Le Chat et le Rat
Les rebelles finirent par grimper les dernières marches qui les séparaient du petit groupe. Ils ne s'embarrassèrent pas de paroles et attaquèrent directement avec les armes qu'ils avaient ramenées. Le premier coup d'épée fut esquivé avec habilité par Ohtar qui répondit par son poing dans le ventre de l'homme, ce qui lui fit cracher du sang.
L'offensive était si violente que Cleena jurerait avoir entendu des côtes se briser. La jeune fille pensa qu'elles avaient perforé le poumon du soldat d'Ambros et avaient provoqué une hémorragie interne. Bientôt, il se noierait dans son propre sang. Laurelin était en train de contrer des attaques au couteau avec sa poêle avant de perdre patience et d'administrer un coup magistral avec l'ustensile de cuisine sur le crâne du rebelle.
Cleena se fit la réflexion qu'il devait actuellement voir des étoiles autour de lui. Quant à Keenan, il se battait à mains nues face à son adversaire avec une maîtrise qui la déstabilisa. Quand avait-il appris à combattre de la sorte ? Sa technique était parfaite et ne laissait transparaître aucune hésitation. Il se défendait et attaquait sans mouvement parasite qui pourrait lui coûter de l'énergie. Il savait précisément ce qu'il avait à faire devant son ennemi. Keenan finit par donner un violent coup droit qui déplaça la mâchoire du rebelle.
La jeune fille ne pouvait s'empêcher de grimacer en imaginant la douleur qu'il avait pu connaître. Son ami d'enfance possédait lui aussi une force phénoménale. Malgré le fait qu'elle le savait musclé, elle en fut tout de même étonnée. Le médecin se battait lui aussi à mains nues, mais il était clair qu'il n'avait pas la maîtrise de Keenan. Certains mouvements lui étaient douloureux, mais il les ignorait du mieux qu'il pouvait. L'adrénaline l'aidait à rester concentré sur le combat. Il arrivait à esquiver les coups, mais ceux qu'il donnait n'étaient pas aussi puissants que ceux des deux guerriers alors il dut en administrer plusieurs avant de pouvoir assommer son adversaire.
Cleena était en retrait, à quelques pas de la bataille, et assistait à l'affrontement de façon silencieuse. Elle aimerait elle aussi se battre, mais elle savait qu'elle se ferait écarter et crier dessus avant même d'envoyer un seul coup de poing alors elle ne pouvait que regarder. Puis elle se rappela qu'elle devait fuir dès que l'occasion se présenterait.
Elle commença à chercher les possibilités de s'échapper. Cependant, il n'y en avait aucune, l'unique moyen de partir d'ici était par l'escalier qui était actuellement noir de rebelles. Cleena ne pouvait pas s'enfuir. C'était la première fois qu'elle regrettait de vivre sur les hauteurs du bas monde. Elle ne put s'empêcher de penser que c'était aussi une bonne chose, car de cette façon, les ennemis ne pouvaient venir que par un seul endroit, ce qui rendait la défense beaucoup plus facile.
En assommant, voire tuant, les soldats au fur et à mesure, le petit groupe descendait les marches petit à petit, mais cela n'était pas assez rapide. Il pouvait y avoir des renforts qui arriveraient à n'importe quel moment. Ils n'avaient pas le temps. Cleena devait fuir au plus vite.
— Il faut les renvoyer tous en bas ! s'écria Ohtar.
Chacun hocha la tête, d'accord avec le guerrier, mais comment pourraient-ils bien faire ? Ohtar se mit alors à pousser violemment les personnes face à lui, suivi de Keenan puis de Laurelin et de Gilestel. Les rebelles tombèrent dans les escaliers, s'écrasant les uns sur les autres dans des cris et des craquements d'os. Certains lâchèrent leurs épées qui se plantèrent dans le corps d'autres. Les marches se tachèrent d'une couleur rouge-écarlate. Le petit groupe se dépêcha de descendre l'escalier afin de se retrouver dans la rue avant que les soldats d'Ambros ne se relèvent.
— Cleena, va-t'en, maintenant ! s'exclama le docteur.
