06 | Anzu
Son artefact pendant à son cou par une chaine d'argent, sa cape violacé maculée de sang, et ses yeux brillant dans l'obscurité... Debout, en équilibre sur le pointe d'un gigantesque obélisque, de cette hauteur je l'entendais rire. Il s'exprimait dans une langue ancienne, mais j'entendais mon nom dans ces froides paroles, il ne cessait de dire que tout cela c'était ma faute, que jamais je n'aurais dut être ici. Mon corps se dissipa, dévoré par les ténèbres d'où un milliers de yeux me fixaient.
« Tu vas rejoindre l'au-delà. Léa-chan. Poussière tu deviendras, tu ne seras plus qu'une poignée de sable dans l'immense désert Egyptien.
_ Atem ! Je t'en supplie ! Jamais je n'ai voulu ça !
_ C'est trop tard. Léa-chan. Sayonara ! »
Je me retrouvais dans l'obscurité totale, seule en compagnie d'une personne allongée à mes pieds. Je soulevais sans peine ce petit corps inerte et contempla ce visage... Yûgi, les yeux mis clos, fixant le vide sans une once de respiration. J'hurlais son nom dans ce silence pesant, il ne bougeait plus, mon meilleur ami était mort, et cela par ma faute... C'était moi la criminelle.
« Yûgi NON ! »
Je n'étais plus dans l'immense opacité noir, j'étais allongé dans une salle illuminée, Yûgi me regardait avec des yeux rond, son visage, bien vivant, au-dessus du mien.
Le club d'animation et de manga, je ne savais pas qu'ils y pratiquaient des cours de méditation pour évacuer le stress avant de commencer. C'était étrange, nous devions nous étendre à même le sol, notre tête reposant sur les genoux de notre partenaire, en fermant les yeux tandis que lui posait ses mains sur vos tempes afin d'apaiser votre Ki. Une vraie secte.
« Ça te fait l'effet contraire pour toi, me dit Yûgi amusé. Tu as eu des révélations ?
_ Oui. Soupirais-je. J'ai compris que tu faisais partie du clan de Satan. On ne peut pas attaquer directement le dessin ? »
Ayant une affection immense envers le jeune Yûgi, j'avais donc choisis au bout d'une semaine de scolarité d'intégrer le club d'animation de mon ami. Finalement la cérémonie de thé aurait pu m'être plus bénéfique. Mais je ne supportais pas d'être constamment harcelé par Miho qui pensait que mon ancêtre était le roi soleil.
Le Pharaon n'avait pas refait d'apparition surprise depuis. Ce que je trouvais normal après tout rien de ce qui se passait dans le manga ne s'était produit depuis l'affaire Ushio. Celui-ci n'était plus revenu au lycée d'ailleurs, je n'osais pas imaginer où il avait pu partir. Je repensais à mon rêve précédent, enfin... Je l'avais fait deux ou trois, d'une manière légèrement différente, mais c'était bien la première fois que Yûgi apparaissait comme mort dans mon esprit. Il avait toujours Atem, du sang, un reproche de l'au-delà ... Il m'en voulait, mais l'excuse n'était pas que j'avais profané l'entrée de son tombeau, c'était autre chose, quelque chose de plus profond.
Le soir de ma discussion avec Atem, mon premier jour d'école à Domino, Yûgi ne se souvenait plus de ce qu'il avait fait durant toute l'après-midi, il ne se rappelait que de quelques bribes appartenant à ces moments de lucidités. De son côté, son grand père en tout cas était venu m'apporter une enveloppe de la part de son ami Hawkins.
« Il m'a dit qu'il devait te la remettre en attendant, votre marché ne tenait plus s'il se permettait de la garder alors qu'il portait de son côté. »
C'était Obelisk. Les trois cartes étaient de nouveau réunies... Je fermais les yeux et remerciait intérieurement Hawkins pour sa droiture. C'était un geste honnête que de me redonner cette carte alors qu'il aurait pu juste partir avec celle-ci à l'autre bout du monde.
Peut-être devais-je attendre un peu avant de les donner au Pharaon ? Au moins il cessera de tourmenter mon esprit et je pourrais rentrer chez moi. Mais avant cela c'était à Shadi que je devais parler, lui seul savait comment il fallait procéder. Du moins je l'espérais.
