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« N'empêche, je dois dire qu'on a de la chance, parce que si la plus grande partie des choses sur cette Terre sont cassées, heureusement que les satellites GPS fonctionnent, parce que sinon je ne sais pas trop comment on aurait fait, dit Antoine »
La Clio fonçait sur l'autoroute. Il n'y avait que peu d'embouteillage entre deux villes en général. La campagne Française défilait inlassablement. Avant l'infection, les champs avaient été retournées, ce qui leur donner une couleur boueuse. Le plus déprimant était que cette terre monochrome s'étendait jusqu'à l'horizon.
Le modèle sport tenait ses promesses, Antoine traversait à vive allure la plaine et il sentait à peine la voiture vibrer. De temps à autre, le flash d'un radar automatique crépitait sur la route vide. Le jeune homme réalisait là un de ses fantasmes. Il avait toujours voulu rouler comme un malade mental sur les routes de France. Son respect de la loi et sa peur de l'accident l'avait jusqu'à maintenant calmé derrière son volant. Vu qu'il conduisait une voiture volée et que les policiers qu'ils croiseraient aurait certainement d'autres choses à lui dire, il s'en donnait à cœur joie ! Quelque fois, on croisait d'autres véhicules qui avait terminé leur course dans le fossé suite à une embardée. À part ceci, il n'y avait pas âme qui vivait. Le pays semblait réellement abandonné par ses habitants.
À midi, le groupe s'était arrêté dans une station service. Ils avaient fait le plein de la voiture et avait mangé diverses victuailles qui traînaient encore dans la boutique. Ils n'avaient pas trouvé de signe de passage ou de signe de l'infection. Les aires d'autoroute s'implantaient loin des villes en général. De plus, les autoroutes représentaient un grand danger pour les infectés. Un fou du volant comme Antoine pouvait les percuter et les tuer de manière définitive en un instant.
Adam n'avait pas prononcé de parole supplémentaire depuis les coordonnées GPS du lac de Charpal. Il adoptait la même attitude qu'avant la mort de Bernard. Il restait près d'Ophélie et ne cassait les pieds à personne. Outre les informations capitales qu'il donnait de temps à autre, Adam était un gamin adorable. Il ne criait pas, ne faisait pas de bêtises, ne posait pas de questions gênantes sur le sexe et sur ce genre de chose et il ne se plaignait pas à longueur de temps comme les autres enfants.
En début d'après midi, le groupe atteignit Clermont-Ferrand. Les champs infinis au repos commencèrent à laisser à place au contrefort du massif central. Les forêts naissaient et l'horizon était barré par les premiers plateaux. Des fermes et des petits villages parsemaient le paysage. L'autoroute passait non loin et continuait de tracer son chemin sans se soucier de rien.
Dans la capitale du Puy de Dôme, quelques colonnes de fumés éparses s'élançaient à l'assaut du ciel. Heureusement pour les survivants, l'autoroute n'entrait pas en ville. Ils purent admirer le spectacle à une distance raisonnable. À une bifurcation, Antoine aperçu enfin le panneau qu'il avait tant recherché. Sur un fond bleu, en lettre blanche, les onze lettres de sa destination finale apparaissait. C'était la première fois au cours de son voyage qu'il pouvait toucher du doigt son objectif. Il sourit, il avait envie de pleurer de joie, mais personne n'aurait compris. La distance qui s'affichait ne représentait qu'une broutille. La Clio passa le panneau. Ils étaient à 321 kilomètres de Montpellier.
Antoine calma sa joie intérieure bien rapidement, le groupe ne se rendait pas là-bas. Leur objectif était la Lozère. Pour le moment, il irait jusque là-bas et il verrait bien ce que cette région aurait à lui proposer à part du bon saucisson.
Après avoir traversé Clermont-Ferrand, la voiture continua de passer près de plusieurs villages. Ces derniers semblaient vraiment très calme. Antoine demanda à Sam de regarder avec un peu plus d'attention. Aucun infecté n'était visible. Cela faisait quelque temps qu'ils n'en n'avaient plus croisé.
« Je ne vois rien, répondit Sam. C'est vrai que c'est bizarre. On a toujours vu des infectés au bord de la route et maintenant cela fait quelques heures que c'est le calme plat.
-Si j'étais un type optimiste, je dirais que l'infection est terminée, mais vu que je ne suis pas trop positif depuis quelque temps, je dirais que ces enfoirés nous préparent un mauvais coup.
-Tu penses à quoi Antoine ?
