Chapitre 15
Des voix tirèrent Astia de son sommeil, bien plus tôt qu'elle ne l'aurait souhaité. Elle songea un instant à les ignorer et à mettre son oreiller sur la tête, puis se ravisa en soupirant. Elle ouvrit les yeux, toujours blottie dans la chaleur de son lit douillet. Après quatre jours supplémentaires de convalescence, la jeune fille se sentait en pleine forme.
Curieusement, après tous les défis difficiles qu'elle avait dû surmonter ces derniers jours, elle n'avait jamais pensé devoir relever celui-là, à croire que quelqu'un s'évertuait à transformer sa vie en cauchemar, l'obligeant à revivre l'un des pires moments de sa vie : son premier jour d'école. Elle ressentit soudain la même appréhension qui lui avait tiraillé les entrailles ce fameux jour de rentrée.
Assis de dos autour de la petite table, Helvius, habillé de la toge rouge des Artémos, discutait, en dégustant les bons petits pains chauds et des fruits roses.
— Alors, comment Mme Bauvard a réagi ? demanda-t-il avec curiosité à sa mère. Parce qu'hier, quand elle nous l'a annoncé, en début de cours, elle paraissait bien contrariée, ajouta-t-il, visiblement enchanté.
— À vrai dire, admit Sirria tout bas, j'ai dû faire intervenir la conseillère Isil, apparemment une partie importante des parents étaient contre cette idée.
Entendant Astia se lever, les trois convives suspendirent leur conversation et Helvius pivota sur sa chaise pour la saluer.
— Prête pour ton premier jour ?
La jeune fille réprima l'envie de s'enfouir sous sa couverture mais la grimace de son visage fut assez éloquente.
— Je vois que tu es ravie ! ironisa son ami en lui lançant un clin d'œil.
Les deux jeunes gens se regardèrent d'un air complice, un sourire au coin des lèvres.
— Si on veut, je n'ai pas que de bons souvenirs de l'école... Espérons qu'ici les choses seront différentes déclara-t-elle sans trop y croire.
Sirria, qui s'était levée pour prendre un verre contenant un liquide violet, la tendit à la jeune terrienne, en l'invitant à se joindre à eux.
— Goute moi cela, tu seras de meilleure humeur après ! Le jus de cette plante est un régal !
Astia, docile, porta le verre à ses lèvres, un succulent goût de bonbon et de fraise envahit son palais.
— Tu as raison, simplement fantastique !
Helvius la regarda s'évertuer à boire les dernières gouttes au fond du verre.
—Du jus de délicieuse !
—Des nouvelles de nos recherches secrètes ? demanda la jeune fille en mordant dans un étrange beignet rose au puissant goût de chocolat.
Osma secoua la tête.
— Rien pour l'instant. Irfric est allé faire une petite ronde, étant donné qu'il ne pourra pas t'accompagner à tes cours. Il viendra cependant vous chercher à la sortie. Helvius devra se charger de ta protection durant les heures d'école, bien que je doute que tu aies vraiment besoin d'aide pour cela. Cette mission-là ne devrait pas être trop contraignante, non ? ajouta-t-elle malicieusement en regardant son petit-fils.
Le jeune homme fronça les sourcils, jetant un regard discret à sa mère qui pouffa de rire. Regardant la jeune fille, il esquissa un sourire maladroit en rougissant.
— J'en ai peut-être trop dit, suggéra Osma, un large sourire aux lèvres, en voyant Astia s'empourprer à son tour et boire son cali en fixant la table.
— J'espère que tu n'appréhendes pas trop l'accueil ? s'inquiéta Sirria pour rompre le silence gêné qui était en train de s'installer.
— Un peu, si, confia la jeune Terrienne en jouant avec des miettes de son petit pain. Je n'ai aucune idée de ce que je dois faire ou ne pas faire, ni en quoi consiste votre école. Ça ne doit sûrement pas être comme chez moi.
— Ne t'inquiète pas, Helvius t'expliquera tout ce que tu dois savoir. Et puis maintenant, tu connais les Artémos.
Voyant la mine déconfite d'Astia, Osma la regarda d'un air bienveillant :
— Aie confiance, tu vas y arriver assura-t-elle.
— Merci, c'est gentil mais...c'est juste que j'ai l'impression de m'intégrer de plus en plus et...
— Tu as l'impression de t'éloigner de ton monde ? murmura Sirria doucement.
