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La matinée était déjà bien avancée quand Richie émergea de son long sommeil.
La place à ses côtés était vide. Quand il se redressa, en posant maladroitement ses lunettes sur son nez, il aperçu la silhouette de Beverly devant l'entrée, debout cette fois-ci avec une épaule appuyée contre l'encadrement de la porte. Pendant un instant il crû qu'elle était restée éveillée toute la nuit mais son sac de couchage avait changé de sens sur le canapé et le souvenir que la chaleur d'Eddie l'avait brusquement quitté dans la nuit, lui permit d'éliminer cette idée.
La jeune femme avait tourné la tête en sa direction en entendant le froissement du tissu de son sac de couchage. Elle le salua avec un sourire quand il s'approcha d'elle et il le lui rendit avant de lever la tête vers le haut, portant une main en visière devant ses yeux légèrement plissés. La majeure partie du ciel était dégagé, laissant apparaître une couleur bleu clair et un doux soleil qui venait réchauffer son visage. Il ferma ses paupières pendant quelques secondes.
- Ça faisait un bail qu'on n'avait pas dormi autant hein ?
- Ouai ! J'aurais presque du mal à y croire. Je suis peut-être assommé quelque part en train de rêver que nous sommes ici, répondit Richie en riant avant d'ouvrir les yeux.
Il remarqua que Beverly, le visage également illuminé par le soleil, avait l'air d'avoir les traits moins tirés que le jour précédent. Bien sûr dire qu'ils étaient reposés était un euphémisme. L'épuisement et l'anxiété se lisaient aisément sur leur visage toujours pâle et agrémenté de lourdes cernes. La crainte constante qui planait au dessus d'eux depuis de nombreux jours, comme un nuage noir prêt à éclater, ne les quittait que très peu.
C'était pourtant le cas à l'instant, un des rares moments où les problèmes ne venaient pas les encombrer et ternir leur humeur. Pendant un court moment les trois amis avaient l'impression de se trouver hors du temps. Dans cette petite cabane perdue au fin fond des bois c'était un peu aussi leurs appréhensions qui s'étaient reculés loin dans leurs esprits.
- Profite donc au lieu de dire des bêtises. Et mange !
La rousse lui présenta un paquet de biscuits secs sous son nez. Le binoclard loucha dessus et en attrapa un avec envie.
- Où est Eddie ?
- Dans la salle de bain.
- Encore ! s'exclama t-il en faisant semblant d'être ennuyé.
- Excuse-moi de profiter de l'eau potable et d'une vrai douche quand je le peux !
Eddie, qui avait tout entendu, se tenait maintenant derrière eux. Ses cheveux étaient encore humides et il avait rasé la fine barbe qui avait commencé à lui mordre les joues depuis deux jours. Son visage était de nouveau lisse et doux comme la peau d'un bébé. Il flottait légèrement dans un nouveau tee shirt gris qui aurait certainement mieux convenu à Richie. Ce dernier ne se priva pas pour le détailler avec des yeux brillants d'amoureux transi. Il voyait ses lèvres et ses mains s'agiter mais il n'entendait rien, du moins aucune parole ne semblait vouloir atteindre son cerveau pour les analyser complètement.
Une coup de poing à son épaule l'arracha subitement à sa contemplation. Il n'avait même pas remarqué qu'Eddie le fixait avec son regard sévère depuis plusieurs secondes.
- Tu vois je t'avais dit qu'il ne m'écoutait jamais, assura t-il à l'attention de la rousse.
Richie, ignora cette phrase et se pencha vers Eddie pour approcher son visage du sien. Mais le plus petit leva rapidement sa main droite devant lui pour le couper en plein dans son élan, courbant également son dos en arrière pour se reculer avec un certain dégoût.
- Ne pense même pas à m'embrasser avec cette bouche là. Tu as des miettes partout on dirait un enfant de trois ans qui ne sait pas manger correctement.
Le binoclard se redressa en remontant ses lunettes sur son nez, le dévisageant avec un air interdit. Puis il éclata de rire.
- Ça y est monsieur Kaspbrak resplendit de la tête aux pieds et il ne veut plus de moi.
Beverly pouffa légèrement tandis qu'Eddie secoua lentement la tête de gauche à droite avec exaspération.
Au commencement de leur périple, après s'être enfui de leur zone de sécurité contaminé, Eddie avait dû faire un terrible effort au niveau de l'hygiène et de la propreté. Lui qui depuis son enfance était quasi hypocondriaque s'était vu contraint de faire face aux odeurs de pourrissement et de putréfaction, à la saleté extérieure, la crasse, la poussière, la sueur, le sang et toute autres choses où il aurait pu faire un anévrisme si on lui avait dit un an auparavant qu'il allait devoir vivre avec tout cela. Par conséquent, il n'était plus un enfant et avait su rapidement tenter d'y faire impasse et de s'y accommoder, du moins comme il le pouvait. C'était quelque chose de compliqué pour lui mais il s'améliorait petit à petit. Mais charrier ainsi Richie pour quelque chose d'aussi futile était son petit plaisir personnel.