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En fin de semaine, je me retrouvais donc chez Anzu Mazaki, elle et moi avions un oral d'anglais à terminer, les groupes étaient faits par tirage au sort et même si j'ai toujours trouvé Anzu un peu niaise dans l'anime français, j'enviais pourtant notre sort. Ce n'est pas comme Jonouchi qui se retrouvait à collaborer avec Kaiba. Le hasard faisait si bien les choses, n'est-ce pas ?
Elle vivait dans une maison à la frontière de la ville. Le bus me déposa à 100m de celle-ci. Mon balluchon sous la main, je m'empressais d'y aller, j'étais déjà en retard. J'avais tout fait pour rester le plus longtemps possible avec Yûgi.
C'était une vielle maison délabrée ne répondant pas du tout aux couleurs illuminé de la ville de Domino. Une vieille boite aux lettres Américaine indiquait la propriété Mazaki. Je franchis le portail rouillé et fut accueillis par un énorme chien. Celui-ci me sauta au coup, et faisait une tête de plus que moi. Je crois qu'en France cette race-là est censée porter obligatoirement une muselière, je le repoussais gentiment de peur de l'énerver.
« Ah ! Léa-San ! Entre ! »
Elle était habillée d'un tee-shirt à bretelles jaunes pâles et d'un short en jean bleu ciel. Pied nus, elle poussa le chien qui voulait entrer dans la maison. Ce n'était pas le grand luxe, il y avait des cartons partout, et la plupart des meubles étaient recouverts d'un drap blanc. Je lui souriais, la remerciant de m'inviter.
Nous étions en fin d'après-midi, elle me proposa quelques biscuits que j'acceptais un peu affamé après avoir évité le curry au poulet empoisonné de Sugoroku. La cuisine était aussi vieille que... Je ne savais pas de quand datait cette maison, mais ce n'était pas tout récent, c'était même plutôt sinistre. Comment pouvait-on s'épanouir dans un tel endroit ? Tout était sombre, les vieux tableaux dont les couleurs étaient ternis étaient recouverts de poussières et de toiles d'araignées.
« Où sont tes parents ? Demandais-je.
_ Ma mère travaille, mon père est quelque part en ville, soupira-t-elle. Au fait Léa-San. Je dois te parler de quelque chose, ajouta-t-elle en faisant des ronds avec ses doigts sur la table. »
Elle me fit signe de la suivre dans le jardin. La pelouse n'avait pas été tondue depuis des mois et les buissons avaient besoins d'un bon coup de débroussailleuse. Elle s'asseyait sur une balançoire dont la peinture partait en miette, je me mis à côté d'elle, n'osant pas trop m'appuyer dessus de peur que cela ne se casse.
Je n'aurais jamais cru qu'Anzu vivait dans un endroit pareil, j'étais vraiment étonnée. Tout portait à croire qu'elle vivait une vie normale, et qu'elle n'habitait en aucun cas dans une maison en ruine. Moi qui aimais les vieilles décombres, même ça, cela ne m'attrayait guère.
« Ushio est mort. »
Un vent glacial souffla soudainement. Je la regardais pétrifiée. Ces trois mots résonnèrent dans ma tête avec horreur. Elle me tendit une page de journal que je regardais à peine.
« On a accès aux journaux gratuitement, et la nouvelle n'est tombé que ce matin. Ca faisait la une. La police l'a trouvé dans un vieux hangar désaffecté, avec plusieurs de ces amis externe au lycée.
_ Morts... Morts de quoi ? »
Bien que la réponse me semble si évidente, il fallait que je m'accroche à une infime possibilité que cela ne soit pas ce à quoi je pensais. Pas ça du moins...
« Un règlement de compte... Ils ont été égorgés. »
Egorgés ? Non... Ce n'était pas possible... Je revoyais l'autre Yûgi, qui partait dans la nuit, le couteau dans la veste, un sourire malveillant sur les lèvres et cette dernière phrase... Ils vont tous payer. Jamais il n'aurait fait ça, c'était complètement illogique ! La mentalité d'un personnage de fiction ne pouvait changer ainsi sans l'aide de son créateur !
« Toi et Yûgi... Vous êtes les derniers à l'avoir vus. T'inviter chez moi fut une excuse pour que la police n'aille pas directement vous interroger. Yûgi est partit chez Hanasaki et je sais que son grand père va diner chez un ami à lui le soir... C'est pour retarder...
