Chapitre 7 : Démonstration ?
J'ouvre grand la bouche pour la septième fois. Azrah n'a rien voulu me dire de plus après avoir lâché la bombe en prétextant que ça m'apprendrait la patience. J'ai donc rejoint le groupe auquel j'étais rattachée, le bataillon (oui oui le nom m'a fait peur aussi) numéro 3. Mes nouveaux camarades, tous de classe B minimum, se sont amassés autour d'une fille à la longue chevelure rose qui porte un uniforme militaire similaire à celui d'un film. Tenue de camouflage sombre, corset noué à la taille avec une multitude d'accessoires dont j'ignore même le nom, mais si vous voulez mon avis, ils ne sont pas là pour faire joli, mais plutôt faire du mal. Très mal.
— Ici, c'est l'entrée. Interdit au public, bien sûr.
Nichée au cœur d'une colline verdoyante, l'Académie des Arcanes Royales se dresse majestueusement, alliant architecture ancienne et éléments naturels. Ses murs de pierre grise, usés par le temps, témoignent d'un héritage séculaire. À l'entrée, un grand portail en fer forgé s'ouvre sur une cour pavée de dalles irrégulières, où la lumière du soleil danse à travers les branches des arbres centenaires qui l'entourent. Ces arbres, des chênes et des érables, semblent veiller sur l'Académie, leurs feuilles bruissant doucement au gré du vent, comme s'ils murmuraient des secrets oubliés. J'avais déjà étudié son histoire, bien sûr. Nous sommes dans l'ancienne base militaire d'Angleterre qui a été transformé en institue gouvernemental.
Les bâtiments de l'Académie sont un mélange de styles architecturaux, chacun racontant une époque différente. À gauche, le vieux bâtiment principal est une imposante structure gothique, ornée de gargouilles et de fenêtres en vitrail coloré. À l'intérieur, les couloirs sont tapissés de portraits d'anciens Émissaires, dont les regards perçants me font froid dans le dos. Les murs, recouverts de livres anciens, sont imprégnés de connaissances accumulées au fil des siècles. En avançant vers le cœur de l'Académie, on découvre une vaste bibliothèque, le Sanctuaire des Savoirs. Cette pièce, aux plafonds voûtés et aux lumières tamisées, est remplie d'étagères atteignant le plafond, regorgeant de livres reliés en cuir, de grimoires et de manuscrits poussiéreux. L'odeur du vieux papier se mêle à celle de l'encre, j'ai toujours adoré cette ambiance.
— C'est ici que vous pouvez réviser à toute heure de la journée et de la nuit.
— La nuit aussi ? s'exclame un garçon aux lunettes rondes.
Oh.mon.dieu. Finis les embrouilles avec la vieille peau de l'accueil qui nous force à quitter la BU trente minutes avant la fermeture.
— Maintenant, place au plus intéressant et là où vous passerez le plus de temps.
Nous la suivons non sans écarquiller les yeux face à l'immensité des lieux. Il me faudra au moins deux jours avant de tout mémoriser, mais je ne m'en plains pas. J'ai déjà la structure principale des lieux dans la tête, ce n'est pas tant ce que je cherche à retenir. Non, ce que j'essaye de mémoriser ce sont les passages secrets. Celui du tunnel, camouflée à l'entrée par exemple que je n'aurais jamais trouvé, à moins de suivre du regard une fille s'y engouffrer. Pas très fûte-fûte celle-là, je vous l'accorde. Le gouvernement nous met à l'épreuve, je ne m'attends à aucune sympathie de leur part.
Au centre de l'Académie se trouve un grand jardin, une oasis de tranquillité. Des fleurs exotiques et des plantes médicinales y poussent en abondance, tandis que des sentiers sinueux serpentent à travers des parterres de fleurs multicolores. Sûrement placée ici pour les élémentalistes de l'eau. Il y a des points d'eau à chaque point stratégique de l'Académie ainsi que des cheminées miniatures dans les halls des entrées et même plusieurs à l'extérieur. Je vois, pratique en cas d'attaque pour se défendre, mais aussi pour les potentiels ennemis qui pourraient y entrer.
— Toi aussi, tu as remarqué les cheminées ? Les élémentalistes du feu doivent se régaler ici.
Un garçon à la chevelure blonde pointe du doigt les crépitements du charbon. Pardon, je me rectifie. Un garçon super canon à la chevelure blonde et au sourire ravageur me parle. Sauf que ce type me dit quelque chose.
