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Bertrand n'avait prêté qu'une attention plus que relative au petit discours de Fred. Ce dernier lui décrivant le Desert Eagle qui avait coûté la peau des fesses à son père. C'était un modèle spécial utilisant des munitions d'un très gros calibre.
Bertrand s'en foutait totalement que les chargeurs ne comprenaient que sept balles ou qu'il devrait s'occuper du tir à courte portée. Émilie lui avait vraiment retourné la tête durant les quelques heures qu'ils avaient passées ensemble.
Fred ne donna pas d'arme à Émilie, elle avait déjà été équipée par Robert. Elle avait l'air un peu plus à l'écoute que le balayeur tecktonik qui n'avait pas trouvé de meilleure idée que de garder ses habits de travail.
À Cinq heures du matin, les derniers vivants de l'appartement et peut-être du quartier, vérifiaient une dernière fois leurs armes et leur chargeur. Une série de cliquetis retentissait dans l'appartement toujours plongé dans la pénombre.
Hugo prit un soin tout particulier dans le rechargement de son revolver et dans celui du Famas de feu Robert. Il avait mis les chargeurs pleins dans sa veste militaire à portée de main. Il ne devait pas perdre la moindre seconde une fois qu'ils seraient dehors.
Bertrand énervait Hugo, mais ce dernier se doutait qu'il n'était pas le seul à trouver l'attitude du balayeur exaspérante alors qu'ils allaient tous sortir dans quelques instants. Le tecktonik boy passait son temps à embrasser Émilie comme s'il comptait la prendre une nouvelle fois. Il se désintéressait de l'arme que Fred lui avait passée. Hugo se demanda ce qu'il se passerait si un maillon de la chaîne se mettait à déconner. Il ne tarderait pas à le savoir.
« Bon je répète une dernière chose, dit Fred en accrochant un silencieux à son M4, personne ne tire s'il ne voit pas la cible où si cette dernière ne nous a pas repérés. Si l'un de vous tire, ça va rameuter tous les autres monstres de la région. »
Bertrand était coincé dans la palpation des fesses d'Émilie. Hugo se demanda de plus en plus s'il ne fallait pas le tuer avant qu'il ne leur crée des problèmes au groupe. La seule chose qui fit pencher la décision était le souvenir de Rémi. Cet idiot avait décidé de sauver sa copine sans en parler à personne et la suite des événements ne lui avait pas donné raison. Hugo ne voulait pas prendre ce genre de décision, il ne savait pas de quoi était capable Émilie et la perspective d'un massacre entre les survivants ne l'enchantait guère.
L'attente avant la sortie dura encore quelques longues minutes. Hugo pensait de plus en plus que ce genre d'attente était pire que de se retrouver devant une dizaine de monstres qui en voulait à votre peau. Dans le dernier cas, on était fixé sur ce qu'on affrontait, dans la situation présente d'Hugo, il ne savait pas ce qui les attendrait dehors.
Ils descendirent tous au rez-de-chaussée. Le silence les accueillit. Le cœur d'Hugo battait un peu trop fort à son goût. Il étreignait sa mitraillette française. Il vérifia que la sécurité était bien mise, il ne voulait pas tuer un de ses amis par erreur.
« Bon cette fois, on y est, Hugo viens ici avec moi. »
Ce dernier s'exécuta même s'il ne comprit pas de quoi il en retournait.
« Je vais avoir besoin de toi, lorsque j'ouvrirais, il faut que tu couvres le côté gauche pour assurer nos arrières. Je m'occuperais de la droite. C'est par là qu'on ira.
-Mais à droite c'est vers la Place de la Comédie !
-Oui je sais faites-moi confiance. Aller, à trois j'ouvre, un, deux... »
Lorsque Fred dit trois, il ouvrit la porte de sortie et un vent frais frappa Hugo qui ne s'attendait pas vraiment à ressentir le froid comme première sensation lorsqu'il serait à l'extérieur. La nuit vivait ses derniers instants, bientôt le soleil se lèverait. D'ailleurs le ciel était en train de se teinter d'un orange timide par endroit.
Hugo enleva la sécurité du Famas et le pointa vers la gauche. La rue continuait en tournant faiblement vers la gauche, ensuite elle passait sous une voie ferrée. Sur sa droite, il y avait des bars qu'il connaissait bien pour y avoir fini assez souvent bourré. L'heure n'était pas à la commémoration de toutes ses cuites.
La bonne nouvelle car il y avait bel et bien une bonne nouvelle c'était qu'il n'y avait pas de monstres dans tout son champ de vision. Il n'apercevait même pas d'ombres bizarres dans la rue.
Il entendit deux petites détonations étouffées. Il sut immédiatement que Fred venait de commencer le massacre dans un silence quasi-total. Ce dernier appela les autres qui sortirent du magasin d'armes.
