11
Antoine fonçait sur les routes sinueuses de la Lozère. Le soleil déclinait rapidement. Les vallées et les monts se succédaient. De petits filets d'eau serpentaient dans des prairies paradisiaques. De temps à autre un bosquet posé sur le bord de la route attendait le passage inexorable des saisons. Les hameaux vides étaient traversés en quelques secondes. Parfois la Clio fauchait un infecté esseulé. La nature était belle, mais il n'avait guère le luxe de l'apprécier à sa juste valeur.
Depuis qu'ils étaient sortis de l'autoroute à Saint Chély d'Apcher, les cadavres s'étaient drastiquement raréfié. Dans un premier temps, Antoine y vit un signe positif. Cependant tous ses espoirs furent rapidement calmés par le gamin.
« Un premier groupe de choses de mon oncle va très bientôt attaquer, dit-il. Il faut se dépêcher Antoine. »
À plus d'une centaine de kilomètres à l'heure, le jeune homme ne pouvait pas risquer d'aller plus vite. Les routes de la Lozère ne le rassuraient pas. Certes aucun conducteur n'avait l'audace d'y rouler, mais les virages se succédaient sans relâche. Antoine avait l'impression d'être dans un rallye. Il passait les vitesses avec violence et n'hésitait pas à malmener les pédales de frein et d'accélérateur.
Il n'était pas le seul à ressentir la pression, à ses côtés, Sam agrippait fermement son arme. Il ne devait plus avoir de munition suite à la fusillade dans la concession Renault.
Sam blêmissait à chaque mètre que l'automobile avalait et qui les rapprochait de l'inévitable rencontre. Le geek ne semblait plus aussi sûr de lui à présent. Il n'avait pas prononcé une seule parole depuis une paire de kilomètres. Antoine ne pouvait guère lui en vouloir. Il éprouvait les même sentiment. Il avait de plus la responsabilité d'amener tout le monde à bon port et le plus rapidement possible.
« Dit-moi Adam, est-ce qu'il y aura beaucoup d'infecté ?
-Non, ils ne sont que deux cent quarante-cinq. C'est un petit contingent. Mon oncle joue avec eux, il sait qu'il a l'avantage du nombre tant que celui qui est infecté ne sait pas se servir de ses pouvoirs.
-OK, mais lorsqu'il saura se servir de ses pouvoirs, qu'est-ce qui va changer ?
-Eh bien, on verra à quel point, il pourra les maîtriser. Si nous avons assez de temps, il pourrait arrêter une grosse attaque.
-Si on n'a pas assez de temps ? »
La question était bête. Adam ne daigna même pas y répondre. Si le temps venait à leur manquer, le fabuleux voyage d'Antoine trouverait en Lozère sa tragique fin. Cette perspective ne le réjouissait pas.
Le GPS indiquait qu'ils étaient à dix kilomètres de leur destination et qu'ils mettraient treize minutes pour y arriver. Antoine s'employait à faire baisser le temps de trajet. Ses doigts transpiraient et son cœur battait à tout rompre. Il ne connaissait pas le moins du monde les gens qu'il allait rejoindre, mais depuis quelques heures leur sort leur importait au plus au point.
La route défilait à présent devant ses yeux alors que le soleil entamait sa dernière course de la journée. Il ne distinguait plus les bois, les collines et les villages. Il n'y avait que cette ligne blanche continue qui importait, il la suivait pour sa propre survie et pour celle de tout les autres survivants dans le monde. À l'arrière de la Clio, il transportait une bombe. C'était le genre de bombe capable de mettre fin à l'infection. Antoine commençait à croire que tout pourrait revenir comme avant.
« Ils arrivent ! »
Encore quelques virages et encore quelques lignes droites.
« Le combat commence. »
Le GPS ordonnait à Antoine de tourner à gauche vers la direction du Lac de Charpal. Il n'était qu'à une poignée de minute de leur destination.
« Sam, dit Antoine avec empressement, tu envisages de les affronter comment ?
-Il me reste plus balle dans le Famas. Mais j'ai un couteau de l'armé.
-Prends ce chargeur, je n'ai pas eu le temps de l'utiliser. »
Le compagnon d'infortune d'Antoine pourrait mettre à terre un peu plus d'infecté. Chaque monstre mit au sol allait compter.
« Tourne à Droite ! Hurla le gamin alors que le GPS indiquait d'aller tout droit. »
Sans se poser une question supplémentaire, Antoine tourna en faisant crisser les pneus. La voiture entra dans un sous-bois que la lumière orange du soleil n'atteignait plus.