— Cole, enchanté.
— Eve. On ne s'est pas déjà vu ?
— C'est une technique de drague ? se moque-t-il.
— Je ne suis pas du genre à passer par quatre chemins quand quelqu'un me plaît. Alors, on s'est déjà vu quelque part ? répété-je cette fois avec sérieux.
Oui, c'est à moitié faux.
— Je suis démasqué, on dirait. On est dans la même université.
Ah voilà, ma mémoire ne me fait jamais défaut.
— Nous sommes à peine cinq à avoir été sélectionné ici, il faut qu'on se serre les coudes, m'informe-t-il en voulant me serrer la main.
Se serrer les coudes. C'est peut-être rien pour lui, juste une phrase lâchée comme ça. Mais pour moi ? C'est un concept étranger. Je ne suis pas vraiment du genre à compter sur quelqu'un. Non pas par choix, mais parce que les gens finissent toujours par se détourner. Mes anciens camarades, mes profs, mes maîtres de stage m'ont regardé avec ce mélange de pitié et de lassitude, comme si j'étais une sorte de projet voué à l'échec. Mais là, dans cette Académie où je suis littéralement l'erreur administrative ambulante, une alliance, même superficielle, ne peut pas me faire de mal. Allez, Eve, accepte. Souris. Fais semblant de savoir ce que tu fais. Et tandis que nos mains se croisent, je ne peux m'empêcher de me dire qu'il a peut-être autant besoin de cette alliance que moi. Si c'est le cas, tant mieux. Une faiblesse partagée, c'est moins effrayant.
— Tu sais quoi, t'as raison, dis-je en attrapant sa main avec un sourire que j'espère convaincre. Serrons-nous les coudes. Il me semble que tu n'es pas à l'aise en mathématiques, n'est-ce-pas ?
Cole se gratte le crâne, honteux.
— O-ouais, j'ai été aux rattrapages. J'ai pas le truc avec cette matière. Par contre, je t'ai vu en amphi, tu es prodigieuse ! C'est assez étonnant pour une Verseau, vous avez des profils plutôt créatifs.
— J'adore créer et imaginer un tas de trucs, mais faut croire que l'univers m'a aussi fait don d'une logique hors norme.
Nous finissons par la porte des fournisseurs, l'entrée arrière gardée par une multitude de soldats. Leurs uniformes me font froid dans le dos, je n'en avais jamais vu d'aussi près. Ces types sont surentraînés pour nous défendre en cas d'attaque. Genre, de vraies attaques. Celles commanditées par un autre pays, ou un groupe de révolutionnaires. C'était arrivé il y a plusieurs années, ma mère n'était encore qu'une gamine, mais elle s'en souvient très bien. Un groupe de sans-étoiles avait préparé une tonne d'explosive pour les faire péter au ministère. Une escouade de quatre soldats à peine s'était déplacée, et il n'avait fallu que cinq minutes et douze secondes pour qu'on n'entende plus jamais parler de ces rebelles. L'un d'entre eux, un homme massif au nez de travers, semble tout droit sorti d'un cauchemar. Sa carrure seule suffit à me faire sentir minuscule, mais c'est ses yeux qui me paralysent vraiment : deux fentes glaciales, dépourvues de toute chaleur humaine. Ils semblent dire : Je t'ai déjà cataloguée comme une menace potentielle. Et crois-moi, je saurai m'en occuper.
Il se tient parfaitement droit, les bras croisés sur un torse large comme une porte blindée, son uniforme tendu par des muscles sculptés dans du granite. Une cicatrice nette traverse son sourcil gauche, vestige d'un combat qu'il a probablement gagné haut la main. Ses lèvres forment une ligne dure, sans sourire, sans pitié. Quand son regard croise le mien, un frisson glacial me parcourt.
Il plisse les yeux, presque imperceptiblement, mais suffisamment pour me faire comprendre qu'il m'a remarquée. Moi, Ève, sans pouvoir, sans signe. Une anomalie. Et visiblement, il n'aime pas les anomalies.
— Quelque chose ne va pas ? murmure Cole à mes côtés, mais je ne peux pas répondre. Mon corps a reculé d'un pas, instinctivement.
Le soldat esquisse un mouvement, minuscule, juste assez pour que son équipement brille un instant sous la lumière crue des luminaires. Un harnais complexe, chargé d'armes et d'outils que je ne sais même pas nommer, luit sur sa poitrine. À sa ceinture, un couteau dépasse légèrement de son fourreau, bien entretenu et prêt à être utilisé à tout moment.
