Chapitre 7 : Est-ce que je viens de faire une grosse connerie ?
Roxane
Ma montre vibre, me tirant du sommeil. J'émerge et m'étire comme un chat. Je m'accorde quelques minutes pour me réveiller avant de sortir de mon lit. L'ouverture des stores laisse les rayons du soleil illuminer mon studio et agresser mes rétines.
Outch.
Je prépare un café, fume une clope, puis passe à la salle de bains et me revoilà sur mon matelas, les jambes étendues, mon ordinateur sur les cuisses. J'avale une gorgée de ma boisson et mange une banane pendant que la machine transfère le contenu de la carte mémoire dans un dossier.
Impatiente, je les fais défiler, la respiration bloquée. Ce n'est qu'après les trente premières photos que l'air revient dans mes poumons. La plupart sont réussies alors j'enclenche la musique et me mets au travail. Sur plus de trois cents clichés, il en reste huitante que je vais traiter en profondeur.
Ça promet quelques heures de boulot et c'est la priorité de la journée. Je choisis de les passer en noir et blanc pour accentuer leur authenticité. Dans un premier programme, je corrige les ombres et éclaircis des zones, puis dans le deuxième, j'efface des défauts ou enlève des éléments indésirables.
Les ayants photographiés à leur insu, alors qu'ils étaient plongés dans leur représentation, les images font ressentir leur énergie et à quel point ils étaient dans le feu de l'action. Tristan est d'une beauté sans nom, détendu et serein, épris d'une passion limpide. C'est aussi la première fois qu'il révèle un sourire ni crispé ni forcé. Romain dévoile un charme dangereux, mais au combien attirant, tandis que Nolan et Adrien dégagent plus de lumière et de gaieté. Quant à Bastien, sa prestance emprisonne quiconque le regarde, alors que sa voix ensorcèle.
Quelle bande de mecs redoutables...
Un coup d'œil à l'horloge m'indique qu'il est déjà quatorze heures passées. Je me prépare à manger avant de partir me promener en roller pour me changer les idées. Si j'ai bien appris une chose, c'est qu'il ne sert à rien de bosser sur les photos pendant des heures, car je perds en concentration et risque de bâcler mon travail.
À mon retour, je saisis mon courrier et fronce les sourcils en découvrant une lettre de l'agence immobilière. Plus j'avance dans sa lecture, plus je déchante. Le propriétaire de mon studio a décidé de le mettre en vente ; et si je ne souhaite pas l'acheter – disons surtout que je ne peux pas – il me reste trois mois pour le quitter. Le délai légal.
Merde.
J'habite ici depuis neuf mois et j'y suis tellement bien. Devoir en partir m'attriste. J'adore cette indépendance. Retrouver un studio pour un loyer aussi bas est quasiment impossible. Le prix de celui-là était un miracle et mon père m'a pistonnée pour que je l'obtienne. Bon, il est vraiment vieux, sans lave-vaisselle, pas très bien isolé et la buanderie est en commun, mais ça ne m'a jamais dérangé. Je relis la lettre avant de me laisser tomber contre le dossier de la chaise, déprimée. J'appelle ma grande sœur comme je le fais plusieurs fois par semaine, sauf que là, c'est une urgence et je dois déverser ma tristesse. Nous discutons un quart d'heure et terminons en vidéo afin que je puisse saluer ma nièce adorée.
Je mets de côté mon problème pour achever le traitement des photos. Je les fais défiler sur l'écran, à la recherche du moindre défaut et programme plusieurs publications. Maintenant, je vais commencer à éplucher les annonces.
***
Me voilà, une semaine plus tard, à rouler pour rejoindre une maison avec une future colocation potentielle. Cette troisième visite concerne une chambre et c'est le plus avantageux dans ce que j'ai trouvé. Bien qu'ancienne, la bâtisse est grande, entourée de prés. L'annonce promet d'entrer dans un groupe plein de vie et propose une pièce au deuxième étage avec une petite salle de bains indépendante. Je n'ai jamais souhaité cohabiter avec d'autres personnes, j'apprécie d'être seule. Cependant, ça peut être très sympa, me permettre d'économiser et de vivre de nouvelles expériences. Ils doivent avoir beaucoup de visites, mais je tente ma chance malgré tout. Mon point faible reste mes revenus. Comme ils sont irréguliers, on est loin de la garantie qu'apporte un salaire fixe et ici : pas de pistonnage. Bon, jusqu'à maintenant, je n'ai jamais payé un loyer en retard.
