Le trajet ne dure pas suffisamment longtemps, comme je le souhaiterais. Bryan se stationne sur une place de parking libre.

J'ai affreusement mal à la tête et une nausée matinale s'est installée.

Lou m'interroge :

- Tout va bien ?

Léo me devance :

- Bien sûr qu'elle va bien, il s'agit d'Hailey, allias la nana la plus forte que je connaisse.

Il pivote sur son siège passager pour m'observer.

- Ce n'est que temporaire. Et ce n'est qu'un type parmi d'autres.

Je hoche la tête, confortée parce qu'il déclare.

En sortant du véhicule Lou le taquine :

- Eh bien, il t'arrive de dire des choses sensées !

Il lui fait une grimace, puis ils repartent tous les deux dans leurs querelles quotidiennes. Bryan me donne un coup d'épaule amical avant que je ne me sépare d'eux pour rejoindre mon cours.

Il est encore tôt, l'amphi n'est donc pas encore ouvert. Je prie intérieurement pour que le moment où je verrais Asher soit repoussé. Seulement, mon souhait n'a pas dû être entendu, c'est l'un des seuls à arriver en avance.

Il porte toujours son bandana pour essayer de dompter ses cheveux. Je cesse de l'étudier avant qu'il ne pense que je lui accorde une attention toute particulière. Peut-être devrions mettre fin au jeu ? Une chose est évidente, c'est que la suite de notre rivalité s'annonce compliquée.

Il arrive sans tarder à mes côtés, d'emblée, il tente un contact :

- Hailey...

Je ne lui accorde même pas un regard. D'une voix tranchante, je lui ordonne :

- Fous-moi la paix.

Il abandonne sa tentative d'entamer la conversation. Le professeur ne tarde pas à nous ouvrir l'accès à la salle. Je rejoins ma place, en prenant conscience que le reste de l'heure s'annonce périlleuse si Asher s'installe à mes côtés.

Je suis l'une des premières à sortir mon ordinateur et mes notes, les étudiants prenan tplace au fur et à mesure. Asher s'avance jusqu'au rang où je me trouve, comme anticipé, il prend place à proximité.

Camden sur ses pas, il s'assoit un rang en dessous du nôtre comme à son habitude, avant de m'adresser un bref sourire.

Asher essaie de nouveau de dialoguer :

- Tu n'as pas l'air en forme...

Ma poitrine se comprime. J'aimerais l'incendier en lui proférant que je ne suis pas en forme parce que j'ai ressassé la soirée, toute la nuit avant de trouver le sommeil quelques heures.

- Hailey, écoute...

Je ne le lui laisse pas le temps de continuer, je le coupe vivement :

- Je ne veux pas t'écouter Asher.

Il ose me réclamer :

- Pour quelle raison ?

Mon regard bondit violemment vers lui. Je ne supporte pas plus longtemps être ici. Je déserte ma place, sans même que le cours n'est véritablement commencé, je verrouille mon ordi, puis m'enfuit précipitamment de l'amphithéâtre sous le regard interrogateur du professeur.

Les couloirs sont déserts, alors quand sa voix résonne dans mon dos, je l'entends clairement. Je poursuis mon chemin, ses doigts me rattrapent prestement par l'avant-bras.

Je m'immobilise.

- Lâche-moi.

Je lui fais désormais face.

Son regard vif tombe dans le mien :

- Laisse-moi t'expliquer.

Je pouffe nerveusement :

- Pour me dire quoi ?

Je marque une pause avant de clarifier :

- Que tu es désolé d'avoir couché avec elle ?

Il fronce les sourcils, avant de souligner :

- Je pensais que c'était clair.

J'attends qu'il poursuive :

- Ce n'est qu'un jeu.

J'avale difficilement ma salive. Bordel oui, j'en suis consciente. Seulement, ce poids dans ma poitrine m'atteste que ce jeu signifie peut-être bien plus pour moi.

Malgré tout, je conteste :

- Un jeu. Mais, je ne suis pas un plan cul.

Il proteste :

- Je n'ai pas dit ça.

J'affirme amèrement :

- Je l'ai interprété comme ça.

Il marque une pause puis me blâme :

- Tu as léché le cou de ce type, Hailey.

Je le fixe, consterné :

- Alors c'était une représaille ?

Il hausse les épaules. Je retiens toutes les injures que j'aimerais lui témoigner.

Il continue, en constatant que je demeure silencieuse :

- Qu'est-ce qui te différencie de moi après tout ?

Je fronce les sourcils il s'explique :

- Tu me provoques, je te provoque.

Je secoue la tête, indignée.

- Tu ne réalises pas que désigner Lou était amplement suffisant ?

Je ne reste plus silencieuse, je lui expose ce que j'éprouve :

- Quelques minutes avant que je te surprenne avec cette nana, j'étais dans la même position qu'elle.

Je ne flanche pas, je continue même :

- Encore un peu, et je couchais avec toi, Asher.

C'est à son tour de rester interdit.

Je conclus :

- Fous-moi la paix comme je l'ai fait quand tu me l'avais ordonné.

Je lui tourne le dos, pour aller n'importe où il ne sera pas, toutefois, sa voix rauque m'intercepte :

- J'ai voulu savoir si je la voulais autant que toi.

Je me fige, mais ne me retourne pas pour autant.

- Je ne l'ai pas baisé.

Je ne retiens pas plus longtemps la question qui me démange, même si je risque de le regretter à l'instant même où je la lui aurais posée :

- Qu'est-ce que tu as éprouvé ?

Instantanément, il avoue :

- C'était bien.

C'est la réponse à laquelle je m'attendais.

Il précise promptement :

- Mais ça n'était pas comme avec toi.

Je suis toujours dos à lui, ses pas se rapprochent. Progressivement, je sens son torse effleuré mon dos. Sa main remonte lentement le long de mon bras puis mon épaule. Il écarte ensuite les cheveux qui entravent ma nuque, je frémis à son contact. L'amertume m'inciterait presque à le repousser, pourtant un sentiment incontrôlable domine chacun de mes gestes. Immobile, je ressens son souffle s'échouer sur la base de ma nuque.

Automatiquement, il trace le contour de la demie Lune que je me suis fait tatouer suite au décès de Mya. Il la découvre au fur et à mesure que son index dessine la forme.

Je n'arrive pas à comprendre comment une telle chose est possible. Il est la principale cause de ma rancœur, mais il parvient tout autant à m'apaiser.

Je ne sais pas ce que je dois en penser, ni ce que je ressens, altéré entre celui qui me fait face aujourd'hui, et celui qui me faisait front hier.