08 | L'éveil
C'était étrange de se marier. C'était la deuxième fois. J'avais échangé mes vœux avec Christian pour communier nos deux vies et vivre dans un bonheur, ensemble. La différence était que je l'avais épousé par amour sans pour autant le rendre heureux, alors que là, je l'épousais par obligation afin de sauver une vie ou deux.
Pegasus me détaillait de bas en haut, afin de me dire que je serais plus jolie si je ne tirais pas cette tête d'enterrement. Se prenant pour ma styliste, l'homme aux cheveux d'argent ajustait mes bretelles. Cette fois-ci, je ne ressemblais en rien à une statue en or, j'étais simplement Léa. Je portais un ensemble de tissus légers d'une douceur semblable à de la soie, mais d'une transparence déconcertante. Les bijoux royaux à ma taille et ma poitrine masquait de peu ma nudité visible, bien que ce ne fût pas mon corps, j'avais honte de déambuler comme cela devant tout le monde.
Je portais une couronne, elle entourait mon crâne et formait comme un soleil derrière ma tête. Je ressemblais à une sainte et son auréole. Pegasus me dessinait mes yeux au khôl, et les entourait de doré, mes lèvres aussi semblaient être en or, j'avais peur de faire une bêtise, mais si je le faisais, c'était pour que l'on arrête d'accuser Seto.
Si Atem devait mourir, je prendrais sa succession sans me retrouver obliger de trouver un Pharaon, mais cela était uniquement si je me trouvais mariée avec le roi. Personne ne pouvait donc accuser le prêtre de montrer sur le trône à mes côtés. Tous savaient que je refuserais catégoriquement.
« Edenia ! Fille de Gaulle ! »
Des tambours résonnèrent indiquant le rythme que je devais suivre. Je m'avançais au milieu de ce peuple. Nombreux, des regards que je croisais, me semblaient haineux, sans une once de sympathie à mon encontre. J'avais l'impression que mon ancêtre les avait fait fouetté un à un pour qu'ils me rejettent ainsi.
Atem tout de blanc vêtu m'attendait sous la statue d'Amon. Cette situation ne lui plaisait guère, Yûgi n'avait même pas le droit d'assister à la cérémonie. Même après lui avoir expliqué notre démarche maintes et maintes fois, il nous cracha qu'il n'avait jamais voulu cela et qu'il aurait aimé passer les derniers instants avec Atem au lieu que je n'aille les lui voler. Il n'avait pas tord...
« Joignez vos mains, demanda le prêtre Akunadin. »
Il s'agissait du père du véritable Seth. Kaiba avait insisté pour ne pas nous unir, trouvant cette situation grotesque. Il jurait qu'il n'avait pas besoin de cela pour être innocent.
Je pris les mains du Pharaon. Elles étaient douce, magnifiquement manucurées, d'une couleur café si délicate. Je jetais un œil derrière son épaule et je le vis, Seto. Il ne nous quittait pas des yeux, cachés derrière la foule. Merde...
« Amon et Amonet vous enveloppent de leur bras ! Saluez-les. »
Ne sachant pas comment saluer un dieu, j'imitais discrètement Atem en fermant les yeux. Le vieux prêtre posa sa paume sur nos doigts joints et récita quelques paroles quasi-semblables à celle de mon époque.
« Pharaon Atem, tu as choisi d'épouser une femme de cœur, promets de la chérir dans ton palais. Emplis son ventre, habille son dos et guérit son corps. Rends la heureuse, ainsi, toute sa vie [1].
_ Je le promets, mentit Atem trop naturellement en me faisant plonger dans le mauve de ses pupilles.
_ Edenia, fille de Gaule et princesse dorée, promets de chérir sa suprématie, de le combler et de l'aimer pour la vie. »
Seto me regardait toujours. Cependant, ce n'était pas de la haine que son regard dénonçait. Je voulais crier non, je voulais répondre à son appel... Pourquoi étais-je si persuadée que... non c'était absurde. Je ne pouvais m'empêcher de le regarder, comme si ses yeux bleus m'avait manqué depuis toute ses années. Comme si des mots n'avaient jamais été prononcés avant que l'on ne se quitte.