La jeune fille regarda son père avec de grands yeux. Elle savait qu'elle devait s'enfuir, mais elle ne le voulait pas. Elle ne leur avait pas dit au revoir. Le médecin devait lui raconter encore plein de choses au sujet de sa mère défunte. Si elle partait, elle n'aurait plus personne, elle serait seule. Comment survivrait-elle ? Elle était incapable de se débrouiller seule dans la nature, et encore moins avec des personnes à ses trousses qui souhaitaient la tuer. Cleena se retrouva figée sur place. Elle ne savait pas quoi faire et le médecin s'impatienta.
— Cleena, il faut que tu fuies ! Dépêche-toi ! Tu n'auras pas d'autres occasions ! Tu vas mourir ici si tu ne pars pas !
Les neurones de la jeune fille se reconnectèrent et elle recommença à penser. Elle regarda une dernière fois les membres de sa famille : Laurelin, Ohtar, Keenan et son père. Elle leur sourit.
— Merci pour tout ce que vous avez fait. Je vous promets que je sauverai ce Royaume. Je vais aller récupérer mon trône, et lorsque ça sera fait, je reviendrai. Attendez-moi et portez-vous bien jusque là. Je vous aime infiniment.
Cleena se retourna et entendit une lame fendre l'air, mais elle ne regarda pas en arrière. Il fallait qu'elle s'en aille au plus vite. Elle enfonça la capuche de sa cape sur la tête et chercha dans sa poche la petite bourse que lui avait confiée Laurelin, celle qui lui permettrait de payer les frais de sortie. La jeune fille courut à travers les ruelles qu'elle connaissait par cœur.
Personne ne la suivait. Elle savait que ses proches les retiendraient le plus longtemps possible pour qu'elle ait le temps de sortir du monde souterrain. Elle avait toujours voulu s'échapper de cette grotte, mais elle n'avait jamais imaginé que ce serait de cette façon que les choses se passeraient.
Cleena courait sans regarder en arrière. Elle était à bout de souffle, mais elle ne se permettrait pas de s'arrêter pour reprendre une fréquence respiratoire correcte. Les maisons se succédaient, les habitants se retournaient à son passage. Ils se demandaient probablement pourquoi une jeune fille était en train de courir à s'époumoner.
Cleena finit par voir l'escalier qui menait à la surface. Une vague de soulagement s'empara d'elle. Elle y était presque. Une fois dehors, il sera beaucoup plus difficile à ses poursuivants de la retrouver, mais pour l'instant, dans cet endroit fermé et étroit, ils pourraient lui mettre la main dessus sans difficulté.
Le cœur de Cleena rata un battement lorsqu'elle remarqua des hommes vêtus de noir postés tout le long des marches. Ils vérifiaient l'identité de tous les citoyens qui s'aventuraient à l'extérieur. Elle ne pourrait pas sortir sans se faire repérer. Il était évident qu'ils placeraient des rebelles au niveau de la sortie de Spelunca, ils n'allaient pas laisser passer l'occasion de se débarrasser de la dernière héritière au trône. Il n'était pas compliqué de deviner qu'elle tenterait de s'échapper du bas monde dès qu'elle aurait compris la menace. Comment allait-elle faire à présent ?
Des hommes en noir couraient dans sa direction, sûrement à sa recherche et Cleena se précipita dans une petite allée pour se cacher. Elle s'efforça de faire fonctionner ses neurones pour trouver un moyen de sortir d'ici. Si elle restait là, elle serait bientôt faite comme un rat.
Cleena s'enfonça un peu plus dans les ruelles étroites qui pouvaient donner l'impression d'un labyrinthe à quiconque était étranger au monde souterrain. La jeune fille connaissait ces endroits par cœur à force d'avoir joué à cache-cache, enfant, avec Keenan et d'autres amis.
Cleena s'arrêta brusquement à une intersection à l'entente d'un cri. Elle se retourna dans la direction du bruit. Elle s'attendait à voir quelqu'un se faire égorger par un des soldats d'Ambros. Elle se souvenait du récit que lui avait raconté son père et de la façon dont ils avaient retiré la vie à de nombreuses personnes du village, sans réelle raison. Elle fut soulagée d'apercevoir une femme face à trois hommes qui tentaient de lui soutirer de l'argent. Ça, elle pouvait s'en occuper.
