5
La région parisienne était enfin derrière eux. Le soleil finissait sa course, d'ici une à deux heures, il disparaîtrait en laissant la place à une fraîche nuit. Pour le moment, les champs de blé et d'éolienne occupaient l'espace. Bernard était toujours au volant de la voiture. Il avait réussi à prendre l'autoroute qui s'était avéré étrangement vide. De temps à autre, une voiture accidentée faisait ralentir le rythme. Mais cela ne durait pas très longtemps en général. Le bitume s'étendait jusqu'à l'horizon et rien ne venait le contredire.
Les infectés se faisaient de plus en plus rare. Cela devait faire une bonne demi-heure qu'ils n'avaient pas aperçu de monstre errant. Plus les kilomètres avançaient et plus, la pression accumulée ces derniers jours redescendaient. Ils se surprenaient à rire de tout et n'importe quoi. Il y avait presque une ambiance de vacances dans la voiture. Certes il n'y avait pas de canicule et le soleil se faisait discret par moment, mais ce devait être la simple idée de quitter Paris et de filer vers le sud qui créait cette ambiance.
Cela ne signifiait peut-être rien pour les autres, mais pour Antoine chaque kilomètre parcouru le ramenait chez lui. Certes, il avait quitté le Sud depuis peu de temps, mais sa région lui manquait déjà. Étrangement, il en avait déjà une vision fantasmée. Pour lui, la température ne cesserait de monter à mesure qu'ils descendraient. Il était certain qu'il ferait beau et qu'il pourrait se promener en T-shirt au mois de novembre. Il s'attendait aussi à entendre les cigales et les grillons l'accueillir La méditerranée serait belle et Leila serait là pour lui.
Antoine se savait ridicule. Au bout de cette route, lorsque la voiture atteindrait l'horizon, il n'y aurait certainement pas de retour triomphal. Il n'y aurait personne pour lui et en plus c'était la saison des inondations. Seul des nuages gris lui souhaiterait la bienvenue chez lui. D'ailleurs, il risquait de ne plus avoir de chez lui. Antoine serait un étranger sur sa propre terre. C'était une perspective terrifiante. Concernant Leila, sa quête ne pouvait lui apporter qu'une amère déception. Plus les jours passaient et plus les chances de retrouver celle qu'il aimait, s'envolaient bêtement.
Alors pourquoi s'obstinait-il à vouloir aller toujours plus au sud ? Il ne pouvait lui-même expliquer ce besoin. Aimait-il vraiment Leila ou était-il juste aveuglé par ce qu'elle représentait ?
Leila était un lien très fort qui le raccrochait à chez lui. Mais ce n'était pas tout, elle était ce qu'il n'avait pas réussi à obtenir : une place au soleil. À chaque discussion, elle lui renvoyait implicitement son échec. Elle se trouvait au milieu de ses amis et de sa famille alors que lui se trouvait tout seul au milieu de nulle part. Durant son exil, elle avait été une des seules à qui il s'était confié et qui l'avait comprise.
Leila était un repère, chaque soir, il était sûr d'avoir des nouvelles d'elle et il avait quelqu'un avec qui parler. Depuis un peu plus de un an, sa vie était brusquement devenue compliqué avec ce déménagement dans une région inconnue et la découverte de son nouvel espace de travail. Il avait dû rapidement trouver un logement et être opérationnel. Il ne se sentait soutenu que par Leila. Ses sentiments pour elle étaient nés à ce moment-là, la période de sa vie ou il était le plus vulnérable en fait.
Bernard racontait une histoire de jeunesse, Sam et Ophélie riaient de bon cœur. Antoine se sentait soudainement seul dans son coin. Alors que les champs défilaient devant lui, il ferma les yeux et laissa ses pensés flotter sur le fil de sa conscience. Pourquoi Leila continuait-elle de lui parler aussi souvent ? Leur relation semblait tellement exclusive, elle ne laissait pas une seule seconde pour autre chose. À chaque fois qu'ils avaient un moment de libre, ils s'envoyaient des messages, ils se retrouvaient sur Skype et ils discutaient pendant des heures. Ce n'était pas une relation saine pour des amis, avec un peu de recul et pour un œil extérieur cela pouvait ressembler à une relation de couple. Ils n'étaient pas un couple ce qui générait toujours plus de frustration pour Antoine.