Cole suit mon regard et hausse un sourcil.
— Lui ? Ah, laisse tomber. Ils sont tous entraînés à regarder comme ça. C'est leur truc, le on-fait-peur-aux-gens. Tu t'habitueras.
M'habituer ? J'ai du mal à imaginer que quelqu'un puisse s'habituer à être scruté par un homme qui a probablement déjà mis fin à des dizaines de vies sans ciller. Je sers les poings, essayant de cacher le tremblement qui menace de me trahir. Le soldat, lui, ne détourne pas les yeux. C'est comme un duel silencieux, où je suis condamnée à perdre. Finalement, il semble se désintéresser, ou du moins juger que je ne vaux pas la peine qu'il se fatigue davantage. Il tourne légèrement la tête pour murmurer quelque chose à son collègue, un autre mastodonte à l'air sinistre.
— Tiens, tiens, on vient de faire connaissance avec Sans-Doigt ?
Je bondis de surprise lorsque je reconnais la voix d'Arzah. Les autres étudiants murmurent d'admiration en découvrant l'Emissaire du scorpion. Azrah s'avance nonchalamment, balayant la scène comme s'il est le maître de ces lieux. Sa démarche, presque féline, est empreinte d'une arrogance calculée. Les murmures redoublent d'intensité autour de nous, oscillant entre admiration et crainte. Il porte un uniforme sombre, distinctement orné d'emblèmes dorés représentant un scorpion enserrant une sphère, symbole de sa position parmi les Émissaires. Contrairement aux soldats rigides qui gardent la porte, Azrah dégage une aura plus subtile, presque hypnotique. Il jete un coup d'œil au soldat au nez de travers, celui qu'il a appelé "Sans-doigt", et laisse échapper un rire étouffé.
— Toujours aussi aimable, je vois. Continue comme ça, et un jour, on te donnera peut-être un surnom plus flatteur, lance-t-il avec un ton qui rend impossible de savoir s'il plaisante ou l'insulte.
Le soldat grogne, mais reste impassible, les muscles de sa mâchoire contractés. Il fait un pas de côté, laissant Azrah passer sans opposer la moindre résistance. Même ces hommes robustes semblent hésiter à défier une personnalité comme la sienne. Enfin, Sans-Doigt est à la limite de le faire.
— Azrah, où étais-tu ? s'enquit une voix froide et autoritaire derrière nous.
Nous nous retournâmes presque à l'unisson pour découvrir une femme à la stature impeccable, ses cheveux noués en un chignon si strict qu'il semble fait au cordeau. Son uniforme, semblable à celui d'Azrah, ne porte aucun emblême.
— Toujours ponctuelle, Laura, répond-il avec un sourire narquois. Mais rassure-toi, je suis là maintenant. C'est tout ce qui compte, non ?
Elle roule des yeux et rétorque.
— Tous les autres Emissaires sont à l'intérieur, et le premier ministre attend. On ne fait pas attendre un premier ministre ! Allez hop,hop,hop ça vaut pour vous aussi, nous tonne-t-elle.
Nous montons les escaliers au pas de course, la personne responsable de nous faire visiter les lieux n'était même pas au courant de la présence du ministre à l'Académie.
Nous débouchons enfin dans la grande salle, une pièce si vaste que le plafond disparaît presque dans l'ombre. Les murs sont tapissés de panneaux en bois sombre, gravés des symboles des signes astrologiques dans des détails époustouflants : le Scorpion aux pinces acérées, le Bélier en pleine charge, et la Balance, éternellement en équilibre. Au centre de la pièce, un large podium circulaire est baigné d'une lumière intense, focalisant toute l'attention sur l'homme qui s'y tient déjà : le Premier Ministre.
Les Émissaires, onze figures impeccables, sont installés sur une rangée de sièges en demi-cercle devant le podium, chacun d'eux arborant des tenues distinctes, ornées des insignes de leurs signes respectifs. Ils sont l'élite de l'élite, des êtres presque mythiques pour le commun des mortels. Derrière eux, de simples bancs en gradins accueillent les étudiants, rangés par sections selon leurs années de formation. Les murmures se calment à mesure que nous progressons, nos pas résonnant dans le silence grandissant.