« Je promets de l'aimer pour la vie. »
L'héritier s'inclina. Pendant un bref instant, c'était comme si ses yeux brillaient, embués. Je n'avais cessé de le regarder. Mon corps ne tenait plus... Je sentis un bourdonnement à mon oreille, j'avais chaud.
Tu as promis de l'aimer pour la vie. Que c'est pathétique...
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J'avais froid. Je me réveillais en douceur sur un tapis de mousse végétale. Étrange... Levant mes yeux, je ne reconnus pas le décor où je me trouvais. C'était une vaste bâtisse abandonnée avec deux bassins sombres couverts de nénuphars qui barbotaient. Du lierre recouvrait les murs se mêlant aux fissures des parois.
Je me penchais vers la surface de l'eau et dévisageais mon reflet. C'était moi... Moi quand j'avais 18 ans. L'adolescente semblait me toiser aussi inquiète que je l'étais, se demandant où elle avait atterri. L'endroit n'avait nulle porte, seulement des encoches en haut des murs là où la lumière s'infiltrait, dévoilant des millions de particules poreuses.
J'étais prisonnière ? Je ne comprenais rien. L'endroit semblait apaisant mais complètement cloisonné par la végétation. Personne n'avait pu me glisser ici, je devais rêver. Pourtant, l'eau sur ma main coulait tel un ruban que je faisais zigzaguer entre mes doigts.
« C'est la chambre de votre âme. »
Amenâa venait d'apparaître. Sans que la gravité ne l'atteigne, elle était assise sur le plafond, me souriant de là-haut. Oui, je devais halluciner, cette vision me paraissait soudainement effrayante. Elle me tendit une liane pour m'inviter à la rejoindre. La plante s'enroula autour de mon bras et me fit monter plus haut que je n'aurais su le faire manuellement, nous étions face à face, nos visages tordus dans un sens contraire.
« Personne ne peut accéder à sa propre chambre, rétorquais-je. Sauf...
_ Sauf si vous n'êtes pas seule à l'intérieur. »
Elle tapota son crâne, me faisant croire que quelqu'un habitait mon esprit. Trouvant cette idée ridicule, je lui fis comprendre qu'elle avait intérêt à être un peu plus précise pour que je ne la crois de nouveau.
« Le véritable prêtre Seth a accepté la venue de sa descendance dans son corps, il ne se manifeste donc pas. Mais vous Léa... Edenia est une femme redoutable, elle ne se laisse pas apprivoiser si facilement.
_ Elle n'est pas redoutable. C'est une salope, corrigeais-je.
_ En attendant cette salope, ricana Amenâa, a reprit le contrôle. »
Non ! Cela veut dire que... C'est comme dans le manga. Dès qu'Atem prenait le contrôle de Yûgi pour lui venir en aide, le garçon se retrouvait dans un coma sans se souvenir de quoi que ce soit. Plus tard en prenant conscience qu'une autre personne l'habitait, il pouvait accéder à la chambre de l'âme du Pharaon, ou même communiquer avec lui dans le monde réel.
Edenia était réveillée. Elle était parmi mes amis en ce moment même ! Je ne sais pas de quoi elle est capable... Après tout elle avait juste fait accuser quelqu'un à tort. C'était une fauteuse de trouble, mais elle n'était pas une meurtrière pour autant. Si j'avais cette garce en face de moi, je lui broierai les jambes !
« Comment revenir à moi ? Demandais-je le cœur battant.
_ Il faut qu'elle se fatigue, murmura la médium en me touchant l'épaule. Le sommeil suffit. Rappelez-vous, vous n'êtes pas prioritaire sur ce corps. C'est le sien avant tout. »
Il fallait que je reprenne conscience, j'espère que les autres comprendront la supercherie. Si seulement je pouvais communiquer avec mon ancêtre. Je ne la connaissais pas, et je doute qu'on ait quoi que ce soit en commun hormis notre physique.
« Je vais vous aider, souria Amenâa. Je suis de votre côté. »
Au moment où elle termina cette phrase, son corps tomba dans le bassin en contrebas, elle ne reviendra pas. L'idée même de plonger dans cette eau trouble, pour la chercher, me donnait des frissons. Décidément, je n'aimais vraiment pas la flotte, encore moins depuis que j'ai failli me noyer dans ce tombeau en Égypte avec mes amis.
