Chapitre 20
Astia n'en revenait pas...Une multitude de questions tournaient dans sa tête. Pourquoi se faire passer pour une humaine toutes ces années? Et surtout pourquoi l'avoir envoyée ici, sans rien lui dire ?
Mais il y avait bien pire... pourquoi avoir abandonné son unique enfant ?
Si Helvius l'apprenait, il ne s'en remettrait jamais.
Altir remarqua l'air désemparé de la jeune fille.
— Je connaissais bien Marielle, de son vrai nom. Jamais, elle n'aurait abandonné son enfant sans raison et d'une manière ou d'une autre, vous êtes liée à ce secret.
— Helvius doit savoir la vérité...
L'ancien conseiller s'enfonça dans son siège.
— Je vous le déconseille. Ce serait de la torture psychologique pour lui, de savoir que sa mère qu'il pleure depuis tant d'années, l'a en fait délibérément abandonné et qu'elle est maintenant bloquée sur Terre... Il a besoin de se raccrocher à quelque chose, de connaître les raisons qui l'ont poussées à faire ça.
Astia ne put s'empêcher de mordiller son ongle nerveusement.
— Mariana, heu Marielle, comme vous l'appelez, travaillait sur quoi avant de disparaître ?
— Elle étudiait, comme nous, les liens possibles entre nos deux mondes. Elle pensait qu'ils étaient liés, tel deux mondes jumeaux. Que ce qui se passait dans l'un, se répercutait en parallèle dans l'autre. Privé de pendentif après la destruction de l'arbre sacré, nous n'avons jamais pu tester cette hypothèse.
— Mais quel rapport avec moi ?
Altir hésita un très court instant, fixant attentivement la jeune fille puis détourna le regard en haussant les épaules.
— Aucun a priori, mais il doit pourtant en avoir un ! Ce que je sais, c'est que les anomalies sont apparues il y a bien longtemps, mais elles ont augmenté de façon exponentielle à la chute de l'arbre sacré, garant selon nos croyances, de l'équilibre de notre monde et de la magie.
Astia le dévisagea, incrédule.
— Vous, un scientifique, vous pensez réellement qu'un simple arbre puisse garantir l'équilibre d'un monde ?
Altir sourit.
— J'ai longtemps été sceptique, tout comme vous, mais force est de constater, que depuis sa disparition, Imia plonge dans le chaos. Les anomalies ne cessent de se multiplier et d'être de plus en plus dangereuses. Une autre chose est troublante, selon moi. Depuis que vous êtes chez nous, combien en avez-vous vu ?
La jeune fille réfléchit quelques secondes, ne comprenant pas où il voulait en venir.
— Une en arrivant, pourquoi ?
— Normalement, nous en avons une pratiquement tous les jours. Et là, rien, pas une depuis que vous êtes parmi nous ! Vous ne trouvez pas cela déroutant ?
Astia le dévisageait, cherchant à savoir s'il se moquait d'elle. Mais non, curieusement, il avait l'air sincère et sûr de lui.
Insinuait-il qu'elle stabilisait Imia par sa seule présence ? Cela n'avait aucun sens. Comment une seule personne pourrait-elle influer sur un monde entier ? Il était fou...
— Vous devriez chercher par là. Peut-être l'Atchmi Sucua vous aiderait-elle ?
Astia retint difficilement ses larmes. Elle avait placé tant d'espoir dans cet entretien. Pour rien...
Toujours aucun moyen de retourner chez elle et maintenant il fallait qu'elle dise à Helvius qu'il avait été abandonné...S'il venait à l'apprendre par lui-même, il y a fort à parier qu'il ne lui pardonnerait pas de n'avoir rien dit... Elle-même serait incapable de pardonner cela. Mais d'un autre côté, elle répugnait à lui avouer la vérité, il avait déjà tant souffert. Il était heureux maintenant, il avait une nouvelle famille. Cela risquait de le briser irrémédiablement...
Elle se releva en prenant appui sur la chaise et sortit sans rien dire.
* * *
Helvius l'attendait un peu plus loin, au cœur de la Dourna.
Les travaux de reconstruction avaient bien avancé pendant la convalescence d'Astia et d'Irfric. Seules les traces de fumée noire et une légère odeur de brûlé attestaient de la violence de la bataille qui s'était déroulée ici quelques jours plus tôt.
