Partie 11 - Chapitre 3 : (2/6) Les mystères de la vie
LES QUESTIONS
Les sourcils froncés, Tempéra attend que le couple se décide enfin à se lever pour se précipiter vers eux avant qu'ils ne quittent le laboratoire. Sans un mot, il les arrête d'un geste de la main. Il prend un instant pour reprendre ses esprits, puis il leur demande calmement :
« Je peux vous parler un moment ? »
« Bien sûr professeur Akheeli, » répond Madame Karim en lui souriant.
Ils vont s'installer dans le même petit salon à la porte bleue comme au jour de son arrivée. Tempéra s'assoit le visage fermé alors qu'il cherche ses mots. Comment doit-il commencer ? Quel intérêt auraient-ils à saboter son travail ?
« Qu'est-ce que vous faites à cet enfant ? » finit-il par demander.
« Je croyais que vous ne posiez pas de questions professeur Akheeli, » répond l'épouse d'un ton narquois qui irrite tout de suite le professeur.
« Lorsque mon travail est en jeu, alors oui seulement, je me dois d'en poser Madame, » rétorque-t-il en la défiant du regard.
« Cela risque d'être long, » rétorque-t-elle d'un ton posé. « On vous offre à boire. »
« Non, merci. Je veux juste la réponse à ma question. »
« Êtes-vous seulement prêt à l'entendre ? » demande-t-elle.
« J'écoutes. »
« Un être supérieur est sur le point de voir le jour grâce à vous professeur, » s'exclame-t-elle le visage illuminé de joie.
Tempéra fronce les sourcils. Il se retient pour la laisser continuer.
« Les hommes ont toujours cru que Dieu et la science marchaient dans deux directions opposées, mais ils se trompent. »
« Toute forme de croyances ou religions est illégale depuis plusieurs années, Madame, » finit-il par interjeter.
« Tout comme la naissance artificielle professeur Akheeli, » rétorque sa cliente avant de continuer : « Les hommes ont toujours agi comme ils veulent quoiqu'il en soit, nous le savons bien. »
« Qu'est-ce que vous avez fait à cet enfant ? » reprend-il sans autre commentaire.
« La matière peut être modifiée de plusieurs manières professeur Akheeli : par la matière et par la pensée. »
Le chercheur laisse échapper un sourire moqueur, mais il garde le silence un long moment le regard perdu dans celui de la femme assise en face de lui.
« Pourquoi demander mes services si vous pouviez accomplir la tâche vous-même... par la pensée ? » demande-t-il amusé.
« Justement, nous ne pouvions pas concevoir un enfant pur sans l'aide de la naissance artificielle, »
Le scientifique ne peut empêcher un éclat de rire. Il secoue la tête quelques secondes comme pour chasser les idées incohérentes qui lui viennent. Il a entendu parler dans les médias de groupes religieux, cultes et sectes en tout genre qui prédisent chaque année une fin du monde imminente, un sauveur à naître, et une résurrection pour les chanceux croyants.
Bien que ces mouvements soient nombreux, ils savent faire preuve de discrétion pour passer totalement inaperçus dans un monde trop occupé pour écouter le désarroi de gens en mal d'espoir. Pour Tempéra qui ne croit en presque rien, il ne peut s'identifier à ceux-là même qui croient en tout et n'importe quoi.
Malgré les conflits et les guerres qui n'ont eu de cesse jusqu'à l'interdiction des religions, le professeur ne les trouve pas particulièrement dangereux jusqu'ici. Depuis le fameux traité sur la laïcité mondiale, les idées farfelues religieuses ne causent de mal qu'à ceux qui s'en approchent de trop près.
« Vous ne croyez pas en la pureté professeur Akheeli, n'est-ce pas ? » interroge la femme interrompant le long silence.
« Vous m'avez regardé, » rétorque-t-il en pouffant de rire.
« Je ne parle pas de pureté de la race professeur Akheeli, » réplique-t-elle.
« Écoutez madame, » Commence Tempéra en se levant exaspéré. « Croyez ce que vous voulez et manipulez comme vous voulez cet enfant, j'ai eu votre réponse à ma question, j'en ai assez entendu. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, » rétorque-t-il en se dirigeant vers la porte.
« Professeur Akheeli, » interpelle la femme en se levant. « À quoi vous accrocherez-vous lorsque vous aurez tout perdu ? Le néant est bien plus vaste qu'on ne le pense. »
Il s'arrête net, il se retourne pour dévisager sa cliente. Elle n'a pas l'air d'une folle ni d'une illuminée, bien au contraire. Elle a le regard vif et curieux des femmes intelligentes. Elle est tout simplement convaincue de connaître les secrets de l'univers tout comme il est convaincu de connaître ceux des tubes.
Alors, il lui répond d'un simple sourire avant de sortir de la pièce sans un mot. Il s'étonne de n'avoir pas rencontré plus de personnages de ce genre dans sa carrière.
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