XI.
Je n'avais pas réussi à trouver le sommeil ce matin-là, et lorsque la Sœur se présenta pour m'accompagner à ma séance d'électrochocs, j'étais déjà prête. J'appréhendais énormément, mais je suivis la femme sans broncher.
Comme les fois précédentes, on m'attacha solidement à la table, et la séance débuta. Mais cette fois-ci, tout ne se passa pas comme prévu. Même après plusieurs chocs, je ne sombrais pas. Je ressentais la douleur, pénétrante, parcourir mon corps, mais de la colère également. J'en avais assez de subir cette torture inhumaine.
Les hommes en blouses blanches s'étonnèrent d'abord de me voir toujours consciente. Mon corps ne cessait de se tordre et de convulser, mais je tenais bon. Il coupèrent le courant un instant, pour essayer de comprendre ce qui clochait, ce qui me laissa le temps de reprendre un peu mes esprits. Suffisamment pour ce qui allait suivre, en tout cas.
Soudain, les médecins se précipitèrent vers le bureau trônant au fond de la pièce. Les documents qui s'y trouvaient s'étaient embrasés subitement, produisant à présent de grandes flammes qui venaient lécher le plafond.
Totalement délaissée, je tentai de me concentrer, et les flammes s'intensifièrent. J'ignorais ce qu'il s'était passé, mais j'avais le sentiment d'être à l'origine de cet incendie. L'un des hommes vint détacher me liens, avant d'aller chercher de l'aide, tandis que les autres tentaient tant bien que mal de maîtriser le feu.
La femme de tout-à-l'heure vint me chercher pour me raccompagner à ma chambre, alors que plusieurs personnes se précipitaient dans la pièce pour apporter de l'aide.
Je restai assise sur mon lit, à fixer mes pieds nus. J'avais une horrible migraine, et finalement, je décidai de dormir un peu.
Je fus tirée du sommeil vers 16h. J'entendis la poignée s'abaisser, et la porte s'ouvrir. J'ouvris alors les yeux ; une silhouette familière se dessina dans l'embrasure, ce qui m'incita à me redresser.
« Bonjour, tu vas bien ? Demanda Félix, en s'asseyant sur le bord du lit.
— Oui, un peu mieux maintenant, et toi ?
— Je vais bien, dit-il, mais que veux-tu dire ?
— Je... J'avais la migraine, hésitai-je, à cause de la séance... Tu sais, les électrochocs...
Il resta un instant silencieux, toujours impassible, plantant son regard noir dans le mien.
— Sois tranquille, ça n'arrivera plus, lâcha-t-il au bout d'un moment.
— Je ne sais pas... Mais il s'est passé une chose étrange, pendant la séance...
— Vraiment ? Tu pourrais me raconter ? Dit-il l'air curieux.
— Oui, je pense... Lorsque j'étais attachée sur le fauteuil, j'aurais dû m'évanouir à cause des chocs, mais pas cette fois, je suis restée consciente, et soudain, les papiers posés sur le bureau se sont enflammés, tous seuls, sans raison apparente...
— Intéressant... Dit-il simplement.
— C'était étrange, j'avais la sensation que si je me concentrais un peu, je pouvais influencer les flammes... Comme si j'avais déclenché moi-même cet incendie...
— Je vois...
— Ils ont arrêté la séance, mais je sais que ce n'est que temporaire... Et je crains que ça ne se reproduise... Je ne veux pas avoir mal à nouveau... Lâchai-je d'une voix tremblotante.
Il se tut à nouveau, en me fixant toujours. Mais cette fois-ci, avant de briser le silence, il saisit mon visage entre ses mains, et approcha le sien tout près, très près.
— Ça ne se reproduira pas, je te le jure, lâcha-t-il à voix basse, en plongeant son regard dans le mien. »
Je ne répondis rien, me contentant de fondre en larmes dans ses bras. Je me sentais idiote, mais c'était plus fort que moi, je ne pus retenir mes sanglots.
Il me serra contre lui un moment, le temps que je me calme. Lorsqu'il relâcha son étreinte, il me lança un regard bienveillant, et étrangement, je ressentis l'envie irrésistible de m'allonger, ce que je fis. Sans un mot, le jeune homme se glissa derrière moi, et me serra contre lui.
