Wooyoung traversait le pont, la chope pleine et le sourire aux lèvres, quand le Capitaine apparût sur le gaillard d'arrière pour faire une annonce : après le fructueux abordage d'un nouveau navire le jour même, le ATEEZ se dirigeait vers Brisande pour y mouiller quelques jours.

La nouvelle excita l'équipage, qui reprit la fête plus joyeusement encore à l'idée de dépenser le butin acquis sur les flots.

Wooyoung remarqua Yeosang, appuyé sur le bastingage en regardant la mer, et abandonna San à sa conversation avec Lyris.

Son ami semblait particulièrement détendu ce soir, et Wooyoung passa un bras par-dessus ses épaules sans prévenir. Yeosang tourna doucement la tête vers lui en lui souriant et Wooyoung se sentit fondre. Il s'y attendait, mais jamais il n'arrivait à s'y habituer.

Yeosang n'aimait pas les surprises quand il était à terre. Il était toujours sur ses gardes, et quand il restait la nuit dans une auberge, il se retournait dans son lit, fixant la porte et la fenêtre à tour de rôle, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus tenir éveillé. Il avait l'impression que n'importe qui pouvait surgir à tous moments, et surtout que son premier capitaine, pour l'emmener à nouveau. Wooyoung apprécia donc à sa juste valeur de sentir son ami si serein.

— Que fais-tu ?, demanda-t-il.

Sa voix était sortie un peu rauque et étranglée, comme s'il n'avait pas parlé depuis longtemps. Et autant dire que cela n'arrivait jamais. Il se racla la gorge aussi discrètement que possible, embarrassé.

— J'espérais que tu me trouves, pour être honnête...

— C'est vrai que tu ne t'es pas enfermé dans la cuisine avec Seonghwa, pour une fois...

Wooyoung n'était pas de ceux qui cachaient leur animosité. Aussi, le prénom du Coq sortit avec tant de dégoût et de sarcasme qu'il sembla lui arracher la gorge.

— Je ne fais pas de commentaire sur tes habitudes ou tes amis, tu ne m'en fais pas non plus...

— Mes amis ne sont pas d'arrogants narcissiques, répliqua-t-il sans réfléchir.

Il ne supportait pas l'idée que Yeosang apprécie quelqu'un qu'il n'aimait pas et passe du temps avec lui. Il était si distrait par son propre agacement, qu'il ne remarqua pas tout de suite la tension nouvelle dans les épaules de son ami.

Il avait toujours été le seul support de Yeosang, depuis qu'ils avaient été séparés d'Edwin. Il était son trésor, à lui seul, et il ne voulait le partager avec personne. Il était le seul à comprendre à quel point Yeosang était génial, il était le seul à apprécier ses sourires et ses marques d'appréciation comme elles se devaient d'être, à comprendre que chacune de ses remarques sèches n'avait pour but que de taquiner l'ego de son interlocuteur, qu'il ne se le permettait que lorsqu'il était vraiment à l'aise avec cette personne... Il était celui qui le connaissait depuis le plus longtemps, et qui connaissait tout de lui. Et Yeosang n'avait aucun talent pour se faire des amis, Edwin et Wooyoung avaient fait le premier pas à chaque fois...

Il se sentit méchant, sans raison, et revint sur terre, dégoûté par ses propres pensées. Wooyoung savait pour quelle raison Yeosang avait du mal à se faire des amis, et cela avait tout à voir avec l'obsession de leur premier Capitaine.

Son ami était un être humain parfaitement normal, et la possessivité dont il faisait preuve envers lui était malsaine, lui rappelant justement la cage bien physique dans laquelle leur premier Capitaine avait enfermé Yeosang. Le parallèle ne lui plût pas du tout...

En voyant Yeosang papillonner des yeux d'un air étonné et blessé, Wooyoung réfléchit profondément au fil qu'avait pris leur conversation, et se rendit compte que, pour la première fois, il était responsable du malaise de son ami. Il le ressentit comme une violente claque, qui lui coupa le souffle.

— Tu ne le connais pas assez pour te permettre de le juger !, s'agaça Yeosang.

Il avait levé la voix, comme jamais Wooyoung ne l'avait vu faire, et cette constatation ne fit qu'enfoncer Wooyoung un peu plus. Il avait fait la réflexion de trop, et il se sentait si mal...

— Ce n'est pas ce que je voulais dire, Yeosang. Pardon... Je suis vraiment désolé, répéta-t-il.

Yeosang détourna le regard, le visage sombre. Une minute de silence, une interminable minute. Wooyoung ne savait plus où se mettre. Il avait mobilisé chaque particule de son être dans l'unique but de rester immobile. Il se demandait si Yeosang voulait qu'il reste, il se demandait s'il devait s'excuser encore, il se demandait si en se faisant oublier, Yeosang lui permettrait de garder son bras sur ses épaules... C'était une véritable torture de ne pas pouvoir poser toutes ces questions.

