11 | Sang
La plaine était vide, les hautes montagnes sèches nous entouraient, aveugles face au massacre qu'elles allaient enrober. Pour la première fois depuis des années, je chevauchais un cheval. Son dos musclé me faisait mal à l'entrejambe malgré la selle qui le recouvrait. Une lance dans le dos, une épée de chaque côté de mes hanches, je portais une coiffe métallique pour me protéger. Cela s'entendait au claquement que faisait mes dents. J'avais les mains moites et mon destrier sentait ma nervosité, il s'agitait légèrement.
Atem à ma droite montait un étalon noir, décoré de jolies dorures royales et cependant légères. Le Pharaon lui aussi en armure ne semblait rien exprimer. Je savais qu'il était très apeuré, Atem n'a jamais été un combattant. En le regardant, je pensais aux adieux déchirants qu'il avait entrepris avec son amour, Yûgi.
Ils s'étaient embrassés d'une passion sans pareille, leurs lèvres et leur larmes ne désirant plus se séparer. À l'ombre des regards, ils ne voulaient pas se détacher l'un de l'autre. Reviens-moi sauf, avait supplié le jeune garçon. Atem avait promis que oui, lui-même peu convaincu de ses paroles. C'était un spectacle triste qui se passait sur des millénaires entiers, il y avait toujours un couple qui se faisait cette promesse... La veille, ils faisaient l'amour comme pour la dernière fois et le lendemain leurs mains se détachèrent pour espérer retrouver l'une ou l'autre d'ici quelques années.
« S'ils continuent à me faire attendre... Je vais me pisser dessus.
_ Merci Jonouchi pour cette intervention, fit Atem sans quitter l'horizon des yeux.
_ On avait dit au levé du soleil, le soleil est super haut, je crois qu'ils ont manqué le coche, grommela le blond en regardant le ciel. »
Katsuya me décrocha un clin d'œil complice, j'essayais d'avaler ma salive et de lever un pouce vers lui, mais mes mains n'arrivaient pas à se détacher des rênes de ma monture. Une goutte de sueur roula le long de mon échine, je sentais la transpiration avant même d'avoir entamé le moindre geste. C'était effrayant.
« Le sol... Murmura Atem. »
Nous dirigeâmes nos regards vers la terre aride, des petits morceaux de rochers remuèrent, tremblotants. Le sol vibrait, c'était le signal.
Notre sang ne fit qu'un tour, la ligne d'horizon s'assombrissait à mesure que nous apercevions l'ennemi approcher. Leurs armures étincelaient au soleil de midi, leurs cris d'intimidation marchaient à merveille, mon cheval se mit brusquement sur ses pattes arrière comme pour donner le signal.
« Léa-san ! ON VA LEUR NIQUER LEUR RACE ! »
Il me tendit son poing, je joignais nos phalanges dans ce mouvement viril, le cœur battant d'excitation et de peur. Atem imita le jeune homme, nos mains jointes, ses yeux améthystes m'exprimaient tellement de choses à la fois. Je sentais qu'il voulait dire quelque chose avant l'assaut.
Après que notre ami blond se mit à rugir comme réponse à nos ennemis, on cria tous en chœur :
« JUSQU'À LA MORT ! »
Le bourdonnement familier retentissait dans mes oreilles, comme si on me bousculait de mon cheval, je basculais sur le côté disparaissant de la surface de la terre, flottant autour de mon corps. Edenia avait pris le contrôle, elle lâcha sa monture et n'attendit pas longtemps pour dégainer ses larges et courtes épées. Elle cria bien plus fort que n'importe lequel des Chypriotes présent en face de nous et leva le bras dans leur direction. Atem la suivit accompagné de Jonouchi bien trop enthousiasme.
L'armée d'Égypte galopa contre l'armée de Chypre, la première ligne de front s'entrechoqua dans un bruit assourdissant de métal et de cris. Des corps se rencontrèrent, des épées se joignaient, des lances perçaient les armures, le spectacle était atroce.
Atem tomba de son cheval, il atterrit dans une roulade avant de se lancer dans une chorégraphie bien trop sophistiquée pour que je ne puisse le croire de mes propres yeux. Le Pharaon était tellement différent. Il se protégea grâce à un bouclier déployable sur chacun de ses avants bras, pareil à des ailes dorés. Cela ressemblait à l'ancêtre du Duel Disk, comme on pouvait le voir dans la cinquième saison de Yû-Gi-Oh.
