✖ ÉPILOGUE ✖
« Tu es venu... »
Il était magnifique. Il avait couru pour venir jusque en haut de mon hôtel, j'occupais une chambre minuscule situé au vingtième étage, l'ascenseur cassé, j'étais la seule du palier décidé à rester à cette hauteur. Montréal était la plus belle ville la nuit quand on se trouvait aussi haut.
Lui, c'était mon amant. Christian. Il m'aimait malgré ces êvenements passés, faisant de moi cette pauvre fille qu'on reconnaissait dans la rue... Malgré nos contrastes, malgré le fait que je ne m'attachais désormais plus à personne...Je croyais tomber enfin amoureuse.
C'était un challenge que je me donnais, un défi qui me permettait d'oublier mon retour fracassant en France il y a de cela cinq ans. Il fallait que je me change les idées... Quitte à briser le cœur d'un être aussi doux que lui, tout ce que je voulais c'était tirer un trait.
Mais j'étais amoureuse... Dévoré par ma mémoire effacé certes. Mais j'éprouvais enfin un sentiment humain.
« Oui... Je suis là... Souriait-t-il penaud en haussant les épaules un sac à ses pieds. »
Je me blottissais contre lui, respirant son parfum d'homme, aimant sentir ses grandes mains au creux de mon dos... Il ne devait être qu'un simple pari, et le voici là au pas de ma porte, haletant après avoir grimpé avec hâte ses nombreuses marches. Il m'avait rejoint à Montréal, quittant sa famille, ses amis. Il m'avait rejoint moi, l'amnésique.
Mais il m'aimait. Il me l'avait soufflé au creux de l'oreille, j'avais rougis timidement. Il m'avait arraché mon premier sourire depuis un certain temps... Le premier sourire après ces longues années de pleurs et de tremblements.
« Il faut que je te montre ! »
Le prenant par la main, me retenant de lui sauter dessus avec sauvagerie, je l'entrainais sur mon minuscule balcon, happé par le froid d'un mois de Mars au Canada.
La ville resplendissait, comme à son habitude je ne me lassais jamais d'une telle vue à minuit de cette cité aux milles lumières. M'enlaçant la taille, ce garçon qui sacrifiait une partie de sa vie pour vivre à mes côtés, m'embrassa le cou, timidement, puis beaucoup plus convaincant, passionné.
« Parle-moi...
_ De quoi ? Soufflais-je toujours sensible à la moindre de ses caresses.
_ Tu as un petit accent... C'est trop mignon. »
Je me retournais pour agripper violement son visage, il recula, trébuchant contre mon lit, je me laissais tomber sur lui, enivré par ce baiser. Un vent s'engouffra dans la pièce, mais nous n'avions pas froid. Nous n'aurions pas froid de toute la nuit.
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Oubliée, délaissée par la moitié de ceux ou celles que je croyais être des amis, des proches... Je suis seule, seule à errer dans l'espoir de recouvrer ne serais-ce qu'une seconde de ses deux années d'absence. Rien qu'un souvenir... Personne... Je dis bien personne ne souhaite être le camarade de cette amnésique boiteuse qui ne réponds même plus à son propre nom !
Je me suis toujours moqué de ceux qui se situaient en dépression. Maintenant que j'y goute, la plaisanterie n'est plus au rendez vous. Les ombres... Elles m'engloutissent. Elles, me paraissant si familières.
Un indice. Un seul. Ses boucles d'oreilles semblant dater d'une autre époque. Deux oiseaux royaux, les ailes déployés soulignant les courbes de mon visage amaigris. L'émission, héritière d'un certain show Enquête Impossible, avait relevé ce détail comme primordial. Je n'avais aucune idée d'où venaient ses bijoux... J'attendais patiemment l'argent promis du propriétaire de ses enquêtes télévisées. Même ça. Même ca ne me satisfaisait guère.
J'étais devenue l'adolescente qui avait survécue à la malédiction des Pharaons. Car oui... On s'était empressé de faire le lien entre la tombe maudite et ma venue en son sein. Les médias ne savaient plus quoi inventer... Mais au moins ils avaient de l'argent.