-Je n'en ai aucune idée. »
Le premier cadavre qu'ils recroisèrent, claudiquait en direction du sud. Il avançait derrière la barrière de sécurité et semblait beaucoup trop bête pour arriver à la traverser. Il ne fut qu'une vision fugitive qui rappelait à tous que toutes pensées positives devaient être bannis. Le monstre avait-il remarqué leur présence ou continuait-il tout seul son inutile route ?
Les cadavres suivant qu'ils croisèrent, marchaient lentement sur la bande d'arrêt d'urgence. Ils étaient un groupe de quatre et ne représentaient pas de réel danger. Ils arboraient différentes blessures aux jambes et aux pieds. Cela allait du pied déboîté, à la moitié du mollet à vif. Ce nouveau groupe n'inquiéta pas vraiment Antoine. Il réduisit cependant l'allure de la Clio.
L'autoroute traça sa route au milieu d'une forêt. Ici des chênes avait atteint un âge honorable. Ils lançaient leurs branches à l'assaut du ciel. Il n'y avait que très peu de feuille morte sur la route malgré la saison. Ces arbres ne perdaient pas leur feuillage avec les premiers frimas de l'automne.
« Il y a un truc louche, dit Sam, je vois plein de formes dans les sous-bois. Ils ont l'air de grouiller d'infecté. »
Antoine remarqua la même chose. Ils se déplaçaient comme de la vermine. Vu leur crasse, il aurait facilement pu passer à couvert dans ces bois. Cependant, leur nombre et le fait qu'ils se déplaçaient tous en même temps permettait aux occupants de la voiture de les apercevoir. Certes on ne voyait pas très bien ce qui se passait, mais on comprenait aisément que beaucoup de choses se déplaçaient.
Quelques kilomètres plus loin, la route était barré. Antoine freina un peu trop brusquement. Les pneus crissèrent avant l'arrêt total du véhicule. Par habitude, le jeune homme vérifia qu'il n'y avait personne derrière lui. En général piler sur une autoroute ramenait rapidement divers et déplaisant accidents. Il n'y avait personne à l'arrière du véhicule.
« Putain de bordel de merde, s'écria Sam. Il se passe quoi là. Ils font une espèce de migration ? »
Devant eux, l'autoroute été recouverte de centaines d'infectés. Ils étaient d'abord en rang espacé avant de devenir une foule compacte. Il traversait le bitume de droite à gauche et légèrement en biais. Les plus malins d'entre eux réussissaient à traverser les barres de sécurité sans trop d'encombre.Les plus abîmés se prenaient les pieds dans la rambarde de sécurité et tombait la tête la première au sol. Ils se relevaient comme s'il ne s'était rien passé et continuaient leur route. Quelques-uns se faisaient piétiner par leurs congénères.
Malgré cette foule et malgré l'insoutenable bruit des freins, aucun infecté ne se retourna en direction de la Clio. Ils continuaient tous leur incroyable route sans se préoccuper des vivants. Les infectés ne tournaient même pas la tête pour se demander ce qui se passait. Il y avait quelque chose de vraiment extraordinaire dans tout cela. Antoine n'avait jamais vu un tel comportement.
« On fait quoi ? Demanda Sam. »
Il n'y avait qu'une seule solution et le Sud était à ce prix.
« Tu me fais confiance mon cher Sam ?
-Tu veux une réponse franche ou une réponse qui va te plaire.
-Tu peux être franc !
-Je n'ai aucune confiance en toi !
-Pas grave, accrochez-vous ! »
Antoine écrasa l'accélérateur. Il fonça vers les monstres. Ces derniers continuaient bêtement leur marche. Ils ne se retournèrent même pas pour voir qu'une voiture allait les écraser. Ils percutèrent le plateau et chutèrent au sol avec de nouvelle blessures. Ils laissèrent des gerbes de sang sur le capot pour seul souvenir.
Par chance, le châssis de l'automobile était assez bas, ce qui empêcha les monstres de passer sous la voiture. L'un des monstres vint exploser sa tête sur le pare-brise. La vitre tint le choc. Cependant, la visibilité devenait réellement difficile. Les deux mains sur le volant, Antoine écrasait l'accélérateur. Le doute l'étreignait, se pouvait-il que la voiture ne passe pas le mur d'infecté ?
Alors que le flot de cadavre se faisait de plus en plus dense, le capot avait de plus en plus de bosse. Les lignes élancées de la Clio RS se transformaient à chaque choc. Le sang giclait tellement sur le par brise qu'il avait fallu mettre en route les essuie-glaces. Il n'y avait pas que du sang qui atterrissait sur le pare-brise. Antoine distingua des bouts de chair, de cervelle et d'os éclatés. Le jeune homme ne laissa pas ceci le déconcentrer.