L'épée tomba sur son bouclier, il s'en dégagea et donna un coup de pied dans l'abdomen de son assaillant, l'air siffla derrière et il s'accroupissa d'un coup pour éviter la hâche malveillante d'un homme deux fois plus grand que lui. Il s'accrocha à cette dernière pour retomber plus loin dans un certain élan. C'est là que je voyais le malaise... Atem était la cible, une cible facile, son physique reconnaissable parmi les autres soldats, ainsi que ses habits chatoyants rappelaient aux yeux de tous qu'il était le chef suprême d'Égypte. Il ne devait pas rester aussi visible !
« EDENIA ! Protège-le ! »
Je voyais mon sosie se relever plus loin dans la foule déchaînée. Elle avait le visage couvert de sang. Ses grands yeux verts brillaient sous cette épaisse couche d'hémoglobine et contre toute attente elle se jeta à sa rescousse. Elle trancha le corps en deux des personnes qui lui barraient la route, riant à gorge déployée et tout ceci dans une extrême facilité. Se mettant dos à son mari, elle para les coups venant en face d'elle, tandis qu'Atem faisait de même, tout ceci dans un travail d'équipe plutôt bien synchronisé.
« Retirez tout vos bijoux Pharaon, on n'est pas au festival du Joyeux Orgueil, se moqua la reine sans équivoque. Vous voulez ressembler à un char d'assaut rutilant ? »
Atem s'exécuta, se débarrassant de tout ce qui montrait en lui sa royauté. Il tomba à la renverse quand Edenia reçu un coup de masse dans son ventre. Crachant un peu de sang, elle hurla de douleur avant de faire un bond défiant la gravité, tranchant la tête de son ravisseur dans un élan vengeresse. Le roi roula sur le côté, attaquant les chevilles de l'homme en face de lui et s'indigna à la vue de tout ce sang.
Jonouchi arriva jusqu'à eux, l'armure dépouillée de partout, des balafres ouvertes sur le visage, il se força à sourire, affirmant qu'il n'avait jamais rien fait d'aussi excitant. Je tournais autour du trio qui paraît et tranchait, terrassant l'ennemi sans le moindre mal. Beaucoup de nos soldats avaient péri, mais ces trois-là étaient indomptables. On aurait dit que rien ne pouvait les arrêter.
« REPLI ! »
À ma grande surprise, Edenia en profita pour se faufiler à travers la foule pour se cacher derrière le char renversé d'un des soldats de Chypre. Soufflant un bon coups, les trois camarades réfléchissaient sur les évènements à venir.
« Tu te défends bien soldat, soupira la reine en accordant son attention à Katsuya. C'est très excitant.
_ C'est un peu dérangeant ma reine, affirma-t-il en souriant d'un air pervers. Vous n'êtes pas mal non plus !
_ On y retourne ? Tenta Atem attendant qu'on lui dise non. »
Après qu'ils aient repris leur souffle, ils sortirent un à un de la carcasse du char et se glissèrent parmi les soldats afin d'atteindre le cœur de la bataille. Ils voulaient arriver au gouverneur de Chypre, Edenia n'avait qu'une envie, lui couper les tendons d'Achille afin qu'il se prosterne face à elle. Les visions d'horreur qu'elle m'envoyait étaient fortes, mais je lui faisais confiance. Chaque coup d'épée qu'elle envoyait était destiné à protéger son époux. Le grand blond, lui, semblait plus que dans son élément, il virevoltait à droite et à gauche, tournoyant tel une toupie que nul ne pouvait arrêter. Ce festival, mêlant trois personnes à la chevelure atypiques, était incroyable ! Comme si les cris de douleur avaient atteint le reste des troupes, certains soldats imploraient pour leur vie avant même d'avoir combattu.
« Bande d'incapables. »
Sortant sa lance d'un geste si vif que personne n'eut le temps de protester, elle embrocha chacun des individus qui lui demandaient la vie sauve. Elle n'était pas là pour faire dans la dentelle, elle voulait tacher son armure, l'imprégner du sang de ses ennemis. À certains moments, je voyais Atem trembler face à elle, il la regardait lécher le coin de ses lèvres délicatement. Cette femme était d'une folie sans pareille !