Youssef et son fusil à pompe sortirent les premiers, ils furent suivis de Sonia et de son Beretta, d'Émilie et de Walther et enfin Bertrand et son Desert Eagle fermèrent la marche. Le balayeur passait plus de temps à mater les fesses d'Émilie qu'à surveiller la rue et les éventuelles cibles à courte distance qu'il devait refroidir.
« C'est bon, chuchota Fred, la voie est libre. »
Il prit la tête des opérations en dirigeant le petit groupe vers la comédie. Au loin, Hugo aperçut deux formes étalées sur le sol, ce devait les deux monstres tués par Fred tout à l'heure. Le groupe se dirigeait lentement vers les deux cadavres.
Fred fit un signe de la main et tout le monde s'arrêta. À droite, il y avait une rue perpendiculaire à celle que le groupe empruntait déjà. L'adolescent lança un rapide regard dans la rue. Puis il s'accroupit en posant un genou au sol. Enfin en levant rapidement son fusil d'assaut et en prenant son temps pour viser, il tira un premier coup.
Dans la rue que personne d'autre ne pouvait voir à part Fred, des bruits de pas de course se rapprochèrent rapidement. Fred prit son temps et tira un second coup. Le monstre s'écroula au sol dans un horrible craquement que tout le monde put entendre. L'adolescent tira à nouveau. Il n'y avait plus de bruit de course.
Fred appela les autres avec la main et sans un bruit, le groupe reprit sa marche en suivant l'adolescent dans la rue à présent sécurisé. De vieux immeubles à trois ou quatre étages s'élevaient à droite et à gauche du groupe, en fait c'était un peu comme s'ils étaient dans un tunnel à ciel ouvert.
Dominant l'horizon, Hugo aperçut leur destination : le Triangle. Il ne pouvait en voir qu'une partie qui justement ne ressemblait pas à un triangle. Cette tour ou plutôt cette barre d'immeuble devait son nom à sa forme en escalier qui ressemblait de loin à un triangle. Il y avait onze immeubles collé les uns aux autres qui formaient le Triangle. À la base, on trouvait une verrière où la librairie Sauramps avait élu domicile.
La plus haute tour montait à plus de soixante dix mètres. Aucune lumière ne s'échappait de l'immeuble ou d'un quelconque endroit de la ville, l'électricité n'était pas revenue et elle ne risquait pas de revenir de sitôt.
Au sol, les cadavres des morts vivants ne bougeaient plus, Fred avait fait un beau carton. Ils avaient chacun une balle logée dans la tête. Sonia détourna la tête de ces monstres, comme si elle avait déjà eu son comptant d'atrocités pour toute une vie, ce qui n'était certainement pas faux.
Soudain le troisième cadavre bougea. Certes, il ne se releva pas et en fait ce mouvement était certainement un dernier spasme nerveux, mais le groupe était tellement sur le qui-vive que la plupart pointèrent leur arme sur le monstre.
Donner des armes à une bande de crétins peut-être très dangereux si on ne les éduque pas un minimum. Le problème était qu'un de ces crétins n'avait pas écouté la leçon du professeur. Il n'avait pas compris qu'il ne fallait pas tirer, sinon on risquait d'attirer des monstres.
Le maillon faible du groupe, Bertrand, tira une balle avec son génial Desert Eagle ce qui eut pour effet de faire exploser l'épaule du monstre qui était déjà mort. Une bonne giclée de sang réussit à atterrir sur sa figure sans qu'il ne comprenne comment.
« Bertrand t'es le roi des connards ! Lança à voix basse Fred, tu vas rameuter tous les monstres de la ville.
-On en sait rien, répondit l'intéressé, peut-être qu'ils n'ont pas entendu. »
Comme pour infirmer ce qu'il venait de déclarer, le sol se mit à trembler. Certes ce n'était pas un vrai tremblement de terre calculable sur l'échelle de Richter, mais c'était un tremblement comme si des milliers de personnes étaient en train de courir.
Dans un second temps, ils entendirent la source du tremblement. Ce n'était pas une dizaine de monstres qu'ils entendaient dans la rue en train de crier, il fallait plutôt penser en termes de milliers ou de dizaine de milliers. Hugo compara le son qui se rapprochait à ce lui d'un stade de foot au moment où l'équipe favorite marque un but décisif.
« Courez ! Ils arrivent ! Hurla Fred à pleins poumons. »
À vrai dire l'ordre de l'adolescent était inutile. Le groupe s'élança dans la rue sombre. Il n'était plus question de garder le silence ou d'être prudent. La seule solution était la fuite devant cet ennemi qu'ils n'apercevaient pas encore.
