3ème partie - 1
« Nous survolons Paris »
Une armée de monstre sans visage traînait dans la rue. D'aussi haut, ils ressemblaient à des dominos minuscules capables de tomber d'une simple pichenette. Ils étaient tellement inoffensifs ces infectés !
Ce n'était qu'une folie supplémentaire. Les cadavres animés qui arpentaient les rues de la capitale Française étaient tout sauf des petites choses sans défense. Ces choses étaient les produits contrefaits d'une pandémie mondiale. Ils représentaient le début et la fin d'une ère. Ils ne seraient pas l'avenir mais ils avaient détruit le passé. Le paradoxe de leur existence insultait les 7000 ans de l'histoire humaine. Chacun de ses monstres crachaient sur les sept merveilles du monde et sur les obscurs bâtisseurs qui avaient donné leur sang et leur sueur pour léguer aux générations futures la mégalomanie d'une poignée de puissants.
Les cadavres ambulants sodomisaient par leur existence la démocratie athénienne, la république romaine, les rois de droit divins, le siècle des lumières, les révolutions américaines, les droits de l'homme, le fascisme, l'ONU et Wall Street.
Ils insultaient par leur simple existence tous les grands penseurs qui avaient foulé cette terre, ils retournaient dans leur tombe Platon, Descartes, Nietzsche et Freud.
Les monstres étaient un doigt levé à la science et à l'art, ils emmerdaient profondément le premier type qui avait eu l'idée d'utiliser le feu, celui qui avait eu l'idée d'utiliser la roue et jusqu'à celui qui avait essayé d'expliquer la théorie des cordes.
Les contaminés avaient été humain mais à présent ils étaient autre chose. Des centaines de millions d'humains avaient péri durant ses derniers jours parce qu'ils n'avaient pas eu cette idée. Ils n'avaient pas pensé une seule seconde que leur famille contaminée n'était plus leur famille.
Assis sur un siège en face d'Antoine, Sam faisait partie du cette immense majorité d'humain qui n'avait pas pu se décider au moment fatidique. Il tenait dans ses mains un Famas, l'arme de mort de l'armé Française, fabriqué dans une usine de Saint-Étienne. Il n'avait décroché aucun mot depuis que l'hélicoptère avait quitté le camp militaire dans la forêt domaniale près de Senlis. Il regardait ses pieds depuis bien trop longtemps. Des larmes de tristesse et de rage coulaient le long de ses joues.
Antoine ne pouvait qu'essayer de comprendre ce qu'il vivait grâce à l'empathie qu'il éprouvait pour le jeune homme. On pouvait percevoir en Sam une grande colère qu'il avait du mal à contenir. Le gamin n'avait rien pu faire pour sauver sa famille qui avait été dévoré devant ses yeux. Cependant, il en tenait responsable Antoine. Il devait penser que ce dernier n'était qu'un lâche et qu'un fuyard.
Antoine jeta à nouveau un regard par la fenêtre.La capitale s'étendait à ses pieds. La vision en était magnifique. La fraîche matinée de novembre étendait ses bras sur une infinité de colonnes de fumé se dressant pour soutenir la voûte céleste.
Paris brûlait-il ?
La réponse était oui. Chaque coin de rue avait son accident de la route, ses poubelles renversées, son lot de morts marchant et son incendie. Le joyau de la France n'était plus que du charbon qui glissait entre les doigts des derniers vivants. La tour Eiffel contemplait la désolation de ce nouveau monde.
Il y avait partout cette mort qui rampait. Les monstres semblaient s'être infiltré dans tous les pores de la ville. Ils grouillaient comme la vermine. Ils recherchaient ce qu'il y avait de vivant. Ils chassaient en meute bien qu'ils ne semblaient avoir aucun instinct de groupe. Ils étaient à la fois le triomphe de l'individualisme et celui de l'holisme.
L'hélicoptère transportait sept militaires et cinq civils. Sam était le dernier à être monté dans l'engin. Il y avait de plus une jeune mère de famille avec son enfant. Le gamin devait avoir 5 ou 6 ans. Ses cheveux blonds comme l'été ressemblait trait pour trait à ceux de sa mère qu'elle portait détaché.
Un vieil homme d'une soixantaine d'année était le quatrième civil de l'appareil. Il avait une veste en tweed taché de sang. De petites lunettes rondes finissaient de lui donner l'air d'un vieux prof de lettre. Une calvitie avancée faisait luire son crâne. Il avait un air de papy sympathique. La seule chose qui dénotait réellement dans ce portrait, était le berreta qu'il agrippait entre ses mains à s'en faire blanchir les phalanges.
