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Chapitre 5, ou comment se sentir subitement très seule [Corrigé]

Une dizaine de gardes armés en sortirent et se déployèrent consciencieusement autour de la porte. S'ils semblaient d'ordinaire être plutôt là pour la décoration, aujourd'hui ils paraissent agités. Avec raison, en vue des derniers évènements et des actions terroristes toujours plus violentes ces derniers temps. Ce fut au tour des ministres d'entrer, somptueux dans leurs vêtements brillants et leurs innombrables bijoux, suivis de près par celle que tout le monde attendait. Elle ne semblait guère avoir changé depuis l'année précédente. Grande, des cheveux bruns teintés de gris coupés en un carré raide, des pupilles bleus cachés derrière des verres de lunettes et un sourire sur les lèvres qui n'atteignait jamais ses yeux.

On l'appelait la directrice et, si nous étions tous des naufragés sur un radeau, elle en était le capitaine. De ce que j'en avais retenu de mes leçons, ou tout du moins du peu que j'en avais écouté, elle était directrice depuis bientôt trente ans. Une Or, bien évidemment, comme tous ses ministres. L'élite de notre société. Si eux dirigeait chaque aspect de notre vie, elle était le marionnettiste qui jouait avec tous les fils. Rien ne se passait dans ce fichu bâtiment sans qu'elle n'en soit au courant.

Une petite toux résonna dans les enceintes disposées le long de la pièce, nous faisant tous reporter notre attention sur l'estrade. La directrice s'était avancée jusqu'au micro au premier plan. Avec délectation, laissant durer le silence, elle observa la salle sans perdre son sourire figé. Contrairement à ses ministres, elle était vêtue avec sobriété d'un tailleur beige tirant sur le doré. Très stricte, elle était sans aucun doute la seule Or aujourd'hui à ne rien porter de brillant.

Finalement, effaçant un pli invisible sur sa jupe, elle releva la tête.

— Bonjour à tous, commença-t-elle d'une voix douce.

Le silence qui régnait dans la salle était presque palpable. À ce moment précis, personne ne se serait risqué à tousser, faire grincer sa chaise ou émettre le moindre murmure. L'angoisse des jeunes au premier rang semblait s'élever de plus en plus, et la mienne avec. Je serrai les poings sur mon assise, refusant de montrer le moindre tremblement.

— Tout d'abord, merci d'être tous ici en ce jour béni par les étoiles. Nos enfants ont grandi. Tous fils et filles du soleil, il est temps de savoir ce que les étoiles ont mis en eux. Vous, notre nouvelle génération, vous êtes tous exceptionnels. Vous portez l'univers en vous, dans chacun de vos gestes et chacun de vos choix. Vous êtes à la fois notre passé et notre futur. Ce qui était sera. Pour le moment, vous n'avez aucune idée de votre importance.

Ce discours, j'avais entendu la directrice le dire chaque année pour la classification. Si les tournures de phrases n'étaient pas les mêmes, le fond restait inchangé. J'aurais bien pû en être lassée si je n'étais pas autant angoissée Pendant une seconde, j'eus presque l'impression que la directrice planta son regard droit sur moi mais, aussi vite, il dévia le long de son public. Je me raidis sur mon siège, gênée. Etais-je la seul à sentir ses yeux froids et insensibles, à trouver que ses paroles suintaient l'hypocrisie ? Un coup d'œil autour de moi me donna la réponse. Mes compagnons paraissaient hypnotisés.

— Mais vous le saurez bien assez vite, continua la directrice d'un ton enjôleur. Car le reste de votre vie vous attend. Aujourd'hui, vous allez entrer dans le système et devoir y faire vos preuves. Aujourd'hui, vous devenez des adultes responsables car notre survie à tous sera bientôt entre vos mains. C'est vous qui construirez le monde de demain. Par la volonté des étoiles et de Coatlicue, notre mère à tous. Mais assez parlé, place à la Classification. Et n'oubliez pas : ce qui était sera.

Un silence vibrant appuya la fin de son discours. Pas d'applaudissements, pas de hochements de tête approbateurs mais rien que le silence. Derrière la directrice, un des ministres se leva et tira le rideau qui recouvrait un grand appareil. Le tissu s'éleva, dévoilant la Classifieuse. C'était une machine imposante, plus grande qu'un homme et bien plus large, résultat des années d'évolutions de la physique. Quand j'étais petite, cet appareil me faisait penser à un vieux conte pour enfants, où une princesse naïve se pique le doigt sur une aiguille et tombe dans un coma long de cent ans.