Astia posa ses grands yeux tristes sur la gardienne.
— Croyez-vous réellement que j'ai une chance de rentrer chez moi ? Plus le temps passe, plus le doute... Mes parents doivent être fous d'inquiétude.
Sirria, soudain silencieuse, prit une profonde inspiration.
— Je n'ose imaginer ce que tu dois ressentir, loin de tout ce qui t'est familier et des gens que tu aimes. Je n'ai pas envie de te mentir... je ne sais pas comment te renvoyer chez toi, ni si un tel moyen existe... Mais je te promets que nous ferons le maximum.
Des larmes brouillèrent la vue de la jeune fille.
— Pour l'instant, tu dois apprendre à survivre dans notre monde. Et pour cela, le contrôle de tes pouvoirs est primordial. Peut-être la clef de ton retour, qui sait ? avança la grand-mère. Vous devriez y aller, nous en reparlerons ce soir. N'oublie pas d'enfiler ton uniforme, lui rappela-t-elle, en lui tendant sa toge.
Helvius était déjà debout et après un rapide signe de la main, il sortit suivi de près par Astia, un petit pain dans les mains.
— Excuse-moi encore pour ce que je t'ai dit avant la cérémonie déclara-t-elle en se mettant à sa hauteur. C'est un peu tard je sais mais...
Faisant une pause, il pivota vers elle, le visage serein :
— Ce n'est rien... Je comprends plus que tu ne le crois ton sentiment de solitude. N'en parlons plus. Je suis content que cela se soit arrangé entre nous. Tu m'as manqué avoua-t-il en plongeant son regard dans le sien. Allez, viens ! Tu ne voudrais pas être en retard pour ton premier cours ! enchaina-t-il en l'entraînant dans la succession de couloir.
Ils longèrent un nombre si impressionnant de coursives et d'escaliers, qu'Astia fut rapidement incapable de dire où ils étaient. Ils arrivèrent enfin devant une monumentale porte de bois rose, sur laquelle était sculpté l'arbre sacré.
— Nous sommes arrivés, se réjouit le jeune homme en saisissant la poignée de métal doré. Tu verras, tu risques d'être un peu désorientée..... L'ensemble de l'établissement a été construit il y a des siècles grâce à un charme très puissant, l'intérieur est bien plus vaste que ce que l'entrée laisse présager. Je te laisse apprécier par toi-même, indiqua-t-il mystérieusement, en la laissant passer devant lui.
Ils se retrouvèrent dans une imposante salle voûtée en pierre, comme il en existait une multitude dans la forteresse. Une dame aux cheveux vert pale tressés en couronne se tenait non loin de l'entrée. L'air sévère, elle portait une longue robe grise, un livre à la main, et semblait les attendre, visiblement contrariée.
— Helvius, c'est à cette heure que vous arrivez ?
Plissant fortement les yeux, elle fixa le jeune homme qui dissimulait difficilement son amusement, puis pivota vers Astia, la scrutant des pieds à la tête, d'un air supérieur.
— Que cela ne se reproduise pas, jeune fille ! Je suis Mme Bauvard, la directrice de cet établissement, et la ponctualité est ici la règle. Rejoignez vite votre cours.
— Excusez-moi bégaya la jeune fille en inclinant respectueusement la tête.
Helvius lui saisit la main et l'entraîna rapidement dans le dédale des couloirs.
— On ne court pas ! cria la directrice, provoquant leur hilarité.
Etrangement la fin du couloir se terminait en une pièce circulaire entièrement vide, ne comportant que quatre portes rouges identiques. Deux fillettes de sept ou huit ans allaient franchir l'un des seuils.
— Alors les crevettes, toujours en retard ? s'écria Helvius taquin.
Les deux enfants se retournèrent d'un bloc en sursautant.
— Helvius ! Tu nous as fait peur s'écria la plus jeune.
— Astia, je te présente les petites sœurs d'Irfric, Thalis et Taris.
Les deux fillettes la dévisagèrent, émerveillées.
— Tu es l'étrangère dont s'occupe notre frère ? C'est vrai que tu as plein de pouvoirs bizarres ? questionna l'une d'elles.
— Et que tes oreilles sont rondes ? enchaîna l'autre en essayant d'entrevoir sous les cheveux d'Astia.
Astia, attendrie, les regarda en souriant.
