III
Il crut d'abord qu'il était mort. Plus rien n'existait à ces yeux, rien ne vivaient devant ces yeux. Il n'y avait qu'un brouillard épais, opaque, les arbres disparaissaient derrière la nappe du ciel. C'était comme naître de nouveau depuis le fin fond de la terre. L'air lourd dans ses poumons l'écrasait alors qu'il recrachait sur le sol une épaisse mixture. Ses yeux s'ouvraient à peine, collé. Sa fourrure, trempée, semblait visqueuse, attachée au reste de l'onde, comme si son corps entier était greffé à l'eau. Ses muscles muets ne bougeaient pas. Il resta ainsi longtemps, avant de réussir, ne serait-ce qu'à mouvoir une griffe.
Finalement, il y parvint. Et s'étirant comme il put, peu à peu, il regagna les racines. Il s'extirpa avec difficulté, s'y repris à plusieurs fois, avant d'enfin parvenir à grimper dans la souche des arbres. Il tremblait de partout, avançait pas à pas. Le monde mouvement lui coûtait cher. Il se mouvait ainsi pendant longtemps, avant de parvenir à leur camp. Mais personne. Aucun jaguar ne l'attendait là. Partis. A l'arbre auquel il avait fait un nœud, il ne trouva aucune embarcation. Il ne gisait qu'un collier de perle. Arri n'eut ni la force de crier, ni de pleurer. Il se recroquevilla sur lui-même, seul.
Abandonné de Dieu et de ses semblables au milieu de nulle part, il lui fallut longtemps avant de se relever, neuf. Il plongea de nouveau dans l'eau, rejetant l'idée selon laquelle un jaguar sans barque était mort. Le félin, s'abandonna dans la clairière, se laissant couler jusqu'au fond. S'infiltrant dans la forêt sous-marine, il y chercha quelques coquillages pour se nourrir. Se nichant dans les racines, le félin ouvrit enfin son repas. Une perle l'attendait là. La saisissant entre deux griffes, tout tremblotant encore, il se dit qu'il faudra bien qu'il collecte ses propres perles, comme sa mère lui avait dit de le faire.
En contemplant le bijou, il se dit qu'il connaissait beaucoup plus qu'il ne le croyait de ces marais. On l'avait mis au monde sur ces terres sales. Son héritage.
Car si Arri l'exilé était mort, lui ne l'était pas encore.
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