Antoine était le cinquième civil présent dans l'hélicoptère. Il contemplait Paris et pensait à ces dernières heures. Il se disait qu'il avait une chance insolente. Survivre à l'attaque du camp et faire partie de la poignée de personnes qui avaient réussi à s'en tirer fut un miracle. Il y avait cependant un autre élément plus magnifique dans tout cela. L'hélicoptère traversait Paris et filait vers le sud. Il n'avait aucune idée de l'endroit où les militaires projetaient de se rendre mais chaque mètre qui le rapprochait de son but, était bon à prendre.
Il laissait derrière lui des terres qui lui étaient étrangères. Il laissait dans son dos un pays qui n'était pas le sien. Ses mouvements étaient dictés par les militaires pour le moment, mais il espérait pouvoir les convaincre d'aller toujours plus bas ou il les abandonnerait. Il n'avait besoin que d'une bonne voiture pour finir la route.
Non, il aurait surtout besoin d'une dose insolente de chance. Pour le moment, cette chance ne l'avait pas quitté et il comptait bien sur elle pour la suite. Au sol, les formes à peine dessiné de tous ces gens malchanceux lui rappelait que rien n'était acquit. Sam lui rappelait qu'il ne pouvait pas se permettre un instant de faiblesse.
Le bruit du moteur de l'hélicoptère était assourdissant. Les soldats avaient donné à chaque occupant un casque radio pour ne pas finir sourd. Malgré le vrombissement de l'appareil, chacun gardait un pieu silence. C'était une histoire sans parole. Chacun avait pris avec lui sa détresse et ses fantômes. Antoine connaissait les spectres de Sam, mais il aurait bien aimé savoir ceux qui accompagnaient le vieil homme au Beretta et la jeune mère. Cette dernière tenait fermement son fils dans ses bras. Le gamin était sagement blotti contre elle.
Antoine avait décidé que la jeune femme était sa mère. Mais il se pouvait parfaitement qu'elle ne soit que sa grande sœur ou sa cousine. À vrai dire, ceci n'avait pas vraiment d'importance.
Les sept militaires étaient tout aussi silencieux. Un jeune soldat pleurait dans l'indifférence générale. Il avait un visage carré et semblait être athlétique. En fait, les larmes dénotaient réellement avec l'image de la grosse brute qu'il renvoyait. Antoine sourit en regardant les immeubles Parisiens. Les clichés et les préjugés n'étaient pas une bonne chose. Une brute épaisse pouvait se cacher dans la jeune mère de famille et une montagne de muscle pouvait être tout sauf brutal, tout était possible.
Un second hélicoptère ouvrait la marche. Il volait dans le ciel bleu de la ville. Les deux appareils semblaient être les seuls signes de vie à plusieurs kilomètres à la ronde. Antoine se doutait de toute manière qu'ils auraient beaucoup de mal à voir d'autres signes de vie à leur hauteur.
La voix du pilote de l'appareil retenti à nouveau. Antoine eut soudain la pensée étrange que cela faisait du bien de l'entendre à nouveau. Le son de la voix d'un autre humain, même transmis par les ondes radios, commençait à lui manquer.
« Nous allons nous ravitailler en kérosène à l'aéroport d'Orly. À tous les civils, nous vous demandons de ne pas sortir des appareils. »
L'hélicoptère suivait une route comprenant une dizaine de voies qui étaient toutes bouchés. Il y avait des voitures un peu partout qui devait être à présent vidé de leurs occupants. De temps à autre une voiture se consumait en lançant à l'assaut des cieux une fumée noire. Il y avait quelques véhicules retournés et d'autres qui semblaient sérieusement emboutie. À un kilomètre au sud de leur position une colonne de fumée plus sombre que les autres, leur barrait la route. Un camion remplit d'essence avait apparemment explosé. Tout autour de lui, des voitures réduites à l'état de bout de ferraille calciné avait été projeté comme de simples canettes de soda vide.
Le plus horrible était ces corps en feu qui menaient leur inutile vie comme si aucune flamme ne les léchait. Les morts pénétraient dans l'incendie dans le plus total irrespect de leur instinct de survie.
Le premier hélicoptère traversa le mur de fumée en y creusant un trou avec ses pales. Il disparut rapidement à l'intérieur. Ce fut ensuite au tour du second appareil de pénétrer le nuage. Durant une seconde à l'intérieur, Antoine retint son souffle, les ténèbres recouvraient tout. Ils oppressaient tous les occupants de l'appareil. Il fallait être complètement déconnecté du monde pour ne pas ressentir cet angoisse dans l'air. Le monde allait-il réapparaître ou tout se finissait-il dès cet instant ?
