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CHAPITRE 15 Ce(ux) qui reste(ent)

"Putain de merde".

C'est la phrase qui m'a accueillie quand j'ai ouvert la porte de la voiture de Karen. La chef des Astrea Messengers était venue me récupérer de mon rendez-vous avec Quentin, étant donné que Leila et Ewen étaient en Italie.

Sans plus d'explication, Karen avait démarré et nous partions en direction de Nice. Et nous voilà maintenant devant les urgences.

Dans l'entrée, un nombre fou de personnes fourmillent ; des infirmiers, des pompiers, des hommes, des femmes, des blessés. Certains pleurent, de joie, les « chanceux ». Les autres pleurent de tristesse, ceux qui n'auront pas la chance de voir les personnes à qui ils tiennent comme avant. Comme avant la découverte de la tumeur, avant la chute, avant l'agression... Avant l'accident de la circulation.

C'est dur de se dire qu'on fait partie de ces gens quand, il y a quelques minutes encore, on se sentait bien dans les bras de l'être aimé. Maintenant, la seule chose que je ressens, c'est de l'angoisse.

- Karen Migi, lance-t-elle à la fille de l'accueil. Vous m'avez appelé il y a vingt minutes, je suis la mère de Leila Migi, et la tante d'Ewen.

- Un instant s'il vous plaît.

La jeune femme prend quelques secondes qui paraissent durer une éternité pour taper sur son clavier, et répond enfin.

- Chambres 53 et 54. En soin intensif.

Je me passerai bien du « soin intensif ». C'est une dénomination qui apporte l'angoisse, si on ne l'avait pas déjà avant.

- Vous ne pourrez pas rentrer, continue-t-elle. Mais quelqu'un viendra s'occuper de vous.

Encore une mauvaise nouvelle, en somme.

- Et elle, c'est qui ? demande la secrétaire à mon égard.

- Une amie, je réponds.

- Il me faut votre nom, c'est pour la sécurité.

- Sasha Lumen.

- Merci.

Le bâtiment est assez grand, mais il faut avouer que c'est plutôt bien indiqué. Et puis, il suffit de suivre les brancards pour arriver en soin intensif...

Un homme ensanglanté –malgré tous ses bandages-, passe à côté de nous telle une voiture de course, poussé par deux jeunes ambulanciers.

- Il va pas tenir bien longtemps si on se dépêche pas, balance un des deux.

Je frissonne. Et si c'était exactement ce qu'avaient dit d'autres ambulanciers à propos de Leila et Ewen ?

Et l'angoisse revient encore une fois.

22, 23, 24... Les numéros de chambres défilent à toute vitesse, mais j'ai l'impression que l'on n'arrivera jamais auprès de Leila et d'Ewen. Peut-être que je n'en ai pas envie, en fait ? Que je ne veux pas savoir ce qui leur est arrivé, ne pas risquer de les retrouver morts, tous les deux.

50, 51, 52... J'ai l'impression que je vais rendre, tellement les émotions qui s'emparent de moi sont violentes.

53. Karen et moi nous arrêtons devant la porte. On ne peut pas rentrer, mais on peut toujours observer ce qu'il se passe à l'intérieur, depuis la vitre de la chambre. Mais on n'en a pas envie, ça se comprend non ? Pourtant, je prends mon courage à deux mains et viens me glisser devant la paroi de verre, vite imitée par Karen.

C'est Leila. Cinq ou six personnes s'activent autour d'elle. Un homme assez musclé tient un défibrillateur, pendant qu'un autre pose sa tête auprès de celle de mon amie, probablement pour écouter sa respiration. Ou l'absence de respiration. Des infirmières pansent ses blessures aux jambes et aux bras, pendant qu'une autre s'occupe de celle –beaucoup plus importante- sur l'abdomen.

Nous observons impuissantes, mais fascinées, ce spectacle morbide qui nous est offert. Une infirmière, restée à l'écart jusque-là, finit par nous remarquer, et vient fermer le rideau avec un regard compatissant. La représentation est terminée, merci pour votre attention, mesdames et messieurs !