« Tu es la fille de Joséphine Châtel ? Je ne savais pas qu'elle avait une fille aussi grande. »
Comme tous les autres, ce jeune homme là me connaissait autrement que par mon lien de parenté avec cette fameuse Joséphine. Mais lui, il ne m'avait pas posé de questions. Il n'avait pas été curieux. Lui c'est Christian. 24 ans, mignon, sans doute déjà en couple, mais je m'en fichait. Il me rassurait, était attentif à mes dires et semblait s'intéresser à moi pour autre chose. Pas parce que j'étais la gamine qui était passé à la télé.
Un mail. Un seul. Nous nous sommes retrouvés. Il me félicitait pour ma réussite au Bac. Il n'avait pas dit que j'étais courageuse de poursuivre mes études malgré mon passé. Non. Il m'avait simplement félicité. Ce fut mon premier sourire.
J'amasse de l'argent, on fait un article, puis deux... une dizaines de magazine diffuse mon histoire et les indices inexistants de mon retour en France. Je peux enfin me payer les études que je désirais. Malgré tout... Il y avait ce manque.
Je me résigne à acheter une de ses cannes destiné aux personnes souffrant de je ne sais quel mal être. Me voici comparé au Docteur de la première chaine publique française. Je préfère cette allusion à celle d'autrefois. Et pourtant... Plus les regards voyeurs sur ma personne se font rares... plus je cris la nuit suite à mes nombreux cauchemars.
Seigneur... j'ais commis un péché. Mais n'ais-je pas le droit de rire, de passer du temps dans les bras d'un homme ? Pourquoi devrais-je sacrifier mon existence à ces pleurs ininterrompus ? Pourquoi serait-ce toujours à moi de souffrir ?
Voilà quatre ans que j'étudie, deux ans que je suis sa petite amie. Je pensais oublier... En vain...
2019. Un léger accent québécois au bout des lèvres, une brillante carrière en perspective dans l'animation, je comptais partir au Japon un jour au l'autre. Persuadée du moins que j'en maitrisais la quasi-totalité du langage. Non, c'était une évidence. Je parlais Japonais aisément sans l'ombre d'un doute.
Warui Onna...
J'ouvris les yeux, le radio réveil indiquait trois heures passés. Me tournant vers mon amant, je constatais être la seule à avoir entendu cette voix. Il dormait paisiblement, une main calé contre ma hanche, avec une petite respiration trop apaisé. Sortant du lit, je pris ma béquille, et me leva pour atteindre la seconde pièce qui ne faisait pas plus de deux mètres carrés, me servant également de kitchenette. C'est là que je travaillais.
Mes planches à dessins éparpillés sur le bureau, la fenêtre entrouverte. J'allumais discrètement le lampion mural et partit fermer les volets.
- Vous avez déjà consulté quelqu'un ?
- Ca doit être la première fois...
Les boucles d'oreilles en or brillaient sur la table, je tendis un bras pour les attraper.
- Vous vous sentez seule... Pourtant vous êtes entouré...
- Tout se cache derrière ce que j'ais oublié.
Scintillantes, les bijoux dégageaient une incroyable énergie. Je les portais sans arrêt, persuadées que celle-ci allaient m'aider à me souvenir.
- La clef se trouve dans votre mémoire.
- Il y avait un garçon...
Il y avait un garçon. Dans les rues, il était là, sans que personne ne puisse le voir, il était là. Une casquette rabattu sur ses cheveux, il mâchait son chewing-gum machinalement, dès que nos regards se croisaient, il souriait, puis disparaissait. Des cheveux blancs comme neige, une impression de déjà vu, il semblait toujours être présent, non loin de moi.
M'apprêtant à retourner au lit, je me retournais et brusquement sursauta face à l'individu qui se tenait debout au milieu de la minuscule pièce. Je ne pus pousser le moindre cri, la peur m'empêchait de faire le moindre mouvement, j'étais tétanisé.
« Salut... »
Sa voix était si lointaine, il était juste là, pourtant sa présence ne paraissait plus avoir lieu d'être. Il était grand, une chemise blanche sur sa peau halé, un pantalon de toile simple, son regard sombre me toisait, semblant me pénétrer de part et d'autre. Et ses cheveux.... Un souvenir...
