24
Une odeur n'avait jamais quitté l'air de Montpellier, mais Hugo l'avait oubliée. Non, il ne l'avait pas oubliée, il s'y était parfaitement habitué. Mais à présent qu'il était au sommet de la ville, il comprit pourquoi la ville puait le brûlé et qu'il ne le sentait presque plus.
Des centaines de colonnes de fumées s'élevaient dans le ciel. Il y en avait des blanches, des grises et aussi les plus toxiques les noires. Hugo ne voyait pas exactement ce qui pouvait déclencher autant de foyers d'incendie. En fait, si on pensait que les pompiers avaient disparu comme tout le reste de la population et que justement le reste de la population se comportait sans la moindre logique tout devenait rapidement clair. Il se pouvait que l'incendie touche toutes les parties de la ville mais Hugo en doutait franchement.
Jusqu'à maintenant, il avait pensé avoir vécu le pire : les monstres du resto u, la mort d'Eddie, la folie de la faculté de droit, la survie dans les rues de Montpellier, le racisme dans la maison de Robert et la mort de tous ses amis durant la sortie. Hugo ne s'attendait qu'à du bonheur à présent. Certes il se doutait que le bonheur ne durerait pas, mais il ne se serait jamais attendu à ça...
Planté au milieu du ciel qu'il pouvait presque toucher du doigt, Hugo transpirait par tous les pores de sa peau. Il essayait de reprendre un semblant de souffle, tout en mettant en route son cerveau engourdi pour pouvoir comprendre ce qu'il se passait vraiment devant ses yeux.
L'arme à la main pour Émilie et la larme à l'œil pour Sonia, les deux jeunes femmes n'attendaient plus qu'Hugo pour commencer le dernier acte. Sonia ne voyait pas son bourreau, Émilie avait bien pris soin de se mettre derrière la corpulente petite copine d'Hugo.
Il n'y avait aucune option pour ce dernier excepté le dialogue. Il ne voyait pas clairement Émilie et en plus il avait son arme dans une poche.
« Tu es enfin arrivé, dit Émilie avec une voix qui glaçait le sang.
-C'est quoi ce plan ! L'hélicoptère va arriver d'une minute à l'autre !
-J'en ai rien à foutre de cet hélicoptère. »
Sonia se mit à sangloter doucement tandis qu'au loin le soleil apparaissait enfin. Pourquoi cette aurore semblait-elle aussi rouge ?
« Ferme-la ! Cria Émilie en collant son arme sur le crâne de la jeune femme.
-Qu'est-ce que tu veux Émilie ?
-Je veux parler et je veux que tout redevienne comme avant !
-Le monde ne sera plus comme avant, les monstres ont envahi la plupart des grandes villes de la planète.
-Je ne te parle pas de ça, crétin ! »
Hugo avait la tête qui bouillonnait, à quoi la jeune femme pouvait-elle faire référence ? Peut-être parlait-elle de Rémi ?
« Rémi est mort, je ne peux pas te le rendre, tuer Sonia ne changera rien.
-CE N'EST PAS ÇA ! Hurla la jeune femme. »
Pourquoi pointait-elle une arme sur Sonia ? Qu'avait-elle à voir dans cette histoire ? Les idées s'embrouillaient. Plus les secondes passaient et moins il voyait de solution logique.
« Tu as toujours été un crétin Hugo ! Tu ne m'as jamais plu...
-Toi non plus Émilie.
-Ferme ta putain de grande gueule ! » Entendre Émilie avec ce vocabulaire à la bouche était assez déstabilisant pour un Hugo qui avait toujours vu en elle une égérie de la classe et de la politesse.
« Je sais pertinemment que tu m'aimes depuis notre première rencontre. Il y a des choses qui ne trompent pas, des regards, des attentions, des expressions de joie lorsque tu m'aperçois, le sentiment d'être le soleil de ta journée et le pire ce doit être ta timidité maladive qui t'empêchait de m'avouer tes sentiments. D'ailleurs, si tu avais osé te déclarer je t'aurais peut-être accordé une nuit de sexe avant de te larguer comme une pauvre merde. »
Hugo était écarlate, il ne savait plus où se mettre, il n'avait jamais eu aussi honte de sa vie, ses sentiments n'avaient jamais été exposés de cette manière devant les personnes intéressées. Il regardait Sonia, mais il ne trouva pas la moindre trace de réconfort.
« Bon admettons, j'ai peut-être été attiré par toi à un moment.
-Voyons, pas d'euphémisme avec moi, je suis sûr que tu t'es déjà branlé en imaginant des scenarii abracadabrantesques où je te faisais l'amour. Tu es comme les autres, tu n'es qu'un enfoiré de salopard.
