« Je voudrais que ma vie ne soit qu'une suite d'idées folles »

- Kundera

⭐️

Taehyung,Daegu

« Tu sais ce que tu veux manger? »

C'est à ça que se résumait mes conversations avec Jungkook. Pourtant j'avais l'impression qu'il voulait faire plus, mais je n'osais pas lui demander.

Maintenant qu'il m'avait aidé, je tentais de récupérer petit à petit mon ancienne personnalité. Et si je n'avais pas l'opportunité de m'excuser auprès de toutes les personnes à qui j'avais fait du tort ces deux dernières années, je pouvais au moins mieux me comporter.

J'étais dans la chambre de mon père, à le regarder faire sa valise. On devait se rendre à Chicago pour un voyage d'affaires, mais j'avais changé mes plans à la dernière minute.

« Appa je te demande pardon »

Il se stoppa en rangeant un pyjama dans son sac, avant de venir s'assoir à côté de moi. J'étais allongé grossièrement, en étoile de mer sur son lit.

« Pourquoi fils, il y a un problème? »

Je me redressais.

« Pour tout. Je...je réalise qu'une conversation sincère aurait peut-être tout arrangé. J'aurai peut-être dû-»

Mon père m'interrompit.

« Non arrête. Tu as vécu un traumatisme, tu n'imaginais pas que la mort de ton père te perturberait à ce point et moi je m'en voudrais toujours de ne pas avoir cherché plus loin »

Cette fois c'est moi qui l'interrompait. Il n'avait pas le droit de penser ainsi. Pas quand, c'est lui qui m'avait fait subir tous ces examens, fait consulter tous ces psys, ces instituts. Et même lorsqu'il avait dû engager tous ces cuisiniers étrangers.

Lorsqu'il avait dû engager Jungkook.

« Non appa tu as fait ce qu'il fallait, ce qui était en ton pouvoir. Et je t'en remercie. Tu m'as sauvé la vie », lui dis-je les larmes aux yeux.

Il me prit dans ses bras, comme un bébé je me blottissais dans son cou. Je respirais son odeur, la même que mon papa.

« Tu es sûr que tu veux rester ici, habituellement tu aimes bien les voyages d'affaires surtout quand c'est aux États-Unis »

« Non pas cette fois. Je pense que j'ai besoin de repos et de me retrouver un petit peu »

« Tu me le dirais, si ça n'allait pas, hein? »

« Oui appa, promis »

J'avais eu droit à un autre câlin en bas, devant tous les employés de maison, avant que mon père ne parte définitivement.

« ... »

La maison était silencieuse. J'avais accordé aux employés un long week-end. Et pour dire long c'était vraiment long, étant donné que nous n'étions que mercredi.

Je me sentais désorienté comme si je faisais face à moi-même et à ce que j'avais pu être depuis le départ brutal de mon père. Je faisais une introspection.

Le seul à qui je ne pouvais pas accorder ce long week-end, c'était Jungkook. J'avais toujours besoin qu'on cuisine pour moi.

Et j'avais honte qu'il fasse face à cette version de moi désemparée, triste et nonchalante.

Faible.

Mais bon pour l'instant, je n'y pouvais rien.

« ... »

Dans une pièce adjacente au séjour se trouvait un piano à queue. Un énorme, en bois poli noir et ancien. Un cadeau que mon père avait reçu d'un de ses amis qu'il s'était fait, quand il faisait encore parti du conservatoire de Séoul.

Si la cuisine m'unissait à mon père décédé, Junghwan.

La musique comme tout ce qui touchait à l'art, m'unissait a mon autre père, Minho.

Mais j'avais tout arrêté.

La cuisine comme la musique.

Sans vraiment que je n'ai le temps d'y réfléchir, je prenais place sur le petit siège et mes doigts épousaient les touches sans jouer de notes.

Me retrouver là, c'était comme me rappeler celui que j'avais été. Et ça me terrifiait, ça me terrifiait de ne pas réussir à l'être à nouveau sans lui, sans mon père.

Un bruit dans la cuisine me dissuada. Je n'étais pas prêt, alors je quittais cette pièce.

Je tombais sur Jungkook.