Je longeais les murs, réfléchissant à une idée pour prendre le dessus. Je ne dormais pas quand elle a décidé de reprendre son corps, avec un peu de volonté je pouvais tout à fait sortir, non ? Cette idée que je trouvais ridicule me rappelait à quel point, j'étais faible réellement.
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« Léa-chan ! »
Qui était ce drôle de garçon devant elle ? Il ressemblait à ce sodomite de Pharaon. Il lui tenait trop amicalement la main, elle s'en détachait d'un coup sec sans daigner lui répondre. Scrutant les lieux, elle constata qu'elle était retournée dans sa chambre. Elle portait une robe blanche semblable à celle que l'on utilisait pour...
« Je suis mariée... Constata-t-elle à voix haute. »
C'est parfait. Elle esquissa un sourire grotesque et se leva pour s'étirer. Elle avait été trop longtemps enfermée dans cette pièce close. Il était temps de reprendre le pouvoir !
« Où est Atem ? Demanda-t-elle sèchement sans regarder le garçon. »
Elle prit un tissu bleu nuit et s'en enroba. Elle était peut-être mariée, mais ce n'était pas son envie d'afficher au monde entier son amour inexistant. Traversant l'esplanade en mezzanine donnant vue sur un jardin intérieur, elle finit par apercevoir le Pharaon accompagné de ses deux gardes. Elle ne reconnut pas l'homme aux cheveux de blés plutôt charmant qui l'accompagnait.
« Ah... Cher Pharaon. »
Elle enroula ses bras autour du cou de son époux et lui déposa un long baiser aux coins des lèvres. Ses cheveux aux nuances multiples étaient si doux, elle aimait les parcourir de ses doigts pour les agripper... Les arracher.
« Mais... que fais-tu ? S'indigna-t-il.
_ Et bien quoi ? Je suis officiellement ta femme. Ce mariage se doit d'avoir un sens, non ? »
Le garçon qui la suivait de près les regarda, scandalisé par son geste. Quand elle vit les deux hommes se regarder comme si ils communiquaient avec les yeux, elle ne put s'empêcher de soupirer.
« Je vois. Tu t'es empressé de chercher quelqu'un à ton image pendant mon absence. Je dois bien t'avouer qu'il te ressemble, ce petit étranger, cracha-t-elle en regardant le jeune garçon. Ce n'est pas un peu narcissique de ta part ?
_ Qu'est ce que tu racontes ? Demanda Atem.
_ Tu te tapes ton propre reflet. Tu l'as chopé où ? En Chine ? »
Elle prit violemment l'esclave aux cheveux tricolore par le poignet et le ramena contre elle. C'était effrayant la ressemblance entre eux. Comme s'ils étaient issus de la même famille. Ce Pharaon et ses penchants homosexuels... Il la dégoûtai au plus haut point ! Pourquoi désirer une personne du même sexe ?
« Léa qu'est ce qui te prend ? »
Léa... Ah oui... Léa... le quiproquo venait de là. Cette Léa... Cette petite parasite qui venait s'incruster dans son esprit. Ils la prenaient tous pour elle, comment avait-elle put oublier ? Il fallait dire que c'était plutôt le souk pour elle dans sa tête désormais. Elle ne comprenait pas pourquoi l'image de Bakura lui revenait en tête si souvent, il ne devait plus être très frais, soit disant passant.
« Je suis désolée, mentis-t-elle en essayant de pleurer. Je ne suis plus moi-même depuis que nous sommes ici. Je ne contrôle pas ce que je dis.
_ Ne t'inquiète pas Léa-chan, rassura le gars qui s'appelait probablement Yûgi. On va tous se serrer les coudes. »
Brrr qu'elle horreur. Comment un homme pouvait transpirer autant de faiblesse ? Ce Yûgi était abjecte ! Tout comme cet enfoiré de Pharaon qui se donnait des airs supérieurs tout cela parce que papa lui avait légué le trône. Elle irait sûrement au temple ce soir pour prier Apophis [2] de les dévorer cette nuit.
De l'autre côté de l'esplanade Amenâa les observait tous les trois. Elle aimait la présence de cette femme, il était rare de croiser quelqu'un d'intelligent dans ce palais, surtout quand il s'agissait du sexe faible. Cette babylonienne était celle qui se rapprochait plus du terme relation. Edenia n'avait pas d'amis, les amis vous rendent faible et vulnérable. C'était aussi le cas de l'amour.