-D'accord, je suis un enfoiré, je suis un con et tout ce que tu veux, mais arrête de pointer ton arme sur Sonia, elle n'a rien à voir dans cette affaire.
-Mais t'es vraiment trop con mon pauvre ami ! Sonia est le centre de cette affaire ! T'ai-je dit que j'étais gêné de toutes ses attentions ? Tu penses vraiment que je t'en veux pour tous les litres de sperme que tu as versé en pensant à moi ? J'adore être un fantasme. J'aime être regardée et admirée. Je veux être aimée, même en secret !
-Tu... tu, dit Hugo qui avait beaucoup de mal à en croire ses oreilles. Tu en veux à Sonia parce que...
-Exactement ! J'en veux à ta grosse pute parce qu'elle t'a détourné de moi ! Je lui en veux de voir qu'elle te prend toute ton attention, je lui en veux de voir que tu préfères lui sauver la vie plutôt que de me sauver la vie ! Je suis jalouse à en crever.
-Mais de toute manière tu n'as jamais voulu sortir avec moi, je ne vois pas où est le problème...
-Le problème c'est que j'ai besoin d'être admirée et aimée, même par un pauvre type comme toi. J'ai besoin de ça même si je ne donnerai jamais plus qu'un sourire en retour ! J'ai besoin que tu m'aimes de tout ton cœur, de toutes tes couilles, de tous tes poumons et de tout ton cerveau ! Je veux être ta putain d'héroïne, je veux être un foutu fix, je veux que tu te damnes pour moi et je veux tout ça sans te donner quelque chose en retour. Tu comprends maintenant ? »
L'estomac d'Hugo se noua, il comprenait en effet, mais il ne comprenait pas son erreur. Il rassembla ses dernières forces, il avait besoin de toutes ses ressources pour dire sa vérité à cette fille.
« Désolé, mais j'ai commis une erreur, commença Hugo en regardant les yeux de Sonia qui n'exprimait que la peur. Comme la plupart des humains, j'ai seulement utilisé mes yeux pour regarder et comme la plupart des humains lorsque mes yeux sont tombés sur Émilie, je me suis dit que cette fille était certainement la plus belle qu'il m'avait été donné de voir durant ma courte existence. Je dois reconnaître que tu es agréable à regarder Émilie. J'ai peu à peu appris à te connaître et j'ai bientôt aimé ta gentillesse et ta douceur. J'ai fait abstraction du fait que tu te servais de moi comme ton larbin préféré ou du fait que je voyais défiler les mecs à une vitesse hallucinante, j'aurais dû remarquer que tu étais une grosse salope. Mais en l'occurrence j'ai fermé les yeux en pensant que tu devais avoir besoin d'affection.
« Le masque est tombé hier à la faculté de droit, je me suis demandé pourquoi il fallait que je garde autant d'amour en moi pour rien. J'ai ensuite rencontré l'autre Émilie, la grosse pute qui s'assume et passe son temps à vendre son cul pour obtenir des services. Je n'ai même pas eu pitié de toi car je te vois telle que tu es : égoïste à l'extrême et qui pense que les autres doivent être à son service. À partir de ce moment j'ai su que tu n'étais pas belle. Tu n'es qu'une merde Émilie, tu es celle qui méritait le moins de vivre et pourtant à ce moment précis tu es vivante et tu ne penses qu'à ta gueule de salope.
-C'est bon ? T'as fini, voici la réponse de la salope. »
Le front de Sonia explosa, sa cervelle giclant sur Hugo. Ce dernier était persuadé que tout ce qu'il voyait été faux et qu'il n'allait pas tarder à se réveiller pour vivre une vie tout à fait normale. Il n'avait même pas entendu le coup de feu.
La balle du Walther d'Émilie ne toucha pas Hugo, mais elle le frôla de quelque centimètre. Les yeux de Sonia avait une expression de tristesse infinie, elle n'avait même pas pu parler depuis que Hugo avait réussi à se hisser sur le toit. Elle tomba à genoux puis face contre sol.
Ce n'est pas vrai, pensa Hugo, ça ne peut pas finir comme ça !
Derrière Sonia, Émilie avait toujours l'arme pointée, du canon sortait un petit filet de fumée. Son visage n'avait plus aucune beauté, elle était horrible, elle respirait la haine et la folie.
Sans penser une seconde de plus, Hugo dégaina. S'il était assez rapide il pourrait venger sa copine et stopper cette folle d'Émilie. Malheureusement, il ne fut pas assez rapide.