Bien qu'âgé d'une trentaine d'année, le jeune homme se sentait aussi bête qu'un adolescent. La fin du monde avait précipité les choses, mais la coupure des réseaux téléphoniques l'avait plongé dans une abîme d'incertitude. La partie logique de sa conscience lui hurlait d'abandonner et de passer à autre chose. Cette partie avait gagné lorsqu'il s'était retrouvé sous la tente avec Julia. Il ne regrettait rien. Quelques jours de plus avec elle, aurait pu le guérir de Leila.
Voulait-il vraiment être guéris ?
Le sommeil l'emporta.
La porte de sa chambre d'étudiant est fermé. Il n'y a rien exceptionnel à cela. Il est allongé sur son lit. Il regarde le plafond. Il n'y a rien d'exceptionnel à cela. Il connaît par cœur ces neuf mètres carrés. Il y a vécu pendant des années. Sa vie d'étudiant est une suite de fête et de partiel. Il se souvient vaguement des cours. Ceci n'a pas beaucoup d'importance. Tout va bien pour le moment.
Pourquoi essaie-t-il de se rassurer ?
Il se lève et ouvre ses volets. Montpellier brûle. De gigantesques flammes montent hauts dans le ciel de la ville. Ceci n'est pas normal. Il regarde cette ville se consumer sans éprouver la moindre peur ou la moindre surprise.
Il va se laver la tête à son lavabo derrière son lit. La glace lui montre un visage recouvert de sang, il sait que ce n'est pas le sien. Ceci n'est pas normal, mais il trouve que la situation est totalement logique.
Il ouvre la porte de sa chambre. Toutes les autres portes de ses voisins sont grandes ouvertes. Les murs et le sol du couloir sont pleins de sang. Ceci n'est vraiment pas normal.
Au sol, il y a un cadavre qui est face contre terre. Il connaît ce corps pour l'avoir désiré à tant de reprise. Le corps se lève. Il porte les traces d'abominable blessures au coup et sur les bras. De l'hémoglobine coule de sa bouche.
« À quoi tu t'attendais, dit Leila sans le moindre sentiment.
-Je pensais que...
-Tu penses toujours trop.
-Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
-Il n'y avait pas d'autres issues. Pas de sauvetage, pas de miracle, pas d'espoir. Tout ce que tu as essayé fut vain. Toutes les routes que tu as prises n'ont fait que t'emmener ici et maintenant dans une ville détruite et vers une fille morte mais vivante.
-Cela n'est pas possible. J'ai traversé l'enfer pour toi !
-Idiot, l'enfer commence ici ! »
Leila fonce sur lui, elle le reverse, elle se met sur lui à cadi-fourchon. Il trouve la scène presque excitante, mais il sait ce qui va se produire. Celle qu'il croit aimer, lui embrasse le cou. Non elle lui mord le cou de toutes ses forces, elle lui déchire les chairs pour les déglutir. Il sait qu'il meurt, mais il a enfin eux le contact physique qu'il désirait tant. Il a enfin senti son corps contre le sien.
Les yeux d'Antoine s'ouvrirent. Ce n'était qu'un sale cauchemar. Il n'était pas désespéré à ce point ! Non, il ne devait pas l'être !
« Bien dormit ? Demanda Bernard.
-Non pas vraiment, je rêve beaucoup d'infecté ces derniers temps.
-Tant mieux, parce que si tu rêves ça veut dire que t'es vivant. Je ne suis pas sûr que les cadavres vivants rêves beaucoup. Je ne suis même pas certain qu'ils dorment !
-On en est où ?
-Si les panneaux sont justes on devrait se rapprocher d'Orléans.
-Euh... On ne devrait pas essayer d'éviter la ville, dit Sam. Il risque d'y avoir des embouteillages et des tas d'infectés. »
L'idée semblait bonne. De plus, il allait certainement falloir trouver un endroit pour cuisiner toutes les boites de conserve et pour se reposer un peu. Bernard conduisait bien, mais il devrait se reposer à un moment ou à un autre.
