16. Combat perdu d'avance
Texte écrit dans le cadre du concours organisé par les Editions Fantasmia
Le thème était "un monstre sous le lit.
Il y avait des contraintes : entre 2500 et 4000 mots, de la SFFF, du YA ou NA
Le barème n'a pas été révélé.
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L'odeur du désinfectant saturait l'atmosphère, envahissant ses narines d'enfant. Les bruits de toux et les gémissements résonnaient dans l'immense salle et restaient prisonniers de ces murs immaculés où les patients s'entassaient. Malgré sa peau non-rasée, elle enfouit sa tête dans le cou de son père, essayant de faire taire ces murmures incessants. Ses doigts emmurèrent le col de sa chemise, qui fut vitime de sa nervosité. Ils le tortuèrent, maltraitèrent le tissu, canalisant ainsi les multiples tremblements qui naissaient des vagues de la foule et voguaient dans ses muscles infantiles. Elle y respira son parfum réconfortant en espérant que son anxiété s'y noierait.
Les lèvres de son père se posèrent alors sur sa tempe, lui rappelant qu'elle n'avait rien à craindre, qu'elle était en sécurité, entourée de ses bras protecteurs emplis d'amour. Sa main vint épouser les contours de sa tête et ses doigts jouèrent avec ses courtes mèches rebelles. Au-delà de l'aspect apaisant de la caresse, il lui transmettait sa patience et sa sérénité, sentiments qui le fuyaient. Rassurée par ce simple geste, elle se blottit au creux de son épaule et se laissa bercer par le rythme de sa cajolerie ainsi que celui de ses pas.
Le bruit des portes de l'ascenseur qui se refermaient sur eux la soulagea. Une barrière tangible s'était enfin élevée entre elle et cet océan de personnes où naviguaient le désespoir et la maladie. Le paisible ronflement des moteurs les accompagna tandis qu'ils les éloignaient de la source de son angoisse. Ses muscles se détendirent alors et elle recouvra le contrôle de ses mouvements.
Puis les portes se rouvrirent, révélant cette fois-ci, un couloir ceint de murs vierges entrecoupés de portes. L'unique touche de couleur était les étiquettes bleu ciel sur lesquelles étaient écrits les noms des patients résidents dans la pièce ainsi que les chaises - également bleues- qui reposaient contre le mur.
Ils errèrent encore dans le labyrinthe qu'était l'hôpital avant que son père ne s'arrête finalement devant une porte affichant le nom de "Niniel Obona-Ukufa¹".
Elle demanda alors à descendre, souhaitant être la première personne que sa mère verrait. Lorsque ses pieds rencontrèrent le sol, elle sautilla pour attraper la poignée de la porte et enlever le dernier obstacle qui l'empêchait de se jeter dans ses bras. Dans son dos, elle entendit un petit rire qui s'était évadé de la gorge de son père. Contaminée par cet amusement contenu, un sourire releva ses fines lèvres juvéniles. Obsédée par son envie de retrouver sa mère, par sa joie d'enfin la revoir, elle en avait oublié son appréhension.
Le clic de la serrure résonna entre les murs qui emprisonnèrent son écho. La porte s'ouvrit, laissant s'enfuir les derniers raysons de soleil qui s'étaient égarés dans la pièce. Dès que l'embrasure fut assez grande pour qu'elle puisse s'y faufiler, elle courut. Elle ne prit aucunement le temps de regarder autour d'elle, d'examiner cette pièce où sa mère était confinée, isolée du monde, de sa famille...
Ses pas dirigèrent d'eux-mêmes vers le lit blanc où elle était allongée. L'entendant, sa mère se releva et lui ouvrit ses bras, prête à l'accueillir. Un sourire dansa sur ses lèvres, éclairant ses yeux éteints par la maladie.
Mais soudain, elle s'arrêta dans sa course. La vie fuit ses muscles d'enfant qui furent paralysés. Dans sa poitrine, l'euphorie qui faisait battre son coeur se dissipa, chassée par la terreur qui se mêla au sang dans ses veines. La musique régulière de son souffle s'estompa tuée par l'incompréhension qui envahit son esprit.