_P... Pourquoi fais-tu ça ? Demandais-je pleine de frissons. Ce n'est pas comme si... Comme si on avait quelque chose à se reprocher ?!
_ Ne sois pas si crédule Léa-San. Tu le sais tout aussi bien que moi que quelque chose ne va pas. »
Elle était au courant... Pour une raison que j'ignorais elle avait des doutes sur Yûgi et l'âme qu'il enfermait au fond de son puzzle, bien entendu elle n'avait pas la moindre idée que le petit garçon n'y était pour rien et que c'était quelqu'un d'autre qui agissait à sa place.
« Je connais Yûgi depuis que j'ai 4 ans. Il a toujours été le souffre-douleur d'un grand nombre d'élèves, même si j'intervenais ça recommençais de plus belle. Il ne s'est jamais défendu, n'as jamais ressentis la moindre envie de vengeance, il a toujours détesté la violence. Il donnait l'argent qu'on lui demandait, il était ... Récita-t-elle les larmes aux yeux. Si tu savais tout ce qu'il a enduré... Mais depuis la disparition d'Ushio, il semble avoir pris confiance en lui, au début je ne l'ai pas remarqué. C'est lors de cette partie de balles aux prisonniers... On aurait dit qu'il était devenu quelqu'un d'autre...
_ Anzu... Voulus-je la rassurer. Ca ne prouve rien, rien du tout... Tu ne peux pas penser une seule seconde que Yûgi ait pu faire ... ça ? C'est, c'est n'importe quoi !
_ Je sais que c'est n'importe quoi ! Mais je crois que tu ne l'as jamais vu parler tout seul devant un miroir en débitant des horreurs ? Il a changé ! Tu vis peut être avec lui, mais il n'y a que moi qui le connait aussi bien et...
_ Attends un peu, la stoppais-je en me mettant debout. Comment ça il parle tout seul ?
_ Je l'ai croisé en allant aux toilettes, il était appuyé sur le lavabo et se faisait la conversation comme s'il avait un interlocuteur invisible. Il disait qu'il avait été obligé de le faire, et que son travail n'était pas terminé.
_ Tu te fous de moi. Riais-je nerveusement. »
Cette situation était pourtant plausible. Je joignis mes mains sur ma nuque, fermant les yeux pour réfléchir. Donc ... Le pharaon s'est réveillé le jour même où Yûgi a terminé le puzzle, normal, il est allé régler son compte à Ushio avec un couteau et le jeu des ténèbres et... Attends une minute !
« Mais oui ! M'exclamais-je. Ce n'était pas à Yûgi d'amener un couteau, dans le chapitre un, Ushio l'avait déjà dans sa veste ! C'est là qu'il lui dit ''pour ce jeu j'ai besoin d'un instrument, le couteau que tu caches dans ta veste fera l'affaire'' ... Récitais-je pour moi-même.
_ Un jeu ? Je ne suis pas sûre de comprendre...
_ Anzu... Le soir, juste avant que je ne vienne dans votre école... Yûgi est allé voir Ushio pour lui remettre de l'argent, mais... Il y est allé armé...
_ Et tu n'as rien fait pour l'en empêcher ? S'indigna-t-elle.
_ C'est plus compliqué que ça. Normalement, ça n'aurait pas dut se passer comme ça. Me défendis-je inutilement. Si je te dis pour le moment que Yûgi est schizophrène... Tu acceptes? Ou non, une double personnalité. »
Elle haussa un sourcil, peu certaine de comprendre réellement, et finit par murmurer quelque chose comme quoi elle était d'accord pour la double personnalité. Je fus soulagé sur le coup qu'elle ne me pose pas plus de question que ça. Mais au fond de moi j'avais terriblement peur. Tout l'univers de Yu-Gi-Oh ! était en train de changer. Le Pharaon avait viré à la folie et il avait... Non, je ne pouvais même pas me l'imaginer. C'était vraiment insensé !
Plus tard dans la soirée, nous réussîmes à nous concentrer pour la véritable raison de ma présence chez elle. Lundi j'allais vraiment assurer, je parle bien entendu pour l'oral d'anglais. C'était vraiment le seul truc qui me permettait d'avoir mon Baccalauréat en fin d'année.