La Classifieuse, à son extrémité, était équipée d'une même aiguille levée vers le ciel mais je soupçonnais l'appareil plus complexe que le rouet de la belle au bois dormant. Chaque classifié posait son doigt sur la plateforme prévue à cet effet et l'aiguille venait y prélever du sang. Ensuite, l'aiguille se rétractait et une nouvelle, propre et aseptisée, prenait sa place. Le sang était acheminé le long d'un tuyau jusqu'au cœur de la machine. L'appareil en faisait l'analyse : l'ordinateur placé à l'intérieur s'occupait de trouver les atomes, de les différencier et de les classer. Puis, sur cet échantillon de sang, il ordonnait les atomes par leur pourcentage et enregistrait la donnée de ceux les plus présents. Tout cela se faisait en une fraction de secondes, dans le cœur de l'appareil.

Sur le haut de la machine étaient disposés de grands carrés, chacun comportant en lettres capitales le nom d'un atome. Une fois que la Classifieuse avait analysé quel atome était en plus grande nombre, l'écran en question s'allumait. Le classifié recevait les vêtements de sa nouvelle classe, si elle changeait, serrait la main des quelques représentants du gouvernement et celle de la directrice, puis allait s'asseoir dans le rang adéquat. Destin classé, au suivant.

Un homme portant une tunique de cérémonie dorée s'avança jusqu'au bord de l'estrade, une tablette transparente à la main. Je reconnus le ministre des Atomes, plus à sa silhouette grassouillette qu'à son visage. Il porta l'objet devant ses yeux et, d'une voix forte, clama :

— SODIUM. Acquelin, Jacques.

Je tournai la tête pour parcourir du regard notre rangée de chaises. Nous étions une quarantaine, tous plus anxieux que les autres. Ce fut un garçon blond qui se leva, les mains croisées dans le dos. J'aperçus un léger tremblement dans sa posture et un élan de compassion m'envahis. Je le connaissais bien, comme tous ceux de ma génération. Toute notre vie nous étions allés en classe ensemble et, aujourd'hui, nos destins se séparaient. Il grimpa les marches, avança jusqu'à la Classifieuse et, se posta devant. Une femme en tailleur gris avança jusque lui, lui prit la main et nettoya l'un de ses doigts, avant de le lui positionner sur la plateforme. Aussitôt, l'aiguille se leva, transperça la peau et un filet de sang s'écoula de son doigt jusque dans le tuyau.

Jacques recula sans attendre, un spasme sur son visage trahissant son angoisse. Il redressa la tête vers les atomes et chacun dans la salle suivit son regard. Finalement, le carré écrit « ÉTAIN » s'illumina en beige et le ministre des Atomes conclut d'un ton faussement enjoué :

— Étain ! Félicitations.

Il y eut un tonnerre d'applaudissements du côté des Sodium. Je frissonnai face à la rapidité dont le silence pesant avait été brisé. Tout autour de moi, la foule se leva, sifflant, criant des félicitations et tapant dans leurs mains à tout rompre. Le reste de la salle était restée tout aussi immobile. Généralement, on ne trouvait que les sodiums pour avoir aussi peu de retenue en public et, du reste du public, des regards agacées nous parvenaient. Une femme derrière moi éclata en sanglot – un mélange de tristesse et de soulagement j'imagine- et le garçon sur l'estrade semblait être partagé entre les mêmes émotions.

La foule se calma tandis qu'il avançait jusqu'au ministre des Atomes. Il lui serra la main, puis fit de même avec celle de la directrice et des trois autres ministres qui les accompagnaient. La dernière, ministre de l'Organisation interne, lui tendit une tenue soigneusement pliée de couleur beige. Le garçon la prit puis traversa l'estrade dans l'autre sens et, montant dans les gradins, il s'assit au rang des Étains.

— Amerton, Leana.

Une autre Sodium se leva et le même manège recommença. Leana fut envoyée chez les Magnésium. Plusieurs autres personnes s'enchainèrent, les unes après les autres, à chaque fois couvertes par le tonnerre d'applaudissements provoqué par les Sodium. Même ceux qui restaient au même rang se faisaient acclamer, plus par pitié qu'autre chose. Et, à chaque nouvelle personne qui passait, c'était de l'angoisse qui grandissait chez ceux qui restaient. À notre étage, nous étions les plus nombreux et, ainsi, l'attente me parut interminable. De plus, les statistiques jouaient contre nous : nous avions près de vingt pour cent de chances de demeurer tout en bas, contre moins de sept pourcents d'aller chez les nobles. C'était très maigre.