Là, sous le lit, rampaient des ténèbres, qui resplendissaient dans cet uniers blanc. Ils créaient des volutes d'ébène autour du lit de sa mère, la frôlant de temps à autre comme s'ils désiraient l'engloutir. Néanmoins, ce n'était pas ce nuage d'ombre qui était l'unique coupable de la peur qui voyageait dans son corps enfantin, répandant une brume sur son esprit et enserrant son coeur entre ses anneaux destructeurs. La responsabilité en incubait également aux yeux effroyables qui sombraient dans cette noirceur. Les pupilles étaient du même rouge que le sang et semblaient se perdre entre les arabesques dessinés par les ténèbres. Elle avait l'impression qu'elles pleuraient... L'iris de ces yeux, qui la fixait, n'était qu'une fente, comme une porte entrouverte vers l'enfer qu'était ce monstre.
- Dabria² ?
A l'entente de son prénom, murmuré par la tendre voix de sa mère, elle releva la tête quittant du regard cette fumée obscure qui l'hypnotisait. Dans son esprit, l'image des yeux du monstre s'évanouit devant ceux emplis d'inquiètude de sa mère.
- Ce sont tous ces produits qui te font peur ma puce ? s'enquit-elle. Ne t'inquiète pas, tu n'as rien à craindre.
L'amour et le réconfort qui imprégnaient ces paroles se frayèrent un chemin jusqu'à son cerveau juvénile. Cependant, l'effroi pétrifiait encore son corps, l'empêchant d'avancer.
- Allez, viens ma poulette, l'encouragea sa mère en joignant le geste à la paroles et en laissant un nouveau sourire sculpter ses lèvres dans le but de la rassurer.
Elle se replia sur elle-même, rentra la tête dans ses épaules et refusa en secouant cette dernière. Elle ne voulait aucunement s'approcher de la créature qui souillait ce monde immaculé, de peur qu'elle l'engloutisse entre ses tentacules.
Mais soudain, elle sentit des mains enserrer sa taille pour la soulever. Elle releva les yeux et croisa ceux de son père brillant d'amusement, comme s'il se moquait de son effroi. Elle sentit ses larmes mouiller les coins de ses paupières, se sentant trahie que son père qui se rit ainsi que sa terreur. Pourquoi ne la réconfortait-il pas ?
Il la mena jusqu'à sa mère, la posa juste au dessus du monstre dont elle pouvait voir les appendices dépasser des ténèbres sous le lit.
Puis ces immondices disparurent de son champ de vision lorsque les bras de sa mère, dont les muscles avaient été grignotés par la maladie, l'enveloppèrent. Sa tête se retrouva contre sa poitrine, là où elle pouvait entendre la sérénade de son coeur qui lui avait tant manqué. Pendant quelques secondes, elle ferma les yeux et se laissa bercer par ce son apaisant et les sensations nées de la valse entre les doigts de sa mère et ses courtes mèches. Elle écouta juste sa respiration régulière qui lui caressait les cheveux, preuve qu'elle était bien là, qu'elle était toujours vivante, avec elle.
Elle retrouva ces moments qu'elle regrettait, ceux qui avaient disparu depuis que plusieurs rues la séparaient de sa mère, de son amour...
Puis elle rouvrit les paupières et se détacha de son cocon pour ancrer son regard dans le sien et lui demander :
- Maman, c'est quoi le monstre sous ton lit ?
Cela ne dura qu'un instant mais il suffit pour qu'elle voit la surprise troubler le marron de ses pupilles. Mais elle disparut bien vite, remplacée par une joie feinte, teintée d'une mélancolie sous-jacente.
- Ce monstre, ma chérie, commença sa mère en lui effleurant la joue, est celui contre lequel tu dois lutter. Il veut me dévorer pour me séparer de toi et papa. Il faut donc que tu le combattes de toutes tes forces pour ne pas qu'il me mange et m'emmène loin de vous. Loin de toi... Tu as compris, Dabria ?
- Oui maman ! Je combattrai le monstre et le vaincrais comme ça tu resteras avec papa et moi !
Un sourire, qu'une tristesse latente imprégnait, releva le coin des lèvres de la mère devant la conviction de sa fille à triompher de ce monstre. De cette vision...
***
14 ans plus tard
Mon angoisse, qui s'était lovée autour de mon coeur au fur et à mesure que ce qui se dissimulait derrière la porte se révélait, explosa lorsque je La vis. Pendant quelques secondes, mon coeur interrompit sa danse monotone, ma respiration se trompa dans sa chorégraphie récurrente. Mes muscles se figèrent sur le seuil de la porte, comme si Elle avait inhalé ma vie.