Nous nous regardons un petit moment, Karen et moi, puis nous nous retournons. La chambre 54 est juste en face. Elle prend une grande inspiration, essuie les larmes qui coulent sur ses joues, me prend la main, puis nous avançons.

Au début, j'ai l'impression qu'il est mort.

Il est allongé là, les bras le long du corps, les yeux clos, le visage inexpressif. On dirait vraiment qu'il est prêt à être enterré. Sa seule trace de blessure se situe sur son bras gauche, où l'on voit un bandage ensanglanté. Il a quelques électrodes posées sur le torse, et un masque relié à une grosse machine.

Je vois que je ne suis pas le seul à avoir l'impression qu'il est décédé quand Karen resserre son étreinte sur ma main. Heureusement, je remarque rapidement que son rythme cardiaque est retranscrit sur l'écran à côté du lit.

Il est en vie.

Une partie de ma peur s'évanouit en même temps que j'observe l'écran dessiner les battements du cœur d'Ewen. Je sens Karen un peu plus apaisée aussi, même si il est évident qu'elle s'inquiète au moins autant que moi pour Leila.

Une porte s'ouvre et se referme derrière nous. Nous nous regardons, on sait très bien ce qui nous attend dès qu'on se retournera.

- Karen Migi ?

- C'est bien moi, répond-elle à l'homme qui tenait le défibrillateur. Et elle, c'est Sasha Lumen, une amie, vous pouvez nous dire à toutes les deux.

Je retiens ma respiration, tout comme Karen. Si on sait déjà qu'Ewen s'en est sorti, le sort de Leila nous est toujours inconnu. Mais plus pour très longtemps.

Le médecin prend une grande inspiration, essuie la goutte de sueur qui perle sur son front, et commence :

- Votre neveu s'est sorti de l'accident avec peu de blessures. Et encore, toutes superficielles. C'est vraiment un miracle, quand on voit la violence de l'accident. Un bout de verre s'est coincé dans son bras gauche, mais on a pu le retirer assez vite. Il n'aura aucunes séquelles, si ce n'est qu'il ne pourra pas utiliser son bras pendant un petit bout de temps. Ça a été plus compliqué pour votre fille...

Mon cœur semble fonctionner à deux-cent à l'heure, je suis persuadée que tout l'hôpital doit l'entendre battre.

- Le camion a percuté la voiture de son côté, alors ses blessures étaient beaucoup plus graves.

Abrège, putain ! Je sais que c'est le même discours qu'il répète dans ces situations-là ; un discours qui se veut explicatif, mais rapide, doux, mais définitif. Cependant, tant qu'on n'est pas dans ma situation, on ne peut pas savoir à quel point il est atroce.

- On a fait tout ce qui était en notre pouvoir pour la sauver mais...

Nous sommes accrochées à ses lèvres. Comme si une autre fin était possible, comme si Leila s'était réveillée au dernier moment, en criant : « Je vous ai bien eu, pas vrai ? ».

- Nous n'avons pas pu la sauver.

Karen éclate en larme dans mes bras, et je dois faire un effort monumental pour ne pas m'effondrer.

- Toutes mes condoléances, conclut-il.

Mais évidemment, une fin heureuse qui fait suite à tous ces évènements, ce n'est pas possible.

Après tout, on n'est pas au cinéma, on est dans le monde réel pas vrai ? Et Dieu sait qu'il n'y a pas d' « Happy End » dans la réalité.

*****

Lorsque je m'étais réveillé dans la soirée du 17 février, c'était peut-être la première fois de ma vie que je ne me souvenais pas de ce qu'il s'était passé. Malheureusement, tous les souvenirs me sont revenus en pleine tête aussi rapidement qu'une balle de base-ball, aussi vite que le camion.

Cette après-midi du 17 février, j'avais vécu l'enfer, encore une fois. Je me souviens encore du bruit de l'impact, un craquement sourd, des tonneaux que la voiture a fait avant de s'immobiliser, de la douleur dans mon bras gauche, et puis... plus rien, jusqu'à mon réveil dans la chambre 54.