Le monde réapparu. Le soleil, la route et l'aéroport d'Orly était là. Le black-out n'avait duré qu'un court instant au final. Cet instant semblait s'être étiré durant une éternité. Antoine souffla. Il bénéficiait de quelques instants de sécurité. Le jeune homme n'était cependant pas stupide au point de penser que ces instants dureraient longtemps. Poser deux hélicoptères sur le tarmac d'un aéroport risquait fortement d'attirer toutes sortes d'infectés mort de faim.
Antoine enleva le chargeur de son Famas. Il en enfourna un second et arma l'arme. Il vérifia combien de balle il restait dans le pistolet qu'il avait pris à un soldat infecté durant l'attaque du camp. Le Glock disposait encore de neuf balles dont une qui était prête à tirer. Même si les ordres étaient de ne pas sortir, Antoine avait bien l'intention de défendre chèrement sa place dans cet hélicoptère.
Les deux appareils firent un premier tour de reconnaissance de l'imposant aéroport. Il y avait quelques avions abandonnés sur leur quai d'embarquement. Ils demeureraient ici jusqu'à ce que la rouille et la mousse ai eu raison de leur carlingue.
Il y avait évidemment quelques infectés éparpillés qui erraient sans but à l'extérieur de l'aéroport sur le tarmac. Ils levèrent la tête et les bras à l'arrivée des deux hélicoptères. Peut-être essayaient-ils de les attraper ?
Un avion était bêtement échoué sur une des pistes. Son train d'atterrissage du nez de l'appareil avait été détruit et apparemment il avait glissé sur plusieurs centaines de mètres avant de se disloquer. Les ailes étaient brisées au quatre vents mais apparemment le kérosène n'avait pas eu l'outrecuidance de brûler.
Les deux hélicoptères entamèrent leur descente sur une piste dégagée près de plusieurs grosses cuves. Le plancher des vaches seraient bientôt atteint et les militaires commençaient à se préparer pour sortir le plus rapidement.
« Faite gaffe où vous tirez les gars. Il y a des milliers de litres de carburant qui n'attende qu'une étincelle pour s'enflammer. »
Une jeune militaire fit un signe de croix. C'était la première fois qu'Antoine remarquait qu'il y avait une femme parmi les soldats. Une fois en uniforme, il n'était pas aisé de reconnaître une femme par rapport à un homme. Ils étaient tous vert camouflage et entraîné à tuer.
Les soldats ouvrirent les deux portes de l'appareil. L'air parisien entra, il sentait le brûlé et la mort. Les premiers coups de feu éclatèrent, Antoine ne chercha pas quel était la cible des militaires et si elle avait trépassé. Pour le moment, une seule idée tournait en boucle dans sa tête.
Je me fumerais bien une petite clope.
Depuis combien de temps n'avait-il pas fumé ? Il avait beaucoup de mal à se souvenir de sa dernière cigarette. Elle devait certainement dater de la veille. Depuis son réveil, il n'avait pas vraiment eu de temps pour lui. Il n'avait mangé qu'une barre chocolatée qu'un militaire lui avait donné dans l'hélicoptère. Il ne s'était pas douché depuis une éternité et il se disait de plus en plus qu'il devait puer la mort.
Un simple regard sur tous les autres occupants suffit à le convaincre qu'il n'était pas seul dans ce cas-là. De plus trouver de l'eau chaude et du savon risquait de devenir de plus en plus compliqué à mesure que les jours passaient. Il préféra ne pas penser à sa barbe naissante et au fait qu'il ait oublié son rasoir dans son appartement de Dunkerque. Il n'avait pas eu le temps de prendre sa trousse de toilette lorsque l'incendie s'était déclaré dans l'appartement de son voisin du bas. De plus, il n'avait pas de trousse de toilette.
L'hélicoptère se posa avec le moins de fracas possible, les militaires sortirent de l'appareil en se criant des ordres. Il ne restait que les civils et le pilote à l'intérieur. Sam lança un regard indescriptible à Antoine. C'était le genre de regard qui faisait froid dans le dos. Le jeune homme portait toute la tristesse du monde sur ses frêles épaules. Ce qu'il ferait de cette tristesse déciderait de l'avenir qu'il donnerait au reste de sa vie. S'il se laissait consumait par la haine, il y avait toutes les chances pour qu'il rejoigne ses parents d'une manière fort déplaisante. Antoine ne voulait pas faire l'objet de cette haine dévorante. Il ne pouvait pas se permettre que ce petit geek se mette en travers de sa route.
L'appareil n'avait pas coupé son moteur. Les pales tournaient toujours, mais beaucoup moins rapidement que durant le vol. Elle faisait voler la poussière dans tous les sens. En fait, il y avait bien plus grave. Le vrombissement des insectes géants de ferraille devait attirer tous les infectés en mal de nourriture du coin. Il ne fallait pas s'éterniser.
