Le borang borang.
- Je m'attendais pas à ce que ce soit si petit le village, j'étais déjà venu avec ma famille et dans mon souvenir il y avait vraiment énormément de monde.
- C'est parce qu'on est hors saison, l'été ils quadruplent la population.
- C'est ouf, t'imagines.
Les trois garçons arrivèrent devant le petit établissement de poissons qui semblait border l'eau. Deux vélos étaient apposés contre le mur marron de la devanture et une fenêtre unique donnait sur l'intérieur de la bâtisse éclairée d'une lumière jaunâtre qui donnait le sentiment qu'elle était figée dans le temps. De l'extérieur, le restaurant semblait exigu et d'un simple regard, on comprenait vite que ce dernier pouvait probablement tenir six ou sept couverts, tout au plus. Sans réellement savoir pourquoi, cela rassurait Chan. Lui qui n'avait jamais vraiment apprécié les grands étals et les lieux trop bondés pouvait se retrouver ici en toute intimité avec ses meilleurs amis.
Quand ils pénétrèrent le lieu, l'ambiance était tout aussi intimiste, quoique sombre et peut-être un brin 70's, comme dans son jus depuis. Félix ne manqua pas de le faire discrètement remarquer tandis que Chan, lui, se sentait déjà chez lui. Les banquettes de cuir marron foncé et les photos familiales de pêche le long des murs le firent sourire de souvenirs qu'il n'avait pourtant pas connus. Le lieu était atypique pour lui, bien loin de ce qu'il connaissait et de ce à quoi on l'avait habitué. Pourtant, pour la première fois depuis longtemps, sortir de sa zone de confort ne semblait plus le déranger tant que cela.
Perdu dans la contemplation des clichés, Chan s'avança de plus en plus dans le maigre espace et, pris par une bouffée de chaleur au creux de l'estomac qu'il ne s'était jamais connu , il toucha du bout des doigts une photo qui capta toute son attention. Sur celle-ci se tenait debout un homme bien plus jeune que lui, un jeune adulte tout à fait captivant qui capta immédiatement son attention. Ce dernier portait un poisson d'au moins 8 kg dans les bras, un sourire en biais sur le visage qui lui donnait l'air presque condescendant et pourtant, cela le rendait effroyablement charmant. Il avait un regard félin, terriblement envoûtant. Derrière lui, le lac qui surplombait leur location, puis juste au-dessous, un bateau portant l'inscription « Florine ». Le demi sourire du garçon l'électrisa un instant et de son doigt, il ne put s'empêcher de tracer les contours de sa mâchoire, quasi parfaite, si angulaire...
Pris par sa frénésie, Chan ne remarqua pas que Félix et Changbin le regardaient avec curiosité, stupéfaits de voir leur ami le plus réservé se montrer si entreprenant, même envers une simple photo. Plus perplexe que contrarié, l'homme qui semblait être le patron de l'établissement se tenait sur son profil. Ce dernier l'observa non sans un sourire discret, admirer sa photo, avant d'émettre un léger raclement de gorge.
- J'ai bien changé, n'est-ce pas ? Ma peau était si belle à l'époque, je rayonnais !
Chan se retourna avec vitesse vers la voix qui venait de perturber son intimité et quand il associa sans aucune difficulté le visage qui lui faisait face à celui présent sur la photographie, une gêne sourde et brûlante lui enserra les entrailles. Il se recula en vitesse, marchant au passage sur le pied de son meilleur ami avant de se confondre en excuses, la tête baissée sur ses chaussures. Il n'osait même pas affronter le regard de l'homme qui lui, semblait amusé par la situation.
- Ne vous inquiétez pas, les photos sont là pour être observées. Rares sont ceux qui le font avec autant... disons... de précision que vous, mais j'imagine que c'est tout à votre honneur !
Le patron de l'établissement semblait taquin et un sourire presque moqueur fleurit à l'angle de sa bouche, faisant apparaître des marques sur les coins de ses yeux qui les rendaient encore plus félins.