« Il faudrait qu'on trouve un endroit où se reposer, vous ne pensez pas ? Demanda Antoine. Je n'ai pas dormi dans un bon lit depuis une éternité. »
Si l'on comptait la nuit précédente qu'il avait passée dans une tente et la nuit d'avant où il avait à peine pu somnoler dans un estaminet, Antoine, n'avait pas pu se reposer depuis une éternité. Il avait passé ses derniers jours dans le stress à courir et à tuer des infectés. Un bon matelas et une bonne couverture ne serait pas du luxe.
« OK et vous voulez trouver comment un endroit paisible où dormir ? Dit Ophélie. »
La question avait le mérite d'être posé. Trouver ce genre d'endroit au moment de l'apocalypse des infectés relevait de la gageure. Antoine avait fait l'expérience des nuits chez l'habitant et il n'avait pas vraiment envie de renouveler l'expérience. L'accueil laissait parfois à désirer.
« Le mieux, commença Antoine, ça serait de trouver un endroit où il n'y aurait pas de vivant et où on pourrait se protéger des infectés. »
Dire ça ne résolvait pas vraiment le problème. Mais au moins, il avait lancé une piste de réflexion. Il n'allait pas faire tout le boulot non plus !
« Le mieux, ça serait un hôtel, dit simplement Bernard. On en trouve un qui n'est pas trop infecté de cadavre marchant. On le vide de ses occupants hostiles et chacun dans sa chambre, on pourra être tranquille. »
L'idée était séduisante. Antoine se surprit à ne pas y avoir pensé en premier. En même temps, il se sentait très las.
« OK, mais il faut en trouver un qui n'est pas en centre-ville, ajouta Sam. Le mieux ça serait un Formule 1 ou ce genre de chose.
-Le gamin a eu une bonne idée, rétorqua Bernard. »
La décision fut prise de s'arrêter dans un hôtel situé de préférence dans une zone commerciale. Selon toutes les probabilités, il y aurait peut-être moins de monstre que dans les zones habitables. La voiture aurait prochainement besoin de carburant et finir le trajet à pied semblait être une très mauvaise idée.
Alors que le soleil déclinait de plus en plus, Bernard prit une sortie près d'Orléans. Par chance, il n'y avait pas de bouchons colossaux. La route était relativement dégagée, bien que le vieil assureur réduisit drastiquement son allure. Comme d'habitude, quelques carcasses de voitures accidentés hantaient la route. Les infectés firent aussi leur grand retour, ils étaient pour le moment isolé ou en petit groupe. Ils levaient la tête lorsque la voiture passait près deux. La plupart essayaient de la poursuivre mais en vain.
Après un passage rapide sur une nationale à travers les champs. Le groupe se rapprocha d'une zone commerciale. Ces zones commerciales comprenaient fréquemment un hôtel. Les magasins vides d'activités se dressaient comme les reliques d'une époque révolue. Il y avait des promotions sur les chaussures dans l'un d'eux, tandis que dans un autre, les merguez était à des prix imbattables. Ici aussi, il y avait des voitures comme partout ailleurs. Si l'humanité survivait à cette infection, que dirait les archéologues plus tard ? Au 21e siècle, la plupart des citoyens utilisaient des boites de métal pour se déplacer. Cependant ils n'utilisaient cet boites de métal que pour se déplacer, le reste du temps, elles restaient à l'extérieur sur des parkings, inutilement. Certaines de ses boites de métal, faisait la fierté de leur propriétaire...
Penser qu'il aurait des archéologues dans le futur, était presque réconfortant. Les humains s'étaient relevés de beaucoup de crise après tout. Ils avaient survécu à la peste noire, ils s'étaient développé un peu partout sur la surface du globe. Il y avait bien un endroit, une île, un désert ou une montagne que les infectés n'avaient pas encore souillé de leur présence.
Dans un recoin, entre deux magasins, Sam fit remarquer qu'il y avait un hôtel qui semblait les attendre. Tous les Formule 1 avaient quasiment la même architecture. Ils étaient de gros cube de béton posé sur là sans trop de raison. Ils privilégiaient le côté pratique au côté esthétique. Le jour de la fin du monde, c'était le genre de chose qui pouvait s'avérer utile.L'hôtel était entouré d'un grillage et par endroit il y avait même des arbustes qui assurait un minimum de confidentialité aux couples infidèles qui venaient copuler en ces lieux.