Yeosang finit par soupirer avant de se tourner vers Wooyoung et de lui prendre la main.

Le contact était inattendu, et le cœur de Wooyoung bondit. Alors qu'il allait refermer ses doigts sur ceux de Yeosang, la chaleur humaine laissa place à un contact plus froid, et Wooyoung découvrit un tube de bois dans sa paume. Il le déboucha, et en déroula le contenu en fronçant les sourcils.

— Qu'est-ce que... Une carte ?

Wooyoung plissa les yeux et observa la carte de Brisande de plus près. Ça ne ressemblait pas à Yeosang de lui offrir ce genre de bien, il en avait bien plus l'utilité que lui...

— Regarde-la devant de la lumière, ajouta Yeosang avec un sourire satisfait.

Par Diphine ! Il en avait toujours rêvé, et la Déesse des Rêves l'avait enfin entendu... Wooyoung n'arrivait pas à y croire...

Une carte aux trésors.

C'était une carte aux trésors !

Une inscription soigneusement écrite et une croix étaient apparues quand Wooyoung s'était retourné pour éclairer la carte de l'arrière.

— C'est... Si je ne me trompe pas, c'est Brisande, c'est ça ?

Yeosang hocha la tête avec un grand sourire excité. Wooyoung approcha la carte de ses yeux pour lire l'inscription. Les lettres étaient précautionneusement liées, bien rondes, et très régulières.

Figé dans le temps, dans le port, je tourne le dos à la mer. Un compas en main, la clé à mes pieds, je pointe mon trésor du doigt.

Une énigme ! Il fallait trouver la clé, avant de se diriger au trésor !

— Il faut absolument qu'on y aille !, s'écria Wooyoung en regardant la carte à nouveau. Eh, mais attends, le Capitaine a dit qu'on allait à Brisande !

— Oui ! On va mouiller dans une petite crique à l'est de Calěm, confirma Yeosang en indiquant un point à une bonne quinzaine de centimètres de la croix.

— La clé nous attend au port ! On monte d'abord sur Calěm, puis on se dirige vers la croix.

— Ça devrait nous faire environ un jour de marche pour y arriver !

Wooyoung se sentait déjà trépigner d'impatience. Enfin ! C'était la première carte qu'il trouvait, après 18 ans de piraterie. Enfin, c'était Yeosang qui l'avait trouvé. Wooyoung se jeta sur lui en riant pour le serrer dans ses bras, le soulevant du pont.

— Doucement, murmura Yeosang.

Quand Wooyoung le reposa, il était tout rouge et Wooyoung n'en rit que plus fort.

Finalement, après s'être un peu calmé, il reporta la carte à la lumière, pour vérifier qu'il avait tout bien vu. Il ne manquait plus qu'il se soit excité pour rien ! Mais non, la croix et l'inscription étaient toujours là... Ça alors... Une carte aux trésors... Il n'en revenait pas. Il fallait qu'il en parle à San.

— San ! San !, cria Wooyoung en tournant la tête vers lui.

Il était encore en grande conversation, avec le médecin cette fois. Wooyoung décida qu'il n'avait pas le temps d'attendre et le tira par le bras avant qu'il ait fini sa phrase pour le ramener près de Yeosang.

— Désolé, Yunho, il faut que je lui parle tout de suite !

Yunho sourit faiblement en les regardant s'éloigner, visiblement déçu. Le Vice-Capitaine le rejoint presque aussitôt, suivi de Jongho, ce qui sembla rassurer San. Il suivit Wooyoung sans rechigner, curieux de voir ce que son ami avait à lui montrer de si urgent.

— Regarde ça !, s'exclama Wooyoung.

— Une carte aux trésors ! J'avais entendu dire que ce n'était qu'une légende... Je veux dire, pourquoi cacher son trésor quelque part, sans l'utiliser, juste pour que quelqu'un d'autre le trouve ? Ça parait totalement illogique...

— Il y a des fous partout, répondit Yeosang.

Il avait haussé les épaules avec un air suspicieusement détaché, avant de siroter sa boisson en regardant ailleurs. Wooyoung secoua la tête : il voyait des choses où il n'y avait rien.

— Incroyable, murmura San.

— Tu viens avec nous le chercher ?, lui demanda Wooyoung, ravi de le voir aussi fasciné.

— Avec plaisir !

Yeosang se mit à tousser et Wooyoung fit volte-face pour récupérer son gobelet et lui taper doucement dans le dos, laissant la carte dans les mains de San.

— Ça va ?, s'inquiéta-t-il.