« Douce amie, susurra Edenia en approchant la psychopompe adossée contre la colonne peinte.
_ Navrée Edenia je ne puis vous laisser rester, annonça Amenâa contre toute attente. »
La médium tenait un bâton doré dans la main, dans un clic celui-ci se déploya pour former une longue lance aux diverses inscriptions. Edenia souriait en voyant l'objet magnifiquement gravé.
« Et bien quoi ? Vous allez me faire un petit tour de magie ?
_ On peut dire ça, murmura Amenâa. »
Elle ne vit pas le coup arriver. La brune abattit son sceptre en pleins dans le visage de la reine, elle en tomba à la renverse la bouche saignant légèrement au coin. Son regard vira brusquement dans une couleur rouge, la passeuse recula presque effrayée en voyant la femme du Pharaon rugir.
« Léa ! Que se passe-t-il bon sang ! »
Edenia surprise se retourna pour voir son sinistre mari arriver en courant dans sa direction. L'erreur fatale, la deuxième et dernière frappe d'Amenâa la plongea aussitôt dans les ténèbres. C'est ainsi que je me réveillais soudainement.
Ma bouche me faisait mal, ma nuque également... Mais si c'était le prix à payer pour revenir à moi, qu'il en soit ainsi ! Je n'allais pas laisser une reine démoniaque prendre possession de mon corps !
« Léa, s'avança brusquement la médium en se penchant vers moi, ne parlez de cela à personne, vous risquez de leur faire peur. Faites moi confiance. »
J'hochais la tête, toujours un peu sonnée et me releva lentement aidé par Yûgi et Atem. Amenâa ordonna au Pharaon de me faire rejoindre mes appartements, il s'exécuta et me traîna maladroitement tout du long du palais. On m'allongea sur le lit doré, laissant la paille me piquer le dos au travers du tissus qui l'enrobait. Fichue literie égyptienne, ils ne savaient vraiment pas ce qu'était le confort dans ce pays !
« Les gars... Appelais-je en prenant la main des deux jumeaux. Je suis désolée de tout le tord que je vous cause.
_ Léa-chan, me rassura Yûgi en se mettant à côté de moi dans le lit, tu n'as pas à t'en faire. Au contraire, nous sommes ravis de revivre une aventure à tes côtés.
_ Et puis avec des amis comme vous, susurra Atem en regardant son amant, il ne peut rien nous arriver. »
Me retrouvant au milieu des deux hommes aux cheveux tricolores, je me fis toute petite quand le Pharaon se pencha pour embrasser Yûgi dans un geste tendre et amoureux. Mon cœur battit la chamade et je priais le ciel pour que mon nez ne saigne pas, ça serait encore plus embarrassant.
« Hum Hum »
Simon Mûran avait ôté sa coiffe, il se situait dans l'encadrement, fait de mosaïques, aux mille couleurs, attendant que l'on cesse ces batifolages. Je me redressai vivement, mettant un coup de tête dans le menton respectif des deux garçons.
« Ma Reine, je ne doute pas qu'étant jeune mariée vous vous adonniez à ce genre de cocasseries, mais...
_ Ce n'est pas ce que vous croyez, bredouillais-je en remettant maladroitement ma robe. En quoi puis-je vous être utile ?
_ Le Prêtre Seth vous réclame. Je vais vous accompagner. »
Je plongeais du lit afin de mettre quelque chose de plus décent. Je trouvais un tissu sombre au ceinturon doré et noir, je voyais rarement des Égyptiens porter la nuit sur leur épaule. Pourquoi ne pas changer un peu ? Après tout, il n'y avait pas que Amenâa qui aurait le droit de mettre d'étranges robes. J'étais la reine !
Emboitant le pas de mon conseiller, je fis signe à Jonouchi, posté à l'entrée, de me suivre. Il fallait un tant soi peu d'intimité aux amants, et je connaissais la curiosité du grand blond, pas la peine d'en rajouter.
« Demain nous tiendrons une instance importante, m'annonça Simon d'un air grâve.
_ Pas des condamnations, j'espère. J'ai horreur de ça. »
Le vieil homme s'arrêta pour m'inspecter. Les mains dans le dos, ses grands yeux s'interrogeaient visiblement sur mes propos. Je déglutis un instant, ne sachant pas si j'avais commis la moindre erreur.
