Chapitre 14
Une fois prête, levée et habillée, je me prépare mentalement à affronter le froid. Il faut bien que je brave la fraîcheur matinale pour me rendre sur le campus. Si seulement j'avais une chambre universitaire, le chemin serait un tout petit peu moins long.
Mes écouteurs dans les oreilles, emmitouflé dans mon écharpe, je marche, la température me donne la chair de poule malgré les couches de vêtements que je porte. Heureusement que le son qui se répand, me donne assez d'entrain pour continuer ma route, autrement, j'aurais immédiatement fait demi-tour pour me cramponner au radiateur. À la place, je fais face au vent glacial qui est en train de me frigorifier le nez.
Après être passé prendre quelques affaires de cours, j'arpente les couloirs. L'amphi n'est toujours pas ouvert, le prof de maths ne semble pas être arrivé. L'université s'inonde d'étudiants au fur et à mesure. La basse température dehors à l'air de tous les rassembler à l'intérieur.
Parmi cet amas agité, j'arrive à distinguer un visage en particulier. Même bandana, même blouson en cuir sur les épaules, même regard azur.
Logique. La couleur de ses yeux ne va pas changer en une nuit, Hailey.
Nos regards s'accrochent, lorsqu'il arrive à mes côtés, je l'interroge :
- Tu n'as pas froid ?
Il hausse un sourcil, je complète :
- Uniquement vêtu de ce... Truc ?
Je désigne son blouson et son fin t-shirt blanc.
Il répond, un rictus au coin des lèvres :
- "Ce truc" comme tu l'appelles, a pour habitude d'attirer la gent féminine...
Je lève les yeux au ciel et rétorque la voix tremblante par le froid :
- Pathétique...
Il pouffe avant de s'approcher un peu plus.
- Un contact physique pour te réchauffer, Gourmande ?
Il ouvre ses bras avant que je ne puisse objecter et m'étreint puissamment.
Il prononce d'une voix presque rauque :
- Tu serais prête à refuser une étreinte, réchauffante si je ne m'abuse ?
Effectivement, il ne semble pas avoir froid, puisque les mains que j'avais placées sur son torse pour le repousser, rencontre soudainement une source de chaleur considérable.
Ou serait-ce plutôt dû à l'effet que produisent ses abdominaux parfaitement dessinés, sous mes paumes ?
En comprenant que ce rapprochement s'attarde et en voyant clair dans son jeu, je m'écarte subitement, sous son regard interrogateur.
Je me justifie dignement :
- Je ne tomberais pas aussi facilement dans l'un de tes pièges.
Il feint l'incompréhension. Je précise :
- J'ai saisi ton fonctionnement. Je pourrais naturellement m'attacher à ses rapprochements matinaux, réchauffants qui plus est, et ça pourrait clairement octroyer un point en ta faveur.
Il me fixe, une lueur malicieuse inscrite dans ses yeux, je complète :
- Or, je suis mauvaise perdante, et j'aime jouer jusqu'au bout. Ce n'est pas comme ça que tu obtiendras victoire, Downs.
Malgré la distance que j'ai instaurée entre nous, il s'approche de nouveau, cette fois son regard semble presque s'être assombri.
Il lance :
- Ce que tu dis est faux.
Avant de préciser, il marque une pause, son souffle chaud effleurant mes pommettes.
- Tout sera calculé à l'avance. S'il doit y avoir une défaite, ce sera de toi qu'elle adviendra. Qui sait, cette tentative de rapprochement en était peut-être une ?
Il s'approche un peu plus de mon oreille cette fois, avant d'y susurrer :
- Quoi qu'il en soit, lorsque tu te rendras compte que tu auras perdu, ce sera trop tard.
Sans même que je ne me rende compte, ma respiration est restée en suspend tout au long de sa phrase. Comme si toutes notions du temps s'étaient évaporées.
Il s'écarte, son rictus habituel au coin des lèvres puis pénètre dans la salle qui vient à l'instant de s'ouvrir.