— Plus tard le questionnaire, ou on va tous devoir nettoyer le refuge ! assura Helvius soucieux.
À ces mots, les fillettes affichèrent une moue dégoûtée et disparurent par leur porte, avec un rapide geste de la main.
Astia, ne répondit rien mais comprit qu'elle avait intérêt à faire tout ce qui était en son pouvoir pour éviter cette corvée dégoûtante. Elle suivit Helvius, qui ouvrit la première porte.
Ils franchirent le seuil d'un saut.
À l'instant où ils traversèrent la porte, Astia fut saisie d'un vertige et tomba à genoux. Sa vision se troubla. Elle crut qu'elle allait vomir. Une sorte d'éclipsage, encore !
— Souffle doucement, cela va passer conseilla son ami en souriant. Tu t'en sors bien. La première fois, je suis tombé dans les pommes devant tout le monde. La honte ! Regarde, alors impressionnée ?
Se sentant un peu mieux, la jeune fille s'agrippa au jeune homme, et se redressa doucement : ils se trouvaient maintenant au cœur d'une immense jungle tropicale semblable au refuge, l'air chaud et humide les envahit instantanément, s'infiltra dans les pores de leur peau. Les cris de nombreux animaux résonnaient autour d'eux : elle reconnut aisément les cris des singes Semnos et le hurlement d'un Lupar mais d'autres créatures lui étaient totalement inconnues. En contrebas du sentier où ils se trouvaient, Astia arriva à discerner, au loin, à travers le feuillage dense des arbres, deux magnifiques cascades hautes de plusieurs dizaines de mètres.
La jeune fille impressionnée, se retourna et fut rassurée : la porte, qui leur avait permis d'entrer dans ce monde fantastique, flottait toujours, à demi ouverte, à quelques centimètres du sol.
— Fabuleux, hein ? Cette porte nous permet d'accéder directement au refuge, mais dans un secteur différent.
— Il existe d'autres portes comme celle-là ?
— Oui, nous en avons créé plusieurs. C'est un gain de temps considérable.
— C'est incroyable ! admira la jeune fille en regardant les montants flotter dans la pièce.
Le spectacle était tellement magique que la jeune fille n'avait pas remarqué, qu'à une centaine de mètres, les Artémos et un homme très mince, assis par terre, les observaient avec insistance.
— C'est le professeur de défense murmura-t-il. C'est un bon prof mais il n'est pas... très sympathique. Viens vite, ils nous attendent.
Astia se mordit l'ongle.
Même en connaissant les Artémos, le stress ressenti durant toutes ses années d'école remonta instantanément à la surface. L'homme, habillé d'une toge verte, se leva à leur arrivée et les invita à s'asseoir parmi le groupe d'étudiants. Deux places côte à côte étaient libres, au grand soulagement de la jeune fille. Jetant un coup d'œil rapide, Astia fit un signe discret à Pétra et Marius qui lui souriaient. Des visages amicaux, enfin !
— Comme vous le savez tous, voici Astia, de la Terre. Après le spectacle dont elle nous a gratifiés à la cérémonie du Don, déclara-t-il d'un ton méprisant, le conseil a décidé en urgence qu'il était temps de lui inculquer la base de la magie. Elle participera donc quelque temps à votre formation en ne provoquant, je l'espère, aucun nouvel accident décréta-t-il en la fixant d'un air dur. Je suis le professeur Thalion.
La jeune fille se crispa, d'autant plus que tous les regards étaient maintenant tournés vers elle. Elle esquissa un timide sourire avant de s'adresser, hésitante, au groupe :
— Bonjour, merci... de m'accueillir arriva-t-elle difficilement à prononcer en devenant rouge tomate.
La plupart des Artémos semblèrent heureux de la revoir et la saluèrent d'un geste de la main ou d'un sourire. Seul Artos et sa bande la regardèrent avec animosité.
— Allez, un peu de concentration, les jeunes ! rappela à l'ordre M. Thalion. Nous étions en train de revoir les vœux d'affectations pour cette année rappela-t-il à l'attention des deux retardataires.
Donnant un léger coup de coude à Helvius, Astia allait lui parler mais le regard sévère du professeur, fronçant des sourcils, l'en dissuada.
— Alors Helvius, tu es le dernier. As-tu enfin pris une décision ? questionna le professeur avec une pointe d'énervement dans la voix, en se tournant vers le jeune homme.