J'étais seul dans la pièce plongée dans le silence, hormis le bip-bip répétitif de l'électrocardiogramme. C'était calme autour de moi, mais à l'intérieur, c'était pire qu'un champ de bataille. L'incompréhension et la peur y régnaient en maîtres. Pourquoi est-ce que les freins avaient lâchés bon sang ? Et Leila, putain ? Qu'est-ce qui lui était arrivée ? Est-ce qu'elle était en vie, au moins ? Je m'étais demandé pourquoi le sort s'acharnait sur moi, pourquoi, en plus de mes parents, il fallait encore que je perde un autre membre de ma famille. Je m'étais dit que c'était peut-être une sorte de punition divine, histoire de me rappeler qu'à force de venger les victimes, on devient peu à peu le tueur à son tour.

Comme au bout de quinze, vingt minutes peut-être, personne ne s'était décidé à rentrer dans la chambre, j'avais décidé que ce serait moi qui bougerais. Alors j'avais arraché le masque de mon visage –ce qui avait déclenché une légère alarme- et m'étais levé à l'aide de mon bras gauche. Mais solliciter mon bras endommagé m'avait arraché un cri de douleur et de surprise, et au final, je n'avais même pas eu besoin de sortir pour croiser quelqu'un.

D'abord, l'infirmière était venue vérifier que j'allais bien, et m'avais aidé à me rallonger, en m'expliquant qu'il fallait que je me ménage. Karen s'était ensuite jetée (littéralement) sur moi en pleurant. C'était la première fois que je la voyais ainsi. Même à l'enterrement de mes parents, elle n'avait versé aucune larme. Après m'avoir relâché et expliqué que j'allais encore subir quelques examens pour être sûr que je pouvais sortir sans problèmes, elle avait laissé sa place à Sasha. Cette dernière m'avait étreint sans retenu, c'est tout juste si elle avait fait attention à ne pas écraser mon bras.

Jusque-là, je me sentais plutôt bien, mais bien sûr, il fallait que je pose la question qui allait tout faire basculer :

- Où est Leila ?

Samedi 20 février 2021, Sainte Aimée, premier jour des vacances d'Hiver de l'année scolaire 2020-2021. Enterrement de Leila Migi.

Jusqu'à aujourd'hui, j'ai réussi à ne verser aucune larme, mais ça ne vas pas durer, je ne me fais pas d'illusion. Comme tout jour d'enterrement qui se respecte, il pleut. Evidemment. Je me croirais presque dans un film dramatique pourri, qui se sent obligé de faire rugir le tonnerre pour faire ressentir au spectateur une quelconque émotion. Enfin en tout cas, ça fonctionne, comme en témoignent les yeux rouges de Karen, assise à côté de moi dans l'église.

Le prêtre récite son texte tout prêt depuis tout à l'heure, en remplaçant simplement le vide laissé parfois sur sa feuille par « Leila Migi ». Au lieu d'écouter ce discours aussi digne d'intérêt que la vie d'un cafard dans un restaurant, je préfère observer le décor.

L'église est relativement petite, en même temps, nous ne sommes que quatre (cinq si on compte Leila dans le cercueil) dans le bâtiment ; le prêtre, Sasha, Karen et moi. Je me demande s'il a déjà vu aussi peu de personne pour un enterrement. Bien sûr, il y a les croque-morts, dehors, qui attendent la fin du récit de « mon père » pour pouvoir transporter ma cousine jusqu'au cimetière, mais ils ne comptent pas vraiment.

C'est comme ça quand on est un Astrea Messengers.

Cette pensée m'emmène à me demander ce qu'il reste de nous, à la fin, quand on meurt. Pour les touristes, Leila était une jeune femme conduisant une magnifique Cadillac Eldorado 1970. Pour les élèves du lycée, une jeune femme conduisant une magnifique Cadillac Eldorado 1970 qui venait chercher son cousin au lycée. Pour le proviseur et ma prof principale, une jeune femme conduisant une magnifique Cadillac Eldorado 1970 qui venait chercher son cousin au lycée, et qui était le deuxième responsable légal de ce dernier.