« Depuis quand... Commença-t-il en cherchant ses mots. Depuis quand n'aimiez vous plus cela ?
_ Je...
_ Vous avez changé ma Reine. Aucune offense dans mes propos. Je suis content, tout simplement.
_ Ouais elle est cool la Reine, ricana mon garde derrière moi.
_ Katsuya ! Ferme la. »
Il grogna avant de se redresser. Je l'aurais sans doute mal pris si l'attitude changeante d'Edenia n'avait pas été remarquée. Après tout, nous passons d'une sadique à... moi. Je n'étais pas sadique, mesquine peut-être... Mais pas sadique, non ! Je fis une grimace à mon ami avant de continuer à suivre mon conseiller.
Changée... Moi ? Qu'elle aberration !
Cette voix. Nous étions seuls dans les jardins royaux, je n'entendais que les clapotis de l'eau dût aux canards qui pataugeaient. C'était sans doute mon hôte qui pestait intérieurement, ses émotions si intenses soient-elles me parvenaient à l'esprit, j'avais peur qu'elle ne reprenne le contrôle de ce corps sans que je n'ai le temps de dire quoi que ce soit.
« Notre instance commencera à l'aube, il s'agit d'une instance économique avec Chypre.
_ Oh... Bâillai-je sachant très bien que j'allais être perdue.
_ Nous devons marchander leur ressource en cuivre et les négociations sont très serrés, poursuivi-t-il.
_ Euh.. Simon... »
Je l'arrêtais un instant, ne voulant pas non plus étaler ma scolarité en économie affligeante.
« Vous... Vous êtes issus du peuple hébraïque ? Hésitais-je avec l'unique conviction de ne pas participer au massacre d'une réunion négociatrice.
_ Oui. Je suis hébreu, rétorqua-t-il fier en mettant une main sur son cœur. Je n'ai pas honte de mon passé d'esclave pour le royaume d'Égypte.
_ Ah... Euh... Balbutiais-je en regardant le ciel. Donc vous êtes sûrement plus enclin à mener cette réunion financière, enfin vous êtes plus compétent que moi.
_ Êtes vous en train de dire que... s'étonna-t-il avec des yeux ronds. Que parce que je suis juif, je saurais forcément mieux gérer les finances de notre beau pays ? »
Je me rendis soudainement compte que ce que j'avais dit était complètement cliché. Un cliché qui tenait limite du propos raciste. Ce n'est pas parce que j'occupais le corps de la femme d'Hitler que je devais me comporter comme cet homme ! Ou alors venais-je de créer la première blague antisémite de toute l'histoire des Juifs ? Que quelqu'un me tue. N'importe qui !
C'est qui ça, Hitler ? Il m'a l'air d'être un chouette type !
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« Ça te fait quoi d'être mariée Châtel ? »
Seto essora un tissu humide avant de l'appliquer sur les bras réconfortant de la déesse Hathor. Je tenais la coupe d'eau parfumée et le regardais faire. Une musique accompagnait le moindre de ses gestes comme si une radio était allumée au loin du temps. N'étant pas le cas, je remerciais le musicien caché pour rendre ce moment encore plus... tendre.
« Pas grand-chose... Tu sais très bien que je l'ai fait pour toi.
_ Je n'ai pas besoin que l'on prenne ma défense. C'est humiliant. »
Il se mit à genoux comme pour illustrer ses propos et massa langoureusement la jambe de la statue avec le chiffon. Le voir ainsi enlacer la cuisse de la déesse de l'amour me donnait des frissons. Je voulais regarder ailleurs, mais ses yeux ne me lâchaient plus.
« Je n'ai pas besoin qu'une petite blonde m'apporte la moindre aide, articula-t-il en nettoyant les orteils de la femme-vache [3]. j'ai toujours su me débrouiller par moi-même et...
_ Et alors ? Le coupais-je en m'accroupissant à ses côtés. Pour une fois, essaye de faire confiance aux autres. Tu peux te laisser aller avec moi Kaiba. »
L'héritier s'arrêta un bref instant avant de glisser jusqu'à l'entrejambe de l'idole en pierre. Dans un râle, il atteignit difficilement son but. Le pourpre me monta aux joues.