À l'embranchement suivant, Fred ne prit aucune précaution. De toute manière leur route était droite et chaque embranchement qu'ils croiseraient, serait une fenêtre sur des problèmes supplémentaires. Hugo qui assurait toujours la sécurité de l'arrière du groupe, fut le dernier à apercevoir l'horreur.
Dans une rue perpendiculaire qui tournait à gauche vers la Place de la Comédie, les monstres couraient. Hugo ne prit même pas la peine d'essayer de les compter, même pour se donner un ordre d'idée. Les morts vivants étaient beaucoup. Leur mortel convoi occupait toute la rue et il ne semblait pas avoir de fin.
Hugo redoubla d'effort dans quelques secondes, les monstres seraient sur eux et le groupe des vivants avait besoin d'un miracle pour s'en sortir indemne. Quelques foulées plus tard, Hugo s'aperçut avec une horreur toujours plus désespérante qu'il y avait une seconde rue perpendiculaire à celle où le groupe se trouvait. Cette seconde rue à vingt mètres de la première devait être elle aussi remplie de monstre.
Il leur faudrait passer devant cette rue avant que les monstres n'arrivent sinon ils risqueraient de leur bloquer le passage. Hugo pensa à la situation la plus désespérante qui consisterait à être pris en étaux entre deux vagues de monstres, une qui viendrait de l'arrière et une qui viendrait de l'avant. Cette idée, lui arracha un petit sourire crispé. La perspective n'était guère joyeuse.
Malheureusement le problème de ce genre de scénario, c'est qu'il se réalise bien trop souvent.
Devant le groupe, les premiers monstres qui leur firent face devaient être les plus rapides dans la communauté des morts vivants. Aucun d'eux n'avait été blessé aux jambes par contre le reste avait passé la date de péremption.
Le premier n'avait pas de bras ce qui ne semblait pas lui poser de vrai problème d'équilibre. Le second avait récemment perdu un de ses beaux yeux vitreux, tandis que la dernière se promenait à poil en exhibant à tous ses amis les monstres ses petits seins et sa toison pubienne.
« On passe ! Faut pas s'arrêter, cria Fred »
À nouveau, Hugo ne vit pas d'objection à suivre les ordres de quelqu'un de plus jeune que lui. L'adolescent se débarrassa des trois premiers monstres avec une rapidité déconcertante.
Malheureusement pour le petit groupe des vivants la foule affamée des monstres avait décidé de débouler au grand complet devant eux.
Fred passa du tir coup par coup au tir automatique. Certes Hugo n'en vit rien, mais il en entendit le staccato et en vit les résultats sur les monstres qui déboulaient dans un flot continu. Malheureusement pour l'adolescent, le chargeur de son M4 n'était pas infini.
« Couvrez-moi pendant que je recharge ! »
Pendant une longue seconde, Hugo se sentit perdu devant la masse grouillante des monstres, sur lequel devait-il tirer ? Arriverait-il à le toucher ? Combien de balles lui faudrait-il pour qu'il soit vraiment mort ?
Il tira, le Famas trembla, la douille fumante s'échappa par la crosse de l'arme et la balle fusa dans la pénombre d'une nuit qui s'achevait presque. Un vieil homme chauve transformé en monstre reçut la balle en pleine poitrine. Trop surpris par le choc, il bascula en arrière en entraînant avec lui d'autres monstres qui le suivaient de trop près.
Un mort vivant, un jeune homme en tenue de sport et avec un t-shirt maculé de sang, sauta par-dessus le tas de monstre tombé au sol. Il n'avait pas encore touché le sol que Youssef le cueillit d'un coup de fusil à pompe qui le renvoya en arrière tout en l'éventrant. Les boyaux du jeune sportif s'envolèrent dans une danse étrange.
Sonia qui se trouvait à l'avant du groupe fut rapidement dépassé. Le Beretta chantait dans ses mains, mais pour chaque monstre tué, deux autres prenaient sa place. En apercevant ceci, Hugo eut une boule d'angoisse à l'estomac, il ne voulait pas perdre la femme qu'il aimait, pas maintenant et pas comme ça.
Il respira un grand coup et tout en s'appliquant pour bien viser, il tira.
Une femme entre les deux âges avec un trou dans le cou, un adolescent aussi boutonneux que purulent, une vielle femme obèse qui avait autant d'années que de morsures, un rasta noir avec un bonnet aux couleurs de la Jamaïque... Hugo alignait les cadavres qui s'approchaient trop de sa Sonia.
De son côté, Émilie armée son petit Walther ne se laissait pas déborder. Elle prenait un soin particulier à tirer à bout portant dans la tête des monstres qui lui sautaient dessus. Ce qu'elle n'avait pas prévu, c'était qu'un de ses anciens petits copains que Hugo connaissait un peu s'approcha d'elle.