Les militaires remplissaient déjà le premier hélicoptère de kérosène grâce à une lourde pompe. Pendant ce temps-là d'autres soldats s'occupaient de repousser les quelques infectés qui se montrait trop impatient de manger de la chair humaine. Antoine entendait les bruits étouffés des tirs de Famas à travers son casque et le moteur de l'hélicoptère.
Les vivants observaient un pieu silence, il ne fallait pas obstruer la radio de l'armé. Ils étaient tous renvoyé dans un mutisme pesant, chacun dans leur coin. Plus que jamais Antoine se sentait seul avec ses pensés et avec ses envies.
Par-dessus tout, il y avait l'envie d'arriver dans le sud. Il savait parfaitement que la situation là-bas était tout aussi catastrophique. Il y avait l'attachement à ses racines qui le motivait, l'envie débordante de revoir la méditerranée. En fait, son envie de revoir Leila était bien plus grande.
Avant que les communications fussent coupé, il avait essayé de lui avouer ses sentiments, mais finalement, il ne savait pas si cela avait fonctionné. Antoine avait cependant fait une entorse à ses sentiments. Il avait couché avec Julia. Il n'expliquait pas réellement ce qui l'avait poussé à céder à la tentation.
Non, il se fourvoyait comme un grand. S'il avait couché avec Julia, c'était par pur opportunisme. La jeune femme était disponible et mignonne. Il avait éprouvé du plaisir à ce contact physique réconfortant. Une érection était en train de poindre alors qu'il repensait à ses seins. Il avait presque un sourire qui souhaitait naître à la commissure de ses lèvres. Il devait se retenir.
Le frère de la défunte était trop près de lui. Il aurait aimé tellement lui parler, lui dire quelques mots, mais tous les sons qui sortiraient de sa bouche seraient couvert par l'assourdissant vacarme du moteur et des coups de feu. Il aurait pu lui toucher l'épaule en signe de réconfort mais il ne se sentait réellement pas à l'aise pour faire ceci. Il devrait patienter. Ils ne passeraient pas leur vie dans un hélicoptère de l'armé. Il pourrait certainement parler au calme de ce qui s'était passé.
Sam devrait alors comprendre l'attitude d'Antoine. Il devrait comprendre qu'il n'y avait pas eu le choix. Les gens mordus finissaient à coup sûr par devenir des monstres sans sentiments. On ne pouvait pas les raisonner, toute négociation était impossible. Le plus triste dans le cas présent était qu'on ne pouvait même plus s'apitoyer sur les proches qui tombaient sous les coups de mâchoire de ces horreurs.
Les militaires remplissaient à présent le réservoir du second appareil. Tout le monde pourrait bientôt repartir vers d'autres horizons. L'attente devenait réellement difficile. À vrai dire c'était surtout cette impression d'être totalement impuissant dans cette situation. Il avait la même impression que lorsqu'il était enfant et que ses parents l'amenaient en voiture. C'était l'époque où il voyait le monde défiler à travers la fenêtre de la Fuego de son père. Il lui semblait que cette époque était tellement lointaine. Un monde s'était écoulé depuis. L'espace d'un instant, il aurait aimé être comme cet enfant qui se blottissait contre sa mère. Il avait quelqu'un sur qui comptait lui au moins. Il pouvait se blottir pour se rassurer. Il pouvait toucher du doigt ce qu'on appelait la sécurité.
Pour Antoine la sécurité avait brûlé avec son appartement. Il craignait de ne plus jamais retrouver la sécurité d'un toit sur sa tête et celle d'une bonne couette bien chaude contre les agressions du monde extérieur. Il ne bénéficierait plus d'une bonne nuit de repos sans se demander s'il allait se retrouver nez à nez avec un infecté qui lui vomirait du sang avant de le manger. C'était une pensée déprimante.
Du verre se brisa à l'extérieur. Ce simple bruit tira Antoine de sa rêverie. Des infectés qui pullulaient dans une salle d'embarquement venaient de briser une large baie vitrée. Les premiers se jetaient dans le vide et faisait une chute de plusieurs mètres. Leurs têtes explosaient comme des melons lorsqu'elles touchaient le sol.
Cependant les autres ne sautèrent pas la tête la première. Ils atterrirent sur les cadavres des premiers en se brisant les talons ou les jambes. Même avec ce genre de fractures les monstres se relevaient. De telle blessures auraient fait hurler de douleur n'importe lequel des vivants, mais les infectés ne s'en préoccupait pas le moins du monde. Ils avançaient en claudiquant mais inexorablement. Quelques militaires ouvrirent le feu. Les monstres mouraient dans des giclées de sang.
