XII.
Nous étions restés ainsi un long moment, dans l'obscurité la plus totale, sans dire un mot.
« Félix ? » Hasardai-je au bout d'un certain temps. Mais je n'obtins pas de réponse. À la place, un bruit étrange, quelqu'un respirait bruyamment. Une respiration rauque, lourde, qui donnait froid dans le dos.
« Félix, c'est toi ? » Repris-je, terrifiée.
Mes yeux s'étant habitués au manque de lumière, je pouvais à présent difficilement distinguer en face de moi une silhouette, que je supposais être celle de Félix. Mais lorsque celle-ci ouvrit les yeux, mon cœur faillit cesser de battre. Deux grands yeux rouges, luisants, me fixaient sans ciller. Je me mis à trembler, et une larme roula sur ma joue.
Je n'osais plus faire un mouvement, comme paralysée. Mais à mon plus grand soulagement, les yeux disparurent aussi vite qu'ils s'étaient ouverts. Après quelques secondes, une main se posa sur mon épaule, je sursautai violemment, envisageant déjà le pire, mais finalement, la voix familière qui accompagnait cette main me rassura immédiatement.
« Je suis là, ne t'en fais pas, me souffla le jeune homme.
— Je... je ... Tu les as vu ? J'ai eu si peur ! J'ai cru que ...
— Calme-toi, me coupa-t-il, et explique-moi ce que tu as vu.
— Des yeux, rouges, grands et rouges, flamboyants... Ils me fixaient... Tu les as vu ? Dis-moi que tu les as vu s'il te plait ! Repris-je alors, un peu moins crispée.
— Non, je n'ai rien vu, je tentais de trouver l'interrupteur, mais il ne fonctionne pas...
— Mais pourtant il y avait quelqu'un, là, en face de moi ! Lançai-je en désignant l'endroit de mon doigt, me rendant compte ensuite qu'il ne pouvait pas voir à cause de l'obscurité.
— Je ne sais pas... Mais quoi que ça puisse être, c'est partit maintenant... »
Brusquement, alors que je me levai pour faire face au jeune homme, la lumière se ralluma, nous éblouissant tous deux au passage.
La planche se trouvait encore au centre de la table, mais avait été retournée de sorte à ce que les lettres soient contre le plateau de la table.
« C'est toi qui à fait ça ? Demandai-je, étonnée.
— Non, j'allais te poser la même question, lâcha-t-il. »
Je ne savais pas comment réagir. Était-ce la silhouette que j'avais aperçue qui l'avait retournée ? Peut-être...
Mais tout semblait être à nouveau en ordre, plus rien ne bougeait, et le silence était revenu. On arrêta donc la séance, et je rangeai la planche dans mon armoire, à l'abris des regard.
Alors que j'allais m'asseoir sur mon lit, me remettant de mes émotions, je vis Félix regarder sa montre.
« Il n'est pas très tard, nous avons encore le temps de faire une petite chose avant de devoir se remettre au lit... Déclara-t-il alors, les yeux encore rivés sur le cadran.
— Quelle chose ? Hasardai-je finalement, voyant qu'il n'enchaînait pas.
— Il faut trouver le code qui permet d'ouvrir le cadenas que nous avons vu hier soir, et il y a des chances qu'il se trouve quelque part dans le bureau du Révérend Harson... J'aimerais aller y jeter un œil, expliqua alors le jeune homme.
— Oh... Soufflai-je simplement en guise de réponse. »
Pourtant, interieurement, je n'en pensais pas moins. Le Révérend était le responsable de cet établissement, et c'était un homme effrayant. Je ne l'avais croisé que quelques fois, mais chaque fois cette même sensation de malaise m'avait traversée, il dégageait une certaine prestance imposante et dérangeante ; sans parler de son regard inquisiteur et méprisant...
À mon sens, c'était un homme malsain, et la simple idée de me retrouver dans son bureau me faisait frissonner, mais étrangement, sur le moment, je ne pus me résoudre à refuser.
Après tout, j'étais avec Félix, et il m'avait assuré être en sécurité à ses côtés... De quoi aurais-je pus m'inquiéter ?
C'est ainsi que l'on quitta ma chambre, en quête de ce fameux code. Fort heureusement, le bureau que nous cherchions se trouvait au même étage que nos chambres, bien que dans une aile assez reculée de la nôtre.
Il nous fallut quelques minutes pour atteindre la porte de celui-ci, et quelques minutes supplémentaires à Félix pour crocheter la serrure, qui céda dans un cliquetis métallique.
Mon cœur battait la chamade tandis que le battant s'ouvrait lentement, poussé du bout des doigts par le jeune homme, sur une pièce obscure.
Il balaya le bureau du faisceau de sa lampe, avant d'y pénétrer. Je le suivis de près, jusqu'au milieu de la pièce, peu rassurée, même si cette escapade devait être la moins effrayante de toutes, finalement.
Félix se rendit alors près de l'imposant bureau en bois sombre qui trônait au fond de la pièce, et comme ça à fouiller les tiroirs à la recherche de ce fameux code.