La Renault 19 se gara sans encombre, la grille de l'hôtel était ouverte. Comme pour leur souhaiter la bienvenue dans la zone commerciale d'Orléans, un infecté jaillit d'un buisson. Antoine avait à peine eu le temps de sortir de la voiture. Dégainer son katana prendrait trop de temps, pour son Famas ce serait la même chose. Il avait cependant toujours son Glock à la ceinture. Il avait piqué l'arme à un soldat infecté et il n'avait tiré que quelques balles jusqu'à présent. Comme à son entraînement au Famas, il sortit l'arme sans toucher la détente. Il ne fallait pas qu'il se blesse tout seul comme un crétin. Il pointa le Glock vers la tête de l'infecté et tira. La balle fit mouche et le monstre tomba au sol, définitivement mort.
Son surprenant calme l'étonna. Il tuait des infectés comme s'il l'avait toujours fait. Cette pensée le terrifiait. Comment avait-il pu se transformer en machine à tuer en si peu de temps ?
« On ferait mieux de fermer la grille, proposa Bernard, on sera plus tranquille comme ça. »
Sam trouvant l'idée excellente, s'occupa de ceci. Les infectés auraient plus de mal à pénétrer le périmètre de l'hôtel. Il suffirait ensuite de nettoyer les éventuels cadavres qui habitaient à présent les lieux.
La porte d'entré était ouverte. Le hall semblait abandonné. À leur gauche, une sorte d'étagère faisant le tour de la pièce servait de table pour le petit déjeuné. Au milieu, un buffet vide se dressait inutilement. Il y avait aussi un four micro-onde devant eux et le nécessaire pour faire du café. À leur droite, le bureau de l'hôtel était vide. À côté du bureau, une carte de France en grand format répertoriait tous les hôtels Formule 1 de France.
Contrairement au Auchan de Corbeil, il semblait que l'hôtel était toujours alimenté en électricité. Chercher une explication n'avait aucun intérêt, il suffisait de profiter de cette aubaine. Derrière le bureau, il y avait un distributeur de friandise et un distributeur de café.
« Les chambres s'ouvrent avec un code, dit Sam, je vais essayer de voir si on ne peut pas en avoir quelques-unes.
-Prend des chambres à l'étage de préférence, demanda Bernard, je n'ai pas envie de voir des cadavres débarquer pendant que je ferais ma grasse matinée. »
Sam s'installa au bureau. Il pianota sur le clavier de l'ordinateur. Il se gratta la tête.
« J'essaie de comprendre comment ça marche. D'ici quelques minutes vous aurez chacun une chambre ! J'imagine que je mets Ophélie avec Adam ?
-Oui évidemment, répondit la jeune femme. »
Sam tapa encore un peu sur le clavier.
« J'aurais besoin de vos nom et prénom pour faire une réservation.
-C'est une blague ? Dit Bernard. Tu peux rentrer n'importe quoi comme nom ça n'a pas d'importance.
-Ben j'ai pas d'idée de noms, je ne suis pas un générateur automatique de nom !
-Bon tu n'as qu'a m'appeler George Romero !
-Moi je veux bien que tu m'appelles Jack Snyder dans ce cas-là, dit Antoine. »
Les regards se tournèrent vers Ophélie. C'était à son tour de se trouver un nom pour l'hôtel.
« Appel moi Ophélie Winter, on m'a fait cette blague pendant toutes mes années collèges. »
Sam imprima quatre feuilles et les répartie entre les survivants.
« On a tous des chambres voisines, ça sera plus pratique si on se fait attaquer.
-Mouais ça sera moins pratique si y'en a qui ronfle, précisa Antoine. »
L'hôtel semblait calme. Seul les deux distributeurs automatiques ronronnaient dans l'indifférence générale. Une première porte derrière eux amenait vers le premier couloir. Inscrite sur des panneaux de couleur, le numéro des chambres indiquaient l'étage et l'endroit où se trouvait les chambres.