— Eh, bande de lâches, laissez -là tranquille ! s'exclama Cleena.
Les trois bandits se retournèrent vers la jeune fille qui commençait à remettre en question sa volonté d'aider cette pauvre femme qui était en train de se faire voler. Ces hommes étaient beaucoup plus imposants qu'ils n'y paraissaient. Comment pouvaient-ils être aussi grands alors qu'ils ne voyaient jamais le soleil, source de vitamine D importante pour la croissance ?
— C'est à nous qu'elle parle la petite morveuse ?
— Je crois bien que oui, on va lui faire sa fête.
Cleena réalisa qu'elle ne les avait jamais aperçus dans le monde souterrain, or ici, tous les habitants s'étaient déjà croisés au moins une fois dans leur vie, à moins d'être un ermite totalement isolé de la société. De plus, la jeune fille avait eu l'occasion de soigner au moins une fois chaque citoyen de Spelunca. Elle se rappela alors sa réflexion sur leur taille et comprit qu'elle avait affaire à des personnes venues de l'extérieur. Est-ce que tous les habitants de la surface se comportaient-ils de cette façon ?
Un frisson d'horreur parcourut l'ensemble de la colonne vertébrale de Cleena. La femme qui se faisait racketter s'en alla avec précipitation, la laissant seule face à ces trois colosses.
— Euh... En fait, je vous ai confondu avec des amis, j'ai dû me tromper de rue. Je ferai mieux de les rejoindre, sinon ils risquent de s'inquiéter, bafouilla Cleena, tentant de faire diversion pour se sortir indemne du pétrin dans lequel elle venait de se mettre.
L'inconnu du bar observait la scène qui se déroulait sous ses yeux, perché sur l'un des toits de la ruelle. Il aimait prendre de la hauteur pour voir sans être vu. C'était son passe-temps favori. Dans les airs, il avait l'impression qu'il était inatteignable et que tout était si petit et insignifiant, bien que les maisons n'étaient pas si grandes que ça.
Il avait assisté à tout l'échange et se retenait de rire. Il avait reconnu la voix de la jeune fille qui avait soigné sa blessure pas plus tard que la veille. Il ne l'avait jamais rencontrée de sa vie et voilà qu'il la croisait deux fois en l'espace de deux jours. Quel genre de coïncidence était-ce ?
Il s'était d'abord dit qu'elle était courageuse de les affronter pour sauver cette femme. Lui n'avait pas bougé le petit doigt. Mais au vu de sa tentative vaine de calmer ce qu'elle venait d'engendrer, il comprit qu'elle avait agi de façon impulsive et qu'elle était incapable de se défendre face à ces trois hommes. Il n'aurait pas été étonné de la voir se battre. Cette mini médecin avait l'air d'être emplie de surprise.
D'en haut, sa silhouette avait l'air si petite et si frêle. Pas étonnant qu'elle ne tienne pas l'alcool. Où était son copain aux cent kilos de muscles ? En tout cas, elle avait l'air dans une mauvaise situation.
L'homme aux couteaux se rappela s'être demandé si c'était une manipulatrice ou simplement une jeune fille qui pensait adoucir le monde avec sa gentillesse. Il finit par conclure qu'elle était stupide, rien de plus. Quelle idée de se confronter à ces trois malfaiteurs si elle était incapable de se défendre ! C'était bien beau de vouloir aider les autres, mais elle n'était même pas capable de s'aider elle-même. C'était une imbécile.
L'un des brigands s'approcha de la petite docteur. Il voulut lui retirer la capuche de sa cape, mais elle fit un bond en arrière avant même qu'il ne puisse la toucher, ce qui l'énerva.
— Tu vas payer pour ton insolence ! s'exclama l'individu en colère.
Il leva son poing, prêt à l'abattre sur la jeune fille qui ne bougea pas d'un poil, comme si elle attendait de recevoir le coup sans même se défendre. L'inconnu du bar soupira. Il avait une dette envers cette fille qui l'avait soigné. Il savait pertinemment que sa blessure pourrait s'infecter et qu'il pourrait en mourir. Cependant, il n'avait pas la moindre idée de comment la traiter pour ne pas arriver à cette fin si tragique.