Je me tortillai sur ma chaise. Je savais que, d'une minute à l'autre, ça allait être mon tour. J'avais envie de vomir. Que se passerait-il si je vomissais sur la jupe si propre de la directrice ? Pouvait-on m'arrêter seulement pour ça ? M'exécuter ? C'était la seule chose à laquelle je pouvais penser tandis que MacAlister, Friedrich montait sur l'estrade. Je me retournai vers mes parents. Ils n'étaient pas loin derrière et paraissaient livides. Ils semblaient mourir d'inquiétude. Interceptant mon regard, ils m'adressèrent un sourire d'encouragement qui ne fit que me rendre un peu plus malade.

Au bout de quelques minutes, Friedrich revint parmi les Sodium sous un tonnerre d'applaudissements. J'aurais voulu lui sourire mais ne pû que m'immobiliser tandis que la voix du ministre résonnait avec, ce qu'il me semblait, beaucoup plus de force qu'avant :

— MacGhille, Cyanna.

Mon sang se figea dans mes veines et j'eu l'impression que le temps s'arrêta. Mes jambes refusèrent de bouger et j'aurais pu rester indéfiniment figée sur cette chaise si une fille à mes côtés ne m'avait pas poussée avec douceur. Je me retrouvai debout, le cœur battant à tout rompre et avançai vers l'estrade.

Je pris une longue inspiration en marchant, m'efforçant d'ignorer les nombreux regards posés sur moi. Le monde entier me fixait – et ce n'était pas qu'une façon de parler. Je me rassurai en me rappelant que parmi eux se trouvaient mes parents. Mes frères et sœurs et mes amis. Je ne voulais pas les décevoir, pas aujourd'hui. Alors je continuai à avancer, me façonnant le visage le plus inexpressif possible. Je grimpai les quelques marches et arrivai sur l'estrade. Chaque pas me semblait peser deux fois plus lourd que jamais. Relevant la tête, je croisai le regard de la directrice.

J'étais plus proche d'elle que je ne l'avais jamais été. Alors que nous étions toutes deux immobiles, elle me fixa, l'air de me sonder. Je supportai son regard, plus intimidée que je n'aurais voulu l'admettre. J'ignorais si c'était un effet du stress ou non, mais j'avais l'impression que l'ambiance était plus tendue que pour les autres candidats. Comme si tout à chacun sur cette estrade retenait son souffle, moi la première.

La directrice baissa la tête et je continuai d'avancer, plus lente que jamais. C'est en passant devant les gardes alignés au bord de la scène que je m'arrêtai une seconde fois, surprise. Je reconnus ces yeux bleus, croisés seulement la veille. Ce soldat, c'est celui qui avait failli me tirer dessus. Celui qui, je le savais, m'avait identifiée formellement comme terroriste. Sa mâchoire tressaillit, sa main se resserra sur son arme, mais, alors que ses yeux me fixaient, il ne bougea pas. Quand que je m'attendais à ce qu'il hurle que j'étais une terroriste, il resta silencieux, la même hésitation dans le regard que la veille.

Un certain soulagement s'empara de moi. J'ignorais pourquoi il ne m'avait pas tiré dessus hier et pourquoi, aujourd'hui, il tut mon secret mais j'étais sûre d'une chose : cela me sauvait la vie. Je détournai les yeux, sentant toujours son regard brulant sur moi et continuai mon chemin.

Et, étrangement, c'est en souriant que je m'arrêtai devant la Classifieuse. Voir ce garde m'avait rappelé que j'avais fait des choses nettement plus dangereuses que donner une goutte de sang à une machine. Ce n'est pas ça qui allait me faire peur. Quand la ministre se dirigea vers moi avec sa lingette, je lui tendis la main avec empressement. J'avais hâte que ça se finisse, à présent.

Elle attrapa ma main avec lenteur et je redressai la tête vers elle. C'est alors que je m'aperçus qu'elle me dévisageait fixement, les pupilles brillantes. Quand elle croisa mon regard, elle détourna aussitôt les yeux et entreprit de nettoyer mon index. Puis, tout aussi soudainement, elle releva le visage et ouvrit la bouche, prête à dire quelque chose. C'est l'instant que choisit la directrice pour s'éclaircir la gorge, juste derrière elle. La ministre sursauta, serra les lèvres et posa brutalement mon doigt sur la plateforme.

Je tressaillis quand l'aiguille perça ma peau et en oubliai tout : la ministre et la directrice, le garde, mes parents... Tout passait au second plan. L'angoisse me revint à la tête comme un boomerang et c'est en tremblant que je reculai d'un pas. J'essuyai sans y penser le sang s'écoulant de mon doigt, les yeux rivés sur les carrés représentant les atomes. Les battements de mon cœur résonnaient dans mes oreilles, obscurcissant tout autre bruit dans la salle. Du coin de l'œil, j'aperçus la directrice faire un petit signe de tête en direction d'un des ministres. Je remarquai que les gardes étaient agités, nerveux. Tous, sur cette estrade, semblaient tendus et mon esprit confus n'en voyait aucune raison. Et il n'en eut pas le temps.

