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Cela faisait trois heures qu'Asha tentait de trouver le sommeil. Sans succès. Les paupières gonflées, les yeux irrités, et la gorge sèche, il se leva de son lit au confort superflu. Ses pas le menèrent machinalement vers la baie vitrée. Il ouvrit la porte et put respirer l'air frais. Rester enfermé dans de telles conditions ne l'aidait pas.
Bien sûr, même à l'extérieur, il était toujours enfermé... Les Arbres étant recouverts d'un dôme, il était désormais impossible de respirer un air purement naturel. Mais en ce moment même, Asha ne s'en souciait guère.
Il s'avança sur la terrasse en bois et regardait les vaguelettes que formait l'eau de la piscine. Les reflets de lumière sur la surface de l'eau donnait au tout une aura surnaturelle. Et cela apaisa instantanément Asha. Il s'en approcha, y plongea une main. Elle était glacée. Le froid l'empêcha de laisser sa main dans l'eau, mais il adorait déjà la sensation d'y être.
Il se releva, se pencha sur le balcon et fut prit d'un léger vertige en constatant la hauteur. Son regard remonta vers l'horizon et il y vit encore les quelques lumières de certains noctambules.Il soupira, posa ses coudes sur le rebord et son menton sur les paumes de ses mains. Il n'avait plus envie de pleurer. Bien qu'il était toujours profondément affligé. Il préféra réfléchir. A lui, seulement à lui. Un peu aux autres aussi, mais par le biais de ses relations.
Alors comme ça, il n'avait plus de conscience ?
Irrité, il fit cogner son pied contre le bois mais cela n'arrangea aucunement sa frustration.
Il se planta au bord de la piscine. L'eau brillante, d'un bleu apaisant, semblait l'appeler.
Il ferma les yeux, enleva son t-shirt. Un frisson le parcourut lorsque la peau de son torse entra en contact avec le froid.
Il enleva aussi ses chaussures et chaussettes, peinant à laisser ses pieds posés sur le bois frais.
Il se retourna. Il laissa ses bras le long de son corps. Et il se laissa tomber en arrière. La chute fut enivrante. Il sentit l'air filer à toute vitesse dans son dos. Il vit ses cheveux virevolter devant lui. Il ne pensa plus à rien. Tout se déroulait au ralenti, et il laissa son corps léger rencontrer sans délicatesse la surface de l'eau. Il fronça les sourcils à cause du froid, mais laissa son corps couler dans l'eau quelques instants, avant de remonter lentement. Asha sourit. Il prit une grande bouffée d'air lorsqu'il en eut l'occasion et replongea encore la tête sous l'eau.
Il n'entendait rien si ce n'était les clapotements aquatiques et cela provoquait en lui une sérénité à toute épreuve. Il se sentait tellement léger, alors que l'eau le portait, que tous ses lourds problèmes semblaient disparaître.
Ses pensées aussi s'allégeaient, et cette question de conscience lui sembla moins tragique. Même si sa conscience avait été désactivée, Asha savait ce qu'il avait vu. Ce qu'il avait vécu, et ce qu'il avait ressenti. Sa tristesse, son bonheur, sa surprise, sa haine pour Aimé qui devenait de plus en plus floue... L'amitié sincère qu'il portait à plusieurs autres personnes. Ses émotions, lorsqu'il lisait. Son émotion, lorsqu'il écoutait jouer Aimé... Les sentiments qui en ressortaient.
Il aurait aimé qu'Aimé soit là, avec lui, sans qu'il ne l'évite ou qu'il ne lui lance de regard noir. Mais il dormait certainement à cette heure-ci. Et puis, il paraissait énormément lui en vouloir.
D'un côté, il le comprenait. Après tout, Aimé l'aimait. Désormais, il devait certainement croire qu'il aimait un robot sans aucune conscience. Un robot pas si différent de ceux qui avaient tué ses parents.
Asha savait qu'il n'était pas comme ça. Sa peur et sa tristesse se transformèrent en une forte détermination. Si lui le savait, il suffisait de faire en sorte que les autres le savent aussi. Après tout, c'était un mystère de plus à résoudre. Car si ce n'était pas sa conscience qui l'amenait à ressentir autant de choses, qu'était-ce ? Il n'avait jamais vu d'A.S.H.A aussi émotif que lui.
C'est en souriant qu'il resta encore sur l'eau quelques instants. Il fixait les étoiles, triste à l'idée qu'elles n'étaient que de pauvres représentations. Mais il savait que les vraies étoiles existaient, encore au dessus. L'immensité de l'univers, comparé à l'insignifiance de son existence, le força à se nager vers le rebord de la piscine. Il s'extirpa de l'eau, regrettant déjà ce geste lorsque le froid vint mordre sa peau.
Il regarda les étoiles une dernière fois, sourit, ramassa ses vêtements et se dirigea vers la porte restée entrouverte. Il entendit une sonnerie. Étonné, il regarda derrière la vitre la pièce vide et vit une silhouette se lever du fauteuil. Il reconnut Aimé.
La sonnerie venant du téléphone posé sur la commode située à l'entrée, Aimé, qui était assis sur le fauteuil depuis un quart d'heure, ne trouvant pas le sommeil, s'y dirigea.
Il se saisit de l'objet, sans remarquer qu'il était observé.
- Bonsoir ? Hésita-t-il en parlant dans le micro.
- Oh, c'est toi... Cela tombe bien, c'est à toi que je désirais parler, résonna la voix reconnaissable de Caïn.
Aimé resta figé de peur mais ne raccrocha pas.
- Ton nom, c'est bien Aimé ?
Le susnommé ne réagissant pas, Caïn soupira et reprit :
- Je prendrai cela pour un oui. Ecoute, je vous avez averti que vous me devriez un service si vous empruntez mon appartement. Le voici. Je te veux, Aimé.
Aimé resta abasourdi mais n'eut pas le temps de protester.
- Je veux que tu reviennes dès que possible dans la Tour. Il faut que je te parle. Après cela, tu auras un choix à faire. Rester à mes côtés, ou repartir chez tes amis. Ta décision sera respectée. Mais tu dois venir.
- Je sais déjà que je reviendrai ici, déclara Aimé d'une voix sombre, ça ne sert à rien !
Il entendit un faible rire dans le haut-parleur.
- Oh, je n'en serais pas si sûr à ta place. Peu importe ce que tu penses, le service doit être rendu si tu veux qu'il n'arrive rien de malheureux aux trois autres énergumènes...
Aimé serra les dents, réfléchit quelques instants et annonça :
- Très bien. J'arrive.
Il raccrocha. Asha avait uniquement entendu les paroles d'Aimé sans qu'il ne comprenne la situation. Stupéfait, il regarda Aimé attraper sa veste et ouvrir la porte. Asha s'empressa d'entrer dans le salon, les cheveux encore trempés mouillant le parquet. Il courut vers la porte d'entrée, glissant sur le sol à plusieurs reprises.
Lorsqu'il atteignit la poignée, la porte s'était refermée.
Aimé était parti.
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