Astia comprit, en regardant son ami baisser les yeux, qu'il n'avait pas encore fait son choix et que cela ne plairait pas à son professeur. Le groupe d'élèves hostiles, entourant Artos, ricana doucement.
— Bon, nous verrons ça une autre fois soupira le professeur. Sortons du refuge, direction la salle d'entraînement. Allez !
Les adolescents se levèrent d'un bloc et se dirigèrent vers la porte. Astia remarqua le regard dédaigneux qu'Artos leur jeta en passant.
— Pourquoi réagissent-ils comme ça avec toi ?
Helvius, tendu, fixa le sol.
— Laisse tomber, c'est compliqué, je t'expliquerai plus tard.
Marius et Pétra arrivèrent à leur niveau. Pétra, heureuse, serra son amie dans ses bras.
— Alors comme ça, tu nous rejoins vraiment ?
— Et oui, vous ne pouvez plus vous passer de moi apparemment ! répliqua Astia ravie de cet accueil.
— Bienvenue en prison alors ! lâcha Marius la regardant droit dans les yeux, en souriant légèrement.
Astia se demanda s'il pensait réellement ce qu'il venait de dire. Malgré une esquisse de sourire, elle crut entrevoir autre chose dans ses yeux : une réalité difficilement avouable. Il n'avait pas tort. Cette forteresse était un refuge merveilleux mais malheureusement elle les obligeait aussi à vivre cloîtrés sous terre, loin de tout ce qui avait été jadis leur vie, loin des grands espaces qu'ils chérissaient tant. Compatissante, elle posa sa main sur l'épaule de Marius mais le jeune Artémos, mal à l'aise, s'écarta d'elle et détourna le regard.
Ils retournèrent dans la salle aux portes et empruntèrent cette fois une nouvelle entrée. Astia, prévoyante, se tint à Helvius avant de traverser et fut soulagée de constater à son arrivée, qu'elle supportait de mieux en mieux ces sauts magiques.
Seul un mal de tête se manifesta.
Ils étaient à présent dans une vaste salle, et Astia comprit instantanément ce qu'ils allaient y faire : ils allaient s'exercer au maniement des armes.
Celles-ci recouvraient un pan entier de mur et ressemblaient aux armes du Moyen Âge qu'Astia avait pu admirer dans les musées : des arcs, des flèches, des épées, des masses et d'autres encore dont elle ignorait le nom. Elle se demanda comment elle allait pouvoir donner le change et ne pas se ridiculiser dès son premier jour...
Déjà le sport au lycée était sa hantise alors le maniement d'armes moyenâgeuses...
Une légère panique dut se voir dans ses yeux car Helvius lui toucha gentiment l'épaule pour la rassurer.
— T'inquiète ! Aujourd'hui, c'est un cours de magie.
Astia respira de nouveau librement, soulagée.
Le professeur se mit au centre de la pièce et marmonna une incantation. L'air satisfait, il jeta un regard discret aux deux retardataires.
— Maintenant que vous avez développé le plein potentiel de votre Don, il est important de le maîtriser pour ne pas vous mettre ou mettre quelqu'un en danger. Vous pourriez en avoir besoin lors de la prochaine anomalie par exemple ou malheureusement, lors de combats.
— Je me sens à peine visée ironisa Astia.
— Détrompe-toi, je ne suis pas sûr qu'il pensait à toi déclara Helvius légèrement énervé.
Astia fixa son ami en se demandant ce qu'il voulait bien insinuer puis se rappela la cérémonie et la zone fantôme quand il avait utilisé son Don.
Elle frissonna. C'était la peur... Ils avaient tous peur de lui et de son pouvoir. Voyant son air abattu, elle n'osa pas insister.
Leur professeur se mit au centre de la pièce.
— Chacun votre tour, vous allez essayer de m'attaquer avec votre Don et de percer la barrière magique.
Les élèves, déterminés, commencèrent à se mettre en rang et un à un, ils tentèrent d'attaquer leur professeur.
Astia sursauta lorsqu'un premier garçon lança une puissante colonne de feu de deux mètres de haut. Elle fila à vive allure vers le professeur antipathique mais s'écrasa sur un mur invisible à cinquante centimètres de son objectif.
Le professeur, indemne, épongea néanmoins son front, qui suait à grosses gouttes. Les étudiants se succédèrent régulièrement à un bon rythme, sans parvenir toutefois à détruire le mur de protection.