« Antoine, on passera pas ! On va crever !
-On est en train de passer ! Tant qu'on n'est pas embourbé on peut passer ! »
À quelque reprise, les roues écrasèrent des infectés. Finalement le châssis n'était pas aussi bas que cela. Le pire était que l'allure de la voiture baissait petit à petit chaque infecté lui faisait perdre de la vitesse. Si l'attroupement ne se terminait pas prochainement, ils risquaient de finir à l'arrêt à un moment.
Le crâne d'un infecté frappa le pare-brise avec un peu plus de violence que précédemment du côté de Sam la vitre se fissura mais tint le choc. Les visages défigurés des morts se succédaient, ils ne faisaient rien pour éviter de se faire percuter par la Clio. À l'arrière, la voiture traçait un sillon mortel de sang et de chair broyé.
Alors qu'Antoine se disait que la voiture n'allait pas tenir plus longtemps, le flot de cadavre se tarit avant de se stopper totalement. Le jeune homme arrêta la voiture à quelque centaine de mètres du flot.
« Je vous avais dit qu'on passerait !
-T'es un grand malade Antoine ! À cause de tes conneries, je ne sais même pas si la voiture va continuer à avancer jusqu'à destination.
-Ne t'en fait pas, c'est de la qualité Française !
-Justement c'est pour ça que je m'en fais. »
Antoine sûr de lui sorti de la voiture pour vérifier qu'elle n'était pas abîmée. Le capot était relativement cabossé. Le pare choc avait bien paré les chocs, mais il s'était brisé au cours de l'escapade. Les phares ressemblaient plus à deux yeux crevés qu'à un moyen d'éclairer les ténèbres. Heureusement aucune roue n'était à plat et le moteur semblait toujours fonctionner. La Clio RS n'était plus vraiment sexy, mais il semblait qu'elle pourrait rouler encore quelque temps.
À l'arrière, deux traînés de sang conduisaient jusqu'aux pneus. Les monstres continuaient leur marche. Alors qu'Antoine était sorti de la voiture, aucun n'avait eu dans l'idée de le poursuivre pour en faire son quatre heures. Le jeune homme voulait en avoir le cœur net.
« Ohé ! Hurla-t-il. Bande d'enfoiré, vous faites quoi ? Je suis de la chair fraîche et en relative bonne santé ! »
Tout en parlant, Antoine levait les bras et faisait de grand signe. Il avait l'impression d'attirer autant d'infecté qu'un type ivre et recouvert de vomi attirait le sexe opposé. Il ne continua pas plus longtemps. Visiblement cela ne servait à rien.
« Ils ne semblent plus très intéressés par les vivants...
-Tu penses qu'ils vont où comme ça ? Demanda Sam.
-Où qu'ils aillent j'espère que ce n'est pas le lac de Charpal. »
En prononçant ses paroles, Antoine sut qu'il se trompait. Le gamin avait indiqué le lac et il ne se trompait que rarement. Enfin pour le coup, si des milliers d'infectés se rendaient à ce lac, il faudrait certainement se poser la question de l'opportunité de les devancer.
Antoine revint dans la voiture. Il ralluma le moteur et reparti sur l'autoroute.
« Adam, dit-il, les infectés vont bien en Lozère, n'est-ce pas ? »
Le gamin garda le silence.
« Adam c'est quoi ce monstre humain dont tu as parlé tout à l'heure ? »
Un nouveau silence.
« Pourquoi c'est important que nous allions là-bas ? »
Encore un silence. Antoine avait l'impression de raisonner un infecté. Il n'obtiendrait pas de réponse tant que le gamin ne voudrait pas en donner. Il n'y avait pas des tonnes de solutions disponibles. Il ne pouvait pas se mettre à tabasser l'enfant jusqu'à ce qu'il parle. Il risquait de se mettre à dos Ophélie et Sam.
Antoine stoppa la voiture au milieu de l'autoroute.
« Tu fais quoi ? Demanda Sam.
-J'aime pas la Lozère, c'est un des départements les plus déprimants du pays. J'ai pas envie d'y aller. On ne va pas suivre les conseils d'un gamin qui ne veut même pas nous parler. En plus, j'ai la désagréable impression que tous ces enfoirés de cadavres animés se rendaient à grand pas en Lozère. Je n'ai pas envie de me rendre là-bas si je peux l'éviter ! Qui est avec moi ?
-Mais Antoine, le gamin a donné des coordonnées. Il nous a sauvés la vie dans l'hélicoptère.
