soixante-treize
Asha et les autres s'étaient attendus à ce que l'endroit où ils logeraient ne partage pas la même insalubrité que l'hôtel précédent. Mais ils ne s'attendaient pas non plus à trouver tant de luxe et de confort en un seul endroit au cœur de Sankyo.
Il s'avérait en effet que l'hôtel était plus que « correct ». La pureté et la splendeur du lieu contrastaient de manière presque inquiétante avec ce que l'on connaissait de Sankyo. A vrai dire, on croirait même se trouver dans une maison comme celle de George, au centre des Arbres. Et Asha s'y sentait mal à l'aise.
Mais a priori, la décoration minimaliste, la lumière aussi blanche que les murs et les dalles marbrées du sol ne semblaient pas déranger Abel et Judy. Ciel, quant à lui, qui avait escorté le petit groupe jusqu'ici, restait impassible devant ce lieu qu'il connaissait certainement déjà.
Ils furent accueillis par un homme brun d'âge moyen, vêtu d'un costume ajusté. Il paraissait venir d'un autre monde à côté des citadins de Sankyo. Il paraissait aussi très froid et inhospitalier, du moins pour Asha. Ceci dit, il était parfaitement à l'image de l'établissement.
— Bonsoir, je peux vous aider ? Demande-t-il d'une voix peu convaincue alors que tous s'approchent.
C'est Ciel qui s'avance le plus en faisant fi du regard dédaigneux qu'il venait de recevoir.
— Oui, ils viennent de la part d'Eve. Vous devez être au courant, affirme-t-il patiemment.
L'hôtelier pince ses lèvres et laisse apparaître une expression suspicieuse. Son bras s'agite derrière son bureau, comme s'il envoyait un message.
— Rien ne spécifie votre venue parmi les documents que j'ai à ma disposition, se justifie-t-il.
Son arrogance semblait énerver Ciel, qui posa son poing sur la surface de verre.
— Alors faites venir Améthyste, somma Ciel avec un sourire forcé. Nous pourrons régler ça.
Avec un soupir de dédain, l'homme appuie sur un des nombreux boutons sur le mur derrière lui.
Une minute plus tard, qui parut très longue à tous tandis que le silence régnait entre eux, sortit de l'ascenseur une femme à peine plus âgée que l'hôtelier. La première chose que l'on remarquait chez elle était la couleur violette de ses cheveux et de ses sourcils. Elle était vêtue d'un tailleur assorti. Elle était très certainement élégante, cependant elle faisait tâche dans le hall si épuré de l'hôtel. Mais ce n'était pas un point négatif, au contraire, sa présence mettant fin au mal être d'Asha.
Le visage de cette femme s'illumina lorsqu'elle aperçut Ciel.
— Ciel ! S'exclama-t-elle en se dirigeant vers lui et le reste du groupe. Ça fait longtemps !
— Ouais, j'ai pas trop l'occasion de revenir ici, affirme-t-il alors qu'ils échangèrent une étreinte.
— Qui est-ce que tu nous amène ? Interroge-t-elle en regardant Asha, Abel et Judy.
Elle n'attendit pas de réponse.
— Suis-je bête, vous devez être mes nouveaux invités ! Auguste ne vous a pas accueilli comme il le fallait ? Demanda-t-elle en se tournant vers l'intéressé.
Celui qui s'appelait donc Auguste eut le teint livide en l'espace de quelques secondes.
— S-Si j'avais été informé de la venue de ces invités, je n'aurais pas...
— Comme tu es austère ! Et après je m'étonne de la baisse de notre chiffre d'affaires, pas étonnant avec un accueil pareil, siffla Améthyste.
Auguste se fit le plus petit possible derrière son bureau. Améthyste, elle, se tourna de nouveau vers ses invités.
— Je m'excuse sincèrement du comportement d'Auguste, il est tellement stipuleux.... C'en est épuisant. Enfin, vous m'excuserez, je n'ai pas vraiment le temps de vous accorder une visite... Tenez, voilà les clés de vos chambres. Troisième étage, couloir de droite, chambres 36, 37 et 38. Sur ce, je file, j'ai des tas d'appels à passer !
Et elle disparut aussi vite qu'elle était apparue, laissant tout le monde assez perturbé de cette brève intervention.
Auguste ne les regarda même pas, préférant continuer de se cacher, certainement par peur de se faire réprimander une nouvelle fois.
— Je crois que c'est ici que nos chemins se séparent... Déclara Ciel solennellement.
Il était bien moins chaleureux que lors de leur première rencontre. En vérité, il semblait même plutôt triste, ce qui peina Asha.
— Il faut croire que oui, répondit Abel. Merci beaucoup de nous avoir accompagné, et merci pour... tout ça.
Ils se sourirent, Judy approuva en hochant la tête et ils se dirigèrent vers l'ascenseur en saluant Ciel une dernière fois.
Mais Asha ne les suivit pas. Il resta debout, tournant la tête hâtivement pour regarder s'éloigner Abel, Judy et Ciel.
— Asha ? Appela Abel.
— Je crois que j'ai besoin de passer un peu de temps dehors, indiqua-t-il timidement.
Abel haussa les épaules et sourit. Après tout, il n'y avait rien qui puisse empêcher l'androïde de sortir.
Asha rejoignit donc rapidement Ciel, ce dernier lui offrant un regard étonné en le voyant à ses côtés. Ce n'est qu'une fois qu'ils furent sortis de l'hôtel qu'Asha s'expliqua.
— Désolé, je n'étais pas trop à l'aise à l'intérieur. Ça me rappelle certains endroits... Dont je ne veux pas vraiment me rappeler.
— Aucun souci ! Tu as besoin de quelque chose ?