Ce spectacle aurait révulsé Antoine, il y a quelques jours. Les hectolitres de sang qu'il avait fait couler, semblaient l'avoir désensibilisé. C'était une bonne chose. Les gens dégoûtés par ces effusions de sang ne faisaient pas de vieux os depuis l'infection. Il fallait savoir mettre les mains dans la boue et la merde pour survivre.
De plus en plus de mort ambulant sautaient sur le tarmac. La vitre brisée était une plaie qui déversait sur le béton des cadavres cannibales. L'armée de morts que cette blessure recrachait ne finissait plus. La situation devenait de plus en plus problématique. Chaque cadavre occis attirait plusieurs de ses congénères. Les monstres isolés venaient de toutes part à présent. Les deux hélicoptères devenaient les centres d'intérêt pour tous les cadavres en manque d'Orly.
Soudain, le gamin faussa compagnie à sa mère. Il sortit de l'hélicoptère et s'élança en direction des pistes d'atterrissage. Il courait comme si la mort le poursuivait.
« Adam revient ici, hurla la jeune femme. »
C'était la première fois qu'Antoine entendait sa voix. Mais ceci n'avait guère d'importance pour le moment.
La jeune femme se tourna vers Antoine et Sam. Sans qu'elle ne prononce un mot, le jeune homme comprit qu'elle demandait de l'aide. Il n'avait cependant aucune envie d'aider cette inconnue. Il répondit à ce regard par un autre regard à Sam. Le geek était certainement plus héroïque dans l'âme que lui.
« Antoine, tu comptes le regarder mourir lui aussi ? »
Le vieil homme se tourna vers Antoine. Il ne semblait pas avoir l'intention d'aller chercher Adam. La mère se leva et bondit hors de l'hélicoptère sans un regard supplémentaire sur les courageux mâles.
« Va te faire foutre Sam. »
Tout en énonçant ses paroles, Antoine se leva. Il enleva son casque radio, à l'extérieur, il n'en n'aurait certainement pas besoin. Il regrettait ce qu'il faisait. Il venait de mettre un sérieux coup de canif dans son voyage vers le Sud. Les choses ne se passaient jamais comme prévu depuis quelques jours.
Antoine sauta au sol tout en baissant la tête. Certes les pales de l'appareil était plus haut que le haut de ses cheveux, mais par pur réflexe, il ne souhaitait pas que sa tête se détache.
Il fit quelques pas en direction d'Adam. Puis il enleva la sécurité de son Famas. Quelques infectés isolés semblaient avoir envie de croquer le gamin et sa mère qui courrait dans sa direction. Antoine ne savait pas pourquoi il s'était élancé à la poursuite de ce gamin et il regrettait déjà ce qu'il faisait.
Sam était lui aussi sorti de l'appareil et le vieil homme le suivait de près. Ce dernier ne souhaitait certainement pas passer pour le dernier des lâches, à moins qu'il ait d'autres raisons de se montrer si soudainement héroïque. Tout ça ne concernait en rien Antoine de toute manière. Il fallait récupérer le petit fuyard le plus rapidement et, revenir dans l'hélicoptère et pour finir voler vers le sud, le soleil et la méditerranée.
Un premier infecté se présenta à une dizaine de mètres du gamin. Il devait être trop content de ce jeune repas qui fonçait vers lui. Antoine marqua une courte pause pour viser. Le monstre au teint blafard avait autrefois été un homme dans la force de l'âge. À en juger par son costard, il devait vendre diverses choses à divers gens plus ou moins consentant.
La balle partie. À cette distance, Antoine n'avait pas voulu tirer dans la tête, il ne savait se servir de cette arme que depuis la veille après tout. Il toucha le torse de l'infecté. Ce dernier tomba au sol. Ceci ne l'arrêterait pas. Cette simple pensé suffit pour que le monstre au costard se relève. Un joli trou ornait sa chemise autrefois blanche.
« Tu vises comme un pied Antoine, lança Sam. »
Le jeune geek ajouta l'action à la parole. Il tira et la tête de l'infecté explosa en laissant son corps s'affaler comme une chose inutile.
Derrière eux les militaires hurlaient des choses qu'il ne comprenait pas. S'adressaient-ils vraiment à lui ?