« GEL DÖVÜŞELIM, KRAL ! ! "Viens te battre, Roi" S'écria Edenia en faisant de grand signe à ce qui ressemblait être le chef de la troupe.
_ Tu es sûre, lui murmura Atem à l'oreille peu rassuré. Il est redoutable.
_ Et ne le suis-je pas ? S'interloqua-t-elle. »
Le roi descendit de son piédestal pour faire face à la Reine. Il paraissait faire le double de sa taille, chatouillant de près les deux mètres de haut. Edenia semblait être une crevette à ses côtés, elle et son mètre soixante.
« Que Sobek soit avec moi ! »
Dans une symétrie parfaite, elle sortit ces deux lames et les croisa imitant la posture du roi d'Égypte. Je comprenais ce que voulais dire le mot aura, je le comprenais au moment où je sentis celle de mon hôte. Une force surhumaine se dégageait d'elle, j'avais l'impression de voir une ombre maléfique planer autour d'Edenia, l'enveloppant dans un voile obscure. C'est ce que les Égyptiens appelaient le Kâ. Le sien était immense, cette femme était invulnérable.
« Seni eziçem ! "Je vais t'écraser" »
Le roi avait une immense barbe, il ressemblait à un gigantesque ours dressé sur ses pattes arrières. Il sortit un glaive faisant la taille d'Edenia, cette grosseur immense fit sourire la jeune femme. Elle se disait qu'avoir un aussi gros attirail était pour compenser quelque chose qu'il n'avait pas. Dans sa perversité qui m'étonnait chaque jour et qui me rappelait les moqueries de mon défunt voleur, Edenia ne pouvait que rire de la situation. Elle se sentait supérieure, elle savait au fond d'elle que le jour de sa mort ne sera pas aujourd'hui ni demain.
« Allez au fond, ordonna-t-elle aux deux amis, ne mettez pas votre peau en danger pour rien ! Je m'occupe de celui-là ! Et après, on aura gagné. »
Katsuya fit signe à Atem de le suivre en jurant sur sa vie qu'il le protégerait. Edenia m'assura au fond d'elle qu'il n'arrivera rien au Pharaon tant qu'elle sera ici. Je croisais les doigts pour qu'elle puisse dire la vérité. Mais jamais le grand blond ne laisserait son ami mourir, il préférerait se sacrifier plutôt que de laisser une telle chose se produire. Jamais je n'accepterais que l'un d'eux meure, je ne pouvais qu'observer, silencieuse... Dans un immense doute. Immense...
« T'inquiètes pas petite locataire... Tout cela sera... Bientôt finis. »
☥
Je marchais à travers les cadavres qui se chevauchaient. Mon corps tremblait encore, les armes que je portais étaient pesantes, alourdies par le sang de nos adversaires. Edenia exténuée m'avait laissé le contrôle après que la bataille ne se terminât pour de bon. Jonouchi m'avait dit qu'Atem s'était caché, assez surprise de cette soudaine lâcheté, je partis donc à sa recherche ayant peur de trouver une personne inerte plutôt que mon ami.
Le sable me piquait les yeux, je fronçais les sourcils à cause du vent qui se leva et c'est là que j'aperçus un sycomore au tronc robuste. Des pieds dépassaient, ne le voyant pas bouger, je me mis à courir dans sa direction et soupirai de soulagement quand je vis Atem bien vivant adossé contre l'arbre.
« Je suis pathétique, crachai Atem en crispant ses doigts sur sa cuisse. Jonouchi m'a déposé là, car je n'arrivais même plus à faire quoi que ce soit.
_ Tu as quoi à la jambe ? Bredouillais-je en m'accroupissant devant lui. »
Il me montra sa plaie ouverte et je grimaçais en voyant la chair entaillée profondément. Une blessure comme cela ce n'était rien au 21ème siècle, mais ici en Égypte... Il fallait faire vite. Je lui tendais une main pour l'aider à se relever, mais il refusa un instant pour se mettre à tousser.