L'un d'eux se métamorphosa en un griffon fantastique qui fonça à toute vitesse sur son objectif si rapidement... qu'il s'assomma en percutant le mur de protection et déclencha l'hilarité de l'ensemble de ses camarades.
Helvius, pourtant, en retrait des autres, ne sembla pas trouver cela drôle.
— Qu'est-ce que tu as ? Ça va bientôt être à toi, ils sont pratiquement tous passés.
— Non déclara-t-il en reculant, je ne participe pas.
Astia fronça les sourcils, sans comprendre.
— Comment ça, tu ne participes pas ?
Helvius attristé, baissa la tête.
— Mon pouvoir... Tu es bien placée pour le savoir, il est trop dangereux. Je n'ai pas le droit de m'en servir admit-il après un moment d'hésitation.
Artus, triomphant, se tourna vers eux. Il venait tout juste d'affronter la barrière. Les cheveux hérissés du professeur témoignaient de l'efficacité de son attaque électrique.
— A vous, les deux nirwoich' !
Astia ne saisit pas le sens du mot nirwoich' mais au ton utilisé et aux rires des petits camarades d'Artus, elle comprit tout de suite qu'il s'agissait d'une insulte. Elle serra les dents en lui lançant un regard noir. Mais le jeune Imien, loin d'y prêter attention, reprit de plus belle.
—À non, suis-je bête ! Helvius en a l'interdiction et l'autre ne sait même pas comment faire.
— Artos, toujours aussi intelligent, à ce que je vois ! rétorqua la jeune fille.
Elle fusilla le jeune homme du regard et fit un pas vers lui. Elle mourait d'envie de lui rabattre son caquet mais il n'avait pas tort, elle ignorait totalement comment faire.
Helvius sentant son énervement, l'arrêta en lui saisissant fermement le bras.
— Ce n'est rien, laisse, j'ai l'habitude, ignore-le.
— C'est ça, fait ce qu'il te dit l'étrangère. Ignore-moi, sale nirwoich' ! lui conseilla le jeune homme hargneux un faisant un pas menaçant dans leur direction.
S'en fut trop pour elle. La jeune fille sentit l'exaspération l'envahir brusquement. Sa peau fut parcourue de picotements, ses cheveux ondulèrent brusquement au moment où elle fit un léger mouvement avec les mains : une claque invisible balaya le jeune homme qui tomba au sol.
Assommé.
Quelques élèves, pétrifiés de peur, n'osèrent plus bouger et fixèrent Astia avec crainte.
Mais les autres hilares, l'applaudirent et s'approchèrent pour la féliciter.
— Dis donc Helvius ! En plus d'être forte, elle ne se laisse pas faire ! Bravo, Astia ! Pour une fois que quelqu'un s'oppose à lui ! se réjouit Marius.
— Impressionnant ! s'enthousiasma Pétra en exécutant une mini courbette en souriant.
Astia, encore sous le choc, ne réagit pas, regardant ses mains, sans rien dire.
— Ça va Astia ? demanda son amie, préoccupée, en la secouant doucement.
— Heu, oui, je crois.
— Pour un premier jour, c'est réussi ! s'écria Pétra en regardant le professeur se précipiter vers le blessé qui reprenait connaissance.
M. Thalion, soucieux, l'examina avec minutie. Un peu désorienté et blême, l'élève n'avait cependant pas de blessures visibles et réussit à se relever rapidement.
— Flori, pour plus de sûreté, emmène-le à l'infirmerie. Je crois qu'Astia a réussi le test, bravo ! Mais la prochaine fois, contrôle-toi, tu aurais pu lui faire extrêmement mal. Mon cours est fini, vous avez un peu de temps libre avant le prochain cours au refuge.
Le jeune blessé, hargneux, se mit péniblement à marcher, aidé par Flori et un autre de ses amis. Arrivé au niveau d'Astia et d'Helvius, il leur jeta un regard noir. Il était clair qu'il n'allait pas laisser passer ça, songea la jeune fille en le regardant s'éloigner.
La plupart des élèves leur emboîtèrent le pas. Seul Pétra et Marius restèrent.
Helvius, renfrogné, n'avait pas ouvert la bouche depuis l'incident. Astia, honteuse de n'avoir pu se contrôler, ne savait pas quoi dire.
— Je suis désolée, Helvius.