La mère d'Anzu une belle dame d'à peine cinquante ans, était montée pour me saluer avec un sourire bienveillant. Son père aussi était rentré, et il poussait des cris indignés dans un bruit d'objet brisés.
« A part Jonouchi, personne n'est venus chez moi avant toi... Tu dois en comprendre la raison, soupira Anzu en rabattant une mèche de cheveux derrière son oreille. Mais je pensais que je pouvais faire une petite exception. »
Je lui demandais si elle faisait de la danse, bien que la réponse ne me fût pas inconnue. Etonnée elle m'avoua qu'en effet c'était bien le cas. Elle s'approcha de sa grosse station radio et mit une cassette audio dans celle-ci. Une musique rock, bien japonaise retentit, et elle me montra quelques pas de danse. Je battais le rythme de mes deux mains, amusée, je préférais cette ambiance tranquille que celle de notre conversation sur la balançoire.
Nous discutions ensuite sur nos goûts respectifs, elle fut surprise que je connaisse quelques bons artistes japonais, nous en avions certains en commun, notamment Okui Masami, celle qui avait fait les génériques de la saison Battle City de Yu-Gi-Oh !. Même si la chanson Shuffle n'était sortie qu'en 2001 je lui fis quand même écouter pour qu'elle me donne son avis.
« Gé-ni-ale. Par contre... Ton téléphone on dirait qu'il sort tout droit du futur. »
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Tard dans la nuit, alors que nous continuons à discuter et que les parents d'Anzu dormaient à poings fermés, quelqu'un frappa à la porte d'entrée. Instinctivement l'adolescente bondit à sa fenêtre pour écarter de ses doigts les stores cassés afin d'observer discrètement qui cela pouvait-il être.
« Généralement, je dirais que ce sont les contrôleurs fiscaux, mais à cette heure-ci ça m'étonnerait... N'allume pas la lumière Léa. »
Je m'approchais à tâtons, et jeta un œil au dehors, on ne voyait rien, et les belvédères étaient déjà tous éteint. On ne distinguait que cinq ombres, des hommes.
« Les f... la police ? Blêmis-je le cœur battant.
_ Il faut en avoir le cœur net. Suis-moi. »
Ça ne servait à rien de se cacher, de cette manière on risquait d'attirer l'attention sur nous. Dans l'obscurité totale, Anzu appuya sur un interrupteur pour illuminer le perron devant la porte principale. Elle me fit signe de me fondre dans l'obscurité et ouvrit la porte.
« Mazaki Anzu ? Demanda une voix rauque. »
Cela me rappelait un passage des films Terminator, le robot frappe à la porte de sa victime, lui demande son nom et si celle-ci répond oui... Il l'a mitraille de balles. Pas de bêtises je t'en prie Anzu.
« C'est pourquoi ?
_ Nous sommes des amis de Jonouchi.
_ 'pour ça que je me méfie, grommela-t-elle. Qu'est-ce que vous voulez ?
_ Tu es amie avec Yûgi Mûto je me trompe ? Il n'est pas chez lui. Il est ici ? »
D'un coup sec elle referma la porte, prête à abattre le loquet de sécurité, mais c'était trop tard. L'inconnu avait mis son pied en travers. Il franchit le seuil de la maison, et se tourna aussitôt vers moi. Je reconnus instantanément son visage, il était blond, les cheveux tirés en arrière attachés, une cigarette au coin des lèvres et de grosses cernes sous les yeux.
« Peut-être que la demoiselle va bien nous répondre. Tu sais où est Mûto ?
_ Je... Je sais pas qui c'est, tressaillis-je au moment où il empoigna la bretelle de ma chemise de nuit pour me faire venir vers lui.
_ Allons... Yûgi Mûto, celui qui a éclaté la gueule à Ushio le gars qui était ceinture noire en judo et champion de Kendo. On tenait à le congratuler. »
Un autre compère s'avança, il se mit aux côtés d'Anzu qui n'était pas du tout effrayée. Je savais qu'elle avait de la ressource pour se battre, contrairement à moi, minable crevette que je suis.
« Bon venez avec nous. On ne va pas vous faire de mal. On ne tape pas les filles nous. »
D'une force titanesque, ils nous poussèrent dehors, toutes deux en vêtements de nuit. Heureusement que j'avais enfilé des chaussons et que j'avais aussi un pantalon. Voyant que l'on grelottait toutes les deux, en gentleman ils nous recouvrèrent des vestes de leurs uniformes.