Je tente de reprendre mes esprits en serrant davantage mes affaires contre ma poitrine et m'avance à mon tour pour m'asseoir à ma place habituelle, près de la fenêtre.
Je soupire en constatant qu'un abruti s'y est déjà installé.
- Dégage, Asher.
Il relève toute son attention dans ma direction.
- Sinon quoi ?
Désespérée par son attitude immature, je lâche :
- Tu t'attends sérieusement à une menace ?
Il pouffe avant de rétorquer :
- Essaie...
Je lève les yeux au ciel.
- Vire de là où je t'étripe.
Il rit de bon cœur. Je m'impatiente.
- J'en suis capable, Downs.
Il hausse un sourcil.
- Et t'en as étripé combien des comme moi ?
Je soupire, contrainte de simplement m'asseoir à côté de lui, puisque le prof commence son cours. Les minutes s'écoulent lentement, mais les formules ne cessent de s'accroître au fur et à mesure, la difficulté commence également à me taper sur les nerfs. Je m'impatiente en tapant frénétiquement mon stylo sur mes brouillons, puis la touche retour de mon clavier lorsque je n'ai plus la patience de retranscrire tout ce que raconte le prof.
Asher semble avoir remarqué mon état, désemparé. Il propose, ironique :
- Tu aurais besoin d'un de mes cours particuliers ?
Je ne lui adresse aucun regard.
- Sans façon.
Il rétorque rapidement :
- Pourtant tu en aurais fortement utilité.
À bout de nerf j'objecte :
- Si j'ai diable besoin de cours particuliers, je prierais pour ne pas tomber sur un type comme toi.
Il hausse les sourcils amusés.
- Bordel, je n'ai jamais entendu le mot "Diable" et "Prier" dans une même phrase. J'espère que tu n'es pas croyante...
Je soupire.
- En quoi ça te regarde ? Tu changes totalement de sujet là.
Il affiche encore ce même sourire malicieux.
- C'est juste curieux, et vraiment fort.
C'est à mon tour de l'interroger du regard.
- Pourquoi, t'es croyant toi ?
Il est soudainement pris d'un rire court et amer.
- Le jour où Dieu arrêtera de m'enlever les personnes que j'aime, peut-être.
Il se rend rapidement compte qu'il vient de larguer une bombe, puisqu'il me regarde en biais avant de se taire complètement. Il arrête toutes marques de plaisanterie et les traits de son visage ont l'air tendus. Ses yeux, eux, ont pris une teinte un peu plus terne.
Il a perdu quelqu'un aussi ?
Je détourne à mon tour le regard, mes yeux brûlent légèrement. Je lutte de toutes mes forces pour retenir les larmes. Malgré moi, j'essuie une larme solitaire d'un revers de la manche, discrètement.
Quelle faiblesse.
Je sens son regard percent sur moi, je sais que ce laps de temps ne lui a pas échappé. Pour autant, je ne veux en aucun cas lui montrer cette partie de moi. Cela lui permettrait de prendre conscience d'une possible faiblesse qui pourrait me couter cher.
Brutalement, il saisit mon poing qui s'était inconsciemment refermé sur lui-même. Surement par crise de nerfs. Je fixe nos mains, il peut clairement voir mes yeux probablement rougit.
Avec surprise, je constate qu'il ne tente aucune moquerie et évite simplement mon regard.
Sonne rapidement la fin du cours, brisant ce silence douloureux qui s'était installé. Je rassemble mes affaires à la hâte, avant de filer en direction de la sortie, j'ai besoin de prendre l'air le plus rapidement possible. J'étouffe malgré la superficie de l'amphi. J'étouffe, toutefois un vide s'est installé dans le creux de mon ventre.
Lorsque je suis un peu écartée de la masse d'étudiants qui sillonnent les couloirs, je suis brusquement interrompue dans ma course par une carrure familière et bien plus imposante que la mienne. Asher.
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