Il n'y avait aucune pitié dans les yeux de la jeune femme. Il n'y avait presque plus rien d'humain, elle était comme tous les monstres qui hantait la ville. La seule différence était sa conscience qu'elle n'avait pas perdue.
Elle tira.
Hugo venait de prendre le Smith et Wesson de l'agent de police. Sous la puissance de la douleur il le lâcha. Il n'avait jamais éprouvé cette sensation. La balle avait touché son épaule droite. C'était comme si un feu brûlait sous sa peau. Du sang s'échappait de sa blessure en coulant le long de son bras. L'épaule lui faisait tellement mal qu'il n'arrivait plus à bouger son bras ou sa main.
« Je te préférais avant, dit Émilie.
-Quand j'étais ton petit chien ? Va mourir salope.
-Malgré tout le mal que tu m'as fait en t'entichant de cette bougnoule, je suis prête à te pardonner dans ma grande bonté d'âme. Il va falloir que tu sois gentil avec moi !
-Plutôt crever ! »
Hugo sentait que ses jambes tremblaient, elles ne tarderaient pas à fléchir. Il mit toutes ses forces et sa concentration pour ne pas tomber à genoux devant le bourreau de sa petite amie.
Sa vision commençait à se troubler comme s'il était trop ivre. La douleur lui rappelait à chaque instant qu'il n'était pas ivre et qu'il n'était pas dans un état de bien être. Malgré ce léger handicap visuel. Il aperçut à une certaine distance la forme d'un hélicoptère qui venait vers eux. Le son du moteur était tellement lointain qu'il en paraissait irréel.
« Je veux entendre de ta bouche que tu es amoureux de moi, lança Émilie. Tu verras ce n'est pas si compliqué que ça, en plus tu rêves de me le dire depuis qu'on s'est rencontré.
-Tu n'as pas besoin de mon amour pour vivre.
-Ne me dis pas ce dont j'ai besoin pour vivre ! Dis-moi que tu m'aimes ou je te tue comme j'ai tué ta copine la grosse vache ! »
L'hélicoptère de l'armée se rapprochait, il serait sur eux dans quelques instants, Hugo ne pensait pas pouvoir tenir jusque-là sans tomber. De toute manière, l'arrivée de l'hélicoptère ne l'empêcherait pas d'être tué bêtement par Émilie. Elle trouverait certainement une excuse pour justifier ce qu'elle avait fait. Hugo n'avait qu'une solution qui le mènerait certainement jusqu'à la mort.
« C'est fini Émilie ! Les secours sont là. »
La jeune femme ne répondit rien, le bruit de l'hélicoptère était à présent plus perceptible. L'appareil s'approchait à une grande allure du sommet du Triangle. Émilie commit l'erreur logique de se retourner pour apercevoir l'appareil.
Hugo saisit cette chance pour se jeter sur l'arme de la jeune femme. Avec sa main gauche, il prit le poignet de son ancien grand amour et pointa l'arme vers le vide. Émilie ne se laissa pas faire, elle tira quelques balles vers le grand néant puis lorsque son chargeur fut vide, elle donna un grand coup de poing avec sa main libre dans l'épaule droite d'Hugo.
La douleur franchit un nouveau cap dans l'insupportable. La main de la jeune femme agissait comme un couteau dans la chair d'Hugo. Ce dernier lâcha le poignet de celle qu'il avait tant aimée par le passé. D'un coup de pied dans le ventre, Émilie poussa Hugo au sol.
La douleur de la chute n'avait rien à voir avec celle de la balle dans son épaule, elle était teintée de désespoir et de honte. Hugo avait perdu.
« Tu ne pensais quand même pas que ton stratagème pourri allait marcher, n'est-ce pas ? Tu as toujours été pathétique. »
Hugo ne put répondre que par un râle. Il avait trop mal, il voulait que la douleur cesse une bonne foi pour toute. La jeune femme rechargea son arme avec une certaine nonchalance, c'était comme si elle prenait son temps qu'elle savourait chaque instant de sa victoire future.
Le bourdonnement du moteur de l'hélicoptère s'amplifiait de seconde en seconde. Au bout d'un moment, Hugo n'entendait plus que ce son, il se demandait s'il allait pouvoir être sauvé ou si Émilie aurait le temps de le tuer comme un chien.
Une fois rechargée, Émilie pointa l'arme sur Hugo. Elle dit quelque chose mais le jeune homme ne l'entendit pas. Ce fut à ce moment précis qu'il comprit que l'hélicoptère était sur eux.
Ce que ni Hugo, ni Émilie ne comprirent, ce furent les quelques instants suivants. De toute manière, il n'avait pas le pouvoir de comprendre ce qui se passait au même moment dans le cockpit de l'appareil.
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