De dos, il faisait vraiment grand, et ses muscles découverts à cause de son tee-shirt sans manches me prouvaient à quel point il devait prendre soin de lui.

Il avait l'air de quelqu'un de vraiment rangé, méthodique, qui ne rigolait pas avec l'organisation. Il utilisait toujours des listes et écrivait constamment dans un carnet qu'il gardait toujours sur lui.

« Est-ce que quelque chose d'assez simple t'irais aujourd'hui? »

Nous avions décidé de nous tutoyer, rester formel aurait été soûlant à la longue.

« Oui », je répondais.

« On peut manger devant la télé ? », j'ajoutais pour lui signifier que je ne voulais pas qu'il dresse la table.

« C'est toi le patron »

« ... »

« Tu as quelque chose contre les films d'horreur ? », j'ai demandé.

Il ne m'a pas regardé.

En fait, il ne m'a plus vraiment regardé depuis le jour où je lui ai dit ces méchancetés, il se contente d'observer mon visage ou quelque chose derrière moi, et j'aimerai m'excuser mais je n'y arrive pas.

« En fait j'aime bien », il a répondu.

Il m'a tendu un plateau splendide, magnifiquement dressée comme à son habitude. Une assiette de riz frit au kimchi avec des tranches de bœuf et un énorme verre de coca avec des glaçons.

« Merci. Y'a quoi en dessert? », je me suis empressé de demander.

« Fraisier », il a dit en revenant avec son propre plateau. À la différence que lui, il ne buvait que de l'eau.

Il s'est installé à plusieurs mètres de moi. Mais ça ne m'empêchait pas de ressentir son parfum. Une touche de propre, de la lessive tout droit sortie d'une machine, une douche froide, du savon léger et sans alcool. Je n'arrivais pas à me décider.

Jungkook sentait le propre, oui c'est ça.

« D'accord. En fait, tu sais déjà tous mes goûts. »

Il me regarda brièvement sans jamais croiser mes yeux puis se concentra sur la télévision. J'essayais de ne pas souffler de quiétude en goûtant ses talents culinaires, j'étais plus concentré sur mon assiette que sur ce qui se passait à la télévision.

Et mon regard se perdait parfois vers mon employé. Il souriait bêtement en répondant à des messages sur son téléphone. Je mourrais d'envie de savoir qui ça pouvait être.

Quand j'eus fini mon assiette, il débarrassa et m'apporta une part de fraisier. Je voulais lui dire qu'il n'avait plus besoin de faire tout ça. Que j'allais mieux et je pouvais au moins essayer de me débrouiller, mais c'était faux.

J'avais encore besoin de lui.

« On peut parler? »

Je me retournais vers lui avant d'éteindre finalement la télé. Il regardait dans ma direction mais ne me fixait pas. Il voulait seulement me faire savoir qu'il m'écoutait de cette façon.

« Pourquoi j'ai l'impression que tu ne me dis pas tout »

Il fronça les sourcils, et cette fois ses yeux fixèrent les miens.

C'était comme si je le voyais pour la première fois, je ne comprenais pas pourquoi mon cœur s'agitait de la sorte.

Mais quelque chose de flagrant me frappa. Jungkook était atteint d'hétérochromie.

Son faciès me fascina sur le moment, je ne pouvais m'empêcher de le détailler. Et ses iris le rendaient...parfait.

Je le voyais. Je veux dire que je lui portais un intérêt sincère. Et je crus voir à un moment, que cela le rendait confus.

Il eut un sourire difficile à discerner plus qu'il ne dura qu'une fraction de seconde. En plus, il avait baissé légèrement la tête.

« Dis, c'est la première que tu me vois sans lentilles? »

À présent, j'aurai dit que même le son de sa voix me fascinait.

« Jungkook, as-tu l'impression de ne pas avoir fini le travail que tu as à faire sur moi? »

J'incarnais tout, sauf le patron craint de tous en dehors de ces murs. À l'instant, j'avais la nette sensation de dépendre de lui, il me semblait vital.

« Oui »

Ses réponses n'étaient justifiées que si on lui demandait, je trouvais ça étrange. Il ne semblait pas comprendre les sarcasmes ou les sous-entendus, encore moins les blagues.