-Alors ? C'est lui qui commande ? On n'a même pas le droit de débattre, puisqu'il ne donne aucun argument concret ! »
Antoine était sûr de marquer des points. Il n'arriverait pas à convaincre Ophélie. Mais quoi qu'il arrive la jeune femme, n'oserait pas faire de vague. Elle ferait tout pour protéger le gamin. Pour cela, elle se plierait aux décisions du groupe.
Avec la perte de Bernard, le pouvoir de la sagesse avait changé de main. Certes, il était trop tôt pour dire qu'Antoine avait gagné ce pouvoir, mais il comptait bien s'imposer auprès des deux autres jeunes. L'opération se déroulerait avec quelques paroles prononcées avec assurance et le maximum de bon sens.
Soudain Adam parla :
« Il faut aller en Lozère, Leila se trouve là-bas. »
Antoine cru que son cœur allait s'arrêter. Ce sale morveux ne pouvait pas savoir pour lui et Leila. Le jeune homme n'avait jamais prononcé ce nom devant le gamin. Pour faire fort, l'argument du gamin frappait là où ça faisait mal.
À aucun moment de sa vie, Antoine n'avait plus eu l'impression d'être le jouet de quelque chose qui le dépassait et qu'il ne comprenait pas. Il se sentait extrêmement impuissant et frustré. C'était comme s'il laissait l'entier contrôle de sa vie à ce sale gosse.
« Qui est-tu Adam ? Ne me fais pas croire que tu es un simple enfant. »
Le garçon fixait le dossier du fauteuil de la Clio. Il ne semblait guère intéressé par les interrogations du conducteur. Ophélie lança un regard de trop à Antoine. Elle semblait réellement savoir quelque chose. C'était la marraine du gamin ou peut-être qu'un autre lien étrange les unissait.
« S'il te plaît Antoine, ne pose pas plus de question, dit-elle.
-Ne compte pas sur moi pour en arrêter là ! Je veux savoir qui vous êtes et pourquoi on doit aller en Lozère. N'essayez pas de me manipuler ! »
Ophélie regarda Adam. Elle semblait chercher l'accord du gamin. C'était comme si l'enfant l'empêchait de s'exprimer. Ceci n'avait aucun sens. Antoine se ravisa rapidement. Le monde avait perdu tout son sens alors tout était possible à présent.
« OK, dit Ophélie, il n'y a pas d'infection. Ce qui transforme les autres humains en ces choses abominables a été envoyé par vos créateurs. Adam et moi faisons partis de cette race. Nous ne venons pas de cette planète. Il y a quelques jours, nous avons fuis notre vaisseau pour venir ici.
-C'est une blague ? Vous ne pensez pas que je vais croire ceci ?
-Adam était en grand danger. Il est le fils du chef de notre peuple. Son oncle, Alexandre, a tué son père et il comptait se débarrasser de l'enfant. Ce n'est pas tout, il a envoyé ce fléau pour punir d'humanité.
-Pourquoi l'humanité avait-elle besoin d'être puni ? »
En posant cette question, Antoine se dit qu'une dizaine de réponses possibles lui venait à l'esprit. Ce n'était pas vraiment une bonne chose pour l'humanité.
« Il voulait vous punir parce que vous ne croyez plus en notre peuple depuis longtemps. Alexandre est un mégalomane. Il pense que l'humanité lui doit allégeance. Il a envoyé ce virus pour vous détruire. Il envisage de recréer une nouvelle race de créature plus docile que les êtres humains.
-C'est de la démence ! Tu te rends compte de ce que tu dis ?
-Oui, répondit Adam, elle se rend compte de ce qu'elle dit. Ma garde du corps en a déjà dit assez. »
Le gamin avait toujours sa voix juvénile, mais il parlait avec tant de fermeté qu'on aurait dit un grand chef de guerre.
« La seule chose que vous devez savoir c'est qu'il existe un homme sur cette planète qui a réussis à résister à ce que vous appelez l'infection. Le seul fait qu'il ait résisté à notre technologie lui a donné des pouvoirs surhumains. Cependant si nous ne sommes pas là pour lui enseigner comment s'en servir, il mourra comme vous tous !
-J'imagine qu'il se trouve en Lozère, pas loin du Lac de Charpal...
-Exact, répondit Le gamin. »
Comment Antoine pouvait-il croire une seule seconde ces révélations ? Le gamin et Ophélie semblaient tellement convaincu par ce qu'il annonçait. Les créateurs qui envoyaient une punition divine, cela ressemblait à un scénario biblique. Sauf que ces créateurs étaient une sorte de race extraterrestre qui aimait être adoré.
Antoine avait cependant besoin de savoir une dernière chose.