Cela faisait des années que je n'avais pas été confrontée à la pièce qui se jouait devant moi, dont Elle était le détail qui la corrompait. Malgré la peur inconditionnelle qu'Elle m'inspirait, j'avais décidé de reprendre ma vie là où Elle l'avait arrêtée. Je voulais connaitre ces joies et ces peines qui constituaient la vie d'un adolescent, à défaut de connaitre celles qui rythmaient la vie d'un enfant. Un infime espoir s'était planté dans mon coeur tandis que septembre approchait. Et malheureusement, il avait germé, m'empoisonnant. J'avais pensé pouvoir Lui échapper. Mais aveuglée par l'espérance, j'avais oublié qu'Elle n'épargnait personne, que tout le monde était victime de Son baiser funèbre...
Le raclement de gorge du professeur me ramena à la réalité. Je pris alors complétement conscience de ce qui m'entourait. Autour de moi, le brouhaha des étudiants, éparpillés dans la salle, s'était tu. Leurs regards, emplis de questions, suivaient les courbes de mon corps, cherchant à découvrir qui j'étais. Ils décortiquaient chaque partie de mon être, pensant pouvoir me mettre à nue juste à travers les plis de mes vêtements et la teinte de ma peau.J'aurais voulu leur offrir à mon tour le jugement de mes yeux, leur montrer la force qui pulsait en leur sein mais Elle m'obnubilait.
Ce ne fut qu'un pur réflexe qui me permit de m'avancer à travers les rangs, me soustrayant du champs d'yeux qui me jaugeait. Mes jambes se dirigèrent d'elle-même vers Raphaël, qui avait accroché mon regard dès que ce dernier avait croisé le sien connaissant la nervosité qui me gouvernait. Fidèle à lui même, il s'était assis au fond de la salle, là où il pouvait se dérober aux regards, aussi bien celui, admiratif, du prof que celui, méprisant, des autres élèves. Un sourire, surement le premier de la journée, avait fleuri sur ses lèvres, venant souligner la couleur printannière de ses yeux où la fatigue y avait oublié son ombre. Je ne pus le lui renvoyer, trop occupée à La dévisager.
Elle se tenait là, présence invisible mais néanmoins pesante derrière un élève. Il avait enveloppé sa tête dans ses bras, ne prêtant aucune attention à son entourage. Un pull camouflait sa silhouette, malgré l'agréable chaleur qu'août avait éparpillé dans son sillage.
Elle l'entourait de Ses ailes aux plumes d'ébène, comme pour le protéger. Elle n'attendait que le moment où il succomberait à Son charme pour le guider dans Son royaume. Sa longue tunique aux couleurs du deuil épousait Son corps androgyne et suivait le ballet que lui imposait la légère brise qui passait à travers les fenêtres entrebaillées. Ses cheveux accompagnaient le tissu. Délicatement posée dessus, une couronne d'iris bleues³ venait égayer le camaïeu de noir qu'Elle était. Des mèches sombres se rebellaient parfois contre cette valse et venaient caresser Son visage, qui n'avait de nom que les contours. Un long bandeau immaculé Lui obstruait les yeux, L'empêchant de voir ce qui se dérouler autour d'Elle. Cependant, un troisème oeil Lui décorait le front et suivit chaque mouvement, de son iris noire aux reflets bleutés. Sa bouche, aux lèvres teintées de sang, était percée de multiples points reliés par un fil, cousu d'une main malhabile. Ses bras, où serpentaient les ténèbres qui L'habitaient, semblaient bercer un nouveau né. Mais ce qui reposait dans ce berceau improvisé était bien pire. A la place d'un nourrisson, trônait un crâne recouvert de sillons. Il venait compléter cette vision macabre qu'Elle incarnait.
Cette vision qui hantait mon quotidien...
Car bien qu'Elle se fût métamorphosée au rythme des années, Elle restait toujours La même. Au fil des saisons qui s'écoulaient, le nuage d'obscurité qu'Elle était s'était certes transformé pour épouser les contours d'un corps humain. Sa vue s'était certes obstruée , faisant disparaitre les pupilles écarlates qui courtisaient mes nuits emplies de cauchemars. Mon regard sur Elle avait certes changé mais Elle restait toujours la même. Les mêmes ténèbres qui m'avaient volé ma famille. Mon enfance... Et qui menaçaient de me voler ma mère...
La petite fille effrayée que j'avais été avait espéré qu'Elle resterait enfermer dans ces murs entre lesquels florissait la maladie. Que ce blanc immaculé qui y régnait était la seule chose qu'Elle souillerait. Mais cette fillette naïve avait négligée le fait qu'Elle était universelle. Que malgré toutes leurs prières, tous leurs efforts, les hommes seraient tous, à un moment ou l'autre, tôt ou tard, fauchés par Sa lugubre étreinte.