Jean-Pierre de son prénom n'avait pas dû être assez prévoyant car il se baladait en caleçon dans les rues de la ville. Certes le froid ne pourrait pas le tuer puisqu'il était censé être déjà mort comme le prouvait les multiples blessures qu'il avait un peu partout sur le corps.
Trop surpris pendant un très court instant, Émilie n'eut pas le temps de tirer. L'ancien petit ami lui sauta dessus comme à la belle époque, mais au lieu de l'embrasser, il se mit en tête de la rouer de coup. Les deux anciens amants chutèrent au sol. Le poids de Jean-Pierre empêchait Émilie de se débattre avec succès.
Après quelques coups dans le ventre, le garçon décida d'étrangler son ex-petite amie. Émilie vit la courte ouverture qui se présentait à elle. Elle pointa son arme sur les couilles de Jean-Pierre et tira un coup. Le monstre ne réagit pas, il ne stoppa pas son attaque et Émilie pressa à nouveau la gâchette.
Rien ne se passa, l'arme devait être vide.
« Au secours ! À l'aide ! »
En entendant ceci, Hugo lança un regard rapide sur Émilie. Certes la jeune femme était en mauvaise posture, mais Hugo s'en foutait totalement. Protéger Sonia était beaucoup plus important que la vie de mademoiselle la plus grosse salope de Montpellier.
Au même moment, un monstre ressemblant à un clochard fonçait sur Sonia pour la prendre à revers. Elle ne l'avait pas encore vu et si Hugo ne faisait rien, la jeune femme se ferait croquer dans moins d'une seconde, en moins de temps qu'il faut pour respirer un grand coup.
Le tir n'était pas super précis, mais il toucha quand même le monstre à l'épaule. Une bonne giclée de sang éclaboussa Bertrand. Ce dernier avait vu qu'Émilie était en grande difficulté. Il n'avait pas osé tirer par peur de blesser la jeune femme. La solution la plus facile fut de s'élancer sur le monstre. D'un coup de pied, il le poussa loin d'Émilie. Puis en levant le lourd Desert Eagle, il tira deux balles une dans la poitrine du monstre et la seconde dans la tête.
Les deux balles calmèrent tout de suite Jean-Pierre, qui reposait pour de bon dans une rue de Montpellier, le jeune homme avait perdu ses habits, son humanité, ses couilles et maintenant sa vie.
Émilie se releva, mais ne prit même pas la peine de remercier son sauveur, elle se contenta de recharger son arme en éjecteur le chargeur vide.
« Émilie tu pourrais me remer... »
Bertrand n'eut pas le loisir d'achever sa phrase. Un monstre particulièrement moche puisqu'il avait perdu ses lèvres et qu'il exhibait ses horribles dents au monde, sauta sur le jeune homme.
Bertrand s'assomma lorsque sa tête cogna le sol. En voyant la scène, Émilie ne tenta rien pour sauver son amant du moment d'une mort certaine.
Fred avait fini de recharger depuis quelques secondes lorsqu'il hurla de nouveaux ordres :
« On ne reste pas ici, on leur passe à travers ! Tirez sur ces enculés et courez comme si vous aviez le diable au cul ! »
La situation était simple : une trentaine de monstres bloquait la route devant les humains. Ce nombre ne cessait d'augmenter et bientôt ils seraient certainement une petite centaine. Derrière eux, d'autres morts-vivants arrivaient. S'ils ne bougeaient pas tout de suite, ils seraient totalement encerclés.
Ce fut Fred, qui commença la percée. Il fit cracher le feu à son M4. Grâce à ce tir parfaitement coordonné, il réussit à s'ouvrir un chemin à travers les monstres. Le passage était ténu et ne tarderait pas à se refermer, mais il lui permit de s'élancer en tête du groupe.
Derrière lui, Youssef calma les ardeurs de quelques monstres grâce à deux coups de fusil à pompe bien placé. Il courut sans difficulté à travers les monstres morts et ceux bien vivants qui essayaient en vain de lui sauter dessus.
Avec une certaine élégance, Émilie slaloma entre les monstres qui n'arrivaient qu'à l'effleurer dans le meilleur des cas. Elle ne lança pas un seul regard en direction de Bertrand qui se faisait copieusement manger par une troupe de plus en plus nombreuse de cannibales.
Sonia soufflait beaucoup trop fort selon Hugo, elle devait déjà être hors d'haleine. Malgré tout, elle s'engouffra dans la brèche alors qu'une dizaine de monstres lui fonçaient dessus.
Le cœur d'Hugo ne fit qu'un bond dans sa poitrine, s'il ne faisait rien sa voluptueuse petite amie allait servir de petit déjeuner aux monstres.