Antoine avait dégainé son Glock. Seul le silence oppressant du rez-de-chaussée lui répondit. Il fit quelque pas en direction des douches et des WC de l'étage. Un infecté pouvait rester enfermé dans sa chambre pour l'éternité, cela n'avait pas d'importance, à l'inverse, si un des monstres sauté à la gorge de quelqu'un souhaitant prendre sa douche, ceci poserait beaucoup plus de problème.
Un rapide état des lieux des WC et des douches confirma l'absence d'infectés. Antoine aurait bien aimé comprendre comme cela pouvait être possible. Il n'était pas normal qu'un tel lieu n'ait pas attiré plus de survivants. Il aurait dû se réjouir de la situation au lieu de se poser des questions.
Le premier étage s'avéra tout aussi vide. Alors que la nuit commençait, ils prirent possession de leur chambre. Un grand lit posé en plein milieu de la chambre, un lit superposé au-dessus, une télé sur un des côtés, un petit bureau sous la télé et un lavabo remplissaient les lieux dans un style des plus dépouillés. Ceci serait néanmoins suffisant pour qu'Antoine passe une des plus reposantes de sa vie.
Deux serviettes étaient posées près du lavabo. Antoine ouvrit la fenêtre et s'alluma une cigarette. La vue n'était pas des plus passionnantes. Les néons des magasins se succédaient à d'autres néons de magasins. De temps à autre, une petite parcelle verdure essayait de se faire une place parmi le béton, mais finalement c'était la ville qui gagnait à tous les coups. Au loin, il entendait les hurlements des infectés. Ils remplaçaient les bruits habituels de la ville. La nuit qui venait de tomber rajoutait une touche supplémentaire de terreur au tableau. Les monstres pouvaient se cacher n'importe où les ténèbres leur donnaient l'avantage de la surprise.
Antoine acheva sa cigarette. Il lança le mégot encore fumant sur le parking. La lueur orange virevolta et se disloqua en s'écrasant au sol. Il ferma sa fenêtre, il posa son katana sur son lit avec son Famas. Il prit cependant le Glock, les serviettes et le code de sa chambre. Par les temps qui courrait, un excès de prudence signifiait par moment une vie plus longue. Il n'était pas le seul à avoir eu cette idée, Bernard se baladait dans le couloir avec des serviettes.
« J'espère qu'on aura de l'eau chaude, dit le vieil homme, parce que j'ai pas trop envie de prendre une douche froide.
-Moi j'espère qu'il y aura de l'eau !
-J'ai déjà vérifié au lavabo ! Il y avait encore de l'eau !
-C'est bizarre quand même, il y a de l'eau et de l'électricité. C'est comme si tout ça ne s'était jamais produit. Enfin je me trompe parce qu'à l'extérieur, on n'entend que les infectés !
-Eh bien il va falloir s'y habituer, c'est pas demain la veille qu'on entendra autre chose dans une ville. »
Tout comme le reste de l'hôtel, la douche était spartiate. Il n'y avait que le nécessaire et rien de plus. La cabine était entièrement en plastique, un bouton tournant pour l'eau chaude et l'eau froide était incrusté dans le mur.
Antoine se déshabilla. Il y avait un renforcement dans le mur en plastique pour poser ses affaires. Il alluma l'eau avec prudence. S'il s'avérait que le jet fut glacé, il avait très peu envie de se faire rafraîchir. Il préférait être prévenu pour ce genre de choses.
Par chance, l'eau fut chaude. Il plongea sous la douche sans se poser plus de question. Laver toute cette crasse accumulée ces derniers jours ressembla à une mue. Il se sentait comme un serpent qui change de peau. Il n'avait que rarement passé autant de temps sans prendre de douche. Certes la situation était exceptionnelle, mais il ne devait pas non plus se laisser aller. Tant qu'il resterait propre, il garderait une partie de son humanité. Les cadavres à l'extérieur n'avaient que faire de l'hygiène élémentaire. Ils exhibaient leur blessure et leur sang séché au tout venant. Ils traînaient toute leur journée à l'extérieur sans se soucier de faire rentrer de la poussière à l'intérieur.
Certes Antoine aurait préféré pouvoir changer de vêtement, mais il n'avait pas vraiment ce luxe pour le moment. Dans un futur assez proche, il allait falloir faire les boutiques pour renouveler sa garde-robe. Dans le même ordre d'idée il aurait besoin de vêtement plus chaud que sa simple chemise et son manteau.