L'espoir qui avait gangrené mon coeur d'enfant s'était alors fané lorsqu'en sortant de l'hôpital, l'effroi gorgeant encore mes veines, Nos regards s'étaient recroisés, au détour d'une rue.Cet amas de ténèbres s'était enroulé autour d'un passant, comme s'il souhaitait le dévorer, l'emporter dans ses abysses obscurs. Une de Ses tentacules avait caressé l'artère de son cou, comme si Elle attendait que son poul cesse de créer des vagues sur cette délicate portion de peau.
Le traumatisme qui harcelait, aujourd'hui encore ma vie - notamment sociale-, avait alors conquis mon cerveau juvénile, qu'il menaçait d'inonder depuis Notre première rencontre.
Le contact des doigts de Raphaël sur ma cuisse me sortit de la contemplation dans laquelle j'étais plongée, laissant les réminescences qu'elle faisait renaitre me submergeaient. Sa caresse me ramena à la réalité, à cette salle aux murs altérés par le temps et les étudiants, bien différentes des cloisons immaculées qui, comme attirés par Sa vision, revenaient hanter ma mémoire.
Je recouvris sa main de la mienne, le remerciant silencieusement de m'avoir aidée à m'évader des méandres de mon esprit traumatisé. Ses yeux quittèrent un instant ses notes enchevêtrées à ses dessins pour me regarder. Les étincelles de son amour les illuminèrent et ses lèvres dessinèrent cette courbe que je chérissais tant. Cette fois-ci, je le lui retournais mais le mien fut un peu plus timide, encore tourmenté par Sa présence.
Je ne sais ce que je ferais sans lui, sans son adoration qui m'aidait à maintenir la tête hors de l'eau. Il était le garde-fou qui m'empêchait de sombrer dans les abîmes de la dépression. Il était la Lune qui me permettait d'avancer dans la nuit noire qu'était ma vie.
Car lui seul me comprenait. Les comprenait... Ma souffrance, dû à la maladie de ma mère, mon mal-être, engendré par le fait que je pouvais La voir, ma solitude, née de ma terreur de La croiser.
Il embrassait ces sentiments néfastes qui régentaient mon esprit, mon coeur, mon être. Il les accueillait, les acceptait, me permettant de renouer avec une notion de normalité, qui m'éétait devenue inconnue depuis ce jour...
- M. Faraja ! s'écria soudain le professeur, brisant ainsi la douce connivence qui pulsait entre Raphaël et moi.
Les yeux de mon petit ami, dans lesquels l'indifférence effaça l'amour, quittèrent les miens pour venir se poser sur le tableau blanc. Raphaël lut en diagonale les notes du profs, anticipant sa question.
- Je suis conscient que le cours vous ennuie mais pouvez-vous au moins faire semblant d'écouter ce que je dis, demanda-t-il d'un ton mielleux. Donnez l'exemple à vos camarades qui, eux, n'ont pas compris un traitre mot de ce que je viens de dire.
Tous les étudiants, excepté celui qu'Elle berçait, se tournèrent vers Raphaël qu'ils fusillèrent du regard. Ils déchargèrent leur rancoeur d'avoir ainsi été rabaissés sur lui, qui n'avait rien demandé. Habitué depuis - trop - longtemps à ces regards haineux, le visage de mon copain resta vierge d'émotion. Mais je savais qu'au fond de lui, il bouillonait d'une colère dirigée contre le prof pour l'avoir ainsi mis sur un piédestal. Pour l'avoir ainsi différencié des autres élèves, comme s'il leur était supérieur alors que, malgré son HPI⁴, il leur était semblable à bien des égards...
Cette fois, ce fut à moi de le réconforter, de faire abstraction de ma détresse pour me concentrer sur lui et ses sentiments. De lui rappeler qu'il n'était pas seul au milieu de cet océan de mépris, qui lui remémorait chaque seconde les miliers de différences qui l'éloignaient tout en le rapprochant des gens qui l'entouraient.