Un carré s'illumina, plongeant la salle dans un silence stupéfait. Je plissai les yeux. Arrêtai de respirer. Fronçai les sourcils. Je ne parvenais pas à comprendre ce qui venait de se passer. Peut-être une mauvaise blague. Ou alors, j'avais été dénoncée comme terroriste et ceci était destiné à être un exemple. Allais-je être exécutée ici même ? Je ne voyais que cette explication. Sinon, pourquoi le petit carré marqué [Au] se serait-il illuminé d'une lumière dorée et aveuglante ?

Il n'y eut pas d'applaudissements. De salutations. De cris. Seul le silence, presque palpable, irréel. Je crevais d'envie de me retourner, de chercher mes parents, de leur dire qu'il s'agissait d'une erreur, mais j'étais incapable de bouger. Finalement, rompant le calme, des murmures retentirent dans la salle, s'élevant petit à petit. Sur l'estrade, personne ne fit le moindre mouvement. Et surtout, aucun de ceux qui m'entouraient ne semblaient surpris. Ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Je n'avais aucune idée du nombre de fois qu'un Sodium s'était retrouvé Or du jour au lendemain. Était-ce déjà arrivé au moins ? On ne passait pas du plus bas de l'échelle au plus haut comme ça. C'était impossible. Ceux qui devenaient Or étaient des Argent, des Platines, voire des Cuivre, mais rarement des étages plus bas. Surtout pas des Sodium.

— Or, finit par déclarer le ministre avec un ton étrange. Félicitations.

Il me tendit la main et je clignai plusieurs fois des yeux sans bouger. Ainsi c'était... réel ? J'étais... j'allais devenir une Or. Comment était-ce possible ? Comment moi, une vagabonde des bas étages, semi-terroriste et boxeuse illégale, comment je pouvais bien faire partie de la plus haute caste de notre société ? Comme pouvais-je avoir, dans chaque parcelle de mon corps, dans chaque goutte de mon sang, des atomes prédominants d'Or ?

Ce n'est qu'en voyant le ministre toussoter que je me rendis compte qu'il patientait toujours, la main en l'air. Je finis par la lui serrer en évitant son regard, essayant de ne pas écouter le murmure des conversations qui augmentait dans la salle. Comme un pantin, j'avançai vers la directrice qui m'attendait, un sourire satisfait aux lèvres. Peut-être bien la première vraie émotion qu'elle manifestait ce soir. Elle me tendit une main pâle, ornée de bijoux et de diamants. Ses yeux me scrutèrent de haut en bas, deux fois.

Je lui serrai la main, déconnectée de mon propre corps. Elle se pencha vers moi.

— Mademoiselle MacGhille, murmura-t-elle avec délectation. Bienvenue chez les grands.

Elle me lâcha et recula d'un pas. Mes doigts étaient glacés après avoir touché les siens. Je fis le tour des ministres et, comme en transe, serrai main après main avant de récupérer un uniforme doré, brillant de mille feux. La salle redevint complètement silencieuse, plongée dans un état de stupéfaction intense. C'est en voyant cet habit doré dans mes bras que les gens comprirent que c'était bien réel. Qu'une petite Sodium allait devenir Or.

Ne supportant plus ces milliers de regards sur moi, je tournai les talons pour fuir le devant de la scène. Spontanément, je me dirigeai vers le rang des Or – car c'est là que je devais aller, n'est-ce pas ? Le regard baissé, les mains tremblantes, je traversai l'estrade. Alors que je voulus en descendre, on m'intercepta. Une garde, la main sur son arme et l'autre sur moi, me regardait de ses yeux marron qui ne trahissaient aucune émotion.

— Suivez-moi s'il vous plaît.

— Que... quoi ? fis-je, perdue.

— Suivez-moi.

Ça n'avait plus rien d'une demande mais tout d'un ordre pur et dur. Je jetai un regard autour de moi. La directrice hocha la tête en me faisant signe de la suivre. Derrière elle, les gardes étaient à l'affut. Les mains sur leurs fusils, ils semblaient prêts à utiliser la force si je refusais d'obéir. Peut-être que, finalement, j'avais été dénoncée et qu'on allait m'exécuter. Sinon, pourquoi m'emmener au beau milieu de la Classification ? J'étais au moins sûre d'une chose : de toute l'histoire de notre société, ça n'était jamais arrivé. La Classification était considérée comme sacrée. Il fallait être mourant pour espérer la louper et suicidaire pour essayer de la quitter en plein milieu.