« V'voyez, vous n'avez pas à vous inquiéter. On est pas méchant, railla un gars avec un bonnet ridicule et des lunettes en sortant un révolver de sa poche arrière. »
On les suivait dans les rues de Domino City, sans une once de résistance, ce qui m'étonnait moi-même. Mes douleurs dût à ma dernière rencontre avec des voyous s'étaient volatilisés si rapidement. Je ne pus m'empêcher de grogner.
« Qu'est ce qui se passe petite ? Me demanda le chef de la bande à côté de moi.
_ J'me disais juste qu'en moins d'un mois ça faisait deux fois que je tombais sur une bande. Ça devient lassant. Je vais me faire une mauvaise idée du Japon pour finir.
_ C'est vrai que t'es pas Japonaise, semblait-t-il au courant avant d'ajouter, désolé pour ça. Mais bon... Fallait bien qu'on passe par là. »
Sa courtoisie me préoccupait. Et Anzu qui n'avait pas dit un mot depuis. Je pensais qu'elle aurait protesté. Quelque chose au fond de moi me répétait que ces gars-là connaissaient Jonouchi, c'était sûrement l'une des raisons pour laquelle on ne résistait pas, on ne voulait pas lui attirer d'ennuis. Autrefois Jonouchi faisait partie de cette bande. Il me semble que le grand blond s'appelle Hirutani, c'est tout ce dont je me souvenais.
« Voilà votre salle d'attente mesdemoiselles, clama un gars les cheveux dressés en pics en ouvrant la porte d'un hangar. »
Nous n'étions pas loin de la mer, je reconnaitrais ce parfum marin entre mille. Le bâtiment devait être un ancien local où les marchandises marines recouvraient l'ensemble de la pièce autrefois. C'était humide, et une autre odeur lourde arpentait l'endroit où nous étions.
« Ce n'est pas...
_ Et si... Lança Hirutani en allumant le courant du dépôt. L'endroit favori de votre copain Mûto. C'est ici qu'il a tué Ushio et sa bande, annonça-t-il en montrant un recoin. Et là-bas aussi, il aurait éclaté un autre gang, les Muscle Hunter. »
Anzu était figé à côté de moi. Elle non plus, n'acceptait pas toute cette mascarade. Je lui pris la main pour la sortir de sa torpeur mais rien n'y faisait. Aucune de nous ne savait ce qui allait se passer désormais.
Nous nous étions assises sur un canapé dont les coussins éventrés sentaient l'humidité. Quelques membres aux coiffures extravagantes s'amusaient aux yo-yo. Je me demande s'ils savaient déjà que ce jouet leur servira d'arme plus tard... ? Un autre regarda sa montre, assoupis contre un téléphone. Qu'est-ce qu'ils attendaient comme ça ?
Anzu qui avait la fâcheuse habitude de sortir de longs discours sur l'amitié, était bien trop silencieuse en ce moment. Je ne pouvais pas savoir à quoi elle pensait. Elle devait être probablement sous le choc. Les agissements de Yûgi l'insupportaient, finalement... Peut-être que cette inquiétude cachait quelque chose d'autre pour le jeune garçon ?
« Qu'est-ce qu'il fout ? S'écria le gars au bonnet. Il est sensé venir dès qu'un de ses amis est en danger.
_ Peut-être qu'on n'a pas été assez méchants... Suggéra un autre.
_ La ferme Ryuga ! Lança Hirutani en nous dévisageant. Je pense qu'on va devoir forcer le destin. Hey toi ! Mazaki Anzu. Approche. »
Elle se leva en me jetant un dernier regard désolé. Ils voulaient faire venir Yûgi, mais Anzu ne voulait pas non plus que celui-ci dévoile son autre personnalité. Si seulement je pouvais intervenir... je sentais mon portable dans la poche de mon pantalon. J'avais le numéro de la maison des Mûto, mais personnes ne s'y trouvaient... J'avais aussi celui de Jonouchi... Enfin de chez lui. Tant pis ... Honda ne m'avait pas refilé le sien, il fallait bien que j'appelle quelqu'un...