Astia frissonna en contemplant la cuisine.
Les cris abominables d'Irfric et l'odeur atroce de la chair brûlée s'imposèrent à elle.
La nausée la fit vaciller.
— Ça va ? s'inquiéta son ami en lui prenant le bras. Rentrons.
Astia, toujours mal, ne prit pas le temps de saluer Sirria et Osma, occupées à ranger des affaires, et s'affala le plus rapidement possible sur une chaise.
Les deux femmes questionnèrent d'un regard appuyé Helvius. Ce dernier haussa les épaules.
— Irfric a repris connaissance ? questionna Astia en relevant la tête.
— Oui, sourit Sirria, justement, nous venons à peine de le quitter, il dormait. Il a besoin de récupérer.
Osma posa la main sur celle de la jeune Terrienne.
— Qu'a donné ton entretien avec Altir ?
Astia mal à l'aise, n'osa pas regarder Helvius dans les yeux.
— Rien de bien passionnant malheureusement. Il certifie n'être pour rien dans ma venue et selon lui, il n'existe plus de pendentif de transport.
— Toi qui attendais tant de cette rencontre, tu dois être cruellement déçue. Je suis désolé, dit Helvius en se rapprochant.
Astia se raidit à son contact. Le jeune homme, étonné, la fixa.
— Désolée, je ne me sens pas très bien, prétexta-t-elle en fixant la table.
Seule Osma remarqua l'attitude étrange de la jeune fille. Elle fronça les sourcils mais ne fit aucun commentaire.
— T'a-t-il dit s'il connaissait la femme qui t'a donné le médaillon ?
Astia s'empourpra. Elle aurait voulu disparaître sous la table.
— Apparemment, une voyageuse qu'il pensait disparue énonça-t-elle le plus calmement possible. Mais il ignore pourquoi elle m'aurait envoyé ici. La seule chose qu'il m'a conseillée, c'est d'aller voir Sucua.
— Il n'a sans doute pas tort reconnu Osma, Elle possède nombre de connaissances sur notre monde et son fonctionnement. Qu'en penses-tu, ma fille ?
Sirria, nerveuse, croqua dans un gâteau.
— Avec de la chance... Mais le voyage est long et dangereux. Il n'est déjà pas aisé en temps normal alors...
La gardienne, regarda Astia, sans oser en dire davantage.
— En boitant, vous voulez dire ? enchaîna la jeune fille. Je dois y aller, je n'ai pas le choix. En marchant doucement, je peux y arriver. Faites-moi confiance.
Helvius la fixa d'un air sombre.
— Tu dois être consciente qu'il nous faudra plusieurs jours de marche pour y arriver. Dans un pays en guerre, c'est ta vie que tu risques. Sans compter qu'il n'y a aucune garantie que l'Atchmi puisse t'aider.
— J'en suis consciente mais je dois essayer, assura Astia. Tu...tu m'accompagnes ? hésita-t-elle à demander, soudain anxieuse.
Le jeune homme la regarda tendrement.
— Tu croyais être la seule à vouloir échapper aux cours de Mme Saulti ? répliqua-t-il avec un large sourire.
Sirria se leva prestement.
— Dans ce cas, vous allez devoir préparer des paquetages ! conseilla-t-elle. Helvius, accompagne-moi aux réserves, voir ce que l'on peut vous préparer.
Le jeune homme se leva et suivit sa mère sans traîner, laissant Astia avec Osma.
La vieille dame regarda la jeune fille intensément.
— Loin de moi l'idée de m'occuper de choses qui ne me concernent pas mon enfant, mais j'ai remarqué ton trouble tout à l'heure quand tu as évoqué la discussion avec Altir. Et Helvius aussi a trouvé ton attitude étrange. Mon petit-fils tient beaucoup à toi Astia. Il ne lui faudra pas longtemps pour comprendre que quelque chose cloche.
Astia se figea, sans prononcer le moindre son puis baissa les yeux, honteuse.
— Je tiens beaucoup à lui aussi. Je ne veux pas le faire souffrir.
La vielle femme posa son regard doux dans le sien.
— Qu'arrivera-t-il s'il apprend autrement ce que tu lui caches ?
La jeune fille déglutit nerveusement, et fixa la vieille femme sans répondre.
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