Chapitre 24
RILEY
J'ai passé du temps à détailler le mur de ma cellule, je finis par remarquer des traces de griffures à un endroit. Juste imaginer que quelqu'un a été enfermé ici assez longtemps pour devenir fou et se mettre à griffer les murs en métal me fait frissonner. J'espère que je n'en arriverai pas là. Après mon entrevue avec le chef qui est d'après moi bien plus taré que je ne le suis peut-être, le blond m'a ramené dans ma cellule et m'a prévenu qu'il reviendra d'ici quelques minutes. Je dois dire qu'en plus d'être un connard fini, violent et légèrement psychopathe, ce garçon n'est pas doté d'une grande ponctualité. Je ne sais pas vraiment depuis combien de temps il m'a dit ça, mais ça ne fait certainement pas quelques minutes que je l'attends, je dirais plutôt quelques heures.
J'ai eu le temps de chercher un plan d'évasion, mais sans succès, il n'y a aucun moyen que je me barre d'ici, la seule option serait d'employer la force mais mon abdomen endolori et mon estomac vide m'ont fait comprendre qu'ils n'étaient pas partants pour une rébellion. Je n'ai certainement pas la force de monter un plan plus intelligent que celui de Lily sachant que de plus, je devrais aussi trouver sa cellule et la faire sortir. Autant dire que c'est cuit.
Ce qui me frustre le plus, c'est que Kyle boitille légèrement et il n'a pas été chargé de s'occuper de moi, je pense que j'aurais pu faire quelque chose contre lui et sa jambe affaiblie. À la place, je me coltine Jordan qui a l'air assez instable et je n'arrive pas à le cerner. En parlant de lui, il pénètre enfin dans ma cellule, en fanfare et avec un large sourire aux lèvres.
— Devine quoi, commence-t-il, on ne va pas te buter aujourd'hui ! Tu es très chanceux, alors pour fêter ça, je t'ai apporté à bouffer et tu vas avoir le droit de te décrasser un peu !
Il est très joyeux, un peu trop même, je me demande bien ce qu'il cache parce qu'il y a forcément quelque chose d'autre. De toute évidence, il se serait fait un plaisir de m'achever, ce n'est pas cette grande nouvelle qui le rend si euphorique. Je me demande tout de même par quelle grâce j'ai eu le droit de rester en vie, ils prévoient probablement de me faire souffrir un peu plus. J'aimerais aussi savoir si Lily va bien mais évidemment, je devrais éviter de mettre ce sujet sur le tapis, si je lui montre de l'intérêt, ils vont se servir d'elle contre moi et je parie qu'ils feraient la même chose pour elle. J'espère juste qu'ils ne me demanderont pas de la torturer, je crois bien que j'en serais incapable.
Jordan pose un sac devant moi et en sort deux bouteilles d'eau, un morceau de pain et deux contenants qui me paraissent familiers. À l'extérieur de ma cellule, quelqu'un appelle Jordan qui réagit au quart de tour :
— J'arrive ! crie-t-il.
Il me détache les mains, me lance un regard mauvais et croise ses bras sur son torse.
— Dépêche-toi, je t'attends, ajoute-t-il à mon égard.
Je préfère m'écraser pour le moment, pour qu'il ne se doute pas encore de quoi je suis capable, pour le prendre en traitre, par surprise. Alors, je m'affaire à avaler tout ce qu'il m'a amené et je me sens comme revivre, mon estomac m'en redemande mais il doit se calmer, il se peut que je ne reçoive plus à manger par la suite. Lorsque j'engloutis ce que contiennent les petites bouteilles qui me paraissaient familières, je comprends vite que ce sont des compléments alimentaires et me demande en quel honneur ils me donnent ça, car c'est exactement ce dont j'avais besoin.
De retour dans notre vaste salon blanc, je m'affale dans le canapé tout aussi immaculé que les murs, le sol et le reste de la décoration. Tout est épuré et impersonnel, j'ai toujours détesté ça ; la plupart des gens aiment leur appartement, ils sont heureux d'être en acquisition d'un tel bien. Je suppose qu'ils s'en contentent parce qu'ils n'ont pas à payer ce logement, il est totalement gratuit et offert. Heureusement, quand on voit le prix de la vie, encore heureux que ce stupide appartement immaculé soit gratuit. Des pas légers se font entendre dans le salon, je sais que c'est Zoe qui arrive.
Je me tourne vers elle et voir son petit visage doux et enfantin illumine ma fin de journée qui fut bien fatigante. Elle me regarde avec ses grands yeux céruléens, elle a hérité d'un bleu bien plus expressif que le mien. Les miens paraissent sombres, les gens ne remarquent leur réelle couleur que s'ils se tiennent assez proches de moi. En revanche, ceux de ma sœur se remarquent de loin, c'est ce qui apporte autant de douceur à son visage d'après moi. Ses cheveux sont tous ébouriffés, elle a défait la natte que je lui avais faite. Elle s'assied à côté de moi sur le grand canapé blanc et dur, ses jambes se balancent au-dessus du sol. Je remarque que sur ses genoux découverts par sa chemise de nuit, elle a un bleu tout neuf.
— Comment tu t'es fait ça ? je lui demande.
— Je suis tombée.
— Zoe...
— Bon d'accord, dit-elle de sa petite voix. Even m'a poussée pendant l'activité sportive et je suis tombée par terre. Elle dit que... elle dit que maman devrait être en prison.
— Pourquoi elle dit ça ?
