20
Suite à la nouvelle annoncée, l'euphorie était générale. Asha n'y comprenait toujours rien. Alors que les autres se dirigeaient dans la salle commune, Kalypso restait en plein milieu du couloir, dans les bras de Gaëtran. Il restait seulement eux et Asha. Celui ci se posait de multiples questions et espérait pouvoir y trouver des réponses, mais il ne voulait pas déranger le couple qui semblait dans l'extase la plus totale. Après un certain moment d'hésitation et après avoir cumulé une dose nécessaire de courage, il fut capable de demander :
- Donc concrètement, être enceinte ça veut dire que...
- Je vais donner naissance ! S'écria Kalypso, encore euphorique. Un tout petit humain, un bébé, un mini Gaëtran !
- Ou une mini Kalypso, objecta celui ci.
- Il s'appellera Anatole !
- Elle s'appellera Rose, plutôt.
Kalypso râla un moment avant d'embrasser une fois de plus Gaëtran. Asha ne sut pas où se mettre.
- Ça pourrait sûrement paraître un peu bête mais... Pourquoi vous vous embrassez ? C'est une geste que j'ai du mal à comprendre, finit par dire Asha.
- C'est quand deux personnes s'aiment, répondit Gaëtran tout sourire. C'est comme pour le montrer, une preuve. Et au fond ça devient un besoin.
- Toutes les personnes qui s'apprécient font ça ?
- Non, non, il ne suffit pas de juste s'apprécier. Il faut... Être amoureux. Quand on est amoureux de quelqu'un, expliqua tendrement Kalypso, on ne pense qu'à cette personne, on tient à elle plus que tout et notre plus grande peur c'est de la perdre. Et on a envie de l'embrasser, termina-t-elle avec un grand sourire.
Les futurs parents se sourirent et s'en allèrent vers la salle commune main dans la main. Asha fut étrangement attendri par cette vision et les suivit. Il devait probablement y avoir une réunion pour que tout le monde se rejoigne dans la plus grande pièce. Il y alla donc, curieux.
En effet, tout le monde était placé en demi-cercle. Abel se tenait debout, au centre. Son regard croisa celui d'Asha et il s'exclama :
- Ah ! Asha, nous t'attendions ! Installe-toi.
Il restait un siège à côté de Thomas et derrière Judy. Asha s'y assit sans poser de questions. Abel attendit que le silence s'installe pour commencer à parler.
- Avant que ne débute la réunion habituelle, commença Abel, je tiens à annoncer fièrement que d'ici quelques mois, notre petite Résistance accueillera un nouveau membre... Dont les parents sont nos militaires favoris ! On les applaudit, quand même.
Les onze personnes qui applaudirent — autrement dit tous hormis les parents en question — applaudirent si fort qu'on aurait cru entendre une foule. Le silence ne revint qu'au bout de quelques minutes.
- Bien, maintenant qu'on s'est calmé... On commence la réunion. Je réexplique le principe pour notre petit nouveau. Une fois par mois on organise une sortie plus bas, à la ville. Enfin c'est à peu près une ville. Et on se réunit la veille afin de savoir qui part, avec quoi, et ce qu'on doit ramener de là-bas. Pour commencer... J'aurais aimé qu'Asha vienne. Plus tôt il verra tout ça mieux ce sera. Si ce dernier est d'accord, évidemment.
Tout le monde se tourna vers Asha. Sauf Aimé qui avait l'air de s'ennuyer à mourir. Asha sentit une lourde pression peser sur lui et il finit par lâcher un faible "J'irai" afin que tous cessent de le regarder.
- Fort bien ! Déclara Abel. Reste à savoir qui d'autre vient.
- Je me porte volontaire, annonça Gaëtran en se levant. S'il y a un néophyte il faut bien un vétéran ! Ajouta-t-il avec une pointe d'orgueil.
- Je viens ausssssssssi ! S'exclama Judy. Je commensssssais à m'ennuyer.
- Très bien, dit Abel. Il nous faut une dernière personne.
Il balaya les personnes restantes du regard et s'arrêta sur Aimé qui semblait souhaiter éviter tout contact visuel.
- Aimé, mon chou, tu iras aussi, ça fait longtemps que tu n'es pas parti.
L'intéressé grogna en guise de réponse.
- Quelqu'un a besoin de quelque chose en particulier ?
Kalypso se leva à une vitesse folle.
- Par pitié, je voudrais de la vraie nourriture. Je sais que c'est beaucoup demandé mais...
Juvénile et Thomas se levèrent aussi.
- Je suis avec elle, déclara Juvénile. On en a tous un peu marre du pain sans goût.
L'assemblée opina.
- Pas de soucis, termina Abel. Gaëtran, tu prendras une de tes armes, pas trop imposante comme le minigun de la dernière fois, s'il te plaît. Et comme d'habitude t'iras faire ton plein de munitions. Judy, tu te débrouilleras... Quant à vous deux les jeunes, vous ferez juste gaffe à vous. Je compte sur un de vous trois pour garder un œil sur Asha, je ne veux pas le retrouver en pièces détachées.
- Je m'en charge, affirma Gaëtran. Je lui apprendrai même à se battre à l'occaz'.