La jeune femme était à quelques mètres de rattraper Adam. Cette inutile course allait bientôt finir. Deux autres infectés trop contents de l'aubaine qui se présentait à eux s'élançaient sur la mère et le fils. Ces deux là étaient des agents de bagage des aéroports de Paris. Il ne fallait pas être un génie pour le découvrir. Il suffisait de lire sur leur combinaison fluo le logo des aéroports de Paris dont la télé faisait de temps à autre la pub. Les deux monstres étaient beaucoup moins avenant que dans la publicité cependant. Le premier avait un bras en moins et ceci risquait de lui coûter sa place de bagagiste. Le second devait avoir un air patibulaire que la non mort ne faisait que renforcer. Il ne serait pas venu à l'esprit d'Antoine de lui confier sa valise avec tous ses caleçons. De toute manière, ce genre de pensée n'avait aucun sens.
Trop perdu dans la contemplation des deux monstres, Antoine ne vit pas que Sam faisait déjà feu. Le premier virevolta avant de s'écraser au sol la tête la première et le second prit une balle dans son cou ce qui fit décoller sa tête du reste de son corps. Si nous n'étions pas le jour de la fin du monde ceci aurait pu être un sketch des Monty Python.
« Une tête qui vole ! Tu dis quoi de ça Antoine. ? »
La remarque n'avait rien de sympathique ou d'amicale.
La mère de famille rattrapa son enfant et le prit dans les bras, Adam se débattait en criant de toutes ses forces. Quelque chose n'allait pas. Le gamin avait déjà dû voir des infectés. Non ce n'était pas ceci qui le terrifiait. Autre chose de plus étrange devait le faire flipper à ce point.
Comme pour répondre à interrogation d'Antoine, quelque chose explosa derrière lui. Il avait déjà entendu ce bruit lorsque le port de Dunkerque était partie en fumée. Une vague de chaleur le projeta au sol sans qu'il ne comprenne ce qui se passait.
Une fois au sol, il jeta un coup d'œil vers la source du fracas. Un champignon de flamme remplaçait les hélicoptères, la cuve de kérosène et les militaires. La matinée avait soudainement viré au ponceau. Une seconde et une troisième explosion marquèrent l'agonie des insectes de métal. La salle d'embarquement crachait toujours des cadavres animé, mais à présent ils chutaient directement dans un océan de flamme. Bien qu'ils se consumaient, ils avaient beaucoup de mal à passer l'arme à gauche. Leur surprenante vivacité alors que leurs corps étaient en train de fondre surprenait toujours Antoine.
À nouveau, Antoine n'entendait plus grand-chose. Les acouphènes revenaient à chaque fois qu'il se trouvait près d'une explosion et ces derniers temps, il se retrouvait régulièrement près d'explosion. À la base, il avait espéré mener une vie tranquille dans la fonction publique, il aurait demandé sa mutation au bout de quelques années ou il aurait passé un concours pour devenir chef de service avec un salaire ridiculement plus élevé et tout un tas de responsabilité. Aucun des chemins qu'il avait suivis durant sa vie l'avait amené à survivre à tout un tas d'explosion, à des fusillades et à des cadavres ambulants.
« J'ai besoin d'une bonne clope, dit-il trop imperceptiblement selon lui. »
Antoine se releva, rester immobile trop longtemps risquait de rapidement le tuer. Depuis que la pandémie avait commencé, rester en mouvement l'avait sauvé à de multiples reprises.
Il ramassa son Famas et remit en place son katana dans son dos. Il vérifia son pistolet. Il lança un regard vers le brasier en se disant que son sac de linge partait en fumé en ce moment même. Il irait faire les boutiques dans le prochain magasin qui croiserait son chemin. De toute manière dans sa veste, il avait toujours son portefeuille avec sa carte bleue et quelques euros. L'idée lui arracha un sourire.
Le vieil homme se relevait difficilement, Antoine vint à son aide en lui tendant son bras. A travers ses acouphènes, il entendit le vieil homme le remercier.
« Il n'y a pas de quoi ! Au fait, moi c'est Antoine, enchanté.
-Je m'appelle Bernard. »
Les deux survivants se dirigèrent vers le troisième homme.
« Lui c'est Sam, Sam je te présente Bernard.
-C'est le jeune homme que vous avez sauvé Antoine ? »
Les traits de Sam se crispèrent.
« Il a abandonné ma famille pour pouvoir se sauver, répondit Sam. »
Les acouphènes disparaissaient petit à petit. Antoine entendait de mieux en mieux. Le son de l'incendie qui ravageait la façade de l'aéroport et celui des infectés qui brûlaient. Ne pouvaient-ils pas se consumer en silence ?
« Bienvenue dans le monde des adultes, gamin !
-Je ne suis pas un gamin !
-Et moi je ne suis pas un vieux alors c'est réglé, nous somme une troupe de citoyens libres, sain de corps et moyennement sain d'esprit. »
Adam ne criait plus, il ne se débattait plus. Tout en se blottissant contre sa mère, il avait repris son mutisme. Antoine le dévisagea. L'enfant ressemblait juste à un enfant, ce genre de personne dont Antoine préférait se tenir éloigner. Les enfants n'avaient jamais rien fait pour lui et il ne comptait pas faire quelques choses pour eux.