« Warui Onna ...
_ N'approche pas ! »
J'avais bondis sur le tiroir, l'ouvrant d'un coup et tendant ce révolver face à moi. Vautrée à terre, mes jambes supportaient mal mon poids depuis cinq ans.
« C'est pas une chose que je te conseille de faire...
_ C... Casse-toi ! Ou je tire ! »
Il ne leva pas les bras, jetant un coup d'œil à Christian dormant paisiblement derrière lui. Grimaçant il me fixa de nouveau prêt à dire une parole destiné à m'apaiser. Paranoïaque, je décidais de passer mon permis pour le port d'armes. Je me sentais à l'aise avec l'une de ses armes à feux dans mon sac à main. Dangereuse, mais détendue.
« Ton copain va s'en prendre une si jamais tu fais la connerie de tirer. Où est-ce que tu as dégoté ça ?
_ Chez le Droguiste du coin... Niaisais-je en me relevant le bras toujours tendue vers sa poitrine.
_ Repose ça...
_ T'es qui ? Réponds ! »
Je le connaissais. C'était ce garçon.
« Calme-toi Warui Onna. Je suis là... pour t'aider. »
Mon bras perdit toute force, abaissant le canon de l'arme que je tenais au bout de mes doigts tremblant, je la fis tomber. M'aider ? Qui pouvait s'en sentir encore capable ? Qui pouvait encore s'annoncer comme détenteur de ma mémoire ?
Il s'approcha doucement, sa main près de mon épaule, il l'effleura sans que je ne sente sa peau contre la mienne. Me prenant la main dans une immatérialité qui aurait dut m'effrayer, je le regardais faire sans un mot.
« Tu vois... Je ne suis pas matériel.
_ Qui es-tu... Murmurais-je.
_ Fais un effort. »
Ses traits, durs, dut à des nombreuses années de mépris, un regard froid ayant connus si je l'ose ... La mort. De grands bras basanés, des veines saillantes sur ses muscles développés, et cette chevelure. Mis longue, blanche ... Salis par un gris argenté. Il semblait irréel.
« Bak... »
Il souriait. Non... C'était impossible. Et pourtant... Cela résonnait comme une vérité inavouable. Il était ce gars... Ce gars dans mes bandes dessinées...
« Bakura... Lui-même.
_ Serais-ce possible ? Soufflais-je en tendant une main vers son visage fantomatique.
_ Tout est possible... »
Je m'étais promis de me jeter sur n'importe quelles explications. De prendre ce qu'on me donnait. Je voulais même qu'on me mente pour que je puisse enfin dormir tranquille. Je voulais savoir ! Mais pourquoi le portrait craché d'un héros de manga se dessinait sous mes yeux ? Pourquoi me paraissait-il comme la pièce du puzzle que je n'arrivais pas à finir ?
« Tu as traversé ce couloir ... Un type t'a amené au Japon et c'est là bas que tu as vécue. Tu as fais la connaissance de beaucoup de personnes... Y comprit moi. »
C'était impensable. Il ne pouvait dire la vérité. Seulement deux ans... Cela justifierait le fait que je parle si couramment japonais. J'étais sans doute en train de rêver. Bakura, le personnage machiavélique d'une de mes séries préféré, est debout face à moi, entrain de répondre aux questions qui m'occupaient l'esprit depuis presque cinq ans.
« Tu étais là bas dans le but d'accomplir une certaine mission... Et tu as réussis ! Seulement on t'a piégé... De retour chez toi, ce Shadi t'a effacé toute ta mémoire et... Tsss... L'enflure.
_ Shadi ? »
Il y avait un homme avec une longue cape. Il portait une croix Ankh à son cou. Ses yeux océans sans vie... Oui je me souvenais. Il m'avait dit pour le couloir des ombres. De ses propres mots il m'avait défendu d'y aller sous prétexte d'une malédiction. Il lui ressemblait tellement... Non... C'était Shadi. C'était impossible à imaginer.
« Tu es allée chez Yûgi Mûto... Continua-t-il dans ses âneries. Tu es resté deux ans là bas...