« Leila est vraiment là-bas ?
-Oui. »
Ophélie lança un regard noir sur l'enfant. Elle ne semblait pas vraiment d'accord avec sa réponse.
« Mon prince s'il vous plaît, ne lui cachait pas la vérité même si elle va lui faire mal.
-Très bien ma bonne Ophélie, brisons-lui le cœur. Antoine, l'humain qui a survécu a l'infection est le petit ami de Leila. Cependant ce qu'il n'a pas compris tout de suite, c'était qu'il portait en lui l'infection tout la contrôlant. Il a embrassé Leila et lui a transmis le mal. Elle est morte à présent. »
Une épée glacée. Ce fut le ton que le gamin avait adopté et ce qu'Antoine ressentait au plus profond de ses tripes. Tout d'un coup, il lui sembla que toute sa vie s'effondrait. Sa quête du sud perdait tout son sens. Il se sentait à la fois trahi et triste. Pourquoi Leila ne lui avait-elle jamais parlé de cet homme ? Depuis combien de temps était-elle en couple avec lui ? Pourquoi avait-elle passé tous ses moments à parler avec lui ? Pourquoi n'avait-elle pas mis la situation au clair une bonne fois pour toutes ?
Antoine n'entendrait jamais les réponses. Il ne poserait jamais les questions et il devrait vivre dans cette incompréhension. Il aurait mieux fait de rester à Dunkerque et de mourir loin de chez lui. Tous les sacrifices qu'il avait endurés, tous les efforts qu'il avait fournis, toutes les personnes qu'il avait abandonnées, tout cela avait été fait en vain. Tous ses rêves et tous ses espoirs agonisaient en même temps. Il aurait préféré cent fois être mordu par des infectés et que tout s'achève à présent. Il se sentait tellement las de vivre. La route ne lui avait jamais paru aussi lourde. Il ne désirait plus que s'allonger au sol jusqu'à ce que la fin le prenne.
Il n'y avait aucune larme qui venait malgré le trou qui lui rongeait le cœur. Il n'y avait plus rien. Le néant remplaçait tout.
« Bravo Ophélie, ton empathie pour les humains est vraiment une de tes grandes qualités.
-Je suis désolé mon prince. »
Antoine sortit de la voiture. Il avait besoin de prendre l'air. Il sortit une cigarette de sa veste et l'alluma. La fumée grise s'envolait dans l'air frais de l'après midi Auvergnat. Il n'avait pas autant apprécié une cigarette depuis longtemps.
La route s'étendait devant lui sur trois cents kilomètres. Elle serpentait à travers les plateaux du massif central, elle traversait les monts brisés de la Lozère et ses denses forêts, elle passait à travers les plaines agricoles de l'Aveyron, elle enjambait Millau et son viaduc, elle sillonnait à travers le désert du Larzac, elle descendait au Pas de l'Escalette, elle s'enfonçait toujours plus profondément dans les vignes de l'Hérault, elle arrivait à Montpellier, elle traversait la ville et continuait sa route sans s'arrêter jusqu'au sable des plages. Là-bas au bout du monde, la terre laissait place à la mer. Il n'y avait plus rien qui comptait au-delà. Le petit monde d'Antoine s'achevait avec ces bancs de sable.
Le jeune homme aimait cette route. Il aimait ce qu'elle représentait. Il aimait cette idée qu'au bout du chemin, il y avait sa terre, cet endroit qui l'avait vu grandir. Cet endroit dont il pouvait dire : « je suis chez moi. »
Personne ne pourrait jamais lui prendre cela. Personne ne lui retirerait ce sentiment. Les monstres, les créateurs, les éléments ou le cadavre infecté de Leila, personne ne pourrait jamais l'empêcher de retourner chez lui. Il n'y avait aucune trahison et aucune douleur qui se mettrait sur sa route. En voyant ce bitume qui s'étendait jusqu'à cet infini, il sut qu'il devait le faire.
« Antoine ? Dit Sam. Est-ce que tout vas bien ?
-Non rien ne va, mais personne ne m'empêchera de revenir chez moi. »
Sa décision était prise.
« Adam, est-ce que ce type qui a résisté à l'infection peu sauver le monde et arrêter cette apocalypse ? »
Le gamin regarda Antoine avec un grand sourire aux lèvres. Il avait compris.
« Nous n'avons pas beaucoup de temps, mais si tout se passe bien, il y a une chance.
-OK, Accrochez vos ceintures ! On fonce vers ce putain de lac ! »
Antoine passa la première, puis la seconde, il écrasait l'accélérateur. Il n'y avait plus aucune seconde à perdre.
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