Erreur, Antoine venait de laisser sa place dans un hélicoptère de l'armée pour essayer de sauver un enfant. C'était ridicule, mais le fait de sortir de l'hélicoptère l'avait sauvé lui. Si on changeait les rôles c'était comme si Adam l'avait sauvé de l'explosion. L'enfant ne pouvait pas savoir. Personne n'aurait pu prévoir le cours des événements. Personne ne disposait de cet immense pouvoir. Il fallait que ce soit le hasard. Antoine avait besoin de se raccrocher à des choses logiques. Alors que son petit monde était sens dessus dessous, il avait un besoin vital de ne pas laisser le mystère ou le fantastique s'insinuer. C'était ridicule et il le savait.
« Il s'est passé quoi avec le gamin, demanda Bernard en se rapprochant de sa mère.
-Il fait ça de temps à autre.
-C'est une blague ? Il savait ce qui allait se produire. Tu le savais mon petit bonhomme ? »
La mère protégea instinctivement le gamin du vieil homme. Ce dernier ne présentait aucun danger mais la mère de famille semblait vouloir garder pour elle certaines choses.
« Bon on ne va pas rester dans le coin, dit Sam. Vous proposez quoi ?
-Il faut aller vers le Sud, dit Antoine. Vers le nord, c'est Paris et je pense que vous ne voulez pas retrouver parmi la foule d'infectés qui traîne dans le coin. »
L'argument était tellement bon que les autres acquiescèrent. Ils servaient le Grand projet d'Antoine sans même le savoir.
« Au fait, comment tu t'appelles ? Demanda Antoine à la jeune mère de famille.
-Ophélie ! »
Les autres se présentèrent rapidement.
« Il nous faut une voiture, dit Antoine.
-On fait comment pour l'ouvrir, gros malin ? Répondit du tac au tac un Sam de plus en plus désagréable.
-Laissez moi faire les jeunes c'est mon domaine, dit Bernard avec un petit sourire aux lèvres. »
Antoine ne savait pas du tout ce que le vieil homme voulait faire passer comme message avec son petit sourire. Mais dans tout les cas, il serait prêt à le suivre. Il ne savait pas pourquoi exactement, l'âge lui donnait confiance. Accorder sa confiance sur de tels critères étaient une mauvaise idée, mais le choix ne lui appartenait plus.
Le groupe se dirigea dans le chemin inverse du brasier et des bâtiments d'embarquement. Bernard semblait avoir une idée assez précise de l'endroit vers lequel, il fallait se rendre. Il semblait vouloir traverser par la largeur une des pistes et ensuite aller vers une sorte d'aire de stockage d'avion moins massif.
« On vas où là ? Dit Ophélie.
-Suivez moi, il y a un parking par delà la piste d'atterrissage et les plus petits avions que vous voyez. »
Personne n'osa contredire le sexagénaire. Les quelques cheveux blanc qui lui entouraient le crâne ressemblaient à une couronne de sagesse. On ne pouvait remettre en cause cela.
Avec la plus pure nonchalance, Sam acheva deux infectés qui se rapprochaient en boitant d'eux. Antoine ne les avait qu'à peine remarquer. Il commençait à avoir besoin d'une pause. Il aurait bien bu un bon café chaud à la terrasse d'un bar tout en fumant une bonne clope. Dans sa vie passée, il ne faisait rien dans la journée tant qu'il n'avait pas pris de douche. Il trouvait que depuis le début de la fin du monde, il faisait beaucoup de choses avant de se doucher.
Ce n'était pas la première fois qu'il avait cette pensée. Ses raisonnements tournaient en boucle. C'était le genre de boucle qui pouvait le mener vers la folie si elles se répétaient un peu tôt.
J'ai envie d'une douche, j'ai besoin d'une douche, je ferais tout pour une douche, je ne fais rien tant que je n'ai pas de douche, je tuerais pour une douche.
OK, il ne servait à rien de réfléchir à la prévision d'une folie qu'il savait peu probable.
Bernard refroidit un autre infecté d'un simple coup de Beretta bien placé. Antoine se mollissait. Il n'avait même pas remarquer le monstre qui se dirigeait vers eux. Le prochain serait pour lui, il ne pouvait pas se permettre qu'un type de soixante ans soit plus efficace que lui. Laisser de la place à la faiblesse signifiait abandonner son voyage vers le sud et tous ses espoirs de retrouver Leila.