« Je vais pouvoir montrer à Yûgi que je suis vivant, c'est rassurant, me fit-il en souriant les larmes aux yeux. J'avais... Tellement peur de ne pas pouvoir tenir ma promesse.
_ Tu as été formidable Atem, tu n'as pas à avoir honte. Nous avons gagné, grâce à toi également. Yûgi sera fier de toi. »
Il attrapa ma main tendue et je me sentis soudainement faiblir. Mon crâne me faisait mal et je ressentais cette sensation comme si on essayait de rentrer au plus profond de mon cerveau. Edenia ? Pourquoi tu veux venir ?
Luttant du mieux que je pouvais, ma lance tomba dans mon dos et je m'en servis pour essayer de rester droite.
« Quelque chose ne va pas Léa-chan ?
_ Elle est juste pas assez forte pour te relever, s'interposa Edenia en reprenant le contrôle. Allez vient. »
Non, non, non... J'avais ressenti quelque chose. Cela ne me plaisait pas, mon hôte venait de s'imaginer une idée, une simple idée. Je voulais reprendre le contrôle, son cœur battait fort à mesure qu'elle savait que son plan allait s'exécuter. J'essayais, je voulais l'en empêcher, mais rien n'y faisait !
Elle redressa Atem bien plus brusquement qu'il ne l'aurait voulu. J'usais de toutes mes forces pour empêcher son geste, mais elle ne fit rien. Avais-je imaginé quelque chose ? Je tournais autour d'Edenia, comme pour ralentir le temps, elle avait planté sa lance dans le tronc de l'arbre, Atem avait pris appui sur sa jambe valide, mais il cessait de bouger, le dos courbé en arrière comme s'il était tout tordu, crispé dans une douleur inégalable.
« Oups... »
Il n'y eu aucun bruit, c'est au moment où je vis le sang couler que je compris ce qui se passait. Atem ne bougeait plus, seuls quelques hoquets s'échappaient de sa bouche entrouverte. Je rejoignis ses larmes quand je vis ce qu'elle avait fait...
Aa... Je te le laisse...
La lame de ma lance s'était enfoncée dans la nuque de mon ami. Edenia l'avait relevé si rapidement sans que l'un de nous ne puisse voir ce geste supposé être maladroit.
« Non... Non... Tremblais-je. NON-PUTAIN »
Le jeune pharaon me tomba dans les bras, plus lourd qu'il n'y paraissait. Il pleurait, une giclée de sang se formait à chacun de ses halètements, je voulais hurler, mais rien ne me sortait de la bouche... Aucun son, sauf des implorations silencieuses. Qu'est-ce que je devais faire ?
« L... Lé... ah...
_ Chut, ne dis rien, suppliais-je en reniflant silencieusement. Ca... Ça va empirer. »
Je m'accroupissais doucement, voulant éviter de bouger l'objet dans le creux de son cou. Je brisais les morceaux dépassants et le mis en position semi-allongée. Il essayait de parler, je lui soufflais de se taire, voulant me concentrer sur les gestes de premiers secours à effectuer.
« Je ne peux pas te le retirer ! M'écriais-je en larmes en le voyant agiter sa main près de sa nuque. La plaie va s'ouvrir et tu vas... Te vider...
_ J... Mal... »
Je sais, je sais Atem... Je lui caressais le cuir chevelu, le berçant dans une panique que je ne savais pas gérer. Tout va bien se passer... Tout va bien se passer... Chut...
Un liquide brûlant qui n'était pas du sang me coula sur les jambes, il se répandait sur le sol... Les yeux du jeune homme partaient dans le vague, je ne pouvais ni le porter, ni le laisser là...
« HONDA? Hurlais-je. À L'AIDE ! HONDAAAAA »
Seul mon écho me répondait, je pleurais avec mon ami consciente de mon incompétence et de l'impossibilité de le garder en vie. Je criais tous les noms d'oiseaux se situant sur cette fichu défraîchie, ayant pour réponse rien que le silence pour me narguer et les gémissements intolérables de mon ami.
« Fr...oid... »
Non... Non.. C'est impossible... Les muscles d'Atem se détendaient à mesure que les secondes passaient, je le sentais partir et j'implorais le ciel que l'on lui vienne en aide. Je ne l'entendais presque plus respirer, je continuais à fredonner au coin de son oreille comme l'homme innocent qu'il était... Ne t'endors pas... Le ciel ne doit pas t'accueillir maintenant... Tu as toute la vie devant toi. Je te supplie de vivre.