« Ils se battent au corps à corps, ils vont être dépassé dans quelques instants. »
Alors qu'il roulait en troisième à plus de soixante kilomètres heures, Antoine pénétra dans la prairie. À sa gauche la forêt continuait en contrebas, une foule belliqueuse de cadavres s'échappait des bois pour foncer vers la droite.
C'était dans cette direction qu'une ferme était posé sur le flanc d'une colline. Au sommet de cette dernière, une éolienne tournait. À plusieurs mètres devant l'habitation, un groupe habillé en tenue anti émeute affrontait à coup de machette et de hache la foule de monstre. Ils semblaient réellement être surpassés par le nombre de cadavres.
Antoine ne réfléchit pas une seule seconde, il fonça dans le tas avec la Clio. Il percuta une grosse dizaine de monstres sur sa route avant de freiner. Les cadavres désarticulés parsemaient le sillon de la voiture.
« Couvre-moi, dit-il à Sam. »
Antoine s'élança hors de la voiture. Il avait son katana rengainé à la main. Sam se mit rapidement en position de tir à l'arrière. La première balle fusa, un monstre fut projeté au sol avec une partie du cerveau en moins.
Plusieurs infectés faisaient route vers Antoine. Ce dernier dégaina sa lame tout en marchant. Dans son dos, Sam réduisait le nombre de morts vivants qu'il allait affronter. Dans le soleil déclinant sa lame brilla, une tête tomba.
Une jeune femme obèse au teint blafard fut la seconde victime. Elle mourut lorsque la lame pénétra le haut de son crâne. Lorsque Antoine libéra le katana une gerbe de sang et de cervelle gicla dans la fraîcheur vespérale.
Alors que le corps de la femme s'écroulait, il engagea le cadavre suivant. Il ne devait pas leur laisser une seule ouverture. Il avait l'avantage de l'allonge avec le katana. Les morts ne pensaient pas une seule seconde à se protéger ou à esquiver. Ils fonçaient tête baissée et dent en avant vers un tranchage certain.
Le troisième infecté fonçant vers lui, un homme de couleur d'âge mur, n'eut même pas le temps de l'atteindre, une balle de Famas lui arracha le haut du crâne. La vision était horrible, mais Antoine devait y être immunisé. Il commençait à avoir des difficultés à penser que les êtres en face de lui avait autrefois était des humains. Dans le passé les monstres qu'il mutilait, lui ressemblaient, ils avaient du travail ou en cherchaient, ils avaient l'amour d'un être qu'ils chérissaient, ils avaient des enfants, une voiture, un chien, un chat ou une plante verte. Certains des monstres aux yeux vitreux étaient des gens sympathique, des bons citoyens poli avec leur gardien d'immeuble, d'autres étaient des maris qui battaient leur femme, des fumeurs de joint, des alcooliques notoires. L'infection et la mort les rendaient tous égaux. Ils ne pouvaient plus prétendre à leur place dans la grande communauté des êtres humains.
La lame dansait, elle devenait une véritable extension de sa main. Il n'aurait jamais cru pouvoir la contrôler aussi rapidement. Il connaissait les réactions de chaque cadavre qu'il rencontrait. Il esquivait leurs mains et frappait à chaque ouverture. Il démembrait ceux qui avaient l'intention de s'agripper à lui et il les achevait rapidement. Il entrait dans une sorte de transe guerrière, ses sens affûtés le prévenaient de chaque danger et lui ordonnait de tuer encore et encore.
Antoine ne courrait pas. Il avait tout son temps, les infectés venaient à lui un à un. Ils mourraient avant de comprendre ce qui leur arrivait. S'il y avait plus de cadavre qui l'attaquait en même temps, Sam qui veillait sur lui en dégraissant la force de l'attaque par quelques balles bien placées. Le geek savait y faire. Sous ses doigts, chaque coup du Famas atteignait son but.
Le joyeux massacre perpétré par Antoine et par Sam laissa quelques instants pour le groupe en tenu de protection de gérer et de dégrossir la foule qui était à leur contact. Ils avaient surtout besoin de quelques secondes pour respirer avant le retour des infectés.
Plus Antoine s'avançait et plus il sentait que le danger grandissait. Les attaques multiples devenaient plus fréquente et Sam n'aurait bientôt plus de cartouche. Il commençait à regretter de s'être un peu trop avancé.
Cinq infectés arrivèrent sur lui et attaquèrent en même temps. Sam ne tirait plus. D'un rapide bon sur le côté, Antoine en profita pour trancher le bras d'un vieil infecté au crâne dégarnit et à la bedaine naissante. Le membre tomba au sol dans l'herbe fraîche.
