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Après le baiser inopiné d'Aimé, ni lui ni Asha n'avaient échangé un mot. Asha était resté planté au milieu de la pièce tandis que ses émotions tourbillonaient, et Aimé n'avait rien dit, ce qui ne l'aidait pas. Avait-il trouvé ça mauvais ? Décevant ? Pourtant, Asha trouvait que c'était mille fois mieux que le premier qu'il a reçu en étant à moitié inconscient, quand il était arrivé dans l'abri. Il sentait son coeur battre la chamade, bien plus que d'habitude et surtout, il aurait adoré recommencer. Mais il ne put compter sur Aimé qui avait décidé qu'il était fatigué et qui était parti dormir sans dire mot. 

Ça avait beaucoup énervé Asha, car soit Aimé n'assumait pas son acte, soit il en avait été déçu et l'androïde ne pouvait concevoir aucune des deux raisons. Mais si c'était vrai ? Si Aimé s'était seulement joué de lui ? 

C'est avec ses inquiétudes qu'il trouva - certes difficilement - le sommeil. 

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Abel vint le sortir du lit très tôt et il n'avait pas l'impression d'avoir dormi une seule minute. C'est vrai, ils partaient pour Slumtown aujourd'hui. Il regretta de devoir quitter Aimé sans discuter de ce qui s'était passé la veille. 

D'ailleurs, le scientifique ne fut pas bavard non plus et cela obligea Asha à rester plongé dans ses innombrables doutes. En faisant le point sur tout ce qu'il ressentait à l'égard d'Aimé, il avait envie de penser aux symptômes de l'amour que lui avait listé Thomas. Et d'un autre côté, il n'avait aucune envie d'associer les deux. "Je suis un robot, je ne peux pas être amoureux" et il se disait tout de suite après "Imbécile, tu as une conscience humaine, tu es humain, Asha, t'as juste peur de la réalité". Et il ne savait pas qui croire. Et c'est à ce moment là, alors qu'ils s'apprêtaient à sortir de l'abri, qu'Abel lui demanda :

- Dis-moi, fiston, Aimé et toi vous devenez assez proches non ?

Il ajouta à cela un clin d'œil fort peu discret  et Asha ne put s'empêcher de regarder le sol, gêné et incapable de répondre. 

- Bah, c'est surtout bien pour lui. A ma connaissance il n'a jamais eu d'ami, je pense que ça lui est bénéfique d'être proche de toi. Continuez comme ça, j'espère que l'amitié qui vous lie vous sera utile durant notre périple, ajouta sagement le scientifique. 

Asha fut rassuré qu'Abel ne soit pas au courant de la tournure plus tellement "amicale" qu'avait prit sa relation avec Aimé. Mais il n'y pensa plus et suivit Abel jusqu'à l'échelle. 

- Oh et... Si par malheur on croise un de ces connards de robot, surtout ne panique pas, ne te laisse pas emporter par ta rage vengeresse, et essaie juste de refaire ce que tu as fait la dernière fois, aussi calmement que possible. Je te promets que tout ira bien, d'accord ? Termina Abel en posant ses mains sur les bras d'Asha.

Il y avait dans le regard d'Abel une grande estime, beaucoup de considération, et... Une forme d'amour paternel pour Asha. Ce dernier lui rendit son sourire et ils s'en allèrent lui, Abel et le gros sac qu'il portait. 

Les longs couloirs gris n'avaient pas manqué à Asha. Passer par là de nouveau le rendait triste et presque rancunier. Abel marchait très vite et Asha peinait à suivre le rythme. Mais il était certainement plus sûr de se dépêcher. 

Ils arrivèrent rapidement devant l'énorme porte blindée. Et là, Abel se souvint d'un détail plutôt important :

- Merde, le mot de passe, jura-t-il. Oh et puis tant pis hein, Beth me connaît suffisamment. 

Il se posta donc devant la porte et toqua doucement dessus. La petite visière s'ouvrit presque aussitôt sur les yeux verts de Beth. 

- Mot de passe, exigea-t-elle d'une voix blasée. 

- On ne l'a pas. On a pas pu se rendre ici le mois dernier, justifia Abel. Mais c'es bon Beth, tu me connais et tu le connais aussi. 

- Ouais mais... c'est la procédure... 

- Allez, je peux te sortir les mots liberté, rébellion, révolution, tout ce que tu veux. S'il te plaît Beth.