- Excusez mon ami, il semble avoir oublié son tact à Séoul. Vous auriez de la place pour trois personnes s'il vous plait ?
Félix trouvait Changbin gonflé de pointer autant son ami du doigt et pourtant, il ne put retenir le petit rire qui franchit ses lèvres. Chan le regarda avec gêne, les joues rougies par sa propre audace avant d'aller s'asseoir sans demander son reste à la table que lui indiquait l'homme aux cheveux sombres.
Les deux amis attrapèrent les menus que l'homme de la photo leur tendit et ils allèrent rejoindre leur ami encore rouge de honte.
Reparti dans les cuisines ouvertes de son restaurant et concentré sur sa découpe, le patron du Borang borang ne les observait déjà plus. Sa chemise noire, retroussée sur ses avant-bras striés de veines lui donnait un air profondément masculin qui empêchait Chan d'y voir clair, les yeux troublés par la vision qui s'offrait à lui. Jamais une telle apparition ne lui était arrivée et plus il l'observait, plus il avait le sentiment d'être redevenu adolescent. Pourquoi son cœur s'emballait autant à la simple vue d'un homme ?
Le conseiller financier ne manquait pourtant jamais de croiser de nombreux hommes de prestance et de bonnes familles, mais ce dernier était différent. Le cuisinier faisait naître en lui une curiosité toute particulière, de celle qui ne vous permettait plus de regarder ailleurs.
Plus ce dernier s'attelait à sa tâche et plus les mains de l'homme de bureau devenaient moites. Son palpitant bourdonnait avec violence dans ses oreilles à chaque à-coup sur le plan de travail du pécheur, Chan se surprit à fantasmer ouvertement sur ce qu'une telle poigne aurait pu accomplir en d'autres circonstances. C'était viscéral et il avait beau vouloir se calmer, il ne pouvait empêcher ses yeux de flirter avec la limite de ce qu'il pensait presque être un interdit.
Le chef, de son côté, termina de découper des légumes en des gestes réguliers quand quelques longues mèches foncées vinrent lui tomber devant les yeux. Ce dernier souffla sans succès pour les décaler de son visage et Chan manqua d'avaler de travers sa propre salive. Il suivit avec précision le parcours des muscles tendus de l'homme et en l'observant encore davantage, il repéra sans mal un piercing au niveau de son nez, un septum en argent discret qui brillait pourtant avec provocation dès qu'il rencontrait les lumières du plafonnier. Chan en était chamboulé.
- ... c'est parfait, on partage ? Chan, CHAN.
- Oui, oui quoi ?
- Ben on choisit là en fait, tu vas prendre quoi ?
- Le cuisinier.
- CHANGBIN !
Félix était aussi mortifié qu'hilare de la plaisanterie de son amant quand Chan devint aussi blanc que son cardigan. Il bougonna lui-même ne savait quelles phrases dans sa barbe tout en tâchant de lire la carte qu'il découvrait à peine.
- N'importe quoi.
- Mec... je te connais depuis 20 ans, je t'ai jamais vu baver autant, même devant le prof d'éco.
- C'est pas faux...
- Toi aussi tu vas t'y mettre Félix, sérieusement ?
Félix le regarda avec une mine contrite avant de se concentrer de nouveau sur le menu. Son ami était si timide et réservé que même après tout ce temps passé ensemble, Félix ne savait pas toujours où se situait la limite de l'intrusion pour lui. Il se montrait toujours contenant avec son ami et avait toujours peur de le blesser ou d'aller trop loin. Changbin, lui, ne s'inquiétait pas autant des humeurs et des sensibilités de son meilleur ami et il ne manquait jamais de le pousser dans ses retranchements.
Il faut dire que sans lui, Chan se serait retrouvé seul bien longtemps. Dès leur première année de collège, Changbin avait trouvé, si ce n'est choisi, cet intellectuel réservé pour le prendre sous son aile et pouvoir également s'abriter sous la sienne, quand besoin était.