J'éteins le moteur et quitte ma voiture. L'extérieur est bien entretenu, sans mauvaise herbe. Il y a deux garages séparés de la bâtisse qui semblent avoir été construits plus récemment. C'est bien mieux que les deux autres appartements que j'ai visités, ils étaient même délabrés. Je replace mes cheveux, puis gravis les quelques marches et sonne. Une personne m'ouvre et je me fige en le reconnaissant.
— T'habites ici ?!
— T'es là pour la coloc ?
Nolan et moi avons prononcé notre question en même temps. Je me pince les lèvres, gênée, avant de froncer les sourcils.
— Attends... c'est chez vous ?
— Eh oui. Entre !
Euh... non.
— Je...
— Allez ! Si t'es ici, ce n'est pas pour rien.
Un petit sourire de défi surgit sur son visage.
— Mouais.
J'avance dans le corridor. L'escalier se situe à ma gauche, à droite se trouve une porte, puis le salon et la cuisine ouverte se dévoilent.
C'est grand.
L'imposante baie vitrée illumine la pièce. Le plancher d'origine craque sous mes pas – j'adore. De belles peintures d'instruments de musique apportent une touche de couleur.
— Et là, tu as la terrasse.
Nous sortons, posant les pieds sur un sol en plastique surélevé pour être à la hauteur de la maison. Ils ont installé une grande table, un barbecue et deux chaises longues ainsi qu'un salon extérieur fabriqué avec des palettes.
— Tu es tout seul ?
— Oui... Enfin, Tristan est dans sa chambre. Nous avons pensé que j'étais le mieux placé pour les visites. Adrien et Romain travaillent.
— Oh, donc vous vivez presque tous ensemble, réalisé-je. Vous avez eu beaucoup de demandes ?
— Non... soupire-t-il, dépité.
Il me montre la cuisine un peu vieillotte, mais toute équipée. Une table de bar avec trois chaises sépare cette partie du salon. Nous descendons au sous-sol et atterrissons directement dans un espace aménagé en local de répétition.
Derrière une porte, il y a une cave de bonne taille où chacun a une tablette très large et un tiroir dans le congélateur.
Ils sont bien organisés.
Nous montons au premier étage, composé de quatre chambres, d'un bureau et d'une salle de bains moderne. Ensuite, nous gravissons les marches jusqu'au deuxième, sous le toit, accessible par deux escaliers opposés.
— Après toi, m'invite-t-il en souriant.
Je m'arrête sur la dernière marche et ouvre la porte. La pièce se dévoile et me charme immédiatement. Un grand lit métallique est collé contre le mur du fond, entouré par deux tables de chevet en bois blanc assorties au petit bureau à ma droite. Une commode est placée devant le lit et une armoire trône à ma gauche. Le plancher en vieux chêne apporte une touche de chaleur et l'ensemble est lumineux grâce à un velux qui n'est clairement pas d'origine.
— Vous avez aménagé cette pièce exprès pour le nouveau locataire ?
— Non, c'est Bastien et Meryl qui y ont vécu. Elle a tout choisi et on a suivi ses ordres, même si on a appelé un professionnel pour certains points, comme le trou dans le toit, rit-il.
— C'est vraiment très réussi.
Je m'avance et tourne sur moi-même pour obtenir une vue d'ensemble. Je m'imagine déjà ici, mais vivre avec autant de mecs m'effraie un peu.
— Ils sont partis il y a quelques mois s'installer dans leur appartement pour plus d'intimité et, depuis, il y a eu notre ancien colocataire quelques mois.
Je m'arrête et m'assieds sur le lit au matelas souple, puis pivote vers lui.
— Pourquoi est-il parti ? Et pourquoi le remplacer ?
— Il est parti s'installer avec sa copine, soupire-t-il. Nous avons employé toutes nos économies avec cet album et l'entretien de la maison n'est pas gratuit.
— Vous êtes propriétaires ?
— Nope, c'est à la grand-mère d'Adrien. Elle est en maison de retraite et lui a confié la baraque en échange de sa restauration. Vu sa taille, on ne chôme pas. C'est dans sa famille depuis septante ans, cet endroit est très important pour lui.
— J'imagine. C'est génial, un bon compromis.
— Oui, j'aime être ici. On apprend beaucoup de choses en rénovant une vieille bâtisse. Et comme tu as pu le voir, ça nous permet de payer un loyer bas tout en nous offrant du calme, de l'espace, à l'écart de la ville sans en être trop éloignés pour autant en voiture.
— J'avoue que l'emplacement est avantageux.