Une fois la douche finit et toute la crasse évacuée par les égouts vint le moment de se sécher. La chaîne d'hôtel Formule 1 avait prévu dans les cabines de douche un séchoir. Antoine trouvait ceci étrange de se sécher tout le corps avec un appareil conçu pour les mains. Mais il tenta l'expérience avec joie.
Quelques minutes plus tard, il sortit de la douche. Il avait les cheveux encore mouillés, mais ceci n'avait que peu d'importance. Le couloir était toujours étrangement vide. Bernard finissait de se sécher. Antoine repartit vers sa chambre. Il croisa Ophélie et Adam prêt pour une douche revigorante.
Le gamin passa sans parler. Il ne regarda même pas Antoine. Il y avait un truc de louche avec ce gosse. Ophélie croisa le regard d'Antoine, il n'avait jamais vraiment prêté attention à ses yeux. Il était vert et surtout ils allaient très bien avec le reste de son visage. Ophélie dégageait vraiment beaucoup de charme. Comment ne l'avait-il pas remarqué plus tôt ?
« L'eau est chaude ? Demanda-t-elle pour rompre le silence.
-Oui elle est à la bonne température. Bonne douche ! »
Antoine regagna ses appartements. Par pure curiosité, il alluma sa télé. Avec de la chance, il se pourrait qu'il tombe sur la dernière émission du paysage audiovisuel Français. Les chaînes privées n'affichaient rien à part des parasites. À l'inverse, les chaînes publiques diffusaient le même message que sur France Inter :
« Le gouvernement a décrété l'état de siège, l'armé est en train de se déployer sur tout le territoire. Nous demandons aux Français de ne pas sortir de chez eux et de ne pas encombrer les routes. Nous leur demandons de ne pas téléphoner pour ne pas encombrer les lignes. Nous leur demandons de ne pas s'approcher des infectés. L'usage de la force est interdite sauf pour les cas prévu par la loi : en cas de légitime défense ou en état de nécessité.
Le gouvernement a décrété l'état de siège.... »
Cette fois ci au son s'ajoutait l'image. Enfin ce n'était pas une image très intéressante, les ligne du message apparaissait en plan fixe sur la télé. Antoine ne pouvait s'empêcher de sourire lors que l'on parlait de l'usage de la force prévu par la loi. Il avait du mal à s'imaginer comment un tribunal pourrait le condamné pour tout ce qu'il avait fait jusqu'à maintenant. Certes il y aurait matière à condamnation, surtout si on considérait que tuer des infectés était un meurtre. Il serait une sorte de tueur en série. Non, il serait plutôt un tueur de masse.
C'était vraiment très flippant de penser que la plus grande partie des survivants à cette catastrophe serait des tueurs de masse. Recréer une communauté humaine dans ses conditions paraissait hautement risqué. Comment pourrait se régler les conflits à présent ? Faudrait-il tout le temps en venir aux armes ou est-ce qu'à un moment les humains seraient capables de pacifisme ?
Antoine éteignit la télé. Il s'occupa de recharger son Famas. Il aurait bien aimé nettoyer son katana, mais il n'avait pas vraiment d'idée sur la manière dont il comptait s'y prendre. Son voisin alcoolique avait oublié de lui parler de la manière dont on s'occupait de cette lame et ses lointains cours de kendo ne lui avait pas appris ce genre de chose. Il dégaina la lame et décida de prudemment l'essuyer avec la serviette. Il avait conscience de certainement commettre un outrage ou ce genre de chose, mais pour le moment personne ne semblait avoir les connaissances nécessaires autour de lui pour régler ce problème.
On frappa à sa porte. Antoine rengaina sa lame. Il n'y avait pas de judas à sa porte, mais il ne pensait pas qu'un infecté en manque, puisse ne donner qu'un seul coup sur une porte.
C'était Bernard.
« On va manger dans le hall d'entrer, si tu veux venir !