Le gars qui était vautré contre le combiné mural, s'empara de l'appareil pour le tendre à Anzu. Lui aussi était armé, non pas d'un Yo-yo, mais d'une arme à feu également. Le bras posé contre l'objet, l'arme en main, il observait Anzu d'un air vicieux. Tout en les regardant, je fis glisser mon doigt dans mes contacts et appuya sur le nom de Jonouchi. Lui seul pouvait nous aider.
« Ha... Hanasaki ? Pardon c'est Anzu Mazaki, je sais qu'il est tard mais je... Yûgi est avec toi ? »
Après quelques secondes elle raccrocha. Baissant les yeux elle ne disait plus rien jusqu'à qu'il l'interpelle.
« Alors ? Demanda Hirutani.
_ Il est en chemin. »
Mince... L'autre Yûgi allait venir. Tant pis, je le raisonnerais si je le peux, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour le faire cesser ses conneries ! Je veux que tout redevienne normal, pensais-je, je veux qu'Atem punisse les méchants à sa façon, pas qu'il leur cause des dommages physique. Je veux l'aider à retrouver son nom, son histoire... Mais surtout... Je ne veux plus qu'il mêle Yûgi à tout ça...
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Nous étions l'appât, deux simples idiotes adolescentes qui servons de leurre afin de faire venir le Pharaon vers ses vauriens. Ils pleuvaient dehors, les gouttes d'eau se percutaient au toit en tôle de l'entrepôt. Après de nombreux appels, Jonouchi ou quelqu'un chez lui avait répondu, je ne pouvais pas parler de peur de me faire remarquer, mais ils suffisaient qu'ils reconnaissent la voix d'un des loubards et le tour était joué.
« Hirutani, rugit l'un gardiens de l'entrée. Mûto est là. »
Ils s'écartèrent pour faire passer celui qu'ils attendaient depuis longtemps. Les mains dans les poches, son uniforme jeté sur les épaules, il ruisselait, trempé de la tête aux pieds après avoir marché interminablement sous la pluie.
« Alors c'est toi... Constata Hirutani. Le mec qui a mis au tapi Ushio. T'es plutôt court sur pattes pour avoir fait un tel exploit.»
Atem ne répondit rien, il arpenta la pièce de ses prunelles glaciales et s'attarda sur Anzu et moi situé à l'opposé l'une de l'autre.
« T'inquiète pas pour tes amies. On ne les a pas touchés. Dis-moi gringalet, tu te demandes peut être pourquoi on t'a fait venir ? »
Le défiant du regard, l'autre Yûgi l'invita à poursuivre.
« Je voulais tester ta force. Un petit duel. Juste pour mettre à l'épreuve ta réputation qui court les rues. »
Le garçon ricana. Ce qui rendit Hirutani encore plus impatient.
« Tu parles pas beaucoup... Alors qu...
_ Avec dommages collatéraux ? Le coupa Atem.
_ Ça mon vieux... Commença le bandit, je ne peux pas te garantir qu'il y en aura pas. »
Notre ami, enfin ce qu'il en restait, fit tomber sa veste montrant qu'il acceptait le défi. Je me mis debout et courus dans sa direction faisant tomber mon téléphone au passage. M'interposa entre eux, le suppliant de ne rien tenter de grave.
« Tu n'es pas obligé ! M'écriais-je. On peut rentrer chez ton grand père comme si rien ne s'était passé Ate...MACHIN ! Je t'en prie... Ne rentre pas dans son jeu.
_ C'est bien plus qu'un jeu. Léa-chan. Le monde se doit d'être débarrassé de ses misérables vermines. Je n'en aurais pas pour longtemps. Pardon. »
Il me poussa délicatement. Je pris sa veste au passage, afin de m'en servir comme d'un antistress. Il fit craquer ses doigts rien qu'en les pliant. Si seulement il pouvait disputer une simple partie de cartes... Jonouchi. Viens vite.
« Au fait, pour Muscle Hunter, comment tu t'es démerdé ? S'interrogea Hirutani.
_ Une canalisation défaillante, et des fils électriques, l'informa Atem le plus naturellement du monde.
_ Sympa. T'es un vrai petit sadique !
_ YÛGI ! Hurlais-je horrifié en lui balançant sa veste sur le visage à défaut de mon poing. En plus t'es obligé de t'en vanter ! Franchement tu me dégoutes ! Ce n'est pas comme ça que tu vas retrouver ton passé espèce d'idiot !
_ Que sais-tu de mon passé ? Osa-t-il me demander en oubliant son éternelle voix posée.