Mes doigts s'entremêlèrent aux siens, restés sur ma cuisse qu'ils maintenaient dans un étau qui témoignait de sa fureur contenue. Mon pouce se mit à caresser le dos de sa main pour lui signifier mon soutien. La légère pression qu'il me renvoya fit danser un maigre sourire sur mes lèvres. Depuis que je le connnaissais, il avait toujours été comme ça. A vouloir dissimuler ses émotions, les considérant comme l'instrument du rejet des autres. A vouloir les calquer sur celles de ses semblables, en pensant que cela faciliterait son acceptation. A vouloir s'effacer, par peur d'agrandir ce fossé qui le séparait du reste des étudiants. A vouloir montrer que tout allait bien, que rien ne l'atteignait, comme si cela lui permettait de mieux gérer le poids de son HPI.
- Alors, M. Faraja, pouvez-vous réexpliquer à vos camarades ce que je viens de dire. Pour être comprendraient-ils mieux... ajouta le professeur en ponctuant sa phrase d'un soupir.
L'étau auquel avait échappé ma cuisse m'emprisonna la main. Raphaël y évacua son exaspération, qui se retranscrit également dans son léger grincement de dents. Puis il répondit au professseur, son cerveau connectant chaque petit bout de phrase écrit au tableau pour créer une explication claire et détaillée.
Le prof parut boire ses paroles, admiratif de son intellect. Il devait surement avoir l'impression que son travail était enfin récompensé...
Ainsi, les cours s'enchainèrent, dispersant les élèves et laissant les minutes s'écouler en même temps que les paroles des professeurs.
Ce jour de rentrée s'égraina sans que je ne La recroise. Au fur et à mesure que les heures défilaient, je L'oubliai, permettant à ma joie d'avoir - enfin - une vie normale de m'emplir complètement. Pour la première fois depuis longtemps, Raphaël eut le plaisir d'admirer des sourires sincères sculpter mes lèvres en présence d'autres personnes. Un semblable dansa également sur ses lèvres lorsque la mélodie du rire s'échappa de ma gorge, qui retrouvait comment jouer cette partition délaissée.
Le soleil avait presque disparu derrière la cime des arbres lorsque, main dans la main, Raphaël et moi sortions des cours en nous dirigeant vers sa voiture. Une légère rougeur colorait mes joues, dû au plaisir que m'avait procuré cette journée. Mes abdos me tiraillaient doucement; mon corps étant peu habitué à rire autant.
Soudain, Raphaël s'arrêta, m'entrainant dans sa halte. Avec un petit sourire en coin - comme s'il savait quelque chose que j'ignorais - il me fit face et prit mon menton entre ses doigts pour le relever. Nos regards s'ancrèrent alors l'un dans l'autre, mes yeux d'automne se noyant dans les siens, yeux de printemps. Puis il s'abaissa et déposa un baiser sur mes pommetttes enocre empourprées.
- Cette rougeur t'embellit, Dabria, me susurra-t-il. Tout comme ton rire.
A ces mots, je me sentis ma rougeur progresser sur mon visage. Mes pensées s'emmêlèrent, ne sachant dans quelle direction s'orienter perdues par mon émoi. Inaccoutumée à cela, je balbutiai, souhaitant lui répondre mais aucun son intelligible ne sortit de ma bouche. Puis mes réflexions se stoppèrent soudainement lorsqu'une musique résonna dans l'air. Je m'aperçus que c'était le rire de Raphaël. Il se voulut d'abord discret, en se cachant derrière sa main mais quand nos regards se recroisèrent, il explosa de rire, se tordant en deux.
Faussement fâchée qu'il rigole ainsi de moi, je croisai les bras et murmurai :
- Crétin
- Si ce n'est que ça !
- Tu préfères connard peut-être !
- Tu peux faire mieux que ça, Dabria !
Exaspérée mais refusant de lui céder cette victoire, je lui tendis mon majeur. Cependant, cela eut comme seul effet de le faire repartir en fou rire. Plus attendrie que fâchée, je souris devant cette scène, heureuse de le voir détendu, chérissant cet instant de répit où l'on oubliait chacun notre quotiden grâce à la présence et l'amour de l'autre.
L'hilarité de Raphaël dura encore quelques instants avant qu'il ne se calme enfin, en essayant les larmes qui perlaient au coin de ses yeux.
Il se releva alors, dépliant sa grande carcasse. Puis il enroula un bras autour de ma taille pour m'attirer à lui. Nos deux corps collés l'un à l'autre, le souffle de nos respirations entrelacé, il déposa un baiser sur mon front où s'égaraient quelques mèches de cheveux.
- Allez viens, m'invita-t-il, je t'amène la voir.