- C'est bien parce que c'est toi, Abel, si tu ne venais pas aussi régulièrement toi et ton petit groupe de réfugiés n'auraient jamais pu revenir. Sauf Gaëtran, peut-être... 

Beth avait un faible pour Gaëtran, et ce n'était un secret pour personne hormis le premier concerné. Cependant, elle savait très bien que ses chances étaient nulles et respectait le couple. Mais ça ne l'empêchait pas d'apprécier quand le militaire venait. Néanmoins, ce que lui révéla Abel lui brisa aussitôt le coeur. 

- Il ne viendra plus jamais à Slumtown, Beth. La dernière sortie s'est mal terminée au retour. 

Beth resta silencieuse et ouvrit la porte. Quand les deux hommes purent entrer, Beth se jeta dans les bras d'Abel, quelques larmes coulant sur ses joues. 

- Ça va aller, ça a été dur pour nous tous. Maintenant, si tu permets, il faut que nous entrons. 

Beth relâcha son étreinte et hocha la tête. Abel se saisit du bras d'Asha et l'entraîna vers l'autre porte qui s'ouvrit aussi sur la ville si particulière de Slumtown. Asha fut heureux de retrouver toutes ces couleurs, ces senteurs, toutes ces personnes différentes. 

Asha se sentait plus vivant que jamais lorsqu'il posa ses pieds sur le sol de la ville. Cet endroit lui avait manqué, et lui manquerait sûrement quand il seront repartis dans les Arbres. 

Abel, lui, ne s'attarda pas sur la beauté singulière de ce lieu, et fonça directement au fond d'une allée. Asha eut du mal à le rattraper et ne put s'empêcher de bousculer des tas de gens. 

La dernière fois qu'il était venu ici, c'était en compagnie d'Aimé, qui l'avait guidé à travers la foule. Décidément, rien de ce qu'il faisait ne pouvait lui faire oublier un peu ce fichu Aimé. Il se concentra alors sur sa course infernale pour rattraper le scientifique. 

Il le rejoignit enfin quand ce dernier s'était arrêté devant un stand qu'Asha reconnaissait bien. Abel fouillait déjà dans son sac pour en sortir une assez longue liste.

Et puis une jeune femme au visage familier apparut dans la lumière, sourire aux lèvres, vieux pull et tablier usé pour vêtements. 

- Abel ! Mon savant préféré ! S'exclama-t-elle sans cacher son euphorie. 

Elle sauta presque au cou de celui-ci qui semblait embarrassé. 

- Haha, Billy... soupira-t-il, exaspéré. Toujours aussi... collante. 

Elle s'empara brusquement du papier et le lit rapidement en marmonnant. 

- Je crois savoir ce que tu trames... finit-elle par dire. Je crois que j'ai tout. Comme personne n'en veux d'habitude, je peux te faire un prix, hihi !

Abel fit une moue douteuse.

- Tu veux quoi ? J'ai quelques vieilles pièces qui traînent... 

- Un bisou ! S'écria presque Billy qui tendit la joue, ce qui amusa franchement Asha car Abel sembla plus que mal à l'aise après cette demande. 

- Arnaqueuse, va, siffla Abel en embrassant rapidement Billy. 

Et celle-ci respecta ce titre jusqu'au bout, car elle tourna la tête au dernier moment pour faire en sorte que la bouche d'Abel rencontre la sienne plutôt que sa joue. Suite à cela, elle éclata de rire, fière de son petit tour, et partir chercher ce que son client voulait. 

- J'espère qu'elle ne joue pas ce numéro pour chacun de ses clients, finit par déclarer Abel, d'un ton boudeur. 

Asha ne put s'empêcher de sourire devant l'air à la fois embarrassé, amusé et heureux qu'affichait Abel. Il se dit aussi que ces deux là iraient bien ensemble, après tout. 

Billy revint rapidement, un carton dans les bras. 

- Tout ce qu'il te faut est là dedans, affirma-t-elle en refermant la boîte. 

Abel s'empressa de la ranger dans son sac et s'apprêta à partir. 

- Abel ! interpella alors Billy. 

Il se retourna, en souriant à moitié. 

- Fais attention à toi, dans les Arbres, supplia-t-elle. 

- T'inquiète pas pour moi, Billy, répondit sincèrement Abel. 

Il salua la jeune mécanicienne et fit demi-tour, regardant droit devant lui, non plus vers Billy, mais vers l'avenir. 

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