Azrah, fidèle à lui-même, prend son temps. Contrairement à nous, qui accélérons pour rejoindre nos places au plus vite, il avance d'un pas tranquille, presque désinvolte. Laura, elle, file droit jusqu'à un siège à l'avant, s'asseyant avec une rigidité militaire. Lorsqu'elle passe devant les Émissaires, ces derniers la saluent d'un léger hochement de tête, sauf Azrah, évidemment. Je me demande qui elle peut bien être.
Je glisse à une place vide dans les gradins et tente de me faire la plus petite possible. Je ressens les regards des autres étudiants sur moi, curieux ou méprisants, difficile à dire. Mais ce n'est rien comparé à l'atmosphère électrique qui s'empare de la salle lorsque le Premier Ministre, un homme à l'allure imposante malgré ses cheveux grisonnants, tourne lentement la tête vers Azrah.
Le silence est total.
— Émissaire du Scorpion, commence-t-il d'une voix grave et tranchante. Votre ponctualité, comme toujours, laisse à désirer.
Azrah s'immobilise au centre de l'allée. Il lève les yeux vers le Ministre avec un sourire, à peine perceptible, mais qui irradie une insolence maîtrisée.
— Vous savez ce qu'on dit, Monsieur le Ministre, répond-il avec légèreté. Les meilleurs arrivent toujours en dernier.
Un frisson parcourt l'assemblée. Même les Émissaires, habituellement inébranlables, échangent des regards furtifs. Mais le Premier Ministre, lui, ne bronche pas. Ses yeux, sombres comme la tempête, restent fixés sur Azrah, un duel silencieux où la tension est presque palpable.
— Prenez place, finit-il par ordonner d'un ton sec, sans jamais quitter Azrah des yeux.
Azrah incline légèrement la tête, une parodie de respect, et va s'installer au dernier siège libre parmi les Émissaires. Son entrée a volé toute l'attention, et je me surprends à me demander s'il l'a fait exprès. Probablement.
Le Premier Ministre reprend alors son discours, la gravité de ses mots emplissant chaque recoin de la salle. Notre petit groupe a apparemment tardé, ce qui nous vaut des regards mauvais de la part des autres étudiants qui étaient déjà installés.
— Super comme première impression, souffle Cole.
— Vous êtes ici parce que vous êtes l'élite, les protecteurs de notre société. Chacun de vous, Émissaire ou étudiant, a un rôle vital à jouer dans la préservation de notre équilibre. Les pouvoirs que nous confèrent les signes ne sont pas seulement un don. Ils sont une responsabilité.
Il parcourt l'assemblée du regard, s'arrêtant un instant sur chaque Émissaire, avant de continuer.
— Mais ce pouvoir, comme tout, est fragile. Il est menacé, non seulement par ceux qui envient notre système, mais aussi par ceux qui le rejettent. Des anarchistes, des fanatiques, qui souhaiteraient nous plonger dans le chaos. Vous serez formés pour contrer ces menaces. Évalués. Poussés à vos limites.
Il marque une pause, ses yeux s'arrêtant un instant sur moi. Mon souffle se coupe. Pourquoi moi ? Est-ce que je fais quelque chose de travers ? Mais il reprend presque immédiatement, sa voix résonnant avec encore plus de force.
— L'échec n'est pas une option. Ceux qui ne sont pas à la hauteur seront écartés. Mais ceux qui réussiront auront l'honneur de devenir les piliers de notre avenir. Cette avenir, je le vois avec de multiples dons. Les sans-étoiles n'ont rien à faire dans notre société qui ne cesse de s'améliorer. Ce sont des erreurs de la nature. Mais si vous êtes ici, c'est que vous le savez déjà.
Les mots tombent comme un couperet, lourds de sens. Je jette un coup d'œil vers Azrah. Contrairement à la plupart d'entre nous, il n'a pas l'air impressionné. Son regard est fixé sur le Ministre, mais son sourire en coin n'a pas faibli. Putain, les sans-étoiles, des anomalies ? Mais qu'es-ce que je fous là, si le Ministre comprend ce que je suis en réalité, il me tuera !
Quand le Premier Ministre termine enfin, un tonnerre d'applaudissements éclate, mais il me semble faux, forcé. Peut-être est-ce mon propre malaise qui colore ma perception, mais quelque chose dans cette salle, dans cette institution, me met mal à l'aise.
Le Premier Ministre descend du podium avec une lenteur calculée, ses yeux scrutant chaque visage dans l'assemblée. Lorsqu'il se retourne, un sourire glacial éclaire son visage.
— Pour ceux d'entre vous qui doutent encore de l'importance de leur rôle ou de leurs capacités, laissez-moi vous offrir une démonstration. Émissaires, rejoignez-moi.