Pas grand-chose, en définitive.

Mais pour nous, elle était bien plus que ça. Pour Sasha, une amie qui l'a formée, aidée à accomplir ses objectifs, et qu'elle n'aura pas connue assez longtemps. Pour Karen, elle était sa fille, sa vie. Pour moi, elle était ma cousine, non, même ma sœur. Elle m'a aidée à grandir, et m'a fait découvrir un tas de chose. Elle a été ma première amie, et la seule pour un bon moment. Une partie de chacun de nous est morte en même temps qu'elle.

Le prêtre a enfin fini son speech, et nous nous dirigeons maintenant vers le cimetière de Vence, à la suite du corbillard. Alors que le paysage défile, je me remémore l'histoire de Leila, de peur qu'elle sombre dans les profondeurs de l'oubli, comme son corps le fera dans quelques minutes.

Karen l'a rencontré en mission, peu avant que je ne vienne vivre avec elle. Elle devait éliminer ses parents, un couple de hacker finlandais installés en France depuis peu. En temps normal, ma tante aurait laissé les services sociaux se débrouiller de Leila, mais il s'est avéré qu'elle avait des talents pouvant être utile pour les Astrea Messengers. En plus de savoir se défendre, ses parents lui avaient enseigné ce qu'ils savaient, et ça, c'était exactement ce qu'il fallait à ma tante.

Elle l'a donc adopté, à la base pour le travail, mais un véritable amour maternel s'est développé au fil des ans. Ça ferait neuve ans en août.

Dans le cimetière, le cercueil de Leila est ouvert. Ce sera la dernière fois qu'on la verra « en vrai ». Karen s'avance la première, une rose rouge à la main, qu'elle vient déposer sur la poitrine de sa fille. Je m'approche ensuite, et pose ma rose noir auprès de son visage. Ça semble morbide, je sais, mais le rouge et le noir sont ses couleurs préférées. Avec le blanc, que Sasha apporte de l'autre côté du visage de son amie.

Elle est vraiment belle comme ça. Elle porte une robe de soie noire magnifique, accompagnée d'un serre-tête assorti, illuminant ses cheveux blonds. De longs gants, noirs également, longent ses bras, technique discrète pour camoufler les dégâts de l'accident. Ses jambes aussi sont couvertes de collant, toujours pour cacher les blessures, tandis que celle de l'abdomen reste invisible grâce à la robe.

C'était celle-là, la plus grave. C'est à cause d'elle qu'elle a perdu tant de sang. A cause d'elle qu'elle est morte. Enfin, c'est, de base, à cause du camion. S'il ne nous avait pas percutés, tout ceci ne serait jamais arrivé. Mais c'est juste une excuse, bien sûr. Le chauffeur, ni son engin n'y sont réellement pour quelque chose. Ce n'est pas leur faute si les freins ont lâchés après tout. La voiture est vieille, « ce sont des choses qui arrivent » avait conclu l'expert ayant cherché des traces de malfaçons d'origine criminelle. Et « on n'y pouvait rien ». Il avait même dit que c'était un miracle que ça n'arrive que maintenant.

Je t'en fouterai des miracles.

Je manque de tomber quand je vois Leila s'enfoncer petit à petit sous terre. Karen, à ma gauche, et Sasha à droite me rattrapent en enroulant leurs bras autour de mon cou. Un des croque-morts referme le cercueil, et nous admirons pour la dernière fois le magnifique sourire de notre ami, de notre cousine, de notre fille. Enfin, les larmes sortent.

Puis nous faisons demi-tour, et laissons les hommes recouvrir le cercueil de terre.

Nous n'échangeons aucun mot sur le chemin du retour. Qu'est-ce qu'on pourrait bien se dire ? En fait, j'ai toujours cru que ça faisait mal de mourir, mais au final, je me rends compte que c'est plus dur de rester en vie quand les personnes à qui on tient meurent. Je me retrouve du côté des familles de ceux que j'ai tués.

Du côté de ceux qui restent.

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