-Avec plaisir. »
Pour le repas, Antoine n'aurait certainement pas besoin de ton son arsenal, son simple Glock suffirait. Il vérifia au passage que le réseau téléphonique n'était pas revenu comme par miracle. La réponse fut négative. Il ne savait pas exactement pourquoi, il gardait son téléphone allumé. D'ailleurs, il ne savait pas pourquoi exactement il ne balançait pas son téléphone par une fenêtre. Le trésor public ne le paierait jamais et son compte en banque ne serait jamais approvisionné pour le prélèvement de son opérateur téléphonique. S'il y avait un prélèvement qui serait débité sur son compte même plusieurs jours après le fin du monde, ce serait bien celui de son portable.
Sam sortait de la douche. Il avait pris avec lui son Famas. Antoine se demanda s'il dormirait avec ou s'il se serrerait contre lui cette nuit comme s'il était une peluche. Le sudiste eut l'idée une seconde de lui demander mais il se ravisa bien rapidement. Il ne voulait pas être celui qui jetait de l'huile sur le feu.
« Alors on mange quoi de beau ? Demanda Ophélie.
-On a un assortiment de boite de conserve à faire réchauffer aux micros ondes.
-Hum, un repas quatre étoiles en prévision. »
Ils allèrent à la voiture pour prendre les boites de conserve et de quoi boire. Les infectés grognaient toujours tout autour de l'hôtel et le groupe de survivant crut bon de ne pas s'éterniser à l'extérieur. Une fois de retour à l'intérieur, ils trouvèrent assez facilement quelques assiettes et des couverts.
« Alors, dit Bernard, on a des raviolis, du chili con carne, des quenelles et aussi des lentilles. »
Antoine avait faim, et il aurait pu manger tout et n'importe quoi, son choix se porta néanmoins sur du chili, il n 'en avait pas mangé depuis longtemps. Il ouvrit sa boite comme un adulte, il remplit une assiette qu'il mit dans le micro-onde.
« Alors Ophélie, tu nous as assez peu parlé de toi, dit Bernard, qu'est-ce que tu faisais de beau dans la vie avant que ça commence ?
-Il y a pas grand-chose à dire à propos de moi ! J'étais caissière dans un Carrefour depuis pas longtemps. J'habitais à Saint-Quentin. Quand l'épidémie a commencé, j'avais la chance d'avoir eut un jour de congé. On s'est réunit en famille, mais malheureusement les choses ne se sont pas passé comme prévu et de fils en aiguilles je me suis retrouvée dans ce camp militaire.
-Ah ouais, la route depuis Saint-Quentin ne fut pas trop longue ?
-Si, mais j'étais avec d'autres survivants et on s'entraidait. Malheureusement, ils n'ont pas réussi à fuir quand le camp a été attaqué.
-Tu sais te servir d'une arme, demanda très innocemment Bernard.
-Non et j'essaie le maximum de m'en tenir éloigné.
-Il faudra bien que tu apprennes un jour, pour protéger Adam au moins... »
La perspective n'était guère joyeuse, mais dans ce nouveau monde seul les plus forts et les plus préparés auraient une chance de survivre à la tempête qui avait déjà débuté.
« Il est toujours comme ça Adam ? Demanda Antoine.
-C'est à dire ?
-J'ai l'impression qu'il vit dans son monde et qu'il n'en sort pas très souvent.
-La mort de toute la famille l'a beaucoup choqué, il lui faut du temps pour s'en remettre. »
Par sa réponse, elle éludait habillement l'interrogation d'Antoine. Il était évident que ce gamin avait quelques choses de spécial. Il devait certainement être autiste et Ophélie n'avait pas envie de rentrer dans les détails. Antoine décida d'arrêter de lui poser ce genre de questions. Si elle ne voulait pas répondre, elle était libre après tout.
« Il y a une question beaucoup plus importante, dit Sam, il faudrait qu'on décide où on se rend exactement. Je pense qu'on était tous d'accord pour quitter la région parisienne. À présent qu'on l'a quitté, je pense qu'on devrait décider de notre destination finale. Toi Antoine ne nous sort pas que tu veux aller dans le Sud, parce que c'est une idée ridicule. Ton précieux Sud est tout aussi envahie par les infectés que tout le reste de la France.
-Moi je vais là-bas quoi qu'il arrive, que ce soit avec ou sans vous !
-Pas la peine de se prendre la tête on peut toujours se diriger vers là-bas dans un premier temps. Pour ma part, j'ai pour projet de quitter la France. Je pense que j'irais en Afrique.