Les onze Émissaires se lèvent à l'unisson. L'effet est immédiat : un murmure admiratif parcourt les rangées d'étudiants. Ces figures, à la fois mythiques et intimidantes, avancent vers le centre de la salle, leurs silhouettes baignées dans un halo de lumière.
— Et dire qu'un seul d'entre eux pour nous balayer en quatre secondes, murmure une fille à mes côtés.
— Mère nature a bien fait son travail, renchérit un autre.
— Bien. Comme vous le savez, chaque Émissaire a un rôle clé dans la défense de notre société. Et ce rôle ne peut être pleinement assumé sans une maîtrise parfaite de leurs dons. Mais pour cela, beaucoup s'appuient sur un lien spécial : leur Connexion Astrale.
Les murmures redoublent d'intensité. Une Connexion Astrale, c'est bien plus qu'un simple partenariat. C'est une union mystique, un échange d'énergie si puissant qu'il transcende les limites humaines. Être choisi comme Connexion Astrale est un honneur rare, réservé à une élite.
— Montrez-leur, ordonne le Ministre, d'un ton qui n'admet aucune hésitation.
L'un après l'autre, les Émissaires prennent position, chacun accompagné de leur Connexion Astrale. Le Bélier est le premier. Il s'avance avec une femme élancée, ses cheveux rouges flamboyants noués en une tresse serrée. Ils se prennent la main, et immédiatement, une onde de chaleur envahit la pièce. Une flamme jaillit de ses paumes, rugissante, incontrôlable. Mais d'un simple mouvement de son poignet, elle la canalise en un fouet de feu qui éclaire toute la salle. Les applaudissements éclatent.
— Impressionnant, murmure quelqu'un derrière moi.
Les démonstrations s'enchaînent, sauf que je ne peux pas vous dire ce que j'ai vu. En fait, je me chie dessus. Putain, JE suis la connexion astrale d'Azrah et je ne maîtrise rien du tout ! Rien ! La salle est en transe. Mais mon attention vacille lorsque je remarque les soldats alignés contre le mur. "Sans-Doigt" est là, bien sûr, son regard fixé sur moi. Il n'a rien de l'admiration que je lis dans les yeux des autres. Ses yeux sont froids, calculateurs.
Puis vient le tour d'Azrah.
Il avance seul, avec une nonchalance déconcertante, les mains toujours enfouies dans ses poches. Le contraste avec les autres Émissaires est frappant. Les murmures s'intensifient. Certains chuchotent des moqueries, d'autres, des interrogations.
Azrah s'arrête au centre du cercle et, pour la première fois depuis le début de cette cérémonie, retire ses mains de ses poches.
— Faut pas chercher des noises à cet Emissaire, me dit Cole. C'est celui avec la puissance magique la plus élevée de tous les temps. Il est le seul à faire ce qu'il fait.
— Ouais, j'en ai entendu parler, nous répond ma voisine de siège. Le seul Emissaire capable de fusionner deux éléments : l'eau et le vent. C'est possible à faire, mais avec la fusion des éléments de deux personnes. Ce mec arrive arrive à faire sortir de la glace comme ça !
— Mais le pire dans tout ça, c'est qu'il est le seul à le faire sans Connexion Astrale.
— Azrah ? demande le Premier Ministre, une pointe de sarcasme dans la voix. Toujours pas de Connexion Astrale ?
Un sourire narquois se dessine sur les lèvres de l'Émissaire du Scorpion. Il se tourne lentement vers les gradins, et son regard se pose directement sur moi. Mon cœur s'arrête.
— Elle est là, répond-il, désignant ma direction d'un simple geste.
La salle entière se retourne vers moi. Les étudiants chuchotent, incrédules. Les soldats, eux, se raidissent, leurs regards devenant encore plus menaçants. Je sens mes jambes trembler, et un vertige me prend. Non, non, non. Pas moi. Oh merde, il aurait pu au moins me prévenir pour que je me prépare psychologiquement !
Mais Azrah continue, implacable.
— Ève. Viens.
Je reste figée, incapable de bouger, incapable de penser. Les regards sont des lames qui me transpercent de toutes parts. Et le sien, celui d'Azrah, brille d'une intensité presque surnaturelle. Lentement, mes jambes semblent se mouvoir d'elles-mêmes. La machoire de Cole est sur le point de tomber par terre. Je descends les gradins, un pas après l'autre, chaque mouvement amplifiant le poids du silence oppressant.