Je sentais son souffle chaud balayer ma nuque, à intervalles réguliers. J'étais intimidée, et je n'osais pas bouger. « Quelle étrange personne... » Pensais-je une fois de plus. Je cherchais, en vain, des réponses à mes questions.
Mais finalement, je m'endormis sans même m'en rendre compte.
À mon réveil, Félix n'était plus là. Je n'étais pas surprise, mais un peu déçue, peut-être. Je regardai par la fenêtre, m'apercevant que la nuit était tombée. Il devait être tard...
En effet, le dernier médecin vint apporter les médicaments, annonçant par la même occasion le couvre-feu imminent. Une fois de plus, je fis semblant d'avaler les gélules, et les recrachai après le départ de l'homme en blouse.
Cette fois, j'étais déterminée. J'en avais assez de subir en silence, je n'avais pas l'intention de lâcher prise. Et je pensais qu'avec Félix, j'avais l'opportunité de fuir cet endroit, pour de bon. J'étais décidée à l'aider, et à quitter cette clinique sordide. De toute manière, je n'avais plus rien à perdre.
Je m'étais rallongée dans mon lit, perdue dans mes pensées. Je ne parvenais pas à dormir, étant donné que je m'étais réveillée peu de temps auparavant. Et lorsque le verrou de la porte s'actionna, je fus tirée de ma rêverie, d'abord surprise.
Je n'attendais pas de visite à cette heure-ci, et pourtant le battant s'ouvrit lentement. Bien entendu, j'avais pensé à Félix, si bien que je souriais déjà lorsque celui-ci entra dans la chambre.
« Tu m'attendais ? Demanda-t-il, étonné.
— Non, pas vraiment, je viens de me réveiller, dis-je en me redressant.
— Ah, oui, je t'ai laissé dormir tout-à-l'heure, tu semblais en avoir besoin...
— Merci, répondis-je simplement.
Après une courte pause, il enchaîna.
— Bon, j'ai apporté quelques trucs pour s'occuper ce soir, lâcha le jeune homme en fouillant dans ses poches. Il en ressortit trois bougies, qu'il déposa sur la table, ainsi qu'un briquet.
— Qu'est-ce que tu comptes faire ?
— Sors la planche de Ouija s'il-te-plaît, on va s'en servir, lança-t-il en guise de réponse. »
J'obéis en silence, déposant l'objet à côté des bougies.
Il alluma une première bougie, dont il fit couler la cire sur la table, puis plaça une seconde bougie dans cette cire afin de la fixer à la table. Il répéta l'opération avec la seconde bougie, puis avec celle qu'il tenait. J'observais ses gestes toujours sans un mot.
Il installa ensuite la planche au centre de la table, ainsi que la planchette, et me demanda d'éteindre la lumière et de m'asseoir en face de lui. Je m'exécutai. Il mit ses doigts sur la planchette, ce que je fis aussi, puis il prit la parole.
C'était étrange, elle se mit à bouger, faiblement d'abord, répondant seulement par "oui" ou par "non". Puis une phrase se forma petit à petit.
"L, A" ... "M, O, R, T" ... "T, E" ...
"G, U, E, T, T, E"
Félix avait lu les mots à voix haute.
« La mort te guette » ? Répétai-je, ahurie.
Le jeune homme demanda des précisions à — quoi que ce fut — qui communiquait à travers la planche, mais en guise de réponse, la table se mit à trembler. La planchette se mit soudain à bouger, rapidement, et de plus en plus vite. Je tentais de laisser mes doigts sur celle-ci, mais je n'y parvenais qu'à peine.
Finalement, j'abandonnai, retirant ma main. Félix, à présent silencieux, fit de même, mais la planchette continua son mouvement, répétant sans cesse les lettres "P, A, R, S". Le jeune homme demanda à notre interlocuteur de quitter la séance, à plusieurs reprises, toujours poliment.
Il n'y eut d'abord aucune réaction, puis après un instant, la planchette s'immobilisa quelques secondes, avant de se diriger directement sur la mention "NON". Je frissonai.
Soudain, les flammes des bougies vacillèrent, avant de s'éteindre, nous plongeant dans le noir complet. L'obscurité m'enveloppait, je ne voyais plus Félix, et mon rythme cardiaque s'emballa. Je n'osais plus bouger, tétanisée.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro