RILEY

Lily me rappelle ma sœur qui me faisait aussi promettre tout un tas de choses. La promesse la plus importante que je lui ai faite, je n'ai pas su la tenir. Je crois que celles que j'ai faites à Lily seront faciles à honorer en comparaison. J'ai hâte de la voir à l'œuvre, je me demande à quoi ça ressemble une Lily de bonne humeur. Quand je repense au fait qu'elle m'a qualifié d'« idiot sans cœur », ça me fait sourire, je me doutais bien qu'elle pensait quelque chose de semblable à mon égard.

Nous dépassons à présent le numéro 46, je ne sais pas vraiment combien de temps nous mettons entre chacun de ces arbres – probablement cinq minutes – je remarque tout de même qu'ils sont équidistants. D'ici quatre arbres, nous arriverons enfin. Je me rends compte que nous ne savons absolument pas à quoi ressemble ce mystérieux endroit. Est-ce un camp nomade dans la forêt ? Ou est-ce qu'un immense bâtiment va se dresser devant nous ? J'avoue que je suis perplexe, s'il s'agissait d'un gros bâtiment, il serait d'ores et déjà visible d'ici.

— À ton avis, ça va ressembler à quoi ? demande Lily.

Ma parole, elle peut lire dans mes pensées ou quoi ? Quelle était la probabilité qu'elle parle de la chose exacte à laquelle je pensais ? Impressionnant.

— Je ne sais pas. Et toi ?

— J'imagine un endroit protégé de la vue de tous.

Je baisse les yeux pour faire attention à où je marche, plus nous avançons et plus il est probable de trouver des pièges comme celui dans lequel j'ai été pris. En le baissant, mon regard se pose sur les jambes nues de Lily, je n'y avais jamais fait attention jusqu'ici. Elle a de très belles jambes mais mon œil se focalise sur sa blessure à la cuisse qui saigne. Je ne sais pas depuis combien de temps, mais son pansement a l'air assez mal-en-point et a cruellement besoin d'être changé.

— Tu saignes.

— Quoi ?

— Ta jambe.

Elle baisse les yeux sur sa cuisse.

— Fait chier, dit-elle.

— Ça te fait mal ?

— Non, j'ai connu pire. Je crois qu'il y a des trucs dans le sac de Kyle. J'ai vu un kit de premiers secours quand je cherchais la nourriture tout à l'heure.

Elle s'arrête, je retire le sac de mon dos et le pose par terre. Elle l'ouvre et étant donné qu'elle est penchée vers le bas et que je suis derrière, elle m'offre une vue imprenable sur ses fesses. Sauf que je détourne le regard, cette fille peut lire dans mes pensées et a des yeux partout alors autant faire attention. Elle se relève avec quelque chose dans les mains.

— J'ai trouvé ! dit-elle.

Elle s'assied par terre et commence à retirer son pansement. Elle a du mal à l'enlever, j'ai bien l'impression qu'il s'est collé à sa plaie. Elle fait une grimace de dégoût, ferme les yeux et tire finalement dessus en serrant les dents. Elle s'empare ensuite d'une compresse sur laquelle elle verse le contenu d'une petite bouteille. Kyle a vraiment pensé à tout. Elle pose la compresse sur sa blessure, ce qui la fait serrer encore plus les dents, on dirait qu'elle se retient de crier. Je me sens bête à l'observer sans rien faire, alors je décide de l'aider. Je m'accroupis à son niveau et attrape la bande de tissu qu'elle a sorti du sac. Une fois qu'elle a fini de nettoyer sa plaie, elle se fait un pansement avec une autre compresse et du sparadrap. J'approche le bandage de sa cuisse, elle me regarde avec des yeux ronds.

— Je peux le faire toute seule tu sais, dit-elle.

— Je sais, mais j'ai un pacte à honorer, alors autant t'aider pour avoir l'air un minimum sympa.

Elle rit, ce qui contraste vraiment avec la tête qu'elle tirait il y a à peine deux minutes. J'enroule le tissu autour de sa jambe jusqu'à ce que je ne puisse plus, puis je fais un nœud.

— C'est pas trop serré ?

— Non, merci.

Elle m'adresse un sourire et me fixe, et moi, je reste là comme un con à la regarder. J'aime vraiment mieux quand elle sourit, je me rends mieux compte d'à quel point elle est jolie. Je parle de Lily, pas de sa bouche. Enfin, sa bouche aussi mais de toute façon, pourquoi j'ai des pensées comme ça ?

— On y va ?

Elle me sort de ma rêverie et je me sens ridicule, je me demande ce qu'elle pense de toutes mes absences mentales, de toutes ces fois où je la contemple, l'air ailleurs. J'en viens même à me demander comment elle me trouve, si je lui plais.

Alors que nous passons le temps dans la salle de détente du Centre d'Apprentissage, je vois que Ben suit quelque chose des yeux. Ou plutôt quelqu'un.

— T'es pas croyable, Ben...

— Quoi ? J'ai rien fait.

Il me sourit de toutes ses dents et lève les paumes en l'air en signe d'innocence. Ben est pire qu'un radar. Dès qu'une jolie fille passe, il est là à baver devant et on dirait qu'à cet instant il n'est plus maitre de ses facultés mentales. Le problème avec lui, c'est qu'il s'intéresse aux filles qui ne regardent pas les mecs comme nous. Pas que nous soyons vilains, loin de là, c'est juste qu'ici on dirait que les filles sont attirées par ceux qui ont pour projet d'embrasser des grandes carrières. Autrement dit, les gosses de riches étant donné que le goût pour les grandes carrières se transmet souvent au sein des familles aisées. Les enfants de personnes influentes intéressent beaucoup les filles.

— Qu'est-ce que tu lui trouves d'ailleurs ? je lui demande.

— Est-ce que tu te fous de ma gueule ? Regarde-moi ce corps, et puis elle dégage un truc, tu vois.

— Tu ne comprends pas que cette fille ne s'intéresse qu'au nombre de crédits ou au statut social ? Toi et moi, on n'est rien si tu veux mon avis. Tu devrais plutôt revoir tes critères.

Nous regardons la proie de Ben, une blonde aux longues jambes, elle part s'asseoir à côté de Pete et sa clique. Qu'est-ce qu'ils ont de plus que les autres ? Ils sont riches, ils ont des parents ingénieurs ou travaillant directement pour le dirigeant. Ça, c'est ce que voient les filles comme la blonde. De mon point de vue, ils ont juste des sales gueules insupportables et des cheveux plaqués sur le crâne comme s'ils pensaient que ça leur conférait une assurance certaine. C'est juste ridicule. Sans parler des vestes classes qu'ils portent, pourquoi en faire trop ? Enfin je sais, c'est pour se démarquer des autres, des gens comme Ben et moi.

Je me demande quel genre de fille était Lily, si elle se serait intéressée aux gars comme Pete et sa clique ou si elle se serait intéressée à des mecs comme Ben et moi. Est-ce que je suis vraiment en train de me poser ce genre de question ? Rien ne va plus Riley, reprends-toi et plus vite que ça. Je me lève et tends la main à Lily qui s'en empare et se lève. Elle m'adresse un sourire et reprend la marche. Tout ça est vraiment trop bizarre pour moi. Alors quoi, il suffisait que je lui avoue l'histoire de ma vie et que je pleure devant elle pour alléger les tensions ? Il suffisait qu'on fasse un pacte stupide ? Impressionnant.