- Comme tu veux, répondit Abel. Bon, si plus personne n'a de remarques à faire, vous pouvez disposer.
Tous s'en allèrent, sauf Abel et Asha.
- Dis Abel, commença Asha. Concrètement, il y a des risques ?
- Ah, tu commences à flipper ? Rien ne t'obliges réellement à partir tu sais.
- Si si, je veux y aller, mais bon, ces A.S.H.A sanguinaires, ça ne me dit rien qui vaille...
- En réalité, ils ne sont pas si nombreux. Et même s'ils repèrent facilement un être humain, ils ne sont pas très futés et c'est facile de les tromper. Et puis y'a Gaëtran avec vous, vous risquez rien du tout.
Asha fut convaincu et remercia Abel en s'en allant.
- Au fait ! S'écria Abel, une fois en ville, si les marchands te regardent de travers, ou s'ils t'incitent à acheter je ne sais quelle merde n'y prête pas attention, tu pourrais vite te faire embarquer.
Ça ne rassura pas réellement Asha mais il se contenta de hocher la tête. Comme par réflexe, il alla dans sa chambre et choisit un livre. Il le lut avec sa vitesse habituelle. Et sa journée continua ainsi. Lire, lire, et lire. Il ne s'en lassait pas réellement, après tout les histoires étaient toutes différentes, mais Asha se demanda s'il aurait à lire tout le reste de sa vie. Puis vint le soir. Asha avait mis au point un genre d'horloge interne pour connaître quelle heure il était à peu près.
Il n'était pas spécialement fatigué, mais il trouva juste d'aller se coucher assez tôt pour la journée de demain. C'est avec joie qu'il alla dans la chambre d'Aimé, heureux, une fois de plus, de pouvoir embêter ce dernier.
Cette fois, lorsqu'il débarqua dans la chambre d'Aimé, ce dernier ne lui adressa même pas son "Qu'est-ce que tu fous là" habituel. Non, il était silencieux, assis sur son lit, le regard dans le vide. Asha s'avança et s'accroupit sur son matelas.
- Aimé, commença Asha. Kalypso et Gaëtran se sont embrassés plusieurs fois tout à l'heure. Je ne savais pas tellement ce que ce geste signifiait, continua-t-il. Je leur et demandé et ils m'ont répondu que les gens s'embrassaient comme ça lorsqu'ils s'aimaient. Mais quand j'y repense, tu m'as embrassé. Lorsque j'étais dans les vapes et que je me suis réveillé, c'est la toute première chose que j'ai senti. Mais ce qui me dérange, c'est que tu ne m'aimes pas. Enfin, tu ne me connaissais pas et tu ne me détestais pas encore autant, mais je me demande ce qui a pu te pousser à...
- On m'a forcé, répliqua brutalement Aimé.
- Donc finalement il n'est pas nécessaire d'aimer ? C'est compliqué, les humains. Ils font de drôles d'actions.
- Ferme-la un peu.
La voix d'Aimé était tremblante. Asha le remarqua. Il fixa alors le visage d'Aimé et fut surpris de voir que ce dernier pleurait.
- Qu'est-ce qu'il y a, Aimé ?
- T'as pas à le savoir.
- Mais pourquoi pleures-tu ?
- Tu. N'as. Pas. A. Le. Savoir !
Sur ces mots, Aimé attrapa une des lattes d'Asha dessous le lit et la lui jeta dans un surplus de colère. Le bois vint se cogner contre le crâne d'Asha, et celui-ci fit un effort insurmontable pour ne pas hurler de douleur. Il se mordit la lèvre inférieure pour retenir son cri.
Il sentit quelque chose de chaud couler le long de son front et de ses tempes. Il y passa sa main et celle-ci fut rapidement couverte de sang. D'un rouge aussi écarlate que celui d'un humain. Aimé le remarqua, son visage se décomposa. En quelques secondes il réalisa ce qu'il avait fait et, paniqué, il se précipita vers Asha.
- Oh merde, murmura-t-il. Merde, merde, désolé. Je ne sais pas ce qui m'a prit je... Pardon. Tu as mal ?
Asha laissa sortir un faible "oui". Ses yeux étaient déjà emplis de larmes à cause de la douleur qu'il se forçait à retenir.
- Euh, ça saigne pas mal, attends.
Aimé retira son propre t-shirt et appuya le tissu contre la plaie d'Asha jusqu'à ce que le saignement cesse. Aimé retira le vêtement désormais fichu et se recula pour regarder Asha avec un certain regret.
- Désolé, je n'aurai pas dû, ajouta-t-il avec tristesse.
Et là, il attira Asha vers lui pour le prendre dans ses bras. Ce dernier ne s'y attendait pas et fut le plus surpris, mais il la surprise laissa rapidement place à la joie face au geste d'Aimé.
- Ce n'est rien, Aimé, finit-il par dire en se dégageant doucement.
Aimé retourna vers son lit avec une vitesse incroyable et tourna le dos à Asha, comme s'il voulait à tout prix oublier ce qu'il venait de se passer.
- Bonne nuit Asha, déclara-t-il finalement.
Asha lui répondit avec un sourire et s'endormit facilement malgré la douleur qui persistait. En cet instant, il était sûr et certain d'être plus humain que n'importe qui d'autre.
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