Comment ose-t-il ? Comment cet espèce de crétin peut-il ne plus m'apporter la moindre attention ?

Émilie avait les boules. De toute sa courte vie de débauche, elle ne s'était jamais sentit aussi seule et sans protection. Habituellement, il y avait toujours un brave homme qui voulait tirer son coup et qui la protégeait, qui l'accompagnait jusqu'à sa voiture ou jusqu'à la soirée suivante, même si ce dernier n'était pas invité et qu'il devait attendre dehors.

Son dernier chevalier servant avait bêtement péri mangé par ces monstres. Il était trop stupide et il baisait trop mal, pour mériter d'être sauvé, mais au moins il aurait pu faire un peu plus attention à ne pas mourir avant d'avoir rempli totalement son rôle.

Fred n'était qu'un puceau rebelle. Son père n'avait jamais compris pourquoi son fils s'habillait en skinhead. Il avait toujours cru que son fils était un fouteur de merde et un raciste de première. Le vieux ne connaissait rien aux vrais skins. Ces gens-là n'étaient pas du tout raciste...

Fred savait se battre et il était plutôt adroit avec une arme à feu. Mais elle ne le sentait pas comme chevalier servant, il avait une personnalité trop forte malgré les apparences.

Le larbin parfait était et avait toujours été Hugo. À l'époque, où il était transi d'amour pour elle, Émilie n'avait qu'à paraître gentille et à claquer des doigts pour qu'il exécute ses moindres volontés. Certes, elle n'avait jamais couché avec lui et ne comptait pas le faire tant que le monde ne serait pas détruit totalement, mais ce crétin semblait se contenter des miettes qu'elle lui donnait. Il devait se branler en imaginant mille et un scenarii où elle accepterait enfin d'aller plus loin avec lui.

L'idée l'avait toujours fait rire. Hugo était un vrai crétin.

Or, depuis qu'il sortait avec cette grosse conne de Sonia, Hugo n'avait d'yeux que pour cette chose informe, cette grosse vache avec ses seins qui tombaient et un sourire idiot. Certes cette conne écoutait les folles aventures de Hugo depuis un certain temps, mais ce n'était pas une raison pour lui piquer son admirateur.

Émilie était une déesse. Elle avait besoin de l'adoration de ses admirateurs, elle avait besoin de tous leurs espoirs infondés pour avancer dans la vie. Elle avait besoin de se sentir entourée et importante pour pouvoir être belle. Lorsqu'elle était seule et devant sa glace elle se trouvait moche, mais lorsque les autres la regardaient elle se trouvait à nouveau belle. Elle avait besoin de savoir que les mâles étaient excités lorsqu'elle se baladait dans la rue, elle voulait que leur copine la jalouse, elle voulait être un fantasme pour les lesbiennes et elle voulait que les garçons se masturbent en pensant à elle. Elle voulait être au centre des pensées de tous les gens qu'elle connaissait et de tous ceux qu'elle ne connaissait pas, elle voulait être une sorte de virus mental, une nouvelle drogue légale, une nouvelle manière d'atteindre le bonheur !

Plus personne ne la regardait alors qu'elle montait les escaliers du Triangle. Elle voulait à nouveau qu'Hugo la regarde et la désire. Pour le punir, elle ne lui donnerait plus jamais un sourire et ne lui ferait plus jamais la bise, mais elle voulait qu'il la désire et qu'il se damne pour ses yeux.

Bien loin des considérations sur les monstres que tous les autres avaient au même instant, elle arriva au sommet des escaliers. Accroché au mur, il y avait une échelle, elle s'en servit pour monter sur le toit.

Elle vérifia si son arme était bien chargée, puis elle attendit. Le vent soufflait dans sa ridicule robe de hippie et dans son vieux manteau militaire que Robert lui avait donné. En repensant à lui, elle se dit que tous les gens qui l'avaient admirée étaient certainement morts à cette heure ci.

Non, il en reste un.