Chapitre 73
Je rejoins mon cours, auquel habituellement, j'assiste avec Camden et Asher. Seulement, depuis que je suis assise à ma place, seul Cam est ici. Aucune présence d'Asher. Le professeur prend soin de refermer la porte de l'amphi.
Comme soulagée, je reporte mon attention par la vitre. Camden me jette quelques regards en coin, pensant surement être discret. Je ne prends pas la peine de relever.
Un bruit de fond autre que les dires de M. Smith m'extirpe de mes pensées. La porte s'est de nouveau ouverte, cette fois, sur une carrure que je connais que trop bien. Immédiatement, nos regard se croisent.
Le professeur et lui s'adressent quelques mots, avant qu'il me désigne du menton. Je comprends sur le champ qu'il lui a ordonné de rejoindre la place à mes côtés.
En passant aux côtés de Cam, il ne se préoccupe aucunement de son meilleur ami. Il ne prend même pas la peine de libérer la place à ses côtés, occupée par son sac. Habituellement, il prend toujours l'initiative de l'enlever pour qu'Asher puisse s'installer, dès lors qu'il daigne venir en cours, mais pas aujourd'hui.
Asher grimpe les marches en s'avançant dans ma direction, tandis que le cours reprend. À quelques mètres de moi, en se préparant à s'asseoir, il m'appelle, incertain :
- Hailey...
Je le fusille du regard en espérant lui faire comprendre que je refuse de l'entendre.
Il insiste, atterré :
- Ley...
Après hier soir, il se permet encore d'employer ce surnom ?
"Plus besoin de me servir de ce surnom. Le jeu est désormais terminé."
C'est ni plus, ni moins que ce qu'il a dit.
Il s'aperçoit de sa gaffe, puisqu'il s'apprête à rectifier, je l'en interromps d'une voix claire :
- Ferme-là.
Je reste impassible face à son expression qui s'endurcit. Il prend place sans un mot de plus. Ressentir sa présence à proximité me picote la peau.
C'est clair, je deviens complètement tarée.
***
Assise à une table de la cafétéria, entourée de Lou, Bryan et Léo, je jette un œil à mon téléphone qui vient de vibrer.
DE : Nick
A : Hailey
Salut la combattante !
Tu vas bien ?
Je sais que Nick s'inquiète que je ne lui ai donné aucune nouvelle depuis hier soir.
DE : Hailey
A : Nick
Salut Nick,
Oui, tout va bien !
DE : Nick
A : Hailey
Tant mieux alors. ;)
Tu viens t'entraîner après les cours,
aujourd'hui ?
DE : Hailey
A : Nick
Non, je ne peux pas ce soir.
Demain sans fautes.
DE : Nick
A : Hailey
Ça roule, miss.
À demain.
Je n'ai pratiquement rien touché de mon plateau lorsque nous sortons de la cafétéria. J'ai dû piquer quelques haricots verts entre deux messages, tout au plus.
Mes amis débattent sur un film que je n'ai pas suivi. Un peu à l'écart de leur discussion, ça me permet de rester un court moment, seule de mon côté. Parfois, ce sont ces moments que je privilégie, et qui ne me dérange absolument pas.
C'est sans compter sur la carrure d'Asher qui intercepte ma cadence. Lou me jette un coup d'œil perplexe, l'ayant vivement remarqué. Toutefois, elle ne cherche pas plus à comprendre quand elle constate que je n'implore aucune aide. Elle continue son chemin, suivis de Léo et Bryan, qui n'ont pas fait attention.
- Laisse-moi, Asher.
Sur le moment, ma requête peut paraître idiote, mais c'est tout ce que je demande. Qu'il me laisse tranquille.
- J'aimerais juste te parler une minute.
Lui accorder une minute de plus, ajoutées à toutes celles que je lui ai cédées bien avant aujourd'hui ? Hors de question.
- Me parler ? Pour me dire que tu es une énième fois désolé ?
Je poursuis sans lui laisser le temps, ma voix étant la seule qui brise le silence de l'allée où nous nous sommes arrêtés :
- Garde ces excuses pour une autre nana avec qui tu couches.
Je sais qu'il est en train de s'agacer.
D'une voix rude et clair, il lance :
- Je ne baise personne d'autre que toi, Hailey.
Mon regard bondit vers le sien, furieuse. Je préfère déserter, avant que ça ne dégénère. Je le dépasse, seulement il me rattrape en saisissant fermement mon poignet.
- Laisse-moi en placer une.
Je me mords l'intérieur de la joue, incertaine de pouvoir contrôler mes sentiments. Je ne faiblirais pas devant lui.
- Hailey, laisse-moi m'excuser.
D'une voix peu assurée, je déclare :
- Tu m'as baisé, j'ai aimé, tu as gagné.
À l'énonce de ce qu'il a dit mot pour mot hier soir, il blêmit, je reprends :
- C'est ce que tu as dit, pas vrai ?
Je tente de renoncer à la douleur. C'est compliqué. Bien plus compliqué qu'on ne l'imagine.
- Je ne le pensais pas.
Ses billes azures, ancrées aux miennes, je réplique amèrement :
- Ne te mens pas à toi-même.
À présent à l'écart de tous les étudiants du campus, dans un étroit couloir où le passage y est moindre, je ressens une attirance incontrôlable à laquelle je dois résister, d'une manière ou d'une autre.
Asher s'approche dangereusement de moi. Je n'ai aucune échappatoire, mon corps coincé entre sa carrure imposante et le mur dans mon dos. Je place ma paume de main sur son torse, comme pour instaurer une distance de sûreté.
- Je te dis que je n'en pensais pas un putain de mot, tu piges ?
Il continue :
- Il le faut, Hailey...
Un rire nerveux m'échappe.
- N'essaie surtout pas de me dire que c'est dans mon intérêt, parce que je pourrais t'en foutre une, Asher.
Il ne répond plus, sans doute parce qu'il ne trouve rien à revendiquer face à cette vérité.
La colère l'emporte :
- Tu t'es permis de me dire tout ça, parce que tu as pris la décision égoïste de me "préserver" ?
Il ne répond toujours pas.
- Réponds, Asher !
Sa mâchoire tressaute, son regard fuit le mien.
Sans y réfléchir à deux fois, je le blesse à mon tour, sans réellement mesurer mes paroles :
- Je ne suis pas ta petite sœur, je peux me protéger. Seule.
Ce n'est que lorsque ses iris surgissent de nouveau vers moi, que je comprends que j'ai commis une erreur. Une terrible erreur.
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