse. D'ailleurs, dans tout le lycée, ils étaient les seuls à l'être. C'était aussi en partie grâce à ce détail que Ymir avait commencé à s'intéresser à lui.
Dans une école largement dominée par la race blanche, il était étonnant pour Ymir, voire choquant, que le garçon le plus populaire eut la peau basanée.
Mais très vite, il comprit pourquoi. Mark, en plus de sa beauté extraordinaire, possédait un charisme qui l'était tout autant. D'aucuns auraient pu penser qu'il faisait partie des athlètes banales —tout dans le physique et rien dans le crane — mais ce n'était absolument pas le cas. Il était aussi brillant dans une salle de classe que sur un terrain de foot.
Ymir s'approcha doucement. Il fit semblant de se laver les mains tout en jetant des regards en biais à Mark. Ce dernier, ayant fini, s'apprêtait à s'en aller quand Ymir, n'y tenant plus, l'interpella :
—Attends ! cria-t-il.
Mark s'arrêta et se retourna, visiblement troublé :
—On s'connait ?
Ce fut au tour d'Ymir d'être troublé.
—Tu ne te... souviens pas de moi ? lui demanda-t-il presque dans un murmure.
Mark le dévisagea avec plus d'attention. Puis finalement il secoua la tête :
—Je devrais ?
Ymir eut l'impression de faire une chute de plusieurs étages, mais à l'intérieur de lui-même, un peu comme l'acteur principal dans ce film qu'il avait regardé à la télé. C'était quoi le titre déjà ? Oui, « Get out». Et à cet instant, en effet, Ymir avait vraiment envie de get out.
—Non, répondit-il. Pas spécialement.
Mais il mentait. Leur rencontre ce jour-là avait vraiment été spéciale.
*
Ce jour-là, Mark avait été particulièrement magnifique sur le terrain. Malheureusement pour lui, on n'avait pas pu en dire autant de ses coéquipiers. En conséquence, leur équipe avait perdu. Seulement de trois points, mais une défaite était une défaite.
A la fin du match, Ymir avait vu le dénommé Mark, capitaine de l'équipe de football, se détacher des autres et aller dans le sens opposé aux vestiaires.
Hésitant au départ, il était finalement resté assis à sa place alors que les gradins se vidaient progressivement.
Au bout de quelques temps, il n'y avait plus personne, sauf lui. Décidant qu'il avait attendu assez longtemps, il s'apprêtait à rentrer quand il avait finalement vu Mark traverser le terrain, la tête baissée. Ymir s'était caché du mieux qu'il avait pu.
Mark était en train d'aller dans les vestiaires. Ymir l'y avait suivi quelques minutes plus tard.
Pourquoi était-il attiré par ce garçon ? Pourquoi tenait-il tant à le connaître ?
Il l'avait trouvé debout devant l'un des lavabos. L'eau du robinet coulait paisiblement, donnant davantage à cette scène un aspect dramatique. Alors que Ymir s'interrogeait sur la façon dont il allait l'aborder, ce fut finalement Mark qui avait rompu le silence.
—Salut.
Ymir avait ouvert de grands yeux. Il avait tout d'abord balayé la pièce du regard, pensant qu'il avait parlé à quelqu'un d'autre, mais à part lui, il n'y avait personne.
—C'est bien à toi que je m'adresse, avait ajouté Mark avec un petit rire. Comment tu t'appelles ?
—Y-Ymir.
—Ymir..., avait répété Mark dans un murmure. Original comme prénom. Il a une signification particulière ?
—Je suppose. Comme tous les prénoms d'ailleurs.
Mark l'avait dévisagé un moment, puis il avait éclaté de rire :
—J'suis con. T'as raison.
Un silence s'était installé, interrompu seulement par le bruit que faisait l'eau en coulant du robinet.
—Ça va ? lui avait demandé Ymir.
—Je pète la forme. Ça ne se voit pas ?
Ymir s'était mordu la lèvre, réalisant son erreur.
—Désolé, c'était une question stupide...
—Non, pas du tout, avait dit Mark en secouant la tête. C'est moi. Je suis un peu à cran en ce moment.
—A cause du match ?
—Entre autres. Disons que la défaite, ça ne me réussit pas trop. Surtout quand je sais qu'on aurait pu gagner.
Ymir était demeuré silencieux. Cela aurait été un mensonge de dire qu'il s'intéressait au football américain ou qu'il en comprenait les règles. Il regardait un match de temps en temps mais ça s'arrêtait là. Il n'arrivait pas à comprendre l'engouement que ce sport suscitait, surtout quand on savait tous les dangers auxquels on était exposé, simplement en y jouant.
Mais bon, s'etait-il dit, on a tous besoin d'une obsession dans la vie.
—J'ai l'impression d'avoir en permanence un poids sur mes épaules, avait soudain dit Mark. Les gens m'en demandent tellement... Parfois, j'aimerais juste...
—Oui ?
Mark s'était tu un moment. Puis il avait soupiré.
—Laisse tomber, avait-il finalement dit. Tu ne pourrais pas comprendre.
Mais sur ce point, Mark s'était trompé. En effet, ayant grandi dans une famille musulmane et étant lui-même musulman (pas par choix), Ymir était quasi-constamment sous pression. Dire des prières, ne pas boire de vin, ne pas manger de porc, faire le ramadan... c'étaient des règles qu'on lui avait imposé. Il n'avait pas eu son mot à dire.
Quand Ymir avait réalisé qu'il aimait les garçons, il avait décidé que jamais son père ne devait être au courant. S'il le découvrait, c'étaient plus que des remontrances qu'il recevrait.
Ainsi, Ymir savait parfaitement ce que l'on pouvait ressentir quand on devait constamment jouer un rôle. Il était presque impossible d'appuyer sur le bouton « off ».
—Si tu le dis, s'était-il contenté de répondre.
Mark s'était lavé le visage et avait secoué sa tête, répandant des gouttes d'eau sur le sol. Pour Ymir, cependant, elles avaient ressemblé à des milliers d'étoiles.
—A bientôt, mec, avait-il dit en dépassant Ymir et en allant vers la sortie. J'espère ne pas trop t'avoir saoulé avec mes histoires.
Ymir n'avait pas répondu. Mais s'il avait pu, il lui aurait dit que non, il ne l'avait pas saoulé du tout. Au contraire même.
*
C'était donc à cela que Ymir pensait lorsqu'il répondit à Mark « pas spécialement ».
Mark resta encore un instant suspendu à ses lèvres, mais lorsqu'il vit que Ymir ne disait toujours rien, il secoua les épaules et se dirigea vers la porte.
Ymir ferma les yeux. C'était maintenant ou jamais.
—Mark ! hurla-t-il.
Ce dernier, qui avait déjà une main sur la poignée de la porte, se retourna.
—Mais c'est quoi ton problème à la fin ?
Les paroles de Viola lui revinrent en mémoire :
Nous avons tellement envisagé le pire et si pour une fois nous envisagions le meilleur ?
—Je crois que je suis amoureux de toi, Mark. Voilà mon problème.
En rétrospective, Ymir se dit que s'il avait su à ce moment-là ce que ses mots allaient engendré, il ne les aurait sûrement jamais prononcés.
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