Logbook#2 : Hongjoong & Yunho
— Hongjoong ! Hongjoong !
Le capitaine resta allongé sur le ventre, las. Il avait la bouche pâteuse, les yeux douloureux et secs. Aucun de ses muscles ne semblait lui répondre de toute façon.
— Hongjoong, bon sang ! Lève-toi ! La mer est en train de monter, on doit filer !
Une légère brise fraîche pénétra son pantalon troué, et apaisa sa peau irritée par le sel. Hongjoong soupira et ferma plus fort les yeux, décidé à ignorer la faible lueur de l'aube pour se rendormir. De l'eau lui chatouilla le pied gauche.
— Sérieux, Hongjoong, tu es épuisant.
Deux mains lui agrippèrent les poignets et il se sentit soulevé, hissé sur le dos de quelqu'un. De quelqu'un de très grand. Ses pieds ne touchaient plus le sol, et d'un coup, il fut maladroitement balloté de droite à gauche. Sa tête rebondit sur une épaule dure et la douleur réveilla un affreux mal de tête. Il sera presque convulsivement les bras.
— Tu m'étrangles ! Merde ! Réveille-toi !
Brusquement, on le lâcha.
— Aïe !, hurla-t-il en ouvrant vivement les yeux, qui se remplirent de larmes.
— Content de te savoir conscient, marmonna Mingi en se laissant tomber à côté de lui. On a failli être piégés par la marée, j'espère que tu m'es reconnaissant.
Mingi observa d'un air soucieux son capitaine. Ou ancien capitaine, étant donné que leur navire n'existait plus que sous l'état de planches de bois flotté. Dans le chaos, Mingi n'avait pas pu résister au coq et au charpentier qui l'avaient tiré sur un canot. Néanmoins, la tempête avait rapidement éclaté, et il était passé par-dessus bord.
Mingi s'était échoué sur l'une des deux îles les plus proches de leur épave, contre quelques égratignures. Hongjoong avait lui les yeux injectés de sang et le teint très pâle. Il lui manquait une botte et ses vêtements étaient déchirés à la limite de la décence, même sur une île de pirates. Une plaie sanguinolente, peu profonde mais d'une longueur impressionnante, semblait s'être en partie réouverte, probablement lors de sa course sur la plage. Mingi se pencha sur son ventre, et aperçut quelques échardes. Il sortit une fiole de sa veste et aspergea généreusement la blessure de rhum. Hongjoong grimaça avec un cri, et tenta de frapper Mingi par réflexe, qui attrapa son poing.
— Tu aurais pu prévenir, râla Hongjoong.
— Bon, au moins temporairement, ça devrait aller, l'ignora Mingi. Tu peux te lever ? Il faut qu'on rejoigne Soleï.
— Tu sais où sont les autres ?, ignora Hongjoong.
Mingi secoua la tête en haussant les épaules.
— On a été tous été séparés. Je ne sais pas s'ils s'en sont tous tirés. Honnêtement, tu es la seule personne dont le départ m'aurait peiné.
Mingi observa les alentours. Sa froideur remit en place les idées de Hongjoong. Le milieu dans lequel il vivait ne permettait pas le sentimentaliste et on ne s'attachait pas. Les pirates n'ont pas peur de la mort et ne s'appesantissent pas sur celle des autres. Et plutôt que de chercher à maintenir son équipage uni, il aurait dû les laisser partir chacun de leur côté. Il ne tenait même pas à son équipage, une bande d'incompétents fainéants ! Cela lui aurait éviter des complications inutiles.
Il trébucha en se relevant, et Mingi le rattrapa d'une main ferme.
— Je me sens pitoyable.
— T'inquiète, Capitaine. On fait de notre mieux pour survivre, n'est-ce pas ?
Hongjoong hocha la tête. C'était lui qui avait enseigné cette philosophie à Mingi, avec lequel il parcourait les mers depuis plusieurs années, d'abord dans l'armée militaire puis sur des navires pirates, et il renouait avec sa justesse. Il suivit Mingi sur un petit chemin de terre entre deux champs.
Sur cette île, d'ailleurs, des champs, de diverses couleurs, s'étendaient à perte de vue. Des fermes. Une forêt, probablement au centre de l'île. Et une bicoque avec un long ponton et une petite chaloupe de pêcheur.