« Tu n'as pas le droit de nous faire ça... »
☥
Les lèvres gercées, la gorge sèche, je relevais mes yeux encroûtés par le sable vers les silhouettes qui ondulaient devant nous. Mon cœur se remit à battre quand je compris que ce n'était pas une illusion. Je voyais des chevaux aux couleurs de notre pays, les joyaux égyptiens brillaient sur leurs crinières. Honda descendit le premier suivit du grand blond, ils coururent vers nous.
« Atem... Tes amis... Tu es sauvé ! »
Il ne répondit pas, bien trop fatigué par la force qu'il avait utilisé pour se maintenir en vie. Il ne détachait pas son regard du mien, je lui souriais, mon visage souillé de larme et de sang. Tout allait s'arranger maintenant...
Je leur faisais signe de venir, leur expliquant que l'heure était grave, mais les deux hommes ne bougeaient pas. Sans que je ne comprenne pourquoi Katsuya poussa un cri de rage avant de frapper aussi fort qu'il le pouvait l'immense tronc massif du sycomore. Honda s'approcha hésitant, le visage défait.
« Comment vas-tu ? Demanda-t-il en relevant mes mèches de cheveux salies.
_ Mieux, soupirais-je. Amène-le vite pour le soigner, ajoutais-je en désignant Atem au creux de mes bras. Il est blessé au cou, j'ai peur qu'il n'ait perdu trop de sang et...
_ Léa... Me coupa le jeune brun. C'est finit. »
Je suivis son regard, il avait les yeux rivés sur le visage du Pharaon. Atem avait le visage sale, ses améthystes ne brillaient plus et sa poitrine avait cessé de se lever depuis un temps que je ne saurais pas définir.
« Finit ? La guerre est finie oui ! »
Ma voix se cassait, déraillante... Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire. Je serrais Atem dans mes bras en le secouant légèrement. J'aimerais qu'on le prenne en charge rapidement, sa plaie le faisait souffrir, il n'était pas bien...
« Vient Léa... »
Seto Kaiba se tenait à côté de moi, il me tendait une main tandis qu'Honda tentait de m'arracher le jeune homme des bras. Ne comprenant pas leur comportement, je leur demandais une nouvelle fois de le soigner au plus vite. Personne ne semblait pressé de me répondre, j'avais peur... Pourquoi se fichaient-ils autant du sort de leur ami ? Ca leur importait si peu que ça ?
« Attention ! »
Le jeune Atem était comme un pantin, il était tellement affaiblis que ses membres retombaient mollement... Sa nuque craqua quand sa tête retomba brutalement en arrière. Je me raidis. Pourquoi... Pourquoi ne bougeait-il plus...?
« Tu te souviens de quelque chose... Me demanda doucement Seto en me relevant.
_ Je... Edenia l'a... Elle nous a trahis... Elle... »
La scène défilait de nouveau dans mon esprit... Je ne comprenais pas leur façon d'agir, pourquoi j'avais l'impression qu'ils pensaient tous qu'il était...
Il est bien mort, j'en ai peur.
« NON ! »
Je me jetais sur Atem, il n'était pas mort ! Je leur demandais de le regarder de plus près, je leur demandais de voir à quel point il était vivant !
« Ca suffit, Léa... On doit le ramener. Marmonna Jonouchi en m'écartant de son ami.
_ Il... Il n'est pas... »
Katsuya serra les dents, ses larmes se perdaient dans le sable de la plaine, s'évaporant au moment même où elles frôlaient la surface de la terre. Je ne voulais pas les croire, je les dévisageais un à un plongeant dans leur regard assombris par la peine.
« Atem ! »
Il n'était qu'un corps... Edenia avait arraché l'âme du Pharaon avec sa lame, elle avait souri au moment où son plan s'enfonçait dans la chair fragile de mon ami. Atem n'avait jamais voulu la mort de qui que ce soit, il était si doux, c'était un homme bon et... NON ! Je n'avais pas le droit de parler de lui au passé ! Il était le héros du manga, il partageait la couverture avec Yûgi et ne pouvait donc mourir !