Il régla rapidement la fonction automatique de son Famas et il lâcha une bonne rafale de plomb sur les monstres qui venait de la gauche. Le point positif c'était qu'il venait de sérieusement les ralentir, le point négatif c'était qu'il n'avait plus de balle dans son chargeur. Les trente cartouches avaient défilé à un rythme délirant.
Il courut à la suite du reste du groupe. Soudain de sa droite, une jeune femme qui devait être plutôt mignonne de son vivant, lui offrit un sourire carnassier. Sans perdre une seconde supplémentaire, Hugo lui cassa les dents d'un revers de la crosse de son fusil. La femme perdit l'équilibre avant de chuter au sol et de se faire piétiner par ses congénères.
La situation devint beaucoup plus claire. Les monstres couraient à l'arrière tandis que les vivants fuyaient sans grand espoir à l'avant. Hugo libéra le chargeur vide du Famas et en enfonça un nouveau. Il lança un regard à l'arrière. La masse grouillante des monstres se reformait et les plus rapides le talonnaient. Il pouvait entendre leur respiration saccadée et leur pas rapide sur le sol.
Sonia ne courait pas assez vite. Elle perdait petit à petit de la distance. Même si Hugo était toujours en dernière position. Il savait que cela ne durerait plus très longtemps. Heureusement le groupe arriva au bout de la rue.
Il y avait un escalier qui menait au sous sol du centre commercial du polygone. Pour être plus précis, cet escalier menait à la galerie marchande qu'il y avait devant le Polygone. Les immeubles du Triangle étaient justes au-dessus d'eux.
Hugo aperçut la plus grande des tours, celle vers laquelle ils se dirigeaient. Elle culminait dans un ciel qui rosissait de plus en plus. L'aurore s'approchait à grand pas et en haut de Montpellier, elle devait être tellement plus belle. Encore un petit effort et ils y seraient. Ils leur suffisaient de courir.
Toutes les pensées d'Hugo encourageaient Sonia à avancer plus vite. Il ne pouvait pas lui dire à moins qu'il ne veuille perdre son souffle de fumeur qui le faisait déjà assez souffrir comme ça. Mais il l'encourageait du fond du cœur à avancer jusqu'à la tour.
Fred s'arrêta, il fit signe aux autres de continuer leur périple. Il posa un genou au sol comme tout à l'heure et en tirant balle par balle, il distribua la mort aux monstres les plus atteints de célérité.
Hugo courait toujours, il sentait les balles fusait tout autour de lui, car il n'était toujours pas au niveau de Fred. Il sentait l'horrible sifflement des cartouches puis il entendait le choc qu'elle engendrait en entrant dans le corps d'une de leur victime, il entendait les os se briser, puis le monstre tomber à la renverse certainement trop surpris de mourir aussi rapidement.
Arrivé aux escaliers Hugo se retourna pour prêter main forte à Fred, mais ce dernier se releva d'un bond et ordonna :
« Continue de courir, c'est plus la peine de les ralentir tout le monde est déjà dans les escaliers. »
Le problème avec cette logique c'était certainement que les monstres aussi seraient dans les escaliers d'ici quelque temps.
Au haut de ces premiers escaliers, il y avait une sorte de tunnel assez sombre. De chaque côté de cette allée il y avait des magasins. Les dalles marron au sol étaient glissantes et il fallait marcher avec précaution. Le tunnel était vide, bien qu'on y voyait à peine. À la sortie, il y avait une sorte de petite place, où siégeait un escalator. Sur cette place, il y avait deux magasins de jeux vidéo l'un en face de l'autre, ce genre de magasin fleurissait un peu partout en ville avant la fin du monde.
Youssef courait en tête du groupe, il pointait son fusil à pompe vers l'obscurité. Un ombre bougea à l'intérieur d'un magasin de fleur. La seconde suivante, un monstre apparut derrière une baie vitrée. Hugo eut à peine le temps de lancer un avertissement à son nouvel ami que le monstre brisait la vitre en un millier de minuscules éclats.
Youssef réagit avec une effroyable rapidité, il pointa son arme sur le monstre et tira. En fait, l'arme aurait dû cracher du feu si elle avait été chargée, mais voilà le problème était que l'arme n'était pas chargée. Monstre et homme tombèrent au sol et sans réfléchir une seule seconde Hugo tira. La seconde suivante, il se dit qu'il venait de commettre l'erreur la plus stupide de sa vie, mais contrairement à ce qu'il croyait, la chance avait voulu qu'il touche le monstre plutôt que son ami. Hugo n'en crut pas une seule seconde ses yeux mais le résultat était bien là !
« Désolé, j'aurais pu te toucher, j'ai pas réfléchi.