Lorsque j'arrive à sa hauteur, il se penche légèrement vers moi, un sourire à peine perceptible sur ses lèvres.
— Fais-moi confiance, murmure-t-il.
Facile à dire. Mon cœur bat à tout rompre, et je sens les regards pesants des soldats, des étudiants, des Émissaires. Mais ce n'est rien comparé à celui du Premier Ministre.
— Très bien, lance-t-il finalement. Montrez-nous ce que vous valez.
Je déglutis difficilement, incapable de prononcer le moindre mot. Azrah, lui, tend une main vers moi. Je la fixe, hésitante, avant de la prendre finalement. Et là, tout change. La salle se fige alors qu'Azrah referme doucement sa main autour de la mienne. Un frisson glacial remonte instantanément le long de mon bras, comme si ma chair elle-même se refroidissait sous son toucher. L'air autour de nous semble s'épaissir, chargé d'une énergie à couper le souffle.
— Respire, murmure-t-il à peine audible.
Facile à dire. Mon cœur bat si vite qu'il menace de sortir de ma poitrine. Je tente de me concentrer, mais c'est comme si tout mon corps hurlait à la panique. Pourtant, Azrah reste parfaitement calme, presque serein. Il ferme les yeux un instant, et quand il les rouvre, ils scintillent comme des éclats de glace pure.
Il lève notre main liée au-dessus de nous, et tout à coup, le sol commence à vibrer doucement. Les murmures dans la salle s'amplifient, teintés d'excitation et d'incrédulité. Puis, dans un mouvement précis et gracieux, Azrah fait un geste rapide de l'autre main, et l'air autour de nous explose en une nuée de cristaux scintillants.
Une lumière froide irradie de ces particules de glace suspendues, comme un halo éthéré qui semble nous envelopper tous les deux. C'est à la fois magnifique et terrifiant. Le silence retombe brutalement, seulement interrompu par le craquement léger de la glace qui se reforme en un cercle autour de nous, brillant comme un miroir gelé.
— Impressionnant, murmure quelqu'un dans la foule.
Mais moi, je sens que quelque chose cloche. Ce n'est pas moi qui fais ça. Ce n'est pas *nous*. Azrah me tient fermement, mais je ne ressens aucune montée de pouvoir, aucun lien magique me traversant comme je l'imaginais. C'est lui, entièrement lui.
Il me jette un coup d'œil rapide, une lueur espiègle dans les yeux. Puis, il penche légèrement la tête et murmure d'une voix à peine audible :
— J'improvise. Fais semblant de ressentir quelque chose. Souris.
Je le regarde, sidérée, mais il ne me laisse pas le temps de réfléchir. Il relâche ma main d'un geste vif et écarte les bras. Les cristaux de glace explosent en une pluie de lumière glaciale, retombant sur le cercle avec un éclat féérique. La foule éclate en applaudissements, les murmures se transformant en exclamations enthousiastes.
Je reste figée, mes jambes menaçant de céder sous moi. Les soldats nous observent toujours avec suspicion, mais les étudiants, eux, semblent convaincus. Azrah tourne alors un regard triomphant vers le Premier Ministre, un sourire narquois aux lèvres.
— Satisfait ? lance-t-il, sûr de lui.
Le Premier Ministre plisse légèrement les yeux, mais il finit par hocher lentement la tête.
— Pour l'instant.
Un poids immense me quitte les épaules, mais pas complètement. Je sais que ce n'est qu'un début. Azrah ne pourra pas couvrir mon absence de pouvoir éternellement. Et les regards des soldats, eux, n'ont rien perdu de leur menace. Surtout celui de Sans-Doigt.
— Pas mal pour un premier essai, non ? murmure-t-il avant de m'inciter à reprendre ma place.
Pas mal, PAS MAL ? Si ça n'avait pas marché, on serait mort. Enfin, je serai morte plutôt. Je me garde de tout commentaire et rejoint mon siège où Cole et ma voisine m'harcèlent de question. Ca y est, les dés sont lancés.
___
Hello !
D'abord bon week-end à tous 🥰 Désolée pour le retard, vous êtes habitués maintenant 🥲 J'espère que la longueur des chapitres compensent un peu. Il fait presque 5000 mots, pour mon ancien roman c'était 1000 mots par chapitre pour vous donner une idée 😂
Toujours aussi fan ou pas ? Dites-moi ce que vous en pensez !
À bientôt !
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