«Relève toi imbécile ! »
Je giflais le visage crasseux d'Atem. Une fois, deux fois...
« Yûgi t'attends espèce de connard ! Tu ne peux pas le laisser seul ! SALE EGOISTE! »
Trois fois... Quatre fois...
« TU DOIS VIVRE ! »
Cinq fois... Six fois...
« TU N'AS PAS LE DROIT DE MOURIR ! »
Seto arrêta mes dernière frappes, je pleurais... Je ne pouvais plus m'arrêter. Jonouchi prit Honda dans une étreinte fraternelle avant de s'effondrer à leur tour. Les deux rivaux se serrèrent dans les bras l'un de l'autre... Pour le deuil de leur ami.
« C'est cette pute qui... ELLE A TUÉ ATEM ! »
Et oui... Je l'ai tué...
« T'as gueule... FERME TA PUTAIN DE GUEULE ! »
JE L'AI TUÉ ! AH AH AH AH
Un vent chaud fit vibrer le sol et Edenia se réveilla, le regard rouge vif, tel un animal qui venait de découvrir ses instincts les plus primaires. Elle riait si fort que le pays entier pouvait l'entendre.
« Espèce de ... Commença Jonouchi en lançant son poing dans sa direction.
_ Tss... Incapable. »
Il fut freiné dans son geste, immobilisé, pétrifié. Katsuya n'arrivait plus à bouger, secoué de spasmes, il avait le nez qui commençait à couler.
« Vous ne comprenez pas que j'ai le pouvoir ? VOUS NE POUVEZ PAS ME FAIRE DE MAL ! »
Une force invisible renvoya le grand blond quelques mètres plus loin, je ne pouvais plus m'approcher d'Edenia pour l'empêcher de faire quoi que ce soit. J'avais perdu le contrôle, elle était bien trop puissante !
« Ca suffit Edenia ! Expliques nous au moins ce qui t'a fait faire ça ! Rugit Honda en accourant vers Jonouchi blessé.
_ Mais il n'y a pas de raisons, minauda-t-elle hilare. Je le fais parce que je le peux ! »
Perdue dans sa folie, elle sautilla sur place sans que personne ne puisse la toucher. Après quelques pirouettes, elle s'arrêta près du corps inerte d'Atem. Prononcer ces derniers mots intérieurement m'arrachait une partie infime de mon cœur, je ne pouvais décidément le croire. Mais le regard violet vitreux du jeune roi ne laissait plus transparaître la moindre émotion.
Edenia poussa du pied le bras du pharaon et s'accroupissait à ses côtés. Comme si elle menait une discussion imaginaire, elle approchait ses cheveux blonds cendrés de la bouche du garçon.
« Quoi ? Que dis-tu ? Sursauta-t-elle pour de faux en prenant une voix fluette. Tu as pleuré comme une fillette avant de mourir ? »
De ses doigts fins, elle empoigna la mâchoire crispée du garçon et joua avec comme si c'était son propre jouet. Le roi était sa marionnette et cette situation était des plus jouissantes pour cette femme pleine de ténèbres.
« Je suis Atem, je suis un pédéraste qui s'est fait pipi dessus et...
_ ÇA SUFFIT ! Tu vas le payer Edenia ! Cria Katsuya, je te le jure !
_ Faut lui dire ça à lui, s'impatienta la reine en regardant son trophée d'un air attendris. Maintenant que je l'ai tué, Atem ne sera plus là pour censurer mes actes. J'ai le droit de vie ou de mort sur tout le Royaume d'Égypte, plus rien ne m'arrêteras... Et surtout pas un niakoué [1] comme toi !
_ Toi alors... grogna Katsuya en se levant, je vais te faire la peau !
_ Jonouchi ! Coupa Kaiba bruyament. »
Interloqués nous nous retournâmes tous vers Seto silencieux jusque-là. Il avait une expression grave sur son visage, mais ne laissait rien transparaître, à croire que ce genre de spectacle était chose commune pour lui. Sans broncher Edenia, se laissa approcher doucement du jeune prêtre et frémit d'excitation quand celui-ci posa délicatement ses mains sur ses épaules. C'est comme si je le ressentais.