Ensemble, ils avaient traversé vents et marées et jamais ils n'avaient envisagé de se quitter. Comme le disait le Changbin alcoolisé de trois heures du matin « c'est à la vie à la mort » et Chan ne manquait jamais de trinquer à ses sages paroles. Celles qui derrière leur ivresse transmettaient bien plus qu'elles ne montraient.
Félix s'était fait à la dynamique de ce duo et au lieu d'y être un frein, comme certains auraient pu le penser, il en avait été moteur et ensemble, ils avaient formé un trio qui fonctionnait maintenant depuis bien plus d'une décennie.
- Du coup, vu que le cuisinier n'est pas au menu, tu prends quoi Chan ?
- Pourquoi tu rentres toujours dans son jeu Félix ?
- Parce que c'est drôle et qu'au vu de la couleur de tes oreilles je suppose qu'il n'a pas totalement tort.
Chan attrapa avec vitesse ses oreilles de ses mains froides, tentant de les faire pâlir et Changbin rit plus franchement, surtout lorsqu'il vit le cuisiner déjà en chemin pour leur table.
- Vous avez pu choisir ?
- Mhh, euh, je... je vais prendre le poisson.
- Mais encore ?
Le cuisinier rit plus franchement et Chan aurait pu mourir de bonheur en entendant ce bruit si caractéristique courir ses oreilles. C'était un son charmant, presque enfantin et même s'il semblait se moquer de lui, il n'en était en rien contrarié. Chan aurait aimé se ridiculiser un millier de fois plus pour pouvoir de nouveau entendre son rire cristallin.
- Je tiens un restaurant de poisson, alors... la carte est exclusivement à base de poissons.
Chan ne répondit pas de nouveau, les yeux écarquillés qu'un tel homme s'adresse à lui. C'était dans le cadre de son travail, il le savait, et pourtant, l'attention suffisait à le rendre encore plus silencieux. A vrai dire, il n'avait même pas écouté ce qu'il lui avait dit et qui pourtant aurait dû le mortifier de gène. Juste, ce Dieu vivant lui parlait.
Changbin et Félix observèrent la scène un sourire aux lèvres et lorsque son meilleur ami s'apprêta à ouvrir la bouche, son compagnon glissa sa main laiteuse sur sa cuisse, comme pour lui indiquer de laisser leur ami se débrouiller un peu. Félix semblait curieux de voir comment cette situation pouvait évoluer.
Face au silence du conseiller, le gérant commença à se sentir lui aussi gêné, personne ne l'avait plus observé avec autant d'admiration depuis longtemps et les pupilles dilatées de l'homme qui lui faisait face laissaient peu de place au doute quant à ses pensées. Un peu plus nerveusement, il humidifia ses lèvres avant de reprendre la parole.
- Mhh... Je pense qu'une bonne soupe n'est jamais de trop, alors j'aimerais vous conseiller la soupe du chef. Il s'agit d'une soupe de poissons à chairs fines avec des oignons et des écrevisses d'eau douce. C'est légèrement pimenté, un peu relevé si vous aimez cela ?
- Oui, oui bien sûr c'est parfait.
Félix fit les gros yeux et Changbin rit dans sa barbe en cachant son visage à l'aide de la carte. Il avait hâte de voir comment son ami allait s'en sortir avec une soupe pimentée, mais il ne voulait pas interrompre ce qui se jouait sous ses yeux, la situation était devenue bien trop comique pour qu'il l'aide à s'en sortir.
- Et vous messieurs ?
- Hum, on va prendre comme Chan. Ça a l'air divin, merci beaucoup.
Le sourire de Félix était enjôleur bien malgré lui et Changbin ne put s'empêcher de passer son bras derrière le dossier de la chaise de son amant, déposant avec possession sa main contre le haut du dos de son petit ami. Ses doigts jouèrent avec quelques mèches fugaces de son partenaire et ce dernier passa sa main sur son genou pour le rassurer.