-Pas grave, de toute façon je suis foutu, il m'a mordu, dit Youssef en montrant une petite morsure au bras. Je vais assurer vos arrières ! Adieux mes amis.
-Non ! Viens quand même avec nous, le supplia Hugo sans y croire vraiment, on trouvera une solution.
-C'est foutu ! Dit Émilie, il faut partir à présent. »
Les monstres entraient déjà dans le tunnel derrière eux. Youssef ne prit même pas la peine de ramasser le fusil à pompe qui avait causé sa perte. À la place, il sortit le Glock de Monsieur Petit. Il avait à présent dix-sept balles, dix-sept monstres à envoyer en enfer l'endroit dont il n'aurait jamais dû ressortir.
À contre cœur et en étouffant un sanglot, Hugo dut abandonner son ami. Youssef restait seul dans la pénombre face au raz-de-marée qui déferlait sur lui. Il leva l'arme du professeur et tira. Il était un homme seul affrontant une force inexorable, la pure définition de la tragédie. Il n'avait aucun moyen d'en sortir indemne et pourtant il se dressait face à l'inexorable.
Hugo ne compta pas les coups mais il sentit dans leur présence comme une preuve de la vie de Youssef. Puis ils s'arrêtèrent, Youssef était mort. Les monstres continuèrent leur implacable avancée dans le tunnel.
Les deux magasins de jeux vidéo étaient fermés, l'un d'eux annonçait la sortie d'un nouveau jeu de morts vivants. Il ne servait à rien de payer pour avoir ce jeu, il suffisait de sortir dans la rue. Il y avait assez de morts vivants pour tout le monde. Le problème c'était qu'on ne pouvait pas faire de sauvegarde dans la vraie vie, Youssef en faisait les frais.
L'escalator était en panne comme toutes les autres installations de la ville. Fred reprit sa place de leader de l'équipe en montant le premier. Émilie et Sonia le suivirent. Hugo s'y engouffra en bon dernier alors que les monstres sortaient du tunnel.
Une fois arrivé en haut, Fred tira quelques balles et il demanda à tout le monde de se dépêcher.
Devant eux se dressaient les immeubles du Triangle, ils se dressaient sur l'allée qui reliait le Polygone à la place de la Comédie. À leur droite, les baies vitrées du centre commercial étaient plongées dans les ténèbres.
Au premier abord, il ne semblait pas à Hugo, qu'il y eut une vie à l'intérieur du centre commercial, mais il se doutait que dans ce genre de situation certaines personnes filent toujours dans leur centre commercial préféré pour se sentir en sécurité.
Hugo cru cependant apercevoir une forme à l'intérieur. Il ne lança pas de second regard au centre commercial à cause de la précipitation qui l'animait. Il était cependant certain d'avoir vu une personne avec un uniforme de policier. Tous ceci n'avait pas beaucoup de sens à vrai dire, mais il n'avait pas de temps à perdre.
À leur gauche, il y avait la place de la Comédie à plus d'une centaine de mètres. À nouveau, le cœur d'Hugo faillit défaillir lorsqu'il aperçut la myriade de monstres qui fonçait dans leur direction. C'était pire que le jour des soldes et des fêtes de noël réunis.
Fred tira sur les portes vitrées d'entrée du Triangle, elles volèrent en éclat et sans perdre une seule seconde de plus, il entra dans le building montpelliérain. Sans se poser plus de question les trois autres le suivirent. Ils étaient tous hors d'haleine mais au fond d'eux l'instinct de survie les aidait à puiser dans leurs dernières réserves.
Le hall d'entrée n'était pas très spacieux, mais il était bien décoré. Il y avait des fausses plantes qui ressemblaient à des vrais, du faux marbre qui était peut-être vrai et enfin au bout du couloir, un vrai ascenseur qui ne marchait plus sans électricité.
« On fait quoi maintenant, demanda une Sonia à bout de souffle.
-On trouve ces putains d'escaliers, répondit Fred toujours coincé dans son rôle de commandant. »
Dans un sombre couloir et après quelques longues secondes de recherche, Émilie trouva la porte de service qui menait aux escaliers. Ces derniers ne devaient pas être très utilisés car il y avait dix-huit étages et tous les monter était une perte de temps et d'énergie.
Malheureusement pour les quatre survivants, le choix avait déjà été fait à leur place, ils monteraient les dix-huit étages de la tour la plus haute du Triangle à la force de leurs jambes.
Les monstres les suivaient toujours, ils n'avaient eu aucune difficulté à rentrer dans l'immeuble, même s'ils s'étaient allègrement bousculés ce qui avait eu pour effet que certains d'entre eux étaient morts sous la foule de leurs congénères qui leur marchait dessus.