Je décidai alors de lui prêter main forte, et entâmai des recherches de mon côté, dans d'autres meubles qui se trouvaient là.
Quelques étagères, un placard où s'entassaient principalement des documents, une bibliothèque bien remplie d'ouvrages religieux, mais pas de code en vue.
Je revins bredouille vers le jeune homme, qui poursuivait alors sa fouille. Il ne semblait pas avoir trouvé l'objet de notre présence là, mais il tenait sous le bras gauche un livre assez épais, dont je ne pouvais voir le titre à cause de l'obscurité.
Après un certain temps, il referma finalement l'un des tiroirs, et se tourna vers moi, l'air grave. Lui non plus ne parvenait définitivement pas à mettre la main sur ce fichu code.
Peut-être n'y en avait-il pas, finalement... Peut-être que le seul endroit où il était inscrit se trouvait être la mémoire du Révérend...
Toujours est-il que nos recherches restèrent vaines.
« Bien, retournons à ta chambre, c'est inutile de s'attarder ici... » Déclara alors Félix, avant de prendre la sortie.
Je le suivis à l'extérieur, puis dans ma chambre. Étrangement, elle me paraissait toujours accueillante lorsque je revenais d'une escapade nocture avec le jeune homme, bien plus que le reste du temps.
Une fois la porte refermée derrière nous, je pris place sur le bord de mon lit, et lui vint s'asseoir à ma droite.
Il resta silencieux une seconde, le regard vague, avant de se tourner finalement vers moi, plongeant son regard dans le mien.
Une fois de plus, il semblait sonder mon âme de ses yeux sombres.
Finalement, c'est lui qui brisa le silence.
« Tu crois en Dieu ? » Demanda-t-il d'une voix douce, sans me quitter du regard.
Sa question me déstabilisa légèrement. Il y avait quelques années de celà, j'aurais répondu oui sans hésiter, mais à ce jour, je n'étais plus sûre de rien. Je mis quelques instants à répondre.
« Je ne sais pas... S'il existait, je ne serais peut-être pas ici... Soufflai-je.
— Tu ne crois pas au Diable, alors ? Reprit le jeune homme.
— C'est que... Je ne sais pas non plus... C'est peut-être lui qui m'a envoyer ici, qui sait ?
Ma réponse sembla le faire rire.
— Regarde ce que j'ai trouvé dans le bureau du vieux Harson ! Déclara-t-il alors soudain, semblant changer de sujet.
Il sortit de sous sa veste un épais livre — celui qu'il tenait plus tôt sans aucun doute — relié de cuir noir, visiblement assez vieux. Sur la couverture, pas la moindre inscription, seulement un pentacle. Un pentacle renversé, plus précisément.
— Qu'est-ce que c'est ? Demandai-je alors, après un moment d'observation.
— C'est une Bible Satanique, un livre interdit...
— Mais pourquoi Harson a ce livre ? Tu pense qu'il ... ? M'exclamai-je alors, laissant ma phrase en suspens.
— Je ne sais pas... Mais peu importe, je suis curieux de voir ce qu'il renferme. »
Sur ces mots, Félix ouvrit l'imposant ouvrage à la première page. Sur celle-ci, d'étranges lettres qui m'étaient inconnues s'allignaient pour former des mots incompréhensibles, un titre sans doute.
En plus petit, en dessous, était inscrit la possible tarduction.
« Testament Satanique »
Ces mots me firent frissonner.
Il tourna alors la page, puis la suivante, et d'autres, mais il était visiblement inutile d'essayer de lire quoi que ce soit, puisque que tout était rédigé dans cet étrange alphabet incompréhensible.
Des pages entières recouvertes d'une fine écriture manuscrite, dans un langage inconnu... Nous voilà bien avancés...
Il y avait également des symboles, quelques dessins un peu effrayants, mais surtout beaucoup de texte, et ce qui semblait être des rituels ou des prières, à en croire la mise en page.
Mais rien qui ne nous parlait vraiment. Je ne voyais pas vraiment où Félix avait voulu en venir avec ce livre, mais ça ne nous aidait en rien, en tout cas.
Nous voilà donc revenus au point de départ, un cadenas à ouvrir et pas le moindre code, pas la moindre idée de l'endroit où chercher, et un livre étrange qui ne servait à rien mis à part m'effrayer un peu plus.
Il referma finalement le livre, l'air un peu déçu.
« Tant pis... » Lâcha-t-il faiblement en se levant, avant de le poser sur la table.
« Bon, je vais regagner ma chambre, on se voit demain ! Déclara le jeune homme, après avoir jeté un rapide coup d'œil à sa montre.
— Alors à demain... Soufflai-je simplement, tandis qu'il déposa un baiser sur ma joue à la volée, avant de s'engouffrer dans le couloir obscure. »
Il me laissa donc seule avec moi-même, dans cette chambre qui ne me semblait plus aussi accueillante qu'un peu plus tôt dans la nuit ; mais le sommeil finit par avoir raison de moi.
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