Un infecté planqué derrière un des avions apparu à une cinquantaine de mètre du groupe. Antoine y vit sa chance. Il savait qu'il n'était pas un grand tireur, mais il prit le risque de viser la tête. Il fit une courte pose, leva son fusil et retint son souffle. Son cœur battait la chamade, mais son bras était sûr. Il pressa la détente. L'action n'avait duré qu'une simple seconde. Mais avec tous les enjeux qu'Antoine mettait derrière, il lui parut qu'une minute venait de s'écouler.
La chance ou peut-être l'expérience qui parlait, lui fit toucher le monstre en pleine tête. L'infecté tomba dos au sol.
« Headshoot ! Cria Antoine tout en foudroyant Sam. »
Alors qu'il venait de prononcer ces paroles, Antoine se dit que leur petit jeu devait paraître bien ridicule et bien puéril aux autres survivants. On ne récoltait que ce que l'on semait après tout.
Le groupe contourna les petits avions pour rester sur un terrain toujours dégagé. En cette matière les aéroports fournissaient de grande étendue propice à une défense efficace. Enfin, il ne fallait pas rester des heures au milieu de nulle part sous peine de se faire entourer par une foule de plus en plus nombreuses d'infectés.
En contournant les avions, un parking remplit de voiture apparu. Comment Bernard connaissait-il ce parking ? Ceci n'avait pas d'importance tant qu'ils ne seraient pas dans une voiture sur les routes de France et qu'ils pourraient parler calmement.
Trois infectés furent tués avant d'arriver sur le parking. Sam eut le premier et le dernier, tandis qu'Antoine eu le second. Cette fois-ci aucun des deux jeunes hommes ne se vanta de ses performances. Le concours de longueur de bite marquait une pause.
Sur le parking, Bernard se dirigea directement vers une vielle Renault 19. Il sortit de sa poche une sorte de fil de fer rigide qu'il enfonça entre le vitre et la portière. Au bout de quelques essais, il ouvrit la porte de la voiture. Il s'affaira ensuite sous le volant de la Renault avec des fils de divers couleurs.
Ce type devait être un voleur dans la vrai vie en fait. Qui à part un voleur professionnel de voiture pouvait connaître autant de chose sur la manière de les ouvrir et de les allumer sans les clés.
« Statistiquement, commença Bernard, la Renault 19 est une des voitures les plus volés en France. Alors certes, c'est un vieux modèle, mais il est très facile de la forcer ! La Twingo est aussi très facile à cambrioler, mais bon à cinq j'ai pensé que nous serions un peu serré à l'intérieur. »
Il n'y avait pas d'infecté sur le parking. Antoine scrutait tout au tour de lui à la recherche d'une menace, mais il ne trouva rien.
« Comment un type comme vous peut savoir tout ça, demanda Ophélie, vous êtes un voleur professionnel ?
-Un type comme moi ? Qu'est-ce que vous entendez par là jeune femme ? »
Bernard avait un ton amusé dans la voix.
« Eh bien, vous ne ressemblez pas à un voleur, je veux dire.
-Comment ça ? Je n'ai pas l'air d'un jeune des cités ou d'un junkie qui pique des voitures pour pouvoir se payer un peu d'héroïne ? Peut-être que je ne suis pas assez bronzé à ton goût ?
-Ce n'est pas ce que je voulais dire, répondit Ophélie en rougissant. Je ne pense pas vraiment que... Enfin vous voyez ce que je veux dire les autres.
-Non, je ne vois pas ce que tu veux dire, lança Antoine en laissant la jeune femme s'enfoncer comme une grande.
-Je ne suis pas un voleur, reprit Bernard après un instant de flottement, j'étais assureur, je connais bien les techniques des voleurs et mon boulot était d'aider les gens à s'en protéger. Vous pensiez vraiment que j'étais un délinquant ? »
Le moteur de la Renault 19 répondit à cette question rhétorique en s'allumant. Bernard prit le volant de l'automobile.
« Madame et messieurs si vous vous voulez, vous donner la peine de monter. »
Adam monta à l'arrière, sa mère le suivi de près. Sam regarda Antoine avec ce regard toujours plein de défis.
« Je monte à l'arrière, les vieux à l'avant et puis j'ai pas envie que tu te tapes Ophélie avant de l'abandonner comme Julia. »
Antoine ne réagit pas au sarcasme. Il s'installa à l'avant. Il posa son Katana et son Famas entre ses jambes en prenant bien soin de mettre la sécurité.
« Alors jeunes gens, y'a-t-il une destination qui vous plairait ?
-Ben vu que vous abordez le sujet mon cher Bernard, on m'a dit que le Languedoc-Roussillon était une bien belle région en cette saison. »
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