« Edenia, ça suffit. »
Elle ne rétorqua pas, surprise d'aimer entendre la voix de cet homme mince lui murmurer des ordres à l'oreille. L'impitoyable Reine se mit à sa hauteur pour lui faire face, un sourire mielleux sur les lèvres.
« Tu as eu ce que tu voulais, maintenant laisse nous faire notre deuil. Atem est mort. C'est finit. »
Atem est mort, c'est finit... Entendre cela nous ramenait à la réalité. Gisant au sol, les paupières encore ouvertes sur ses prunelles vides, son corps était encore chaud comme si son âme l'habitait encore. Mais non... Le jeune roi était mort.
« C'est vrai... Tu as sans doute raison. »
Je sentais la présence de la Reine faiblir, m'aspirant en son corps pour la remplacer. La force m'avait quittée, je n'étais pas prête. Je fermais les yeux, le poids de ma conscience lourde sur mes épaules impalpables. Je ne voulais pas me réveiller, je ne voulais plus exister. Plus jamais.
La Reine tomba, Seto Kaiba la retint et Léa ne revenait pas. Ce soir, le ciel sera sombre, les trois hommes auront deux corps à ramener au royaume d'Égypte. Tandis que l'un sera enroulé dans de beaux draps soyeux, l'autre n'ouvrira plus jamais les yeux...
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Le sol vibrait. Je ne voulais pas me réveiller, j'avais la gorge sèche et les paupières collées. Mes doigts près de mon visage sentaient la terre, la poussière et une senteur métallique. J'avais envie de vomir. Je distinguais le paysage désertique au-dehors, j'étais à l'intérieur d'un chariot royal. Ma loge roulante se précipitait à toute allure pour clamer la mauvaise nouvelle. Je ne pus m'empêcher d'étouffer un sanglot.
« Châtel ? »
Merde Kaiba. Je fermais les yeux, tournant le dos à mon interlocuteur probablement assis à côté de moi. Depuis quand était-il là ? Pourquoi me parlait-il ? Je suis un monstre... Je fermais inutilement les yeux, persuadée qu'il disparaîtrait en même temps que l'obscurité me gagnait. Rien. Sa main se posa sur l'un de mes bras, il me retourna doucement vers lui.
Son visage sévère s'adoucissait avec cette nouvelle expression qu'il abordait. Paraissant inquiet, je ne pouvais m'empêcher de détourner les yeux en l'observant d'aussi prêt. Sa main ne bougea pas, je sentais son pouce faire des vas et viens timide sur ma peau. Je reniflais bruyamment.
« Je... Je ne l'ai pas vu venir.
_ Je sais, affirma-t-il. Personne ne l'a vu.
_ Elle avait promis... Elle avait dit qu'il ne...
_ Edenia avait juré qu'il ne mourrait pas des mains de l'ennemi. »
Elle avait donc joué sur les mots. Je la revoyais jurer solennellement pour la protection qu'elle apporterait au Pharaon, promettant qu'aucun Chypriotes ne toucherait à un de ses cheveux. Elle avait donc raison... C'était elle depuis le début. Non... C'était moi... J'étais destinée à tuer le héros, Atem.
Je portais une main à mes oreilles, ne sentant pas la présence de mes boucles d'oreilles. Les avais-je faites tomber durant la bataille ? Pourquoi me préoccupais-je de ça ? Après tout, elle appartenait à Bakura, un homme mort dans les mains de mon ancêtre... Je ne les méritais pas.
« Je m'occuperais de tout sur place, me rassurai Kaiba en regardant le sol. Il aura une cérémonie mémorable. »
Je hochais la tête, les yeux embués et le cœur serré. Je ne voulais pas croire que l'on parlait d'Atem. Le personnage principal de Yu-Gi-Oh était mort ! Non, je ne pouvais pas le croire un seul instant ! Je voulais fermer les yeux, penser que ce que je ne voyais pas n'existait pas, mais la culpabilité me rongeait si puissamment... Je ne pouvais rien faire !
« Yûgi... Murmurais-je horrifié. Que va-t-il... »
Nous nous regardâmes, silencieux, bercé par le hénissement des chevaux qui nous conduisait à Memphis. Yûgi attendait le retour de son amour égyptien, Atem lui avait fait promettre de revenir sauf et rien de tout cela ne sera possible désormais. Ils n'échangeront plus aucun regard, aucune parole... Personne n'avait le droit à ce genre de retrouvailles ! Surtout pas Yûgi !