— En fait... J'aimerai bien... Rester un peu avec toi. Tu connais la ville, non ? Il y a bien un endroit sympa ou deux où l'on pourrait aller...
En un instant, la présumée tristesse de Ciel s'envola. Il redevint le même qu'avant, si ce n'est plus enjoué encore.
— Tu ne le regretteras pas, affirma Ciel en se saisissant de la main d'Asha et en l'entraînant dans des rues encore inconnues de Sankyo.
Sur le moment, Asha oublia tout ce qui l'angoissait. Et ça le rendit heureux. Après une petite demi-heure de marche, Ciel poussa les portes d'un bar aux vitrines chargées de néons en tout genre. Il y avait des tas d'écriteaux émettant une lumière tremblotante et qui apportaient à l'endroit un certain charme. L'intérieur était semblable. Il y faisait sombre puisque les lumières colorées étaient faibles et éclairent moins bien que des puissants néons blancs, mais une ambiance chaleureuse régnait. Ciel entraîna Asha dans le fond du bar, et ils s'installèrent à une table qui faisait l'angle. De cette place, on voyait l'ensemble de l'endroit, y compris une vieille télévision fixée au mur, du côté du comptoir. C'était la première fois qu'Asha voyait un tel modèle. Et cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas regardé la télévision ! Enfin, s'il pouvait estimé avoir vraiment regardé quoique ce soit. Il jetait plutôt des regards discrets en faisant le ménage lorsqu'il était chez Georges.
La télé du bar, elle, diffusait en direct un match de football. Asha n'aimait pas vraiment ça : parmi les joueurs figuraient quelques A.S.H.A, qui étaient les premières cibles d'humiliations ou d'injustices venant de l'arbitre.
— Alors... Commença Ciel en informant le serveur qu'ils prendraient deux bières, comment je dois t'appeler, au juste, « Joachim » ?
Asha soupira mais ne put s'empêcher de sourire en voyant que Ciel ne semblait pas lui en vouloir.
— Pour maintenant, ça ne sert plus à grand-chose de rester secret avec toi...
Asha regarda rapidement autour de lui, méfiant, s'approcha de Ciel et avoua dans un murmure :
— Asha. Mon vrai nom.
Ciel hocha la tête.
— Tu es vraiment mystérieux, Asha. C'est sûrement pour ça que tu m'intrigues autant, ajouta-t-il avec un sourire enjôleur.
Asha eut un rire nerveux.
On leur apporta les bières. Asha avait un peu peur de goûter. Il avait peur de toucher à l'alcool, tout comme il avait encore plus peur de Georges une fois soûl. Mais en voyant Ciel attraper son verre et en boire une gorgée, confiant, il fit de même.
L'amertume de la boisson le surprit tant qu'il se retint difficilement de tout recracher. Il devait avoir une drôle d'expression puisque Ciel riait à gorge déployée. Une fois qu'il eut reprit son calme, il s'excusa.
— Désolée, si j'avais su que c'était une première pour toi...
Asha lui sourit et lui offrit un regard espiègle.
— Le premier qui la termine ? Proposa-t-il à son ami.
Ciel haussa les sourcils dans son incompréhension, mais se mit rapidement à rire et accepta le défi.
Après un court décompte, ils se saisirent rapidement de leur verre et, après quelques secondes, Asha reposa le sien sur la table, triomphant. Il était partagé entre exprimer son dégoût ou sa fierté face à la déception de Ciel qui avait terminé sa bière peu après.
Ils finirent par rire ensemble, puis Ciel lui proposa plus ou moins sérieusement :
— Si tu veux, je t'offre un bisou pour avoir gagné !
Asha baissa aussitôt la tête, embarrassé. Il avait bien conscience que Ciel développait un certain intérêt pour lui, mais il n'osait pas lui faire comprendre que ce n'était pas réciproque.
— C'est que, à vrai dire, j'ai...
Il ne put terminer sa phrase, puisqu'il fut coupé par le son de la télévision. Le barman venait d'augmenter le volume et tout le monde s'était tourné vers l'écran.
« Nous interrompons votre programme pour une alerte du gouvernement. Merci de votre compréhension. »
— Qu'est-ce que... Commença Ciel.
Puis sur l'écran blanc apparut une photo d'Asha. Ce dernier eut le souffle coupé et il tourna précipitamment la tête de sorte à ce qu'on ne le reconnaisse pas. Discrètement, il retira ses lentilles, puisque sur la photo, on le voyait brun avec des yeux marrons.
Son rythme cardiaque s'accéléra et il ressentit une forte peur au fond de lui.
Une voix, étrangement modifiée de façon à ce qu'elle sonne comme inhumaine, résonna :
« Tout le monde parmi nous se souvient du leader de la Résistance lors de la Guerre Robotique. Nous pensions tous ne jamais revoir cet A.S.H.A qui avait menacé à l'époque nos valeurs et nos droits. Mais nous savons de source sûre qu'il est de retour, sous un autre visage, certes, mais bel et bien sous le même nom. Cet individu n'est autre qu'Asha, et il a été aperçu pour la dernières fois aux alentours de l'entrée Sud de Sankyo. Si vous apercevez cet A.S.H.A, prévenez immédiatement les forces de l'ordre et informez-les de sa position. Il est nécessaire de l'arrêter au plus vite pour maintenir la paix et la sécurité que nous avons tant appréciées jusqu'à présent. Merci de votre compréhension. »
Sur l'écran défilaient les différents numéros à composer. La photo apparut de nouveau. On distinguait bien son visage, malgré le fait que la photo ait été prise de haut.
Asha avait pour seule arme ses yeux verts et ses cheveux roux qui réapparaissaient timidement tandis que le brun s'estompait.
Tremblante, sa voix se fit à peine audible.
— Comment je vais faire ?
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