_ Stop, stop ! Le coupais-je en secouant les mains. Yûgi Mûto ?
_ Un gamin pas plus grand que toi. Tu as recrée l'histoire Léa... Tu étais la personne destiné à changer la vie des personnes vivant dans ce monde. Le monde de Yu-Gi-Oh !... »
Nous y voilà. Le moment clair et net, celui où je me devais de me réveiller. Cet instant me claironnant qu'il était temps pour moi de mettre fin à cette rêverie absurde. Tout cela allait trop loin. Je me faisais de fausses idées. Même mes rêves se plaisaient à rire de ma situation.
« Ce n'est pas drôle... Fiche moi la paix... »
J'allais retourner vers mon lit, tournant le dos à l'esprit. Lorsque cette voix me parla dans un dialecte si familier...
« Ria Chateru... Ria-chan. C'est sous prononciation que nous t'avons tous appelé. Certains sons n'ont pas lieu d'être au Japon. Tu t'es habitué à ce qu'on t'appelle de la sorte. Durant deux ans, deux ans que tu oublies ton vrai nom. Tu étais Léa Chan. Pas étonnant qu'à ton retour en France certaines syllabes ne te faisaient plus le même effet. »
Il avait raison. Mon prénom et mon nom... Mon identité n'était plus. Léa-Chan... Une autre pièce du puzzle... J'étais donc vraiment allée au Japon.
« Et... Et pour mes jambes...
_ Plus d'une année et demie de fauteuil roulant. Tu tardais dans ta mission. Tu perdais toutes tes forces, tu t'amaigrissais pour ne plus tenir debout. »
Mon visage. Mes joues étaient creusées comparé à ce à quoi je ressemblais auparavant. Je ne faisais plus que quarante et quelques... Soit une quinzaine de kilos en moins avant mon entrée dans ce tunnel.
« Cette mission... C'était quoi... ?
_ Oh ça... »
Il toucha du pied, un carton où je rangeais un bon nombre de mes affaires me rappelant que j'étais encore une gamine. Des peluches, des chiffons de couleurs, des dessins animé, des mangas... Des objets qui n'arrivaient même plus à me faire esquisser un sourire.
« Tu devais ... hum... Réunir le gamin et le Pharaon dans une sorte de couple.
_ C'est absurde.
_ Absurde ouais... mais tu l'as fait. Et ne pas y arriver à faillit te couter la vie. Mais je sais que tu ne me crois pas de toute façon... Tu ne penses qu'à une chose...
_ Me réveiller.
_ C'est bien ce qui me semblait. »
Compréhensif il n'ajouta pas un mot. Ces paroles sortaient avec une telle sincérité. Une sincérité qui ne collait pas à l'impossibilité de ses propos. Pourquoi devrais-je croire sur parole un gars justifiant mon absence par le fait que je serais apparemment tombé dans le monde de Yu-Gi-Oh ! ?
Les boucles d'oreilles sur la table commençaient à perdre de leur éclat, je voyais le visage de ce prétendu Bakura disparaitre peu à peu. Cela me semblait impensable et pourtant...
« Attends ! Et ça ? D'où ca vient ?
_ C'est un cadeau... Une promesse.
_ Une promesse ?
_ Que je serais toujours à tes côtés. Et je le suis grâce à ça. Je ne t'ais jamais abandonné Léa, jamais. Crois moi que ca me fait mal... Mal de ne pas avoir put venir te parler plus tôt... D'avoir attendu si longtemps... mais je n'avais pas encore assez de force. Une partie de mon âme est là... Avec toi. »
Je serrais les bijoux contre mon cœur. Ce garçon. Ce garçon à la casquette. C'était lui. Il ne me quittait pas, il veillait sur moi. Je peinais à le croire. Non ce n'était qu'un rêve. Quand je serais éveillée je n'aurais plus à penser à tout ça. Je risquerais de pleurer, pensant que tout ceci aurait put être vrai. Christian va me détester... Je suis trop souvent triste.
« Je vais partir...
_ Déjà ?