« Ca suffit, arrête ça un peu ! »
Je pris son tissu et le jetai dans ma coupelle d'eau. Même quand il faisait le ménage il était diablement séduisant, c'est pas croyable ça ! Je me répétais mes propres mots dans mon esprit avant de conclure que c'était peut-être un peu trop chevaleresque de ma part.
Le manga décrivait Seto Kaiba comme un personnage arrogant, riche, puissant, égocentrique et tous les adjectifs lié aux péchés capitaux. L'envie, la cupidité et l'avarice. Cependant, je le savais que Seto avait une histoire développée plus profondément que ce que l'auteur laissait prétendre.
« Qu'est-ce qui t'es arrivé durant toutes ces années, demandais-je sombrement. »
Il pesta avant de se lever brusquement, laissant sa cape derrière lui, je le suivais à tâtons, évitant de justesse ce qu'il avait fait tomber. Seto croisa les bras et en me tournant le dos se posait sur le bord de la balconnière. Sans un mot, je l'imitais et posai mes coudes sur le rebord de l'allée extérieure. Nous regardâmes le coucher de soleil, comme si l'immense étoile de feu dansait au loin lentement pour se blottir au fond du Nil. Les couleurs chatoyantes du ciel se mélangeaient à merveille dans une immense aquarelle, je voyais les hérons se balader au bord de l'immense rivière, les crocodiles les observer de loin, impassibles.
« Tu sais ce qui m'a fait le plus mal quand je t'ai revu ? Me demanda Seto d'une voix défaillante. »
Je fis non de la tête, le cœur battant, ma main proche de la sienne.
« Pendant treize ans, je me suis imaginé tout un tas de scénario pour le jour où on se reverrait. Mais je n'avais jamais songé à un seul instant que tu me regarderais comme un vulgaire inconnu.
_ Seto...
_ Alors que tout ce que je voulais... »
Il se frotta les avants bras et pendant un instant, je me disais que les marques qu'il s'était faites m'étaient destinée. Non... Je ne le voulais pas. Je ne voulais pas faire souffrir encore quelqu'un.
« Je voulais te serrer dans mes bras. Car je n'avais pas osé le faire avant que l'on se quitte ! »
Il regarda au loin, un léger reniflement indésiré qui me faisait chavirer, j'avais vraiment l'impression qu'il voulait pleurer. Seto... Il est vrai que ce n'était que des mots pour notre au revoir, des mots, un regard fuyant puis tu avais crié mon nom au fond de ce couloir... Ce cri, je l'avais entendu même dans mon monde. Il me réveillait la nuit, il me déchirait la poitrine.
« Je suis désolée Seto.
_ Tu n'as pas à l'être Châtel, persifla-t-il sans me regarder. Ne le dis à personne, c'est tout.
_ Je ne dirais rien, rien comme je n'ai rien dis pour tes bras. »
Il grinça des dents en couvrant les bras intacts de son hôte. Je lui pris les mains, bravant l'interdit. Le soleil couchant se reflétait sur les dorures de nos vêtements, dans un faux-jour incandescent, j'avais l'impression que notre proximité nous illuminait.
« Quand j'ai perdu la mémoire, on a fait de mon histoire un spectacle. J'ai gagné beaucoup d'argent pour qu'on m'interroge, qu'on fasse un reportage et un film sur moi. Mais je ne supportais pas que l'on s'approprie un passé dont je connaissais plus l'existence.
_ Comment as-tu fait pour tenir ? Marmonna-t-il en regardant mes doigts.
_ Je ne l'ai pas fais. Je me frappais le visage pensant qu'un jour tout reviendrait grâce à un choc. J'ai sauté d'un pont et hormis de multiples fractures rien ne m'est revenu. J'étais livrée à moi-même. Puis j'ai connu mon ancien mari... »
Prononcer les mots ancien mari pour parler de Christian m'attristait. Mais c'était une réalité à laquelle je devais m'accrocher pour ne pas perdre pied. Je l'ai abandonné pour qu'il soit heureux sans moi, je lui avais gâché bien assez de sa vie comme ça.
« Pour chaque douleur mentale, une douleur physique s'imposait. Je prenais tout ce qui passait et je me le gravais. Christian m'a épaulé, il n'a jamais cessé de m'en empêcher. Puis on s'est marié, je suis tombée enceinte... l'avenir nous souriait enfin.