« Dis-moi que tout cela n'existe pas ! Pleurais-je pour de bon. »
Non... Je n'étais qu'une bonne à rien. J'avais réuni les deux personnages d'un manga dans un amour éternel à travers le temps... Et je brisais cette union à jamais d'un coup de lance. Plus rien ne sera jamais comme avant. Plus jamais...
« Léa... Arrête... S'il te plaît... »
Ces paroles... Je les avais entendus tellement de fois autrefois. Cela venait de mon monde, celui où j'étais mariée à Christian. Cependant, Christian était libre, je lui avais rendu sa vie, il pouvait être heureux désormais.
Seto se tenait au-dessus de moi, une main m'empoignant chacun de mes bras, je ne pouvais plus bouger. Ma tête était chaude. Ce n'était pas la confusion de cette scène qui me mettait dans ces états, ni même les larmes bouillantes qui coulaient, non... Je m'étais à nouveau griffé le visage sans m'en rendre compte, je n'étais pas allée jusqu'au sang, mais quand cette transe vous prend plus rien ne pouvait vous arrêter. Seto Kaiba avait freiné mon geste en bon chevalier... Ca y est... C'était de l'inquiétude que je lisais sur son visage. Il s'en faisait pour moi.
« Tu n'es pas responsable ! Rien de tout cela ne serait arrivé si je n'avais pas été aussi con ! »
Que voulait-il dire ? Je le voyais hésiter, choisissant ses mots avec minutie, la honte se lisant sur son visage parfait. Il se mordit la lèvre avant de plonger son regard dans le mien.
« Il y a quelques mois... Mon petit frère... Mokuba. Il m'a dit que tu étais revenue. »
Que j'étais revenue ? Cela n'avait pas de sens ! Comment aurais-je pus revenir les voir alors que j'avais presque tout oublié d'eux ?
« Il m'en a fallu de peu, j'ai prévenu Jonouchi qui a finit par en parler aux autres. J'ai alors suivi cette fille blonde qui avait ton visage.
_ Ne me dit pas que c'était Edenia... Murmurais-je abbasourdie.
_ Je ne crois pas non. Quoi qu'il en soit, cette personne que nous avons suivis nous a tendu un piège, un piège pour que l'on te retrouve pour de vrai et qu'on commette l'irréparable en venant ici.
_ Parce que le Pharaon devait mourir... Finis-je dans un souffle. »
Nous comprenions en même temps. Ma perte de mémoire était un prétexte. Le Pharaon était destiné à mourir en Égypte, si je ne retrouvais pas mes souvenirs, jamais nous n'aurions mis les pieds dans ce passé qui ne nous appartenait pas et jamais tout cela ne serait arrivé !
« Mon amnésie était sa protection, murmurais-je lentement en regardant Kaiba.
_ Mais qui te protège alors ? »
Christian m'avait protégé au péril de son bonheur, plus il m'aimait et plus j'oubliais. Cependant, il ne s'agissait que d'un sortilège accompli par les protecteurs du Pharaon. Je ne devais pas oublier pour mon propre bien, mais le sien. Les passeurs avaient un rôle difficile et j'aurais sans doute mieux faire de mourir.
Mourir... Pour protéger le roi...
Le roi est mort.
Vive la Reine.
[*] Festival du Joyeux Orgueil (Gay Pride en anglais) : Référence à une parodie de StateAlchimist (créateur des Chevaliers du Zodiaque Abrégé), où il met en scène Thor qui se fait engueuler par Odin dans la vidéo MARVEL COMIQUE #5, car celui ci aurait organisé à Midgard le festival du Joyeux Orgueil.
[1] Niakoué : expression raciste envers les personnes asiatiques. Utilisé durant la guerre d'Indochine envers les Vietnamiens.
---------- NOTE DE L'AUTEUR ----------
Voilà, voilà, voilà...
Que dire de plus ?
Bon pour ceux qui ont vu GOT hier,
la bataille n'était pas aussi épique, je m'en excuse :3
J'attends vos réactions.
Sincèrement.
---------- A VENDREDI ----------
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