_ Oui mais... Avant cela. Je voudrais que tu fasses quelque chose avant de te réveiller. »
Il m'invita à griffonner des propos sans sens sur un bout de papier. De le glisser sous mon oreiller et de patienter à l'aube avant d'y prêter la moindre attention. Il n'était plus qu'une ombre, il s'évaporait dans l'obscurité de la chambre d'hôtel. Je tendis une main vers lui, voulant serrer ses doigts entre les miens... Ce souvenir... je voulais tant qu'il soit vrai.
« Adieu... Warui Onna. »
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« Attends ! »
Les doigts crispés sur une poigne invisible. La matinée illuminait la petite pièce qui me servait de perchoir dans la ville Canadienne. Mon cœur battait à toute vitesse. Cette conversation nocturne me paraissait si réelle, si réelle que je ne pus m'empêcher de passer un bras sous mon coussin de fortune. Je voulais vérifier le moindre papier, le moindre bout de journal qui aurait put se trouver là... Savoir ce qui était écris.
Il n'y avait rien.
Une mission. Un piège. Tout ce vide s'éclaircissait soudainement... Les contours se faisaient plus nets. Je l'entendais me murmurer que j'avais conclus un pacte. Ce pacte brisé me donnerait la mort, mais ma réussite m'aurait fait oublier... Pourquoi m'inventais-je tout cela ?
« Bonjour mademoiselle, chantonna une voix prêt de mon lit. »
Je tombais à la renverse en voyant mon amant, un plateau décoré d'un somptueux petit déjeuner au bout des bras. Christian toujours pleins d'attention, posa la merveille sur mes draps. Me frottant les yeux, je fus déçue de ne pas trouver à sa place un quelconque voleur. Il fallait que je me le sorte de la tête. Ces images n'étaient qu'un simple rêve trop aguicheur.
« Tu as bien dormis ? Je t'ais trouvé un peu agitée...
_ Ca n'est surement pas la première fois, baillais-je en marmonnant un désolé sincère. J'ais parlé ?
_ Non, non ne t'en fais pas... par contre... Tu as écris quelque chose sur le chevet. »
Ses yeux clairs se dirigèrent vers la petite commode en bois bloquée entre mon lit et le mur. Me délivrant du repas, il souleva le plateau afin que je puisse observer ces étranges graffitis qui ressemblaient à mon écriture. Ecriture de mes plus beaux moments de sommeil.
x- Regarder dans la doublure du petit sac bandoulière
x- Lire dernier chapitre du tome 38
Penché par-dessus mon épaule Christian regarda ces indications indéniablement étranges. Grattant ma courte chevelure négligemment, je proposais à mon amant de petit déjeuner avant que l'envie nous en manque.
Une douce musique dut à un vieux vinyle tournant sans relâche, j'avais du mal à avaler la moindre bouché de cette délicieuse brioche. Tout me semblait si amer et pour la première fois, les regards tendre de mon homme ne représentait plus cette importance auquel j'accordais toute mon attention. Je ne pensais qu'à cet ordre venu de la nuit. Que se cachait-il dans ce sac ? Un sac bandoulière... Je n'en avais pas qu'un mais je savais très bien duquel il s'agissait. Celui qui m'avait accompagné avant et après ma disparition. Une vérité s'y cachait.
« Léa... Jettes y un œil. Je vais débarrasser. »
Intervenant à la moindre de mes réactions, Christian était un jeune homme qui prenait soin des siens. Quand quelque chose n'allait pas, il le voyait, il devinait... Il ne cherchait pas à comprendre pourquoi, ni comment... Il aidait cette personne c'est tout. C'était ce sac là qu'il m'avait tendu. Il y avait encore des grains de sables à l'intérieur.
Les mains tremblantes, je vidais de parts et d'autres les objets qui étaient restés à l'intérieur, entre les mailles de ce sombre tissu synthétique. Des cartes Yu-Gi-Oh !, un bout de feuille écrit en japonais, encore du sable... Mes doigts se faufilèrent à l'intérieur de la sacoche, tâtant les bords de ma vieille besace jusqu'à que...
Je bondis de mon lit, prête à tomber, me dirigeant vers la cuisine/bureau. Ayant toujours autant de mal à marcher précipitamment, Christian ne tarda pas à se retourner inquiet, me priant de retourner m'assoir.