La porte de l'escalier s'ouvrait vers l'extérieur. Lorsque Hugo la referma, il se demanda si les monstres seraient intelligents pour ouvrir la porte. Alors qu'il montait les premières marches, il eut la réponse qu'il désirait. Les morts vivants donnaient de grands coups dans la porte avec... Eh bien avec leur corps certainement. Mais en tout cas, ils ne risquaient pas d'ouvrir une porte de cette manière, alors qu'il leur suffisait de pousser la poignée vers le bas et de tirer la porte vers eux.
Les escaliers du Triangle montaient droit, ils étaient séparés en deux entre chaque étage. Au demi étage, il y avait un palier et les escaliers partaient dans l'autre sens. De plus les marches étaient éclairées par la lumière du jour naissant grâce à une magnifique baie vitrée. Ce fut lorsque Hugo atteint le premier étage qu'il entendit la porte céder en bas. Les monstres s'engouffrèrent à grand renfort de cris et de borborygmes.
Au début, Hugo montait les marches deux par deux, mais il s'aperçut au bout d'un certain temps que c'était une idée qui allait certainement lui coûter ses poumons de fumeur. Il décida de monter les marches une par une, mais au bout d'un certain temps il se dit que cela allait lui coûter son cœur de fainéant anti-sportif.
Avant d'arriver au troisième étage, il se dit qu'il lui fallait une pause de toute urgence. En regardant, Sonia il sut qu'elle avait les mêmes difficultés pour monter. Elle avait tellement de mal à monter les escaliers qu'elle s'aidait de ses deux mains pour aller plus vite.
« Fred ! J'y arrive plus faut qu'on fasse une pause ! Sonia aussi a du mal »
L'adolescent avait moins de problème pour monter que les deux autres. Il avait même un demi étage d'avance. Émilie avait disparu vers le firmament depuis longtemps, ses séances hebdomadaires de sport portaient ses fruits. Fred descendit quelques marches pour se mettre à portée de voix.
« Putain, arrêtez vos conneries, on ne peut pas faire de pause, ils sont sur vos putains de cul ! »
Alors que Hugo reprenait son souffle à l'orée du troisième étage, les premiers corps des monstres arrivèrent. Ils n'eurent pas le loisir d'aller plus loin car Hugo tira sur la première ligne de monstre qui tomba à la renverse. En voyant le résultat positif de tout ça, il acquit la certitude qu'il pouvait tenir quelque temps dans ces escaliers. Enfin tant qu'il avait des balles.
« Sonia, ma chérie, il faut que tu montes, je pense pouvoir les retenir un peu ici !
-Non c'est hors de question, je ne t'abandonnerai pas à une mort certaine.
-Je ne me sacrifie pas ! Je gagne du temps, hurla Hugo en lâchant une nouvelle volée sur des nouveaux monstres qui montaient.
-Je t'aime ! Dit Sonia en recommençant à monter les escaliers. »
Hugo admira le travail, à chaque foi qu'il tirait, les morts vivants se tombaient les uns sur les autres ce qui retardait leur implacable avancée. Son cœur avait décidé de prendre un rythme plus calme et il avait décidé de reprendre sa montée, lorsque Fred arriva.
« Putain Hugo, faut qu'on monte ! Tu ne peux pas tous les tuer.
-C'est justement ce que je me disais, allons-y ! »
Les deux jeunes gens reprirent leur ascension. Il ne fallut pas plus de deux étages à Hugo pour de nouveau être à bout de souffle. Ses foulées se ralentirent et lorsqu'il arriva au dixième palier, c'est-à-dire au cinquième étage, il put remarquer avec horreur que les monstres étaient toujours sur ses talons à quelques marches de lui.
Fred s'arrêta un instant et lâcha une rafale de M4. Les balles fusèrent un peu partout dans les escaliers en blessant et tuant les monstres à la recherche de chairs fraîches. Il stoppa pour quelques secondes la vague, puis repartit dans l'ascension de la tour.
Le destin, la malchance ou ce genre de truc déplaisant est parfois capricieux. Ce jour-là il frappa l'adolescent qui montait les escaliers d'une manière des plus stupides.
Alors que Fred montait en route du onzième palier avec Hugo devant lui, il manqua une marche et tomba dans les escaliers. Il lâcha son M4 qui glissa bêtement dans les escaliers. Il ne se fit pas vraiment mal, mais les monstres qui le talonnaient à nouveau en profitèrent pour lui attraper la jambe.
« Hugo !!! À l'aide ! »
L'intéressé se retourna et tira une rafale. Malheureusement, il ne restait que peu de balle dans le chargeur et il ne put pas tuer le monstre qui tenait Fred. Il se baissa et prit la main de l'adolescent pour le remonter. L'épreuve inutile de force commença contre le monstre. De son côté, Fred frappait la tête du monstre avec la plus grande des vigueurs, mais rien n'y faisait, le mort vivant ne voulait pas céder son déjeuner.