— Tu n'aurais jamais dû faire ça ! Ça ne résoudra rien et cela risque de t'apporter de gros ennuis ainsi qu'à ma mère et à moi.
Astia, blessée par cette repartie amère, le fixa durement.
— Tu aurais aussi pu me remercier ! Je ne voulais pas lui faire mal mais je n'ai pas supporté la façon dont il t'a parlé répliqua-t-elle. Et puis, il me cherche depuis que je suis arrivée. Tu as bien vu son comportement à l'épreuve du Don.
— Je... excuse-moi dit-il doucement en lui touchant l'épaule.
— C'est bon, lâche-moi ! asséna-t-elle en le repoussant.
Pétra et Marius, un peu en retrait, n'osaient prendre part à la discussion. Tous marchèrent en silence vers la porte.
— Vous voulez qu'on aille au refuge pour attendre le prochain cours ? proposa timidement Marius en avançant à leur hauteur.
— Oui, bonne idée rétorqua Helvius. Astia ?
Pétra s'avança vers la jeune fille, qui avait les larmes aux yeux, et lui murmura.
— Ça va lui passer, t'inquiète.
Astia ravala ses larmes naissantes et les suivit à la porte du refuge en prenant garde de rester à bonne distance d'Helvius. Elle lui en voulait et n'avait aucune envie de lui parler pour l'instant.
La petite troupe s'enfonça progressivement dans la forêt, Astia fermant la marche avec Pétra.
— À quoi servent vos vœux d'affectation ? osa-t-elle demander à Pétra sans qu'Helvius ne l'entende.
— Notre formation touche à sa fin. Dans quelques semaines, nous sommes censés travailler. Les vœux déterminent nos affectations professionnelles.
Pétra surprit Astia à surveiller Helvius des yeux.
— Tu as été courageuse tout à l'heure. Artos ne l'a pas volé, tu peux me croire. Ne culpabilise pas.
Astia s'arrêta et rassembla son courage.
— Une partie des élèves se moquent de lui. C'est à cause de sa marque violette ?
Pétra mal à l'aise, fit quelques pas.
— De ça et de son pouvoir. Ils le craignent surtout. Un peu comme ils te craignent, toi. Dans ton monde, vous avez aussi des Dons ?
Astia fixa ses jambes, l'air triste.
— Non, aucun pouvoir. Par contre, nous avons aussi des Artos.
Sa nouvelle amie esquissa un sourire en la fixant.
— Ah ça, je veux bien te croire, les idiots ne manquent pas !
Pétra lui passa le bras sur l'épaule et l'entraina rejoindre les garçons.
Ils se trouvaient à présent en surplombs de la forêt, sur un chemin de terre entouré de végétation. À travers le feuillage, ils pouvaient admirer, en contrebas, sur le versant opposé, les deux superbes cascades qu'Astia avait aperçu le matin. Deux immenses oiseaux noirs les survolaient en décrivant des cercles.
— Quel est le nom de ces oiseaux ? demanda-t-elle, en pointant du doigt le ciel.
Sa nouvelle amie la regardait en souriant, visiblement amusée.
— Tu devrais mieux regarder, ce ne sont pas des oiseaux !
Astia, confuse, plissa les yeux, essayant de mieux discerner les animaux.
— Des chevaux ailés ! Sans rire, vous en avez ?
— Pas vous ?
Astia haussa un sourcil, incrédule en regardant avec admiration les majestueux animaux planer.
— En vrai ? Non, hormis dans nos contes !
Pétra marqua une pause en regardant ses amis.
— Marius, Helvius, ça vous dit que l'on invite Astia au refuge, ce soir ?
Les garçons déjà assis sur les racines immenses d'un arbre à l'écorce orange, se redressèrent d'un bond.
— Elle aimerait voir les créatures fantastiques du refuge enchaîna la jeune Imienne sous le regard ahuri d'Astia qui ne savait plus où se mettre. On pourrait en profiter pour fêter la fin des cours ? Après tout, elle fait partie des nôtres maintenant !
— Excellente idée ! déclara Marius, conquis.
Il regarda Helvius qui soupira.
— D'accord, mais pas comme la dernière fois, je ne tiens pas à être puni deux lunes ! On fait attention à ne pas énerver les animaux.
Il esquissa un timide sourire en regardant Astia. Le visage de cette dernière s'éclaira. Elle se sentit soudain plus légère.
— Allez ! rejoignons le prochain cours, il va commencer, lança Helvius.
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