« J'dois prendre un couteau... Quelque chose qui coupe. »
Il y avait quelque chose. Dans ce sac. Je l'avais senti. Je retombais sur mon édredon et déchira l'étoffe me séparant de cette pièce de puzzle. Les dents du couvert découpèrent mal l'intérieur de l'accessoire de mode, mais je pus glisser mon index et mon majeure afin de récupérer ce qui pouvait bien s'y cacher.
Tout bascula. Absolument tout.
Une main devant la bouche, le regard horrifié. Je n'étais plus... J'avais quitté ce qui me restait de lucidité. Cette nuit... Ce n'était pas un rêve. Cette photographie le prouvait. Tout cela avait vraiment existé. J'y étais !
« Léa ca va ? »
Je pleurais. Sur le polaroïd, j'étais au milieu de ces adolescents, souriante, radieuse, heureuse. L'uniforme japonais sur le dos, mes amis autour, j'y étais. Yûgi Mûto, Hiroto Honda, Anzu Masaki, Katsuya Jono-uchi et Miho Nosaka... Et au milieu. Moi.
« C'est... C'est pas possible. »
Cette vérité n'était pas acceptable, je ne pouvais être là au milieu de ces personnes. La photo en était la preuve pourtant. Que faisait Léa Châtel au centre de ces protagonistes de manga ? Ce n'était pas sa place !
Que voulait-on me dire ? Que c'était là bas ? Que c'était à Domino City que j'avais vécue durant ces deux années d'absentéisme ?
Ai Cheeze !
Sursautant, je fermais les yeux aussitôt, plongeant ma tête sur mes jambes repliées contre ma poitrine. Un flash. A l'aide... Que quelqu'un me retire de cet immense vide. Je veux tellement... Tellement me souvenir... Pitié... Pourquoi se joue-t-on de moi de la sorte ? Je voudrais tellement vivre normalement... Pas avec ce poids sans nom sur les épaules. Pitié...
☥
Un baiser volé, j'assurais de ne pas être tard ce soir. Dans l'escalier, je glissais le long de la rampe peu motivée pour descendre toutes ses marches une à une. Chose dont j'avais pris l'habitude, les rares voisins des hauts étages n'accordaient plus la moindre importance au fait que je descende de mon immeuble d'une manière aussi saugrenue.
La deuxième indication me conseillait de jeter un œil au tome 38 et en particulier le dernier chapitre. De mémoire, je ne connaissais qu'un seul ouvrage me concernant qui atteignait un tel numéro. Seulement, je n'avais pas apporté ma collection complète de la série Yu-Gi-Oh !... Il y avait donc cette grande bibliothèque, la plus vieille de Montreal. Atwater Library. Je m'y rendais d'un pas rapide mais maladroit. Prête à témoigner que ceci n'était qu'une méprise.
Je ne sais pas d'où sortait cette photo. Je ne pouvais deviner s'il s'agissait de très bon cosplayeurs*, de bon acteurs... Quand avais-je porté un tel uniforme... Je voulais prouver au monde entier qu'une photographie ne me ferra pas changer d'avis.
« Hey Léa ? Comment qu'ça va ? »
Je ne m'attendais pas à tomber sur Victoria. A l'âge de 16 ans je m'amusais à communiquer via l'Internet avec des personnes de diverses nationalités. Cette dernière de deux ans ma cadette, fut l'une des rares personnes à ne pas me rejeter après « l'accident Egypte ». Québécoise, elle m'hébergea un temps chez elle durant mes deux premiers mois de stage, j'étais heureuse de pouvoir compter sur elle.
« Bien sur qu'on a des mangas ici ! Attends j'vais t'montrer ça. »
Faisant deux têtes de plus que moi, un visage rond, les cheveux mis long châtains, de petites yeux noisettes lui donnant un air toujours amusé, c'était une amie sur qui je pouvais compter. Elle m'avait appris les uses et coutumes de son pays, ainsi que les diverses expressions propres au Québec.