Un autre monstre sauta sur le dos de Fred pour attaquer Hugo. Ce dernier pris de panique, lâcha l'adolescent et en même temps qu'il chutait sur les marches, il donna un coup de crosse de son Famas dans la tête de la chose qui recula.
Alors que Hugo se dirigeait pour aider à nouveau Fred. Il s'aperçut que le mort vivant n'avait pas fait que le tirer par la jambe, il la lui avait sectionné à grands coups de dents. La curée avait déjà commencé. Les monstres l'attiraient vers lui, ils lui enfonçaient leur main dans son ventre pour en retirer ses boyaux.
Hugo ne pouvait plus rien faire, il décida de continuer sa route. Étrangement, manger un peu sembla calmer les monstres pour quelque temps. Ceci laissa à Hugo tout le loisir de ne pas courir et tout le loisir de recharger son arme.
Le calme ne dura que jusqu'au dixième étage, soit au vingtième palier. Durant les précédents étages, Hugo n'avait pas réussi à rattraper Sonia tandis qu'Émilie devait déjà être arrivé en haut.
Les monstres furent à nouveau sur lui. Il décida de rester en mouvement. Tous les paliers, il se retournait pour envoyer dans le néant le plus de monstres. Cette technique lui assura la survie jusqu'au trentième palier. En effet, ce fut à ce palier qu'il fut à court de munition.
Certes, il lui restait l'arme de fonction du policier perdu à la fac de droit, mais il n'avait plus trop envie d'un tir aussi lent après avoir connu la vitesse grisante d'un automatique.
De rage, il lança le Famas sur un monstre. Ceci aurait dû lui exploser le nez, mais en fait vu que ce monstre n'avait plus de nez, ça ne lui explosa pas grand-chose.
Le revolver toujours dans une poche, Hugo décida qu'il pouvait bien sprinter pour les trois derniers étages. Ses jambes étaient lourdes. Il sentait que ses poumons n'étaient pas assez grands pour accueillir tout l'oxygène dont il avait besoin. Le meilleur était sûrement que son cœur battait tellement qu'il semblait vouloir s'envoler de sa poitrine.
Les six derniers paliers furent une torture physique et mentale. Chaque parcelle de son corps lui faisait mal et la douleur se répercutait jusqu'à sa tête. Dans son dos, il avait l'impression qu'il ne distançait pas les monstres et en fait il n'avait pas vraiment tort. Au moment, où il perdait tout espoir, il rencontra une échelle.
Posé en pleins milieux d'un palier, il se demanda ce qu'elle faisait ici. Il comprit au bout d'un trop long instant qu'il était arrivé tout en haut et que cette échelle lui permettrait d'aller sur le toit et d'être sauvé.
Il monta chaque barre de l'échelle, dehors une douce lumière inondait le ciel. En haut, il y aurait Sonia qui l'attendrait, il pourrait l'embrasser, parce qu'à présent, ils étaient sauvés. Dans quelques minutes, il s'envolerait loin de cet enfer.
Il gardait une pensée pour toutes les victimes de ces 24 dernières heures mais il remerciait le ciel d'être encore vivant. Il se sentait tellement joyeux !
Soudain la foule des monstres débarqua sur le dernier palier. Il ne lui restait plus que quelques barreaux à l'échelle pour être libre. Les morts vivants agitèrent l'échelle. Hugo manqua de tomber, il ne pouvait pas finir comme ça, pas de cette manière après avoir survécu à tant de chose.
Il ne sut pas si ce fut l'envie de vivre ou une ultime décharge d'adrénaline, mais une force aussi soudaine qu'évanescente l'aida à gravir les derniers barreaux de l'échelle. Il s'allongea sur le toit une fois en haut tandis que ces crétins de monstre faisaient tomber l'échelle sur leur hideuse face.
Sur le Faîte de Montpellier, le soleil se levait. Un à un, il lançait ses rayons à l'assaut du ciel en combattant la nuit. Un à un, ses rayons gagnaient le combat et tous ensemble, ils annonçaient la venue d'une nouvelle ère d'une nouvelle journée, une journée où tout serait possible, une journée de vie !
Hugo aurait voulu dormir ici tout compte fait, mais avant il avait besoin de voir celle qu'il aimait de plus en plus. Il se releva et il l'aperçut. Certes elle n'était pas au mieux de sa forme, mais elle était belle et bien vivante. Hugo s'approcha d'elle, en regardant ses yeux, il y lut une peur étrange. Il ne comprit pas, ils étaient pourtant en sécurité ici sur le toit de la ville.
« Stop ! Plus un pas ou je flingue la grosse vache. »
C'était Émilie qui parlait.
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