« Pourquoi? »

« Je ne veux pas que tu dépendes de moi. Que tu ne puisses manger que parce que moi je cuisine »

Je comprenais parfaitement.

« Oui je sais. »

Je détournais le regard en réalisant qu'il disait vrai. Mon problème n'était pas réglé, il fallait que j'arrête d'associer la cuisine à quelqu'un.

« Je sais aussi que tu étais très sportif avant et que tu t'affirmais bien plus. Je veux dire, autrement qu'en étant méchant avec les autres »

Jungkook parlait aussi sans filtre.

Je n'aimais pas spécialement être face à mes erreurs mais c'est lui, c'est Jungkook qui m'avait appris qu'il fallait se confronter à nos peurs pour pouvoir les surpasser.

« Oui j'ai pour objectif de reprendre un certain nombre de choses. Quand je serai prêt. Pour l'instant je vais me reposer. »

« Bien »

« Tu comptes t'en aller. Tu vas arrêter de travailler maintenant que tu as atteint ton objectif ? »

Cette idée sembla l'effrayer autant que moi. Pourquoi j'avais la nette sensation que nous avions besoin de l'un comme de l'autre?

« Non. Pas pour l'instant »

Son téléphone vibra à nouveau, je pus voir son visage s'illuminer rien qu'à la notification reçue. Je décidais donc de le laisser, et même en marchant assez rapidement je pouvais sentir son regard me brûler.

Ce jour-là, je passais la soirée à pleurer comme si mon père venait de mourir, je sentais enfin le poids du deuil me quitter peu à peu.

« ... »

J'avais pris une semaine de congés. Et durant ces sept jours, je n'avais pas loupé un seul repas et j'avais réouvert ma salle de sport personnelle.

J'essayais aussi de moins faire passer mon autorité pour de la méchanceté. J'étais un peu déréglé et j'essayais dur comme fer de récupérer ma personnalité passée.

Mais peut-être que ce n'était pas ce dont j'avais réellement besoin. Et quelqu'un semblait vouloir me le faire comprendre.

« ... »

Nous mangions silencieusement, assis sur les chaises hautes de la cuisine. Je pouvais sentir les regards de mon cuisiner et je tentais de les ignorer mais au bout d'un moment je craquais.

« Bon quoi! »

« Je suis désolé », prononça-t-il d'une petite voix.

« Qu'est-ce qu'il y a Jungkook? », je répétais moins sévèrement.

On lâchait tous les deux nos couverts.

« Je voulais te le dire la première fois que je t'ai vu »

Je penchais ma tête sur le côté.

« Quoi?»

« T-tu es vraiment magnifique Taehyung »

Même si j'étais maintenant habitué à sa timidité et à son franc parlé, je m'étouffais tout de même avec mon verre de vin.

« Oh pardon je suis désolé, tiens, une serviette », s'excusa-t-il aussitôt en me tendant une serviette.

Il était rouge et baissait la tête. Je ne le comprenais pas. Parfois, il semblait sûr de lui et confiant, d'autre fois, il avait l'air profondément craintif, discret.

Mais la réalisation de ses mots me frappa. Il n'avait pas juste dit qu'il me trouvait beau, non, ça je l'entendais tous les jours. Il avait dit qu'il me trouvait magnifique, et ce, depuis la première fois où il m'avait vu.

Il m'avait trouvé magnifique alors qu'il avait vu mon corps squelettique, frêle et pâle à notre première rencontre?

Je relevais la tête vers lui, mais il semblait apeuré par mes prochains mots. Je voulais lui dire quelque chose mais je ne savais pas quoi, alors il a renchéri en allant déposer son assiette vide dans le lave-vaisselle. Je le suivais du regard.

« Je vais démissionner tu n'as plus besoin de moi »

Et si je m'attendais à celle-là.

.-.

Chapitre de transition, ce n'est pas très intéressant mais voilà. Nous allons entamer le Taekook🙃.

Jungkook essaie de fuir😹...bref!

Et c'est le 1er Pov de Taehyung...

L'hétérochromie est une anomalie = des yeux de couleur différente.

Bisous