C'était à ce moment-là que cette fille l'avait abordé dans ce bar. Elle l'avait soigné sans même qu'il l'ait demandé et lui avait donné son rouleau de tissu pour faire les pansements, sans même réclamer quelque chose en échange. À présent, il était temps de s'acquitter de sa dette, bien qu'il pensait ne pas avoir à la payer aussi rapidement. Tant mieux, plus vite c'était fait et moins longtemps il sera attaché à cette fille.
Le jeune homme se saisit d'un des couteaux qui se trouvaient à sa ceinture et s'interposa entre la fille et l'être mal élevé qui lui faisait face en sautant du toit. Il atterrit entre les deux personnes, avant de planter sa lame dans le poing qui s'abattait sur la mini docteur. Le bandit poussa un cri qui se répercuta sur les murs de la ruelle étroite. Il était arrivé si rapidement qu'il fallut plusieurs secondes aux individus présents pour comprendre ce qu'il venait de se passer. Il avait atterri sur ses deux pieds avec agilité. Il retombait toujours sur ses pieds, tel un chat. Le plus surprenant venait du fait qu'il soit venu tout droit du plafond.
— Qui es-tu ? hurla l'homme blessé en postillonnant. Les gars, je veux qu'ils soient tous les deux morts lorsqu'on partira d'ici !
L'inconnu du bar sentait la fille s'agiter derrière lui, mais elle était assez intelligente pour ne pas bouger, au risque d'être blessée à son tour. Elle devait se demander comment il avait pu atterrir face à elle en tombant du plafond. Il répondrait à ses questions plus tard, il avait d'autres chats à fouetter actuellement.
Il avait déjà affronté ce type de personnes dans les rues sombres du bas monde. Son insolence lui causait beaucoup de combats et l'avait façonné toute son enfance. À présent, il maîtrisait à la perfection ses lames et n'avait pas peur devant ces trois colosses. Ce n'était que des chiens enragés qui aboyaient à ses yeux. En moins de dix secondes, ce serait casé.
Un. Les deux autres bandits foncèrent dans sa direction, prêts à le rouer de coups.
Deux. Le jeune homme se saisit d'un second couteau. Il était aussi agile de sa main droite que de sa main gauche. Il ressentait les lames comme un prolongement de son corps. Il pouvait les maîtriser avec facilité. Elles ne le trahiraient jamais, car il savait les choisir.
Trois. Les deux malfaiteurs commencèrent à abattre leurs poings sur l'inconnu du bar qui les laissait l'attaquer. Il ne voulait pas dépenser plus d'énergie que nécessaire. « Feignant » était un mot qui lui convenait plutôt bien.
Quatre. Les bras des deux individus arrivèrent à sa hauteur et le jeune homme utilisa ses deux couteaux pour couper le membre de chacun d'eux. Il prenait plaisir à aiguiser ses lames autant qu'elles le nécessitaient alors elles étaient d'un tranchant irréprochable.
Cinq. Les deux bras tombèrent au sol dans un bruit sourd, suivis du cri de douleur des deux chiens enragés qui voyaient le sang couler à flots de l'endroit où ils venaient de perdre leur membre.
Six. Le jeune homme plongea en avant pour se mettre dans une position de poirier avant de donner deux violents coups de pied dans la mâchoire de ses deux adversaires sous le regard subjugué de leur acolyte. Il était sûr de leur avoir brisé plusieurs dents, si ce n'était pas toutes.
Sept. Les deux bandits tombèrent sur le sol, assommés, et ne tarderaient pas à mourir, vidés de leur sang.
Huit. L'homme blessé à la main se jeta sur lui dans un cri guttural.
Neuf. Le manieur de couteaux n'hésita pas une seule seconde avant de trancher la gorge du dernier adversaire qui se trouvait face à lui, qui rejoignit ses amis au sol en se tenant le cou.
Moins de dix secondes et le combat était terminé, comme il l'avait prédit.
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