Mon sourire perdit un peu de sa joie, absence qui fut comblée par la mélancolie. Malgré cette douce tristesse, je lui étais reconnaissante d'avoir proposé de réaliser cette envie qui m'assaillait le coeur mais que je n'osais réaliser seule, étant psychologiquement trop faible. Je hochai donc la tête, acquiescant et me laissai attirer vers sa voiture.
Un silence confortable emplit l'habitacle tandis que Raphaël nous conduisit vers l'hôpital. De mon côté, j'essayais de me préparer mentalement à La revoir. Je craignais Notre rencontre mais la présence de Raphaël à mes côtés me donnait la force de surmonter ma peur. Et ce ne serait que quelques secondes de panique qui se métamorphoseront en des minutes de bonheur lorsque ma mère me serrera dans ses bras.
Nous arrivâmes bien vite devant l'hôpital. Nous descendîmes de la voiture et Raphaël vint poser sa main en bas de mon dos pour me signifer son soutien mais se tenant également prêt à m'obliger à avancer, à La dépasser si jamais je restais figée.
Lorsque les portes de l'hospice s'ouvrirent, l'odeur du désinfectant m'agressa les narines. Mon ouïe fut envahie par les bruits de toux, de pleurs et des gémissements. En revanche, mes yeux ne virent que l'étendue de carreaux blancs qui composaient le sol et les quelques tâches sombres des chaussures des patients. Je refusais de lever le regard, de peur de ne voir qu'Elle. Je préférai encore voir le bas de Sa robe noire et, aveuglée par le déni, penser que c'était celle d'une femme bien humaine.
- Tu te rappelles Dabria, c'est pile à cet endroit que l'on s'est rencontré, me dit Raphaël en m'indiquant du menton deux chaises vides encadrées par des plantes vertes.
Un petit rire m'échappa à ce souvenir, à notre maladresse respective lorsqu'on a voulu s'aborder.
Puis l'ascenseur nous enferma en son sein, nous coupant de la salle d'attente, de ce tout petit coin qui fut la genèse de notre bonheur commun, de notre amour...
Les portes se rouvrirent, révélant un couloir dont les murs étaient percés par des portes. Raphaël me guida vers celle de ma mère. Arrivée devant, j'enroulai mes doigts autour de la poignée et libérai l'air qui restait piégé dans mes poumons. La tendre caresse de Raphaël me permit de faire quelque peu s'envoler mon appréhension. J'obligeai alors mes lèvres à s'incurver pour afficher un sourire, qui - je le savais - emplirait ma mère de bonheur et qu'elle s'empresserait de me renvoyer, rendant le mien plus sincère.
La porte s'ouvrit dans un concert de grincement, dévoilant les murs peints de photos qui constituaient sa chambre. Raphaël me poussa gentiment et j'avançai vers elle.
Soudain, le bruit que produisirent mes genoux contre le sol sembla ricocher entre les cloisons. Ma vue s'embua et des larmes vinrent tracer des chemins de tristesse sur mes joues. Un cri muet s'échappa de ma gorge nouée et fut suivi par des gémissements.
Là, devant moi, s'esquissait le tableau qui hantait mes nuits les plus sombres.
Elle était là, resplendissant dans Sa sinistre somptuosité, détonant dans cet univers blanc. Son unique iris me fixait, comme si Elle pouvait lire la souffrance qui m'engloutissait. Dans Ses bras, reposait le corps sans vie de ma mère, qu'Elle semblait bercer. Ses ailes noires l'entouraient et caressaient ses joues pâles que je ne pourrais plus jamais embrasser. Des plumes ébènes effleuraient parfois ses lèvres pâles, sur lesquelles florissait un sourire accueillant et détendu, qui ne me loueront plus jamais son amour. Ses yeux, qui auraient été éclairés par cet ultime sourire s'ils n'avaient pas été fermés, ne brilleront plus jamais de la fierté et de l'amour que je lui aspirais.
Son cœur s'était arrêté, son amour fané, sa vie dissipée...
© 2024 Sélène Rivers
__________🤗 BLABLA TIME __________
Ca faisait longtemps !!!!
Je vous avais manqué ? Ne me mentez pas je sais que oui 😏Mon incroyable personne et mes textes dépressives ???
Et celui-là, qu'en pensez vous ?
En tout cas, je place de grand espoir en lui car.......
Je ne vous dirai pas HAHAHAHA 😈 !!!!!!!
Mais comme je suis pas entièrement maléfique, je vous tiens au courant sur mon compte insta: Seleneriversauteure
Sur ce...
Bonne aprem'
Sélène <3
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