Il me sourit, puis me propose d'ouvrir la porte à côté du lit pour découvrir la salle de bain plus petite que celle dans mon studio, mais où il y a tout ce qu'il faut.
— Derrière ta chambre, c'est une partie du grenier qu'on n'a pas encore aménagée, donc tu n'as pas de voisins.
— D'accord, réponds-je en me relevant.
— Alors, tu en dis quoi ?
Son regard rempli d'espoir me sonde alors qu'il s'adosse au chambranle de la porte.
— Que cohabiter avec vous quatre ne me rassure pas du tout.
Il se redresse, affichant une expression étonnée.
— Pour quelle raison ?
Je recule d'un pas et pose les mains sur mes hanches.
— Ça promet plein de disputes : je vous engueulerai, car vous laisserez tout traîner ou ferez trop de bruit, et vous me crierez dessus à cause de ma touche féminine dans la maison ou des cheveux partout.
Il penche la tête de côté et plisse les yeux.
— Tu as vu quelque chose qui n'était pas rangé ?
— Vous avez des visites aujourd'hui, logique que tout soit aligné.
— Ça l'est tout le temps, se défend-il avec moins d'assurance.
— Mais bien sûr !
Nous rions en chœur.
— Et puis, tu travailles sur ton ordinateur, tu seras tranquille dans ta chambre. Oh ! Et tu pourras venir avec nous aux festivals, ça te fera de l'essence en moins, donc des économies en plus !
Ce n'est pas trop mal comme argument.
— Ce n'est que dix-huit trajets.
— Bon sang. T'es difficile en négociation.
— Tu n'es pas doué pour convaincre.
Finalement, vivre avec eux ne m'effraie pas tant que ça – je crois. Leur maison est accueillante, il y a de la place pour qu'on ne se marche pas dessus et une grande terrasse avec jardin.
— Tristan n'est pas très agréable.
— Ça ira de mieux en mieux, essaye de ne pas trop lui en tenir rigueur.
Je hoche la tête.
— Et regarde !
Il sort son natel et me montre une discussion. Il a prévenu que j'étais la seule visite dans leur conversation groupée. Adrien lui ordonne de ne pas me laisser filer.
— Vous êtes désespérés à ce point-là ? me moqué-je.
Il se pince les lèvres pour cacher un sourire.
— Non, avoue-t-il. Mais c'est dur de trouver quelqu'un pour une si grande colocation. Le bus ne passe pas ici et la gare est trop loin à pied. De plus, on te connaît un peu, on s'entend bien avec toi, donc... Pourquoi pas ?
Ma tête dodeline. Nous descendons dans le salon où il m'offre un soda.
— Je ne serai pas votre boniche, attaqué-je.
— Aucun risque. Déjà, on a un planning pour le ménage et j'adore cuisiner. Un vrai petit chef. Promis, tu ne seras pas exploitée.
Très drôle.
— Vous mangez tout le temps ensemble ?
— Quasiment, oui, surtout le soir ! On est comme une famille.
J'adore ce petit côté tribu.
— Alors ? insiste-t-il. Et bon, au pire, si ça ne marche pas, ben tu déménages dès que tu trouves quelque chose de mieux. On ne t'en voudra pas.
Je réfléchis à une colle que je pourrais lui poser, mais rien ne me vient. Je n'ai pas de raison de refuser. C'est juste, si cela se passe mal, je n'aurais qu'à chercher autre chose. Mes ongles tapotent contre l'alu de la canette de ma boisson.
— Je prends. Mais je ne sais pas si je vais pouvoir emménager tout de suite, car mon avis d'expulsion est dans un peu plus de deux mois. Je dois regarder avec l'agence si je peux partir avant sans payer les loyers. Sinon, il faudra attendre.
— Vu que tu es mise à la porte, ça devrait pouvoir s'arranger, m'assure-t-il. Sinon, on patientera.
J'acquiesce. Il se redresse et tape dans ses mains.
— Bienvenue chez toi !
Ça a quand même été très rapide cette histoire... Je ne sais pas trop si c'est une bonne décision, mais je suis aussi contente d'avoir trouvé cette colocation.
Est-ce que je viens de faire une grosse connerie ?
_____
Et voilà le dernier chapitre gratuit, j'espère que ce début t'aura donné trop envie de lire la suite !
Qu'en as-tu pensé ?
Tu peux commander le roman sur ma boutique en ligne jusqu'au 6 avril (après aussi, mais sans garantie pour les goodies) ou en librairie/sites de vente dès sa sortie le 21 avril 2023, en Suisse, France, Belgique et Canada.
Merci d'avoir lu jusqu'ici 😘
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