_ Je... je ne savais pas que tu avais un...
_ Non Seto. Le bébé était mort-né. Les médecins nous ont annoncé que j'ai eu de la chance de pouvoir garder un enfant jusque-là dans mon ventre car... reniflais-je en faisant couler mon khôl sur mes joues. Car j'étais incapable de donner la vie. Depuis mon retour en Égypte tout mon corps était mort ! »
Avant que je ne dise quoi que ce soit, le prêtre me prit contre son torse. Son étreinte me fit pleurer de plus belle, je n'arrivais plus à me contenir. Je n'avais servi à rien, dans mon monde, je n'étais qu'un être humain sans but. C'est comme ça que je me sentais... Je n'étais qu'un morceau de chair empilé sur quelques os fragiles. Je n'étais rien.
« 6254 jours... Souffla Seto à mon oreille. Chaque jour, je l'écrivais. Chaque jour sans toi Léa. »
Je le regardais droit dans les yeux, mes pupilles rougis par les larmes acides qui coulaient sur mes pommettes. 6254 jours... C'était de la folie. Alors il n'y avait pas que ses bras qui était lacérés ?
« Léa... On nous redonne une deuxième chance. »
Il s'était penché vers moi, le regard troublé, envoûté tout autant que je l'étais. Je tremblais de partout. Je ne voulais que répondre à ce baiser, je transpirais, haletante... Je...
« Pas pour tout de suite mon coco. »
Le prêtre Seth recula aussitôt en découvrant l'expression changeante de Léa. La tristesse et la fragilité s'étaient aussitôt évaporées, ne laissant place qu'à un sourire machiavélique. Edenia observa son reflet au travers de l'un de ses bijoux parfaitement lustré. Elle rouspéta sur sa locataire, lui reprochant d'être trop sentimentale.
« Aller... Fait pas la tête, minauda-t-elle. Tu auras d'autres moment pour conclure.
_ Tss... Alors c'est toi... Edenia.
_ Pour vous servir, rigola-t-elle en s'inclinant. »
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Simon Muran se leva en sursaut quand il sentit quelque chose lui caresser le visage. Il ne saurait dire s'il préférait se faire réveiller par un serpent rampant entre ses jambes plutôt que par le beau visage de la Reine Gauloise.
« Ma Reine... Vous m'avez fait peur. Avez-vous besoin de quelque chose ? »
La femme blonde plongea une main dans son décolleté et sans crier gare, abattit son poing sur le torse du vieillard. La lame d'une dague s'enfonça à plusieurs reprises dans sa poitrine charnue, Edenia enjamba le conseiller pour l'empêcher de bouger.
« Vous trouvez toujours que j'ai changé Simon ? Ria-t-elle à gorge déployée. »
Quand la pointe perfora l'un de ses poumons, Simon ne put même pas crier, son souffle coupé, il se raidit, mort avec le visage du diable à jamais gravé sur sa rétine. La Reine dorée poussa le corps du vieil homme et essuya le sang sur la toile du lit. Les poils de ses bras se hérissèrent, elle ne saurait pas dire si c'était sa locataire ou sa propre excitation qui lui faisait ça. Mais elle était certaine d'une chose.
C'était vraiment une sensation délicieuse...
[1] Il s'agit grossomodo des voeux de mariages prononcés en Egypte antique. Cela a été découvert et retranscris par les égyptologue.
[2] Apophis : Il s'agit du serpent maléfique dévoreur de soleil. C'est le dieu égyptien du chaos et du mal, qui chaque nuit se bat contre les divinités, voulant plonger l'égypte dans les ténèbres.
[3] Déesse Vache (HATHOR) : Tantôt représenté sous les traits d'une vache, ou sous les traits d'une femme aux longues cornes, Hathor est la déesse de l'amour et aussi celle qui aime les gens au delà de la mort.
---------- NOTE DE L'AUTEUR ----------
Ca y est... Le réveil de la bête !
L'ancêtre de Léa débarque, plus féroce que jamais !
Que croyez-vous que cela va engendrer ?
J'attends vos commentaires :3
PS : Les propos antisémites n'appartiennent qu'à Edenia.
Je ne suis pas homophobe ou raciste, loin de là ;)
C'est le personnage qui est comme ça !
--- A LA SEMAINE PROCHAINE ! ---
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