-Qu'est-ce que tu comptes foutre en Afrique ? Lança Sam.
-C'est à cause des centrales nucléaires ! Il y a une chance non négligeable pour qu'elles explosent du fait de l'infection. Il y a cinquante-huit réacteurs nucléaires qui sont réparti dans dix-neuf centrales. D'ici quelques jours, la France sera le pire endroit de la terre si les cœurs entrent en fusion. »
Bernard marquait un point. En France, on n'avait pas de pétrole, mais on avait des idées à la con !
« Et toi alors Antoine, j'ai dû mal à comprendre comme un jeune homme comme toi, puisse être attiré par un simple bout de terre.
-Ce n'est pas qu'un simple bout de terre. C'est bien plus que ça à mes yeux. Ce que j'espère trouver là-bas, c'est un peu d'espoir. Je cherche un endroit où me poser dans une région où je ne me sentirais pas comme un étranger. J'ai l'espoir fou que certain de mes amis soit encore vivant. C'est stupide, mais depuis que je suis parti dans le nord, je me sens comme un type en taule qui doit faire son temps. Même si les événements sont exceptionnels, je pense que j'ai fait mon temps loin de chez moi. Je souhaite revoir la méditerranée avant de me faire manger par ces enfoirés d'infectés. Vous avez tous fuit votre maison parce que les morts vous ont mis à la porte. Eh bien pour moi, c'est le contraire, ils m'ont poussé hors d'un endroit qui n'était pas chez moi pour me lancer sur les routes en direction de mon vrai foyer. En dehors de ce foyer, c'est comme si je ne suis plus moi-même. L'ancien Antoine du sud me manque en fait.
-Tu te trompes Antoine, ce qui te manque, c'est ta jeunesse. Je ne dis pas que tu es vieux, mais à présent tu es rentré dans l'âge adulte. Quand on est adulte, tous les gens autour de nous commencent à se mettre en couple, à prendre leur distance avec leur ancienne vie, à avoir des enfants, des maisons et on se réveille un jour en se disant qu'on n'a pas vu depuis longtemps tel ou tel ami. Nous évoluons tous dans nos vies, nous changeons et le pire c'est que nous ne pouvons pas retourner en arrière. Le Sud que tu retrouveras, n'aura plus rien à voir avec celui que tu as laissé. Il n'y a pas de happy end à la fin...
-C'est charmant votre discussion, intervint Sam, me concernant, je suis jeune, orphelin, j'ai plus d'amis ni de proche et ma propre existence ressemble à une mauvaise blague, alors y'a pas vraiment d'endroits où je souhaite aller pour le moment. Enfin je vais plutôt retourner le problème, je vais dire qu'il n'y a pas d'endroit où je ne souhaite pas aller. En fait, je m'en fiche un peu. Je veux juste vivre.
-Et toi alors, Ophélie, où souhaites-tu te rendre ?
-Je ne sais pas, j'ai pas vraiment réfléchit. J'ai juste promis de protéger Adam, quand ma sœur est morte, alors j'irai dans tous les endroits qui pourraient lui apporter un peu de protection. En fait, ce n'est pas tant les endroits que les personnes qui pourraient lui apporter une protection. Je sens qu'avec vous, il sera protégé.
-On essaiera de faire ce qu'il faut, dit Bernard, et toi Adam, est-ce que tu as un avis sur le sujet ? »
Adam leva la tête de son plat de ravioli et regarda le vieil homme. Il avait un regard indéchiffrable et un visage inexpressif. Antoine ne se souvenait pas l'avoir déjà vu observer autre chose que ses chaussures. Il y avait un truc vraiment louche avec ce gamin.
Adam sauta de sa chaise en faisant fit de l'étonnement de toutes l'assistance. Il se dirigea d'un pas sûr vers la carte de France qui se trouvait près du bureau de la réception. Il posa son petit doigt sur un point de la carte. Les adultes quittèrent leur chaise pour se rapprocher. Le cœur d'Antoine ne fit qu'un bond dans sa poitrine lorsqu'il aperçut l'endroit. Le gamin indiquait un point au-dessus de Mende, en Lozère.
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