— Me coucher... Où est-ce que je peux me coucher ?, murmura Seonghwa.

Il cligna des yeux et les plissa pour essayer de distinguer un hamac vide. Un hamac au plus près du sol, il ne se sentait pas de faire de l'escalade dans son état. Sans faire attention, il arriva au bout de la pièce, sans succès et se prit le mur, renversant une partie de son gobelet sur le sol.

— Aïe, murmura-t-il en se frottant la joue.

Son pied butta dans quelque chose quand il se retourna et il distingua des gros morceaux de viande séchée sur le sol. Seonghwa n'aimait vraiment pas le désordre. Et même s'il n'avait pas voulu ramasser, il n'aurait pas pu dormir en se souvenant que de la nourriture était par terre, se dispersant aux quatre coins de la pièce à cause du roulis. Sans compter que c'était du gâchis. Peu importait la qualité de la gamelle, on ne jetait pas son contenu. C'était pour cette raison qu'ils faisaient manger les plats ratés à ses employés.

L'oreille de Seonghwa se dressa soudain. Quel était ce son ? On aurait dit que quelqu'un mâchait quelque chose... Un chien, complètement invisible si on ne s'engouffrait pas entre les hamacs de Yunho et San et la coque du navire, rognait de la viande séchée.

Non, non, et non. Ce n'était pas assez équilibré pour lui, il avait encore l'air jeune...

— Viens là, mon grand. Viens, viens, murmura-t-il en tapotant sa propre cuisse et attirer son attention. Je vais te donner à manger.

Le chien s'immobilisa, hésita et se releva finalement pour le suivre docilement jusqu'à la cuisine. Seonghwa prépara trois casseroles, mit de l'eau à bouillir et indiqua au chien de s'asseoir dans un coin et de rester tranquille, le temps qu'il aille chercher quelques provisions en bas.

— Ah, j'en ai fait trop... , marmonna Seonghwa en récupérant une cuillère de pommes de terre bien cuites. Tu ne vas pas manger tout ça, ce n'est pas bon pour toi...

Il ajouta quelques haricots en morceaux et de la viande qu'il avait cuits à la vapeur, et failli faire tomber l'assiette en essayant de la poser sur la table. Il pensait avoir besoin d'appâter le chiot avec un morceau de viande pour le faire monter sur la table mais il avait tort. Le jeune shiba était très intelligent, et grimpa sans souci d'un tabouret sur la table pour venir dévorer son repas.

— Doucement mon grand, rit Seonghwa en le caressant affectueusement. Quel bon chien. J'avais peur que tu sois difficile... Tu me rappelles Icare... Mon chien... Je lui ai fait à manger comme ça, pendant une bonne partie de sa vie. A partir du moment où ma mère nous a délaissé pour courir la richesse...

Le chiot s'arrêta un instant pour renifler avec curiosité le gobelet de Seonghwa et il l'écarta précipitamment.

— Je vais te trouver de l'eau, d'accord ?

Seonghwa ouvrit un tonneau et remplit un bol d'eau claire pour le chiot.

— Voilà. Tu ne dois pas boire de l'alcool. C'est comme ça que Icare est mort... Mon père a dit que c'était simplement qu'il était vieux... Et c'est vrai, il l'était, mais je sais. Je sais que c'est la faute de mon père.

Le chiot délaissa son bol d'eau pour se remettre à manger dans l'assiette. Mais il avait fait une pause entre les deux pour l'observer, et Seonghwa avait l'impression qu'il lui demandait de continuer.

— Mon père... Mon père a toujours eu un problème avec l'alcool, d'aussi loin que je me souvienne. Il laissait toujours traîner des bouteilles presque vides partout dans la maison, il oubliait où il les posait alors il en entamait d'autres. Et mon vieux chien a perdu son odorat avec l'âge. Je lui avais appris à éviter les liquides qui sentaient l'alcool. Ça m'avait pris beaucoup de temps, mais il savait, et je me sentais en sécurité avec lui. Mais sans son odorat, il a bu une flaque qui n'était pas de l'eau. Il était tout vacillant. Et il a fini par mourir...

Le chiot, son assiette terminée, se rapprocha de Seonghwa et posa sa tête sur sa main, à plat sur la table.

— J'ai vraiment l'impression que tu me comprends, murmura Seonghwa en lui frottant la tête de l'autre main. En plus, tu n'iras pas répéter ce que je te dis, je peux te faire confiance, rit-il doucement. Je... J'y réfléchis souvent et je... Je me sens seul. J'aimerais trouver quelqu'un qui m'apprécie. J'aimerais juste être apprécié pour ce que je suis. Pas qu'on apprécie ce que je fais, mais qu'on m'apprécie, moi.

Une larme roula sur sa joue, qu'il essuya précipitamment. Le chiot releva la tête et lui tira doucement la manche. Il voulait jouer, et il était adorable. Seonghwa grimpa sur la table avec lui... Mais il lui rappelait tellement son chien... Il s'allongea sur la table et pleura l'animal et sa solitude, doucement, jusqu'au sommeil.

Yeosang portait Wooyoung sur son dos pour le ramener dans les quartiers de l'équipage. La nuit était relativement chaude, mais il ne voulait pas le laisser dehors, surtout alors que Lyris l'avait remplacé à la barre. Un Wooyoung endormi à ses côtés était quelque chose que Yeosang ne voulait laisser découvrir à personne. Il devrait probablement le faire un jour, mais pour l'instinct, c'était un privilège qu'il se réservait.

Il entendit une voix par la porte entrouverte de la cuisine. Et aperçut le chef, avec un chien. Il y avait peu de chances qu'il y ait plusieurs chiens clandestins sur ce navire, il supposa donc que c'était le fameux Shiber dont Wooyoung lui avait parlé.

— J'aimerais juste être apprécié pour ce que je suis. Pas pour ce que je fais, mais qu'on m'apprécie, moi.

Yeosang se dépêcha de s'éloigner, ayant eu l'impression d'avoir, malgré lui, écouté une conversation intime. Le chien semblait tranquille, Wooyoung dormait sur son dos, tout allait pour le mieux.

Une fois dans les quartiers de l'équipage, il posa Wooyoung sur le hamac inférieur et dégagea ses cheveux un peu trop longs de ses yeux. Voilà. Maintenant, il pouvait se coucher.

Il grimpa agilement sur le hamac supérieur, et s'installa confortablement en repensant à ce que le Coq avait dit. Il ne savait pas exactement ce qu'il allait faire de cette information, mais il ne pouvait pas vraiment décider de l'oublier, ça ne ferait que l'ancrer plus profondément dans son esprit... Non, il la garderait précieusement dans un coin de sa tête. Peut-être trouverait-elle sa pertinence dans l'avenir...

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Ce travail est aussi disponible, sous le même nom, sur mon compte AO3. J'en suis l'unique auteure.