_ Bon, j'comprends pas toute vos histoires. S'ennuya le chef de bande. Finissons-en. Et fait la taire, merde. »
Atem ne protesta même pas lorsqu'un des voyous m'attrapa pour me bâillonner, aux côtés d'Anzu qui semblait s'être évanouie les yeux grands ouverts.
Il avait égorgé, électrocuté des racailles... Qu'est-ce qu'il fallait de plus pour que ce cauchemar cesse ?
Hirutani bondit d'un seul coup. Son poing droit s'abattit sur Atem qui l'esquiva d'un bond, les mains dans les poches. Essayant en vain de l'atteindre on sentit l'impatience le gagner. Ses coups se firent inégales, hasardeux. Le jeune garçon, rebondit contre le mur de l'Entrepôt pour lui assener une tape avec son genou contre sa tempe. Hirutani n'eut pas le temps de réagir, il supporta bien son geste, et revint à la charge par en dessous. Sa main atteignit le menton, ce qui fit voler Yûgi un peu plus loin.
« Tu gigotes... Tu gigotes... Mais tu ne sais rien faire d'autre minable ! Hurla le grand blond. »
Le pharaon évita de nouveau une approche, et sortit enfin une main pour enfoncer son coude dans le dos de son adversaire. Aussi improbable que cela puisse paraître Hirutani, pleins de convulsions était bloqué à même le sol.
« Trop facile. Siffla le garçon. A qui le tour ? »
Quelques membres du gang avaient détalé comme des lapins. Seuls le gars au bonnet et son pote qui était resté près du téléphone. Le seul armé.
« Merde ! Rugissait ce dernier, t'es plutôt costaud. Mais tu ne pourras rien face à ça. »
Sortant l'arme tremblotante, le Pharaon, lui, ne bougea pas. Il arborait un sourire jusqu'aux oreilles. Une détonation, et Yûgi avait à peine bougé la tête pour l'éviter. C'est à ce moment que le gars perdit tous ses moyens et tira dans tous les sens. Je mis mon bras autour du cou d'Anzu pour la faire se baisser afin que nous évitions toutes deux les balles qui ricochaient.
Bientôt notre ami tenta une approche pour lui arracher l'arme des mains. Une dernière balle perdue atteignit l'épaule d'Hirutani qui rampait, voulant à tout prix s'éloigner de ce déluge infernal.
« Oups, désolé. S'excusa Atem d'un air faussement innocent. »
Le gars au bonnet empoigna son collègue pour l'entrainer à l'extérieur. Je levais la tête, il allait bientôt faire jour... On apercevait quelques couleurs dans le ciel. Hirutani gémissant, essaya de se lever mais retomba mollement sur le béton. Il se laissa appuyer contre un mur, le même recoin où apparemment Ushio avait trouvé la mort. Atem s'avança vers nous. Il toucha la joue d'Anzu en lui murmurant que cela sera bientôt finit. J'avais peur, que comptait-il faire ? Il me défit le chiffon recouvrant ma bouche, et finit par me dire :
« Léa-chan... Dis-moi ce que je dois savoir...
_ Je... ne peux pas... Pas maintenant. Rentrons à la maison, je t'en prie... »
Il allait exprimer quelque chose au moment où Hirutani émit une faible plainte. Il prit le revolver, celui quand il avait désarmé le gangster, et le soupesa légèrement avant de vérifier les munitions. Il finit par faire tomber les dernières douilles sur le sol.
« Juste une balle... Ça ne sera plus très long, l'informa-t-il.
_ Yûgi non !
_ Je ne suis pas Yûgi ! Protesta-t-il. Quand vas-tu te décider à me dire enfin qui je suis ? »
Il leva le bras tenant au bout l'arme à feu. Il n'allait pas tirer ? Pas devant nous !
« Je fais ça pour mon hôte, c'est à cause de types comme lui qu'il a souffert toute sa vie... »
Ses paroles ... On aurait dit qu'il cherchait à se trouver des circonstances atténuantes. Non... Il voulait se rassurer. Il savait que ce qu'il allait faire était mal. Il abaissa le cran de sûreté.
« Je suis un être des ténèbres... J'aime voir la mort se refléter dans les yeux de mon ennemi.
