Je suis là, je serais toujours là, quoi qu'il arrive, quoi que tu penses : nous sommes inséparables...

Blanc, tout est absolument blanc : du plafond à la sous-taie d'oreiller. "C'est pour rendre les chambres neutres" nous disent-ils. Mais ce n'est pas neutre, c'est juste triste.
Une sonnerie assourdissante retentit : c'est l'heure de manger, c'est tout ce que j'ai retenu de la visite faite précédemment. Je reste à ma place et j'attends la fin de cette alarme infernale. Puis, place au silence, enfin silence, c'est vite dit, car toi, tu es toujours là. Toujours là.

Des jours se passent tel un long cours d'eau tranquille et uniforme. Personne ne me dérange, c'est parfois trop dérangeant. Cette prison aux allures caritatives me donne envie de vomir.

Prise au piège dans une pièce sans vie.
Enchaînée à ma vie d'avant.
Torturée par toi,qui n'existe pas.

Après toutes mes séances de thérapie, c'est enfin ce que j'ai compris, tu n'existes pas, enfin plus. Je ne dis pas que tu n'as jamais existé, car cela serait me mentir ; mais aujourd'hui tu n'existes plus pour rendre ma vie plus simple.

Croire en toi n'a rien amené de bon : ma mère me croit menteuse, mon père, je n'ose même pas y penser et mon monde entier s'est écroulé. Menée ici par ma mère qui espérait me reconstruire, morceau par morceau. Naïve. Alors je ne parle plus de toi, si je ne parle plus, tu n'existes plus : c'est aussi simple que cela. Ne sois pas vexé ! J'essaye simplement de me préserver du monde. Ou de préserver le monde de moi.

Un son strident : un réveil douloureux. Cela serait un réveil si j'avais pu dormir. Mes yeux restent ouverts, à fixer le plafond blanc. Auparavant, la nuit représentait le meilleur moment de ma journée ; ces heures où tout était possible. Les rêves m'emportaient au-delà de ce monde, au-delà de mes espoirs. Maintenant, ils me figent, m'emprisonnent et m'empêchent de respirer. Je trouvais dans mes nuits d'enfant, la légèreté d'une plume alors qu'à présent, mes rêvent me pèsent, m'oppressent, m'étouffent. Dormir en est devenu une peur, un fardeau qui m'entraîne vers le fond qui est toujours plus bas, toujours plus noir, toujours plus triste...

Des pas se font entendre dans le couloir : réguliers et légers. Je saute alors de mon lit, enfile un pantalon et ouvre la porte. Je devrais être au petit-déjeuner, mais encore une fois, mes pensées m'ont rattrapée. J'arrive à prendre la porte avant que l'infirmier me voit. Régulier et léger. Je tombe toujours juste ! Je retiens mon souffle durant quelques secondes et je ne bouge plus de fil. Ne plus respirer. Ne plus bouger. Arrêter de vivre pendant un instant ou deux.

Bientôt, ces pas caractéristiques s'éloignent, jusqu'à ce qu'ils disparaissent complètement. Enfin, j'ai cru qu'il n'allait jamais partir. Je me dirige alors vers la porte au bout du couloir, et y insère la clef de l'infirmier. L'air entre au contact de ma peau et un sourire naît immédiatement. Libérée. Je m'avance sur le toit et observe le paysage de la ville. Ma tête se tourne vers la droite et je t'aperçois, toi, assis sur le toit. Tu tournes ton visage et tu me souris : un sourire sincère, un sourire qui me libère.

Toi et moi, sur ce toit, contre le monde.
Mon seul allié, pour l'affronter.