« Bon v'là ... Me désigna-t-elle de son franc accent. Par contre je ne peux pas rester avec toi, j'ai ce fucking dossier à la con qui m'fait ass** ! Je te racontes même pas ! »
Victoria ne se rendait même plus compte qu'elle était dans une bibliothèque, parlant suffisamment fort pour que tous les regards se tournent vers elle, la jeune femme me laissa en plan enchainant de nombreux jurons sur ses devoirs. C'était grâce à des personnes comme elle et Christian que je tenais le coup finalement. Pas comme mes parents qui avaient toujours eu tendance à dramatiser sur ma situation. Quand à ma grand-mère... Elle m'avait rayé de sa liste de contact. Je lui faisais sans doute trop mauvaise publicité.
« Yotsuba... Young GTO... Ah ! Yu-Gi-Oh ! »
Avec chance il ne restait que les quatre derniers tomes. Je fus heureuse de constater que Victoria m'ait conduit dans un rayon francophone. L'ouvrage entre les mains, je me laissais tomber dans un somptueux fauteuil de cuir. Croisant les jambes j'hésitais à ouvrir le manga. Un morceau de papier y était glissé. Vierge. Fronçant les sourcils, je regardais où le précédent lecteur s'était arrêté.
L'ami... il avait deviné ce que j'allais utiliser...
Il m'a surpassé...
Ah. C'est ce fameux moment où Yûgi termine le duel en mettant les points du Pharaon à zéro. Pourquoi s'être arrêté en si bon chemin dans cette lecture ? Je laissais mon regard parcourir, agars, les pages de la série. Seulement une chose m'intrigua. Je n'avais pas souvenirs que...
« Il a perdu ? »
Le cœur battant, je rebroussais chemin dans ma lecture. Ce n'était pas possible ! Et pourtant Kazuki Takahashi avait dessiné cette scène... Les deux héros face à face, dans un score serré, mais Yûgi était le perdant... Il n'avait pas remporté le duel. Il avait perdu, ce qui était loin d'être le cas dans mes souvenirs !
Je tournais le manga dans tout les sens. Je voulais voir s'il y avait écrit fin alternative, quelque chose de raisonnable, mais pas cette fin qui ne collait pas à l'histoire. Pourtant c'était dessiné, les murs du temple se refermaient sur la lumière, Atem était toujours là, victorieux, le sourire aux lèvres. Cela me paraissait si absurde, mais tellement familier.
Mon cœur battait la chamade. J'avais l'impression de vivre la moindre ligne de lecture, la vérité était là au grand jour. Quelque chose avait changé, l'histoire s'était modifiée... Je ne pouvais pas en être la cause... Je ne pouvais pas...
Les protagonistes regardaient l'horizon, le ciel Egyptiens brillait de mille feux dans ce bleu sans fin. C'était désormais le point final d'une fiction qui avait fait rêver des millions de personnes, mais c'était le commencement d'une nouvelle vie pour eux...
''Ceci n'est pas une histoire de roi comme les autres...
Chacun possède sa propre histoire...
Une histoire qui s'achève dans la lumière...''
Ils étaient main dans la main, Atem et Yûgi se retrouvaient à l'écart du groupe, les yeux brillant après une aventure et un suspense sans pareil.
Soudainement... J'avais comme l'impression qu'ils...
Le Pharaon, détourna les yeux dans la direction du lecteur. Les pages semblaient soudainement s'animer, aussi magique que cela puisse paraître, le pourpre de leurs prunelles adressait une dernière attention à la personne qui lisait ces pages.
Je ne pouvais m'empêcher de m'imaginer la destinataire de leurs longs regards, de ce sourire sans pareil. Je les observais comme hypnotisée par cette lecture qui semblait me prendre au creux de ses bras. Je plongeais en Egypte, non pas avec ma grand-mère mais avec eux. Bakura me tenait la main, les lèvres étirées dévoilant un sourire éclatant.
Yûgi s'avança seul, les poings serrés, le regard déterminé.
Il me regardait.
Une dernière réplique... Le manga s'achevait. Une dernière réplique qui laissera à jamais des milliers de lecteurs pantois... Sauf une personne J'étais la seule à pouvoir comprendre. J'étais la seule qui avait la clef de ses dires.
'Et puis notre histoire ne fait que commencer...
Grâce à toi...
Léa-chan''
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