- Tu vas vraiment me rejeter pour des miettes de gâteau Eds ?
- Ne...
- "Ne m'appelle pas Eds", le coupa Richie en imitant grossièrement sa voix, édition numéro 1456.
Ennuyé par son comportement, le brun tourna sur ses talons d'un seul mouvement et partit plus loin pour aller enfiler son sweat bordeaux.
- Tu radotes mon vieux ! Et tu n'as que la trentaine ! ajouta le binoclard d'un ton moqueur dans son dos.
Eddie lança sa main en arrière comme pour chasser ces paroles, qu'il ne voulait pas entendre, loin derrière lui. Richie tourna alors son regard vers la rousse.
- Et toi tu acceptes au moins un signe d'affection de ma part ou je suis trop "dégoûtant" à ton goût ? dit-il d'une voix mièvre en jetant un coup d'œil au brun qui, lui, fit exprès de ne pas lui prêter d'attention.
Beverly ne lui répondit pas et lui tendit seulement sa joue gauche. Il lui claqua un rapide baiser sur cette dernière avant d'attraper un autre biscuit dans le paquet qu'elle tenait.
- Qu'est ce qu'il a dit d'ailleurs le petit grincheux ? demanda t-il la bouche pleine.
- Il fallait écouter au lieu de baver stupidement comme un adolescent, répondit la jeune femme qui venait de se relever après avoir refait les lacets de ses bottes. Et d'ailleurs tu as encore des miettes.
Richie porta brutalement une main à son cœur, jouant la comédie comme un mauvais acteur de théâtre.
- Vous me faites tous des coups bas ! Je suis terriblement déçu. Regarde la déception sur mon visage Bev. Tu es ma meilleure amie, tu es censée me soutenir et non pas t'allier à cet individu diabolique et mesquin.
La jeune femme lui tapota une de ses joues, un sourire amusé au coin des lèvres avant de partir aider Eddie qui s'était mis à ranger les sacs de couchage.
La brève accalmie qui s'était installée ne tarda pas à se tarir. Ils n'avaient pas voulu y penser hier soir mais aujourd'hui ils devaient faire face à un sujet important pour leur survit. C'était un problème urgent à régler s'ils ne voulaient pas mourir de faim.
Ils s'étaient réunis autour de la table. Richie prit place sur le rebord de cette dernière et Beverly appuya son dos contre le mur en face en croisant ses bras contre sa poitrine. Eddie sortit leurs dernières provisions du sac et les aligna avec précision une par une sur la table.
- Il ne nous reste que deux boîtes de conserves, quelques gâteaux, barre de céréales et fruits secs.
- Ça craint, constata Richie en grattant une de ses joues.
- Sans rire.
- Heureusement que pour l'eau nous sommes ok, dit la jeune femme en s'avançant pour appuyer ses deux mains à plat sur la surface en bois de la table. Mais nous allons devoir faire un arrêt obligé à la prochaine ville.
Bien que ce genre d'endroit faisait parti des lieux les plus propices aux dangers, ils avaient besoin d'urgence de se réapprovisionner et il n'y avait que là qu'ils pouvaient trouver ce dont ils avaient besoin, en espérant que tout n'est pas été dévalisé ou détruit.
Ils fouillèrent d'abord tous les tiroirs et les placards avec attention, mais ne trouvèrent aucune nourriture, seulement quelques matériaux qui pourraient leur être utile plus tatd. Ensuite ils quittèrent, avec quelque regret, ce petit refuge avant de reprendre le même chemin par lequel ils étaient arrivés en continuant toujours tout droit.
Plus ils se rapprochaient de la ville plus les morts vivants commencèrent à faire leur apparition. Ils n'étaient jamais bien nombreux et jamais plus de quatre à la fois. Eddie restait toujours légèrement en retrait dans ces moments là, laissant faire les deux autres qui n'y voyaient pas d'objections et qui s'empressaient de les éliminer.
Pour Richie s'était devenu une sorte de défouloir. Il faisait à chaque fois tourner agilement sa batte dans ses mains en attendant que le rôdeur se rapproche suffisamment de lui pour qu'il puisse le frapper avec force et précision à la tête, faisant par ailleurs gicler des rafales d'hémoglobine dans tous les sens. Il n'avait jamais peur de se salir et savait parfaitement que cela horripilait son compagnon à chaque fois. Bien qu'il affirmait en se vantant que cela l'amusait, il n'oubliait pas qu'au commencement, quand il avait dû en tuer un pour la première fois il avait vomi immédiatement après, secoué d'un rire nerveux mélangé à des gémissements d'écœurement.