— Parce que c'est toi qui t'occupes de moi. Elle dit que maman ne s'occupe pas de moi et que tu vas rater ta vie à cause de ça. Alors je lui ai fait la prise que tu m'as apprise l'autre jour, elle a réussi à s'en défaire et elle m'a poussée par terre. Ensuite, elle et d'autres enfants ont rigolé et moi, j'ai pleuré.
Elle a la tête baissée et ses petites joues rebondies sont rosies, elle a sûrement honte mais elle sait pourtant qu'elle n'a pas à avoir peur de ma réaction. Les enfants du Centre d'Apprentissage sont souvent méchants avec elle, on a beau être discrets, les gens parlent toujours. Je lui ai déjà dit d'ignorer ce genre de provocation mais je comprends que ce soit difficile.
— Zoe, quand je t'ai enseigné cette prise, c'était pour jouer, tu ne dois pas te servir de tout ce qu'on fait à la maison au Centre d'Apprentissage ni nulle part ailleurs, est-ce que tu comprends ? je lui demande calmement.
— Oui, je suis désolée.
Je lui frotte le haut du crâne, ce qui la fait râler et se recoiffer les cheveux de ses doigts. Je me lève en direction de la cuisine et ouvre le réfrigérateur, il y a un stock complet de compléments alimentaires, je dois en boire quand j'ai un coup de mou et là, je me sens fatigué, alors j'en prends un et le vide d'une traite, j'ai toujours trouvé ça absolument dégueulasse.
— Bon, je n'ai pas tout mon temps, s'impatiente Jordan.
Je reviens à moi et je vide d'une traite les deux petites bouteilles de compléments alimentaires, ce sont exactement les mêmes que j'ai l'habitude de boire, avec ce même goût chimique pseudo fruité affreux, je n'aime pas ça mais je sais que ça comblera la plupart des carences que mon corps a en ce moment, c'est plein de protéines, de vitamines et d'acides aminées. Une fois que j'ai fini mon repas, Jordan met mes déchets dans son sac et je me sens puissant l'espace d'un instant, je réalise qu'il est en train de me servir et de ranger pour moi, c'est idiot, mais c'est mon petit instant de fierté. Il s'en va de la pièce et me laisse seul l'espace de quelques minutes, puis il revient, comme promis. Il a des vêtements dans ses bras, il me les donne brusquement en me les plaquant contre moi, m'obligeant à m'en emparer. Il me donne aussi une serviette de toilette.
— Je dois te nouer les mains mais j'ai pas envie de tenir tes fringues, alors je ne t'attache pas mais je te préviens, pas de connerie. Je ne suis pas Kyle, si tu fais un pas de travers je te tue, est-ce que tu comprends ça ?
La manière dont il me parle me donne envie de lui faire une de ces prises que j'ai montrées à ma sœur, je suis certain qu'il serait neutralisé, je suis entrainé comme un militaire, c'est ce qu'il ignore. Je dois mettre ma fierté de côté et oublier quelques temps qui je suis, rester discret et ne pas faire de vagues. Ça me fait mal au cœur, mais je vais me soumettre.
— Ouais, je réponds.
— On verra bien, dit-il en haussant les épaules. Par contre, je vais te mettre le bandeau, même si je sais que tu retiens probablement le nombre de pas et les directions. Je ne suis pas con, je connais vos techniques de prisonniers, mais je sais aussi que tu ne t'évaderas pas sans ta Lily chérie et tu ne sais pas où est sa cellule, alors compte les pas autant que tu veux, j'en ai rien à battre.
Il marque un point, il a carrément sondé mon esprit par je ne sais quelle putain de force. Je ne réponds rien à ça, qu'aurais-je à répondre de toute façon ? Il m'enfile le bandeau et je l'entends rire, il a l'air fier de lui. Il m'attrape fermement par le bras et me dirige tout droit, puis à droite, puis nous arrivons rapidement dans une salle. Les sanitaires sont bien plus proches de ma cellule que le bureau du chef. Une fois à l'intérieur, il me retire le bandeau et m'indique les douches. Je me dirige vers l'une des cabines et remarque au passage que tout est d'un blanc cassé virant au jaune, je crois que je préférais encore le blanc immaculé insupportable de mon appartement. J'entre dans une des douches et retire mes vêtements qui sont sales et bien abimés, je suis bien content de m'en débarrasser. L'eau est glacée et celle qui tombe à mes pieds est marron de toute la crasse accumulée. Il y a des produits d'hygiène à ma disposition, l'odeur du gel douche à la vanille est réconfortante, elle contraste avec la vie que je mène en ce moment. Un peu de douceur dans ce monde de brutes. Lorsque je sors de la douche, j'ai enfilé le pantalon que Jordan m'a donné et qui me va parfaitement, j'ai remis mes chaussures par-dessus des chaussettes propres, mais le tee-shirt qu'il m'a donné étant trop petit pour moi, je ne l'ai pas mis.
Une fois en dehors de ma cabine, je remarque que Jordan n'est plus là, il a été remplacé par Kyle et Lily – qui me fixe d'un drôle d'air. Je vois bien que ses yeux se baladent sur mon torse musclé, si elle pense être discrète, elle se met le doigt dans l'œil. Nous restons tous les deux bloqués, à nous regarder. Kyle nous interrompt :
— Allez, dit-il à Lily qui détourne immédiatement le regard.
Elle m'adresse un sourire timide et s'en va en direction de la cabine que je viens d'utiliser. Il y en a d'autres, je me demande pourquoi elle a attendu que je sorte pour aller dans la même. Peut-être que les autres dysfonctionnent.
— Jordan arrive, m'indique Kyle. Il est parti régler un truc.
J'attends donc que Jordan arrive en repensant à la manière dont Lily m'a regardé, ce qui me fait sourire, je dois l'avouer.
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