Ils n'avaient rien dit.

Asha n'arrivait pas à y croire. Aimé, l'aimer ? Cela lui paraissait invraisemblable. Et pourtant, tout semblait le lui affirmer. Ses confessions, les moments passés ensemble, son comportement étrange, le baiser. C'était bien trop ambigu pour une simple amitié.

Et pourtant. Pourtant il ne voulait pas y croire. Il préférait se dire que ce n'était pas possible. Pourquoi ?

Parce qu'Aimé n'était pas le seul à avoir peur. Asha était terrifié. Il ne l'avait pas été face à Thomas, alors pourquoi l'être devant Aimé ?

Et si...

Et s'il avait peur de ce que lui même éprouvait ?

Mais qu'est-ce qu'il éprouvait, au juste ?

Il était sûr d'apprécier Aimé. Il l'appréciait énormément. Quand il le regardait, il ne voyait pas un simple ami. Il voyait une personne qu'il trouvait belle, très belle. Mais il n'y avait pas que ça. Asha adorait voir le sourire d'Aimé. Il adorait voir Aimé, tout simplement. Et quand il ne le voyait pas, il avait envie de le voir. Si Aimé n'avait été qu'un simple ami, Asha ne serait pas resté dans la chambre du jeune homme si longtemps.

Et puis pourquoi toutes ces questions ? Asha avait eu la preuve qu'il était humain. Certes, pas physiquement, mais le reste l'était. Alors pourquoi diable ne pourrait-il pas être amoureux ?

Il pensa à ce que Thomas lui avait dit. Quand on aime quelqu'un, on veut le voir tout le temps, on a le coeur qui bat plus vite, on se sent bien avec lui...

N'était-ce pas ce que ressentait Asha ? Était-ce aussi simple ?

Non, ça ne pouvait pas être si simple.

Alors il ne répondit rien, resta dans les bras d'Aimé.

Aimé, qui venait d'avouer sa peur, était désormais encore plus apeuré puisque le silence demeurait. Il ne voulait pas être rejeté. Asha était le seul, le seul à qui il parlait, le seul avec qui il se sentait bien, le seul qu'il aimait. Il se recula légèrement, souhaitant soutenir le regard d'Asha et y chercher des quelconques indices. Mais le regard qu'il cherchait préférait fuir et se détourner.

- Asha... Commença-t-il pour avoir son attention.

Enfin, l'interpelé le fixa. Asha eut un faible sourire, et rapidement, il posa ses lèvres sur la joue d'Aimé, les retirant tout aussitôt.

- Aimé, s'il te plaît, arrête de m'ignorer. Et laisse moi un peu de temps.

Aimé acquiesça, à la fois déçu et rassuré d'avoir une réponse. Il espérait simplement qu'Asha ne prendrait pas trop de temps...

Il se dégagea de l'étreinte, regrettant déjà la chaleur qui s'en émanait plus tôt.

- Je te promets d'arrêter. Je vais faire des efforts. Mais fais en aussi s'il te plaît, regarde toi, j'ai l'impression de parler à un cadavre. Mange au moins deux fois par jour, pas seulement quand t'as faim. S'il te plaît. Je dis ça mais ce sera sûrement difficile quand on sera là haut.

- Je vais faire ce que je peux, Aimé, répondit Asha avec un faible sourire.

- T'es cheveux et tes yeux, ils devront rester comme ça tout le temps ?

- Je ne sais pas, je pense, supposa Asha. Pourquoi, tu n'aime pas ? Ajouta-t-il en riant.

- Pas trop nan, je préférais avant.

- Moi aussi, avoua l'androïde. Mais bon, je n'ai pas trop le choix.

Aimé s'assit sur son lit et bougea ses doigts nerveusement.

- Dis, tu ne devais pas m'apprendre le violon ? Demanda subitement Asha.

Aimé lui sourit et acquiesça doucement. Il se releva et se saisit de son instrument et de l'archet qu'il avait construit pour Asha.

C'est à ce même moment que les deux jeunes hommes entendirent quelques claquements provenant de la porte d'entrée. Puis ils virent la poignée s'abaisser et Abel entra sans aucune délicatesse, ouvrant la porte avec une force qui la fit cogner contre le mur.

- Allez les gars, c'est à vous d'y passer ! S'écria le scientifique avec un grand sourire.

- Déjà ? Rétorqua Aimé.

Une légère peur de ressentait dans sa voix.

- Je vous avais dit que j'étais impatient ! On part demain, répondit Abel avec une excitation non cachée. Bon, qui y passe en premier ?

Aimé et Asha échangèrent un regard inquiet. Mais Asha prit son courage à deux mains et accepta d'y passer tout de suite.

Il se dirigea donc vers Abel, et partit lui même en direction du labo. Le sicentifique le suivit, tout guilleret.

- Judy vient d'y passer, ce fut un succès. Elle n'a même pas versé une seule larme de douleur.

Asha ne savait pas vraiment s'il devait en être rassuré. Il entra dans la pièce favorite d'Abel et y vit que ce dernier avait aménagé l'endroit. Il y avait désormais un fauteuil au dossier penché vers l'arrière qui trônait au milieu de la salle.

- Assieds-toi, je t'en prie, annonça Abel en fermant la porte derrière lui. Ça ne devrait pas prendre longtemps.

Asha s'exécuta et attendit Abel qui fouilla dans ses affaires sur le bureau. Il sortit un drôle d'appareil ressemblant à une télécommande carrée.

- Ça, c'est pour voir où est ton implant. Tous les A.S.H.A en ont un de base, pour les identifier. Ce petit truc envoie des ondes qui se répercutent seulement en présence du matériau de l'implant. Ingénieux non ?

Asha ne répondit pas et laissa faire Abel. Ce dernier alluma son appareil et le déplaça autour de sa tête. Un son en sortit lorsque l'émetteur était situé devant son oreille gauche.

- Ah, il est là. Pas besoin de le retirer, ne t'inquiète pas. Je vais juste t'en mettre un autre qui le désactivera, comme je l'ai dit dans le briefing de plus tôt. Maintenant, respire un bon coup, détends toi.

Asha fit exactement l'inverse en coupant sa respiration et en se crispant encore plus qu'il ne l'était déjà.

Abel déballa le deuxième scalpel après avoir enfilé des gants propres et s'approcha d'Asha.

- Répète toi que ça ne fait pas mal et tout ira bien, indiqua le scientifique.

Il commença son incision et Asha se dit que bon sang, bien sûr que ça faisait mal. Il serra les dents au maximum et enfonça ses ongles dans les accoudoirs du fauteuil pour ne pas bouger.

Abel faisait aussi rapidement que possible. Il se saisit de l'implant avec une pince propre et l'inséra avec soin derrière l'oreille d'Asha.

L'insertion était encore plus douloureuse et celui qui la subissait dut se mordre la lèvre inférieure pour ne laisser échapper aucun cri.

L'opération terminée, Abel finit par faire les points de suture et, Asha s'étant habitué à la douleur, ne broncha pas.

- Eh voilà fiston. C'est bien, t'as été courageux. Tu peux dire à ton ami que c'est à son tour.

- Merci Abel, c'est vraiment génial tout ce que tu fais pour nous. Tu crois que tout ira bien dans les Arbres ?

- Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas, répondit Abel en souriant. Allez, va et repose toi, on part demain matin, annonça-t-il.

Et Asha avait eu raison d'aller dormir après avoir prévenu Aimé, car le lendemain allait marquer le commencement d'une aventure qui changera sa vie à tout jamais.