_ Des conneries j'en ai entendus... Mais alors là... »
Au son de cette voix, Anzu sortit de sa rêverie. Toujours sous le choc, son regard se dirigea au même moment que le mien vers la sortie où un Jonouchi essoufflé se tenait debout. Oui... Lui allait pouvoir le résonner, c'était le meilleur ami de Yûgi. Le timing était parfait.
Un éclair fendit le ciel en deux, découpant la silhouette du gaillard dans un contraste troublant. Jonouchi respirait fort, essoufflé et visiblement énervé.
« Tu vas m'expliquer ... Et tout de suite ! Lui lança le blond en arrivant à grandes enjambés. Hey ! Ne m'ignore pas ! »
Jonouchi s'attarda sur Hirutani, il l'avait reconnu... Ils faisaient partis tous les deux de la même bande, et je ne pouvais pas savoir si il allait le laisser partir comme ça. Après tout, c'était ce même voyou qui avait fait de Jonouchi une racaille dans le passé.
« J'ai lu les journaux ce matin... Annonça son ami. Ushio est mort, j'ai mis pas mal de temps avant de comprendre... Puis y'avait cet autre clan. Qu'est-ce que tu cherches Yûgi ? Tu veux te venger de tous ces types qui tabassent des gens ? Une fois que tu l'auras tué, ajouta Jonouchi en désignant Hirutani qui ne pouvait toujours pas bouger, lui et tous les autres... Tu seras comme eux. Un putain de meurtrier. Alors tu vas gentiment poser ce flingue, essaya-t-il en tendant une main, et tu te ressaisis !
_ Si seulement tu pouvais comprendre, ce n'est pas uniquement pour ce qu'il a fait que j'agis ainsi... Mais pour ce qu'il va faire également, souffla Atem avant de s'adresser à sa victime en lui plaquant le revolver sur le front, le royaume des ombres te sera insupportable, c'est une fleur que je te fais... Je m'en vais abréger tes souffrances. »
Pour ce qu'il allait faire ? Comment pouvait-il le savoir?
Hirutani ferma les yeux, une dernière once d'humanité, la dernière peur de sa vie... Il allait mourir, mourir à cause de ce gamin... Atem pressa la détente lentement, soudainement Anzu l'interrompit en posant une main sur son maigre bras.
« Arrête... Par pitié, ne fais pas ça. »
Je le vis lui jeter un regard intimidant, elle ne tressaillis pas. Brusquement revenu à elle-même, je l'entendis à peine lui parler d'une voix douce, se voulant rassurante. Anzu, tout comme nous tous ne désirait pas voir son ami tuer quelqu'un. Pendant un instant... On aurait imaginé qu'il allait renoncer...
« Yûgi ...
_ Tu t'adresses à la mauvaise personne, Yûgi n'est pas avec nous.
_ Qui es-tu bon sang...
_ Si seulement je le savais moi-même. »
La détonation résonna comme venant d'un endroit lointain... L'écho se faisait de plus en plus assourdissant, Hirutani s'affala, les yeux dans le vide, du sang coulait non loin de son visage. Tout devint subitement flou.
☥
C'est drôle comment la mort est si proche de vous. Ce n'est pas souvent que l'on voit quelqu'un mourir devant soi. Jonouchi poussa un cri inhumain, Anzu recula, appuyé contre le mur, prête à vomir... J'étais debout, j'avais froid, la mort nous avait frôlés, elle avait pris le chef de bande à l'instant même où la balle l'avait atteint. Ce n'était plus le conte pour enfant, le héros de la série était passé du côté des ténèbres... Il était désormais le méchant.
Atem resta figé, et brusquement s'empoigna le visage, éprit d'une soudaine folie. Suffoquant, il se laissa tomber à terre, tous trois nous le regardâmes sans réagir... Le collier millénaire rayonnait, nous aveuglant de sa lumière souillé par les ombres. Le pharaon n'ouvrit pas les yeux, il n'y avait plus que le petit Yûgi, en sueur, allongé sur le sol.
Le souffle court, il observa la pièce où il se trouvait, il n'eut pas le temps de demander quoi que ce soit, qu'il l'aperçut... Le cadavre d'Hirutani. L'arme qu'il avait gardée dans la main, il la projeta violemment pour s'en débarrasser. Et sur ces dernières paroles qu'il prit conscience que quelque chose en lui, n'allait pas...
« C'est... C'est moi qui... ? »
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