— J'ai juste avalé de travers, c'est rien..., marmonna Yeosang entre deux toux.

Il gémit et finit par se calmer, se redressant avec un fin sourire, les larmes aux yeux.

— Vous voulez goûter au fait ?, proposa-t-il en indiquant le verre dans les mains de Wooyoung.

— Qu'est-ce que c'est ?, demanda San. Non, ne dis rien ! Je veux essayer de trouver.

Wooyoung porta le liquide à son nez et respira longuement son odeur.

— De la cannelle, de l'orange, et du rhum... Et un peu de jus de pomme, c'est ça ?

Yeosang acquiesça vivement. Il connaissait l'intérêt de Wooyoung pour la cuisine, et n'était absolument pas étonné par sa facilité à deviner les ingrédients.

— Il manque juste un ingrédient, sourit Yeosang.

Wooyoung allait porter le liquide à ses lèvres, intrigué, au moment où Yeosang expliqua que c'était Seonghwa qui lui avait préparé. D'un coup, il n'avait plus vraiment envie d'y goûter...

— Tu veux essayer de deviner, San ?

San prit une gorgée du liquide. Il fronça les sourcils avec concentration, et finit par rire doucement en secouant la tête.

— Je ne sens rien d'autre... A part peut-être du sucre ? Je ne pense pas que le jus de pomme ou l'orange soient assez sucrés...

Yeosang grimaça.

— C'est vrai qu'il en rajoute un peu, j'avais oublié... Mais il manque toujours quelque chose, du coup !

— Je peux réessayer ?, demanda San, et Yeosang hocha aussitôt la tête. Merci. C'est vraiment bon !, conclut San avec un nouvel éclat de rire. Mais je ne sais toujours pas ce qu'il manque...

— Montre-nous donc le pouvoir de ton incroyable palais, dit narquoisement Yeosang en tendant le gobelet à Wooyoung.

Wooyoung était en plein dilemme. D'un côté, il était vraiment curieux. De l'autre, il savait que c'était enfantin, mais il ne voulait pas reconnaître que Seonghwa puisse avoir un quelconque talent pour quelque chose.

Wooyoung réalisa que la raison principale pour laquelle il n'aimait pas Seonghwa était sans aucun doute son amitié avec Yeosang ; il n'avait pas rien contre lui avant que Yeosang ne passe du temps avec lui, du moins rien de plus que le reste de l'équipage. Et après tout, cette arrogance et ce manque de bonne volonté ne pouvaient être qu'un masque. Si ça se trouve le Coq n'était qu'un homme seul et triste... Mouais, Wooyoung n'allait pas sauter sur cette conclusion quand même.

Et si finalement, le meilleur moyen de se libérer de ces pensées noires qui tournaient sans fin dans sa tête était de faire confiance eu jugement de Yeosang ? Wooyoung lui-même avait de nombreux amis... Enfin non, connaissances plutôt, il ne s'estimait assez proche d'aucun pour les considérer comme des amis, à l'exception de San. Mais le fait était qu'il ne s'était jamais détourné de Yeosang, et que Yeosang lui avait toujours fait confiance. Si Yeosang appréciait Seonghwa, alors Wooyoung devait l'accepter plutôt que de s'enfermer dans ses idées préconçues !

Une nouvelle pensée faillit obscurcir son jugement : même si Yeosang s'éloignait, c'était sa décision et il n'avait rien à dire. L'estomac de Wooyoung se contracta d'angoisse, et il respira profondément. Il ne voulait pas être responsable de la fin de leur amitié. En aucun cas. Yeosang était trop précieux à ses yeux. Et au juger de la colère de son ami quand il s'était montré un peu brusque avec Seonghwa, il n'allait faire que s'éloigner de lui s'il continuait à penser ainsi.

Sa décision prise, Wooyoung prit le gobelet et le porta à ses lèvres.

— Du citron. C'est d'une évidence...

Yeosang et San rirent ensemble, et Wooyoung se sentit curieusement heureux. Il serait probablement un peu jaloux de Seonghwa pendant un certain temps. Mais c'était normal, supposa-t-il, et il s'y ferait. En attendant, il avait fait rire ses deux plus proches amis, et c'était tout ce qui importait.

Fin de ATreaZure - Partie 1 : L'équipage du ATEEZ

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Le voilà enfin ! Le dernier chapitre !

Merci beaucoup d'avoir lu cette première partie de ATreaZure ! C'est vraiment un très gros projet que j'ai en tête et j'espère qu'il retiendra votre attention jusqu'au bout. Je commencerai à publier la deuxième partie, Brisande, dès que je l'aurais terminée ! A bientôt !

Ce travail est aussi disponible, sous le même nom, sur mon compte AO3. J'en suis l'unique auteure.