Ce fut plus fort que moi. Je me retournai vers le public et cherchai mes parents parmi les gens en gris. J'avais besoin qu'on me réconforte, qu'on me dise que tout allait bien se passer. J'aperçus d'abord ma mère, recroquevillée sur sa chaise, en larmes. À côté d'elle, mon père s'était à moitié levé, comme s'il s'apprêtait à protester sans oser le faire. Je me figeai en les voyant ainsi, horrifiée. Je croisai le regard de mon père et il secoua lentement la tête. Ses yeux semblaient vouloir me dire que rien de tout ça n'était normal et tout dans son attitude me hurlait de me méfier. Tremblante, je cherchai Millie dans la foule et la repérai au milieu des argents. Elle était figée, une expression mi-indignée mi-choquée sur son beau visage.

La poigne de la garde se raffermit sur mon bras et elle leva légèrement son arme.

— Ne me forcez pas à le répéter.

J'étais à deux doigts de foudre en larmes. Je n'étais pourtant pas du genre à pleurer au moindre problème. Moi, les problèmes, je leur cassais la gueule. Mais aujourd'hui, je me sentais plus seule, plus démunie et bousculée par les évènements que jamais. Je n'étais pas prête à ça. Je jetai un dernier regard à la foule, comme si j'espérais vraiment voir quelqu'un en sortir pour venir à mon secours. Pourtant je ne vis que Horace qui, non loin de mes parents, les bras croisés derrière la tête, souriait de toutes ses dents.

La garde, impatiente, me tira par le bras et m'entraina en bas de l'estrade, jusqu'à une porte dérobée dans le mur par laquelle elle me fit passer. Dans mon dos, je perçus un mouvement de foule. De l'agitation. Et, alors que la porte se refermait derrière nous, j'entendis des cris de protestation, des chaises qui raclaient le sol, de nombreuses voix se mélangeant les unes aux autres. Ça y était, les gens réagissaient enfin. Mais il était trop tard.

Par la porte close ne nous parvenait plus aucun son. Impossible de savoir ce qu'il se passait. Sans me lâcher, la soldate me guida le long du couloir où nous étions arrivés puis dans une nouvelle pièce, minuscule. La salle aux murs d'un beige pâle était seulement garnie d'un canapé noir et d'une table basse, sur laquelle reposaient un verre et une carafe d'eau. J'arrivai enfin à mettre des mots sur cet étrange sentiment que j'avais depuis que j'étais montée sur cette estrade : j'avais l'impression que tout était prévu. De mon arrivée en Or jusque ma présence ici, tout semblait calculé.

Sans un mot, la garde sortit et ferma la porte à clé derrière elle. Je restai un moment immobile, les bras ballants, encore sous le choc. Il me fallut plusieurs minutes avant de revenir à moi, de m'affaler sur le canapé en posant les pieds sur la table basse et de fermer les yeux. Là, je cherchai à mettre enfin un sens à tout ce qui venait de se passer. Je pris les choses dans l'ordre :

Un : Les atomes prédominants dans mon corps étaient des atomes d'or.
Deux : Je devenais par ce fait une des personnes les plus importantes de l'And.
Trois : Tout le monde, en passant par Horace, la directrice et les ministres semblaient savoir à l'avance ce qui allait se passer. Tout le monde sauf moi.
Et quatre : C'était sans doute une des premières fois (la première ?) qu'un Sodium passait au rang d'Or. Et les autorités semblaient y apporter une certaine importance puisque pour la première fois, et cette fois-ci j'en étais sûre, on m'avait emmenée à l'écart et empêchée de suivre la fin de la cérémonie.

Ça faisait beaucoup à assimiler. Beaucoup trop pour mon cerveau engourdi, basculant à peine des interrogations à la colère, de la colère à la tristesse, de la tristesse à une sorte de soulagement inexpliqué. Mais, alors que les minutes passaient, c'est la colère qui finit par prendre le dessus. Ainsi, quand les clés tournèrent à nouveau dans la serrure, j'étais prête à m'acharner contre quiconque entrerait dans cette pièce.

Ce fut un garde. Il ferma soigneusement derrière lui avant de se placer face à moi, les bras croisés sur son torse. Et, à l'instar du moment où j'étais sur l'estrade, je reconnus ces yeux bleus si caractéristiques, cette carrure, le peu de visage que me laissait voir son casque. À mon tour, je croisai les bras en secouant la tête.

— Bordel, encore toi ?! m'exclamai-je avec stupeur.

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