EPILOGUE
Le ciel est dégagé et les cigales chantent à tue-tête. Je gare la voiture et nous descendons admirer la magnifique vue sur la vallée du Lubéron que nous offre le village de Gordes. En cette journée d'été, notre vision s'étend jusqu'à l'infini. On voit les petits villages alentours, jusqu'aux montagnes à l'horizon, en passant par les dizaines de champs s'étalant à perte de vue. Je retire mes lunettes de soleil afin de mieux profiter de cette vision idyllique.
Après plusieurs minutes de contemplations et quelques panoramas capturés grâce à nos portables, nous reprenons la route. Je me dis que j'encadrerai peut-être une des photos dans la maison, histoire de faire un peu de déco.
Une quinzaine de minutes plus tard, nous arrivons à Roussillon, petits village de 1200 habitants. De par sa situation géographique (au cœur du plus grand gisement d'ocre au monde), les alentours sont colorés de teintes inhabituelles, pour le plaisir de nos yeux. Nous nous arrêtons à l'entrée du village pour prendre quelques photos souvenirs.
Prochaine et dernière étape : Goult, à quelques kilomètres de là. On aurait bien aimé visiter le sentier des ocres, mais c'est fermé aujourd'hui. On est férié après tout.
Je me gare devant le portail d'entrée, et pénètre seule dans le cimetière ; ça ne sert à rien qu'il me suive.
- Je garde ta caisse, me lance-t-il.
On ne peut pas dire que ce soit bondé. Il n'y a personne, mise à part moi et une jeune femme rousse (elle doit avoir à peu près le même âge que moi). Elle se recueille, les deux mains liées, devant une tombe au fond du cimetière.
A mon tour, je me mets à rechercher la tombe sur laquelle je vais déposer mon bouquet de roses. Je fais toutes les rangées, sans succès. Alors je me dirige vers la rousse, et trouve enfin ce que je recherche, juste devant elle.
Elle se décale à mon approche et révèle l'inscription gravée sur la pierre.
Ci-gît Ewen Migi
15 août 2004 – 14 juillet 2021
- Sasha ? me lance l'inconnue, visiblement étonnée de me voir ici.
- Et vous êtes ?
- Lily.
Ça me revient maintenant... Lily. Une amie d'Ewen, elle était venue manger à la maison la veille de son décès. La stagiaire d'avant mon arrivée au CDI du lycée.
- Un an déjà, soupiré-je en posant mon bouquet devant la tombe. Il était jeune.
- Beaucoup trop jeune, me corrige-t-elle sèchement.
J'observe ses magnifiques yeux verts pointés sur moi. J'y aperçois une lueur de haine, mêlée de défi. Un regard accusateur.
Serait-elle au courant ? Non voyons, c'est impossible...
- C'est pour quand ? change-t-elle de sujet en observant mon ventre.
Je le regarde à mon tour, il commence à peine à grossir.
- Pas pour tout de suite ! Lancé-je en pouffant. Ça ne fait que deux mois. Je suis même étonnée que vous ayez remarqué.
- J'ai l'œil pour ça.
- Vous êtes pédiatre ?
- Ecrivaine.
Bizarre...
- Vous l'appellerez comment ? Me demande-t-elle.
- Eh bien... Steven si c'est un garçon, et Séréna si c'est une fille ! Enfin, on n'est pas encore tout à fait d'accord avec le père.
- Je vois, rie-t-elle. Enfin, vous avez encore largement le temps.
- Oui... soupiré-je.
Je regarde ma montre.
- Il va falloir que je parte, désolée. En tout cas, un énorme merci de venir voir Ewen.
- C'est normal, répond-elle. Il était mon ami après tout.
Et je repars.
Quentin, le père de mon enfant, m'embrasse quand je rentre dans la voiture.
- Karen vient d'appeler, m'annonce-t-il.
- Une nouvelle mission ?
- Tout à fait.
Je songe au boulot qui m'attend à la maison.
Les Astrea Messengers reprennent du service...
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