Le cuisinier ne manqua pas un instant de la scène et avec un sourire pour lui-même, il quitta la tablée pour rejoindre ses quartiers.
- Bon, le mariage c'est pour quand ?
- Arrête de dire des conneries, je ne connais même pas son prénom.
- Et du coup... la soupe de poissons pimentée... vraiment Chan ?
Chan gratta sa tempe tout en dégageant quelques-unes de ses mèches brunes qui lui parcouraient le front. Il commençait déjà à transpirer rien qu'à imaginer la soupe coulant le long de son œsophage.
- J'ai paniqué.
- C'est le moins que l'on puisse dire.
- Ceci dit, c'est vrai qu'il est vraiment beau.
Changbin vrombit en lui-même et la poigne qu'il exerçait sur le dos de son amant se fit bien plus prononcée qu'à l'accoutumée.
- Ne fais pas l'idiot Binnie, tu sais que je n'ai d'yeux que pour toi. Être en couple avec un homme de Cro-Magnon ne m'empêche pas de constater la beauté.
- Vas-y, redis encore qu'il est beau, on a pas bien entendu.
- Ya ! vous deux ça suffit ! Changbin arrête d'être aussi buté et jaloux. Félix te supporte depuis plus de dix ans !
- Douze.
- Douze, pardon, mais tu m'avais parfaitement compris.
Le douze de Changbin s'était fait cinglant, comme un rappel à l'ordre pour son compagnon et ce dernier leva les yeux au ciel, exaspéré. Malgré la montagne de muscles qu'il était avec ses allures froides et confiantes, Changbin était un homme jaloux et sensible qui se renfrognait toujours lorsqu'il s'agissait de Félix et ce depuis leurs débuts. Son petit ami avait en effet un visage et un corps si atypiques, au-delà de sa personnalité avenante et amicale, que son amant craignait toujours qu'il ne trouve mieux que lui. Pourtant, année après année, le blond avait su lui prouver sa loyauté et malgré les petits excès de jalousie de son petit ami, Félix ne le prenait jamais personnellement et il finissait toujours par trouver un moyen de rassurer l'homme qu'il aimait.
Car si une chose était certaine, c'est que si Changbin était tombé amoureux en premier, Félix était tombé bien plus intensément.
- Binnie...
L'aîné se tourna vers son petit ami tandis qu'il plaçait sa main ferme sur la nuque fine et délicate de son aimé, comme en soif de son contact. Félix se mit au plus prêt de son profil et lorsqu'il fut proche de son oreille, il lui murmura :
- De tous les hommes que j'ai rencontrés et de tous ceux que je rencontrerai dans ma vie, tu seras toujours le plus beau Changbin. Tu seras pour toujours le seul qui est en droit de m'aimer, de me toucher et plus que tout, de m'entendre gémir de la manière dont tu me feras gémir cette nuit.
Changbin sentit ses oreilles chauffer tandis que de fines fossettes prirent place à l'angle de sa bouche. Un sourire de fierté couvrit ses lèvres, lui faisant bomber le torse alors que Chan les regardait avec un sourcil relevé, incrédule.
- Insupportables, vous êtes insupportables... vraiment honte de rien ces deux-là.
Félix se mit à rire à gorge déployée, l'une de ses mains était déjà présente sous la table, et cette dernière se retrouva miraculeusement et dangereusement proche de l'entre-jambe d'un Changbin déjà crispé de désir quand les plats arrivèrent.
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Alors, ce début tout doux et pourtant tout excitant ?
Pour ma part je suis sur-excitée de vous présenter cette histoire ! Elle est si différente de tout ce que j'ai écris jusque là !
Des baisers mes fées,
M.
ps : il y a beaucoup d'indice, jusqu'au nom de l'histoire, mais aviez vous vu juste pour le pairing ? <3.
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