Un ancien jeune homme torse nu et avec une belle collection de blessures sur le haut du torse bondit sur Antoine. Ce dernier n'eut pas le temps d'armer un coup. Il se contenta de parer avec la lame. Le torse nu du monstre rencontra le fil affûté du katana. Le métal rentra dans la chair jusqu'à l'os. Un petit filé de sang coula le long de la poitrine blanche du cadavre. Le mort ne semblait pas désappointé par la coupure, sa tête tentait de mordre Antoine qui tentait tant bien que mal de le garder à distance respectable.
Dans le même temps, une femme aux lèvres arrachées tentaient tant bien que mal de contourner son congénère dans le but avoué de mordre rapidement et sûrement Antoine. Ce dernier repoussa de toutes ses forces le jeune homme au torse nu en créant une blessure encore plus profonde. Dans le même geste, il frappa à l'aveugle la femme au baiser mordant.
Cela eu pour effet de les faire reculer pour une seconde, cependant le vieux manchot et une femme aux seins nues se précipitait déjà sur lui. Antoine bondit en arrière, il agrippa son arme à deux mains et frappa encore et encore. Il n'observait pas où il donnait des coups, mais il enchaînait les frappes de taille. Il sentait que son arme pénétrait la chair. Le sang giclait à gros bouillon, la chair virevoltait, les boyaux se répandaient, les doigts quittaient leur main et tout ne devenait que fureur.
Le dernier des cinq infectés du groupe, un petit garçon habillé pour aller à l'école agrippa, Antoine à la jambe. Le jeune homme enfonça mécaniquement son katana dans le haut du crâne de l'enfant.
L'assaut se termina sur cette dernière horreur. Antoine n'avait même pas eu le temps de réaliser ce qu'il venait de faire. Il ne préférait même pas y penser. Sa santé mentale était à ce prix. En aucun cas, il ne devait se permettre de prendre conscience de ce qu'il faisait pour sa propre survie.
Les quatre autres cadavres gisaient là au sol. Ils avaient de multiples blessures sur tout le corps, il grognait encore, mais ils étaient bien incapables de se relever. Leurs jambes tranchées, leur bras loin de leur corps ou leur ventre salement entamé les empêchaient de chasser à nouveau.
Antoine soufflait, il avait juste besoin d'une bonne pose et surtout qu'on arrête de lui envoyer des infectés belliqueux. Il planta son katana au sol, son poids devenait insupportable à soulever. Ses bras n'en pouvaient plus de tous ces chocs. Il sortit son Glock. Il finirait les quelques infectés qui fonçaient sur lui de cette manière.
Il n'avait même plus la force de brandir l'arme avec une seule main. Il lui fallut ses deux mains pour arriver à viser. Il ne regardait même plus les détails de tel ou tel monstre qui lui fonçait dessus. Il agissait mécaniquement. La seule chose qui le possédait était son instinct de survie.
Chacune des détonations lui arracha un grincement de dent. Ses bras étaient en feu. Il colla une balle au dernier infecté qui sortait de la forêt. Il baissa le pistolet encore fumant et tomba les genoux au sol. Il était réellement las. Il lui sembla avoir traversé le monde entier pour en arriver à cette conclusion. Les morts au sol se comptait par dizaine et il n'était pas chez lui.
Les larmes roulaient sur son visage, elles s'accouplaient avec les gouttes de sang qui parsemait ses joues. Le bout du chemin était une stupide colline ou seul une horde de cadavres l'attendait. Adam avait dit que cette première vague n'était qu'un stupide test. Il ne pourrait pas supporter d'autres horreurs. L'idée de sauver le monde lui paraissait absurde. Il y avait trop de morts, trop de risques, trop d'efforts à fournir pour rien.
« Je ne sais pas qui tu es, mais merci en tout cas ! »
Antoine se retourna. Un homme en armure de plastique recouvert de sang le regardait. Il enleva son casque. Un jeune homme brun apparu. Il n'était ni spécialement beau, ni spécialement moche, mais une chose sauta aux yeux d'Antoine. Le nouveau venu était typé du Sud, il n'y avait aucun doute : son teint légèrement halé, les yeux marron et puis ce type légèrement hispanisant.
Antoine pleura de plus belle. Il pleura parce qu'il s'était trompé. Ce qu'il avait fait avait du sens, il était revenu chez lui. Le nouveau venu avait un très léger accent, il ne s'en était pas rendu compte dans un premier temps, mais à présent il ne voyait plus que cela.
« Tout va bien ? »
Antoine était aux anges.
« Oui ça va bien...
-Pour un type qui va bien, tu pleures beaucoup.
-C'est juste l'émotion... Je suis enfin de retour chez moi, répondit Antoine.
-En Lozère ?
-Non dans le Sud !
-Tu viens d'où mec ?
-De Dunkerque ?
-Désolé. »
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