— Allons lui demander s'il peut nous amener sur Soleï. On va devoir compter sur sa générosité...
Hongjoong hocha la tête et ils attendirent que le pêcheur sorte devant sa porte. La femme leur offrit la traversée, après avoir évalué la blessure de Hongjoong et insisté pour retirer les échardes et bander la plaie. Néanmoins, leur manque de fortune resterait un problème de taille sur Soleï, un problème à résoudre au plus vite.
Yunho enfila d'un geste leste son manteau rouge, d'un tissu résistant et semblable à du cuir, et sortit de sa cabane. A cheval, il fit d'abord le tour de la petite île sur laquelle il habitait, ses sacoches rebondissant doucement sur la croupe de la monture. La promenade fut rapide, les habitants n'ayant pas besoin de ses services. Une fois son tour terminé, il remit son cheval à l'écurie et après l'avoir brossé, nourri et abreuvé, il transféra le contenu de ses sacoches dans un sac à bandoulière, plus pratique pour la marche que pour l'équitation. Ainsi, il débarqua de son canot à voile sur Soleï aux alentours de 16 h. L'heure parfaite pour commencer son excursion en ville.
La tête dans les nuages, il pénétra dans le quartier rouge. Ici, les établissements louant la boisson s'enchaînaient, ne s'interrompant que pour laisser la place à un bar à hôtes ou à hôtesses à intervalles réguliers, voire une maison close. Ici, il était connu. Ici, tout le monde savait à qui appartenait ce manteau rouge. C'était SON manteau.
Celui de l'homme qui stoppait, sans jamais en venir aux mains, les bagarres de rue à l'arrière des enseignes.
Celui du médecin, qui soignait sans distinction la victime comme le coupable, les prostitués comme les soulards, les riches arrogants comme les pauvres pitoyables.
Yunho sortit de sa rêverie et observa attentivement les alentours, l'oreille aux aguets. Il savait qu'il trouverait patient près d'un cri, d'une personne trop sûre d'elle ou d'un attroupement. Sans surprise, il découvrit donc une personne à terre, surplombé par un homme qui lui faisait les poches, et un autre qui faisait le guet devant la ruelle, dégoulinant de confiance et de méchanceté pour tenir les curieux à l'écart. Alors, le sourire aimable et le regard déterminé, Yunho s'approcha des trois hommes en préparant son habituel scénario de mensonges.
Son savoir et ses principes, Yunho les avait appris auprès du médecin qui l'avait formé, et qu'il avait accompagné jusqu'à sa mort, quelques années auparavant. Son manteau, c'était sa première paie personnelle.
Son mentor ne débordait pas exactement d'affection, ne fêtait pas l'anniversaire de Yunho, encore moins son propre anniversaire. C'était trop de temps perdu en conjecture que d'essayer de connaître l'autre, de chercher un cadeau, de faire un repas, alors qu'il y avait tant de choses à étudier et déjà tant de temps consacré au sommeil. Ils vivaient donc humblement, sans une dépense inutile, partageant chaque repas et mettant en commun leurs maigres revenus de médecins. Après une opération particulièrement éprouvante qu'ils avaient effectuée ensemble cependant, son maître avait ressenti l'impérieux besoin de les sortir de leur étouffante routine. Il avait emmené Yunho en ville, et après lui avoir confié une petite bourse, lui avait fait promettre de tout dépenser pour lui-même, essuyant quelques protestations.
— Je sais que ce genre de geste ne m'arrive pas souvent, alors profites-en et fais toi plaisir !, avait-il conclu d'un ton bourru.
Yunho avait arpenté les magasins, à la recherche de quelque chose qui leur serait utile. Mais il était tombé sur ce manteau rouge, et même son âme d'adulte responsable n'avait pas pu y résister. Il avait été ajusté et lui allait comme un gant. Son mentor avait approuvé le manteau d'un signe de tête à son retour, un sourire aux lèvres, et Yunho avait l'impression que c'était lui-même qui lui en avait fait cadeau.