Beverly ne pouvait pas dire qu'elle aimait ça. Pourquoi aurait-elle le droit de sentence sur ces choses qui autrefois avaient été des êtres vivants conscients et dotés de sentiments comme elle ? Pourtant elle a avait fini par se faire à l'idée qu'ils n'étaient plus des humains mais bel et bien des monstres au corps putride avide de chair humaine avec aucun retour en arrière de possible. Ils étaient une menace pour ceux qui comme elle et ses amis avaient réussi à survivre jusqu'ici. Les tuer pour de bon lui procurait quelque chose de satisfaisant, presque libérateur. Un simple coup de lame enfoncée dans le crâne et s'était terminé, le corps s'écroulait au sol et cette fois-ci il ne se relèverait plus. C'était un de moins sur cette planète et un danger supprimé.
Était-il admiratif ou envieux de leur sang froid et de leur courage ? Eddie se posait la question presque chaque jour. Il savait qu'il n'avait pas assez de cran pour faire comme eux. Bien évidemment quand il le fallait et qu'il n'y avait aucune autre solution, il utilisait sa barre en fer et, comme son amie, enfonçait le pique profondément dans la tête avant de tirer d'un coup sec pour le ressortir. Mais s'il pouvait s'en abstenir, il le faisait. Non pas qu'il n'était pas doué, il avait même commencé à y prendre main, ce que Richie lui avait fait remarquer avec un mélange d'amusement et de surprise. Mais tous ces visages, ces corps en décomposition, ces grognements infernaux, cela le répugnait et le rendait presque malade. Ce n'était pas que par simple écœurement. Pour lui c'était également des cauchemars d'enfant qui avaient prit vie sous ses yeux, qui étaient devenus une affreuse réalité qu'il aurait préféré ne jamais connaître.
- Qu'est ce que j'aimerais manger des oreos, se lamentait le binoclard pendant qu'ils s'avançaient entre de vieilles carcasses de voitures. Ou du pudding au chocolat en boîte. J'en mangeais plein avant vous vous en souvenez ? Ahh et qu'est ce que je donnerais pour manger un bon hamburger ! Un bon fast-food bien gras ! Et une pizza...
À chaque nouvelle nourriture qui apparaissait dans son esprit, il poussait des exclamations, alternant avec des soupirs rêveurs ou bien attristés.
- La ferme Richie tu vas rameuter tous les rôdeurs du quartier avec ta liste de course ! s'énerva Eddie en jetant des coups d'œil peu rassurés autour d'eux pendant que Beverly regardait l'intérieur de chaque véhicule avec attention.
Leurs maigre repas de la soirée et le grignotage de ce matin n'étaient déjà plus qu'un lointain souvenir et leurs ventres le leur faisaient bien ressentir, comme leur humeur.
Dorénavant en plein dans la ville, ils marchèrent avec précaution sur les trottoirs, restant proche des bâtiments abandonnés et tagués pour ne pas alerter les morts vivants qui déambulaient plus loin au milieu des routes et des rues comme des somnambules.
Ils entrèrent par la vitre brisée d'une épicerie de quartier, les morceaux de verres craquant sous les semelles de leurs chaussures. Le magasin avait déjà été en partie dévalisé comme ils le craignaient, mais il restait encore certaines choses qui pouvaient faire l'affaire pour quelques jours de survie de plus.
Beverly s'avança lentement la première vers un premier rayon, à l'affût de tout mouvement suspect, son pistolet pointé droit devant elle. Avec l'extrémité de ce dernier elle se mit à tapoter une étagère en fer. Le bruit résonna et se répercuta tout autour d'eux sur les autres installations avant qu'un silence oppressant ne les enveloppe.
Rien ne bougea et aucun rôdeur, qui aurait pu être alerté par le son, ne se présenta, pour leur plus grand soulagement et ils se détendirent quelque peu.
- Okay ne perdons pas de temps, dit-elle alors en rangeant son arme dans son étui. Chacun fait le tour et récupère le plus de truc possible. On se retrouve dans dix minutes à l'entrée.
Les deux garçons acquiescèrent avant de partir chacun d'un côté pendant que la rousse se rendit d'abord derrière le comptoir.
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un deuxième chapitre encore un peu tranquillou
j'espère qu'il vous a plu
dites-moi dans cette situation d'apocalypse zombie vous seriez plutôt comme Beverly, Richie ou Eddie ?
je voulais aussi vous remercier pour les retours positifs, vous êtes adorables merci beaucoup vlvlb ♡
la suite ce week-end !
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