Dès lors, ce manteau était devenu son symbole, et il ne le quittait que très rarement. Sa douce excentricité parmi les couleurs plus audacieuses ou plus ternes le rendait parfaitement reconnaissable dans la ville, et après qu'il avait été intervenu dans quelques bagarres, de nombreuses rumeurs avaient vu le jour, entremêlant son manteau de la couleur du sang frais et ses engagements professionnels.
— Bonjour, commença Yunho en s'approchant de l'homme. Je suis médecin.
— Va voir ailleurs, répondit le type en avançant la tête d'un air menaçant.
Yunho fit le parallèle avec les mimiques canines et son sourire s'élargit, très légèrement moqueur.
— Je vois un patient, dans cette ruelle, et j'aimerais passer. Sans compter que Jack n'a jamais rien sur lui. On ne lui fait jamais rien payer...
— Cet homme n'est pas Jack.
Yunho fronça les sourcils d'un air faussement étonnée.
— Mais si, c'est bien Jack ! Vous savez, le fils chéri du maire !
L'autre homme se matérialisa au côté du premier, et Yunho continua de sourire, prêt à se défendre si cette discussion tournait mal. Les rumeurs, c'était une chose... La réalité, une autre, et si son bluff habituel sur le fils, la fille, le meilleur ami et la tante du maire ne fonctionnait pas sur les étrangers ou les nouveaux venus, il avait recours aux pressions sur des points particuliers du corps pour venir à bout de ses adversaires. Pour les autres, les rumeurs ou la peur de ne plus être soigné suffisaient à les stopper net. La plupart des pirates étaient des hommes à l'apparence intimidante, mais à l'intérieur, ils avaient tous une peur commune : celle de la maladie qui les empêcheraient de retourner sur un bateau. Pour les pirates, la mer n'était pas leur lieu de travail, c'était leur amante, une amante imprévisible mais sans rancune, qui les berçait, les guidait et leur apportait un sentiment d'apaisement comme d'excitation.
— Laisse tomber, Billy, commença le plus fin. On a rien fait, on a juste vu ce pauv' type dans la ruelle, et on voulait vérifier qu'il était pas mort. On est soulagé d'être tombé sur vous, hein Billy ? Comme ça, le doc pourra le remettre sur pied en moins d' deux.
Yunho hocha la tête et les deux lascars l'imitèrent sans s'éloigner. Un combat de regard sembla s'engager et Yunho secoua les épaules avec un sourire mi-amusé, mi-agacé. Il ne s'était pas laissé intimider jusqu'à maintenant, alors il ne voyait pas trop quelle réaction les deux hommes attendait de lui. Tout ce qu'il aurait pu faire, c'était rire face à leurs expressions comiquement agressives. Il traversa le mur formé par les deux malfrats, bousculant un peu plus fort le dernier venu pour récupérer le contenu de sa poche.
— Excusez-moi, Messieurs, mais je dois m'occuper de Jack, maintenant. On ne peut pas laisser ses agresseurs s'enfuir en étant impunis, il faut qu'il nous donne leur identité. Au plaisir.
Yunho se pencha sur le jeune homme et évalua son état. Il traita ses plaies, vérifia l'état de ses côtes, de son nez et de sa nuque, puis remit les ¾ de l'argent qu'il avait dérobé aux lascars dans la poche de l'inconnu, conservant le reste comme paiement. Finalement, il le souleva et l'amena dans la première auberge qu'il croisa pour lui payer la nuit, avant de repartir en ville, à la recherche d'autres patients.
Et ainsi se poursuivait généralement ses journées jusqu'à 5 heures du matin, heure à laquelle il commençait doucement à rejoindre son canot pour rentrer chez lui avec les premiers rayons des soleils.
________
Avez-vous reconnu la tenue de Yunho ? XD
Je dois avouer que je suis tout simplement amoureuse du look rouge de Hala Hala. Je le trouve absolument magnifique, et cette performance au ShowMusicCore du 2 Mars 2019 est incroyable. Je retire tellement d'énergie de la regarder quand ça va moyen !
Cette musique est mon âme-sœur, et je ne m'en remettrai jamais !
Merci d'avoir lu ce chapitre, et à bientôt pour le logbook#3 !
Ce travail est aussi disponible, sous le même nom, sur mon compte AO3. J'en suis l'unique auteure.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro