Chapitre 85 - Les chaînes de la concupiscence
ALTHEA
Alors que la peur de la découverte pesait sur mon esprit, je m'efforçais de dissimuler ma terreur à Lorcan. L'idée que Sa Majesté Léandre découvre ma véritable identité sans que je ne puisse lui avouer moi-même me torturait. Jamais il ne me pardonnerait cette supercherie. Et pourtant, il ne fallait pas que je montre ma faiblesse à Lorcan, cet imbécile prétentieux. Je ne savais pas encore quel sort macabre il me réservait, mais une chose était certaine : je devais trouver un moyen de m'évader. Mais encore une fois, mes pouvoirs m'avaient abandonnée au pire moment. Tout l'entraînement autodidacte de mon adolescence semblait vain. Si seulement j'avais eu un véritable mentor...
Perdue dans mes pensées, je fus ramenée à la réalité lorsque les esclaves commencèrent à me déshabiller pour me préparer un bain. Ils me lavèrent minutieusement, lavant mes cheveux avant de remplacer l'eau claire par une eau parfumée de lait et de pétales de rose. Je me résignai à les laisser faire, sachant bien que je n'avais aucune échappatoire avec les soldats qui montaient la garde à l'extérieur et ma propre énergie magique épuisée.
Une fois sortie du bain, elles me séchèrent et me coiffèrent avec soin. Elles m'habillèrent ensuite avec un corset serré et une robe d'un vert pastel délicat, brodée de motifs floraux, qui mettait en avant un décolleté orné d'une topaze éclatante. Mes cheveux furent en partie attachés avec une broche scintillante de petites topazes et de diamants, tandis que le reste tombait en cascade sur une épaule, voilant légèrement mon visage.
Pour le maquillage, ils utilisèrent des produits issus des technologies avancées de Drevania, privilégiant les pierres précieuses. Mes cils furent soulignés pour rehausser mon regard, mes joues gagnèrent une teinte délicate et mes lèvres furent ourlées d'un rouge magique, obtenu en pressant mes lèvres sur une feuille infusée d'un extrait de "Pourpre de Sylthoria", un pigment rare lié à une essence minérale. Cette touche subtile de magie dans le maquillage semblait un luxe dans un monde où la technologie et les pierres précieuses dominaient.
Ainsi transformée, je ne me reconnaissais presque plus dans le miroir qui me renvoyait l'image d'une aristocrate ; une illusion parfaite. Mais sous cette façade, mon esprit bouillonnait de stratégies d'évasion, résolue à ne pas laisser cette apparence définir le destin que ce parvenu de Lorcan avait prévu pour moi.
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DAREL
Après avoir ajusté les derniers détails de la tenue d'Althea, je l'emmenai directement aux appartements privés de Lorcan. Toquant avec assurance, j'entendis sa voix grave nous inviter à entrer.
L'intérieur était somptueusement décoré, Lorcan lui-même se tenant assis, vêtu d'une tenue exquise brodée d'or, tenant un verre de vin. Il semblait plongé dans ses pensées jusqu'à ce que nous fassions notre entrée.
— Voici Alden, prête comme convenu, annonçai-je, ne cachant pas une pointe d'ironie dans ma voix.
Lorcan resta figé, le verre suspendu à mi-chemin de ses lèvres, les yeux écarquillés d'étonnement ou d'admiration — difficile à dire. Une goutte de vin s'échappa et coula le long de sa joue, telle une larme écarlate.
— Général ? insistai-je, intrigué par son silence prolongé.
Il semblait avoir perdu l'usage de la parole, son regard fixé sur Alden comme s'il voyait l'apparition d'une nymphe.
— Euh, oui ? Oh... hum, Fais-là s'agenouiller devant moi et va-t'en, articula-t-il enfin, retrouvant difficilement ses esprits.
Obéissant, je pressai sur les épaules d'Alden pour l'inciter à s'agenouiller, non sans lui lancer un regard d'excuse malgré tout. Après une révérence respectueuse envers Lorcan, je me retirai mais restai troublé par sa réaction.
Lorcan avait toujours été calculateur et froid, mais là, il semblait totalement décontenancé.
L'idée qu'il puisse tomber sous le charme d'Alden me traversa l'esprit, une possibilité à la fois irritante et dangereuse. Si elle gagnait son affection, elle pourrait manipuler Lorcan contre moi. Non, cela, je devais l'empêcher. Mais d'abord, je devais découvrir ce qu'il mijotait.
Discrètement, je me positionnai derrière la porte, l'oreille collée au bois, prêt à écouter leur échange.
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ALTHEA
Ainsi agenouillée devant Lorcan, une part de moi savourait étrangement ce retour à ma féminité, à ces aspects de moi-même que j'avais dû dissimuler sous des couches de mensonges et de déguisements. La douceur de la robe, la fraîcheur de la topaze contre ma peau, et les parfums enivrants de rose et de mystère qui enveloppaient mon corps... tout cela ravivait en moi des sensations que j'avais presque oubliées. Mais l'amertume de la situation tempérait rapidement cette douce euphorie.
Je n'aurais jamais souhaité que mon retour à la féminité soit exhibé comme un spectacle pour Lorcan, cet homme que je méprisais tant pour sa cruauté et son arrogance. Et pourtant, là, dans la splendeur dorée de ses appartements, je me trouvais réduite à une marionnette tel une courtisane dans un théâtre d'ombres et de lumière, jouant un rôle que je n'avais pas choisi.
Lorcan, lui, semblait presque paralysé par la révélation de ma véritable identité, ses yeux parcourant chaque détail de ma transformation comme s'il tentait de reconstituer un puzzle dont il avait perdu les pièces depuis longtemps. Son regard s'attardait, inquisiteur et froid, et une ombre de désir non dissimulé traversait parfois ses traits, ce qui ne faisait qu'accentuer mon dégoût et ma répulsion.
— Vous vous êtes surpassés, Alden, ou devrait-je dire... ? murmura-t-il enfin, rompant le silence pesant qui s'était installé entre nous.
Sa voix, doucereuse et calculatrice, glaçait mon sang. Il me dévisageait non pas comme un égal ou une esclave, mais comme un objet précieux ou pire, comme une curiosité exotique à exploiter.
— Althea ! Et je serai toujours la même personne ! répondis-je d'une voix ferme, bien que ma position inférieure me coûtât de reconnaître même ce petit pouvoir sur mon identité.
— Ah, mais quel dommage que nous devions jouer ces petits jeux, reprit-il avec un sourire qui n'était ni tout à fait amical ni tout à fait cruel. Que comptez-vous faire maintenant, emprisonnée dans votre propre énigme ?
Sa question pendait dans l'air, chargée de menaces voilées et de promesses douloureuses. Mon esprit, pourtant accablé par la fatigue et le désespoir, se mit à travailler fébrilement. Je devais trouver un moyen de m'échapper, de retourner à Léandre. Mais avant tout, je devais survivre, survivre assez longtemps pour tourner les tables contre Lorcan et ses manigances.
Je relevai la tête, le fixant avec toute la détermination et le courage que je pouvais rassembler, prête à jouer cette partie dangereuse jusqu'au bout, quel qu'en soit le prix.
Mon silence étirait le temps, et finalement face à mon absence de réponse il abandonna son siège pour venir se placer à ma hauteur. Je détournai mon visage, refusant de croiser son regard triomphant. Il observa mon profil avec une curiosité presque esthétique.
— Ton nez, tes yeux, ta bouche... Tes traits sont aussi fins que les lignes d'une gravure délicate, murmura-t-il, son haleine frôlant ma joue.
Je lui lançai un regard incendiaire en réponse à ses paroles insidieuses.
— Que comptez-vous faire de moi ? demandai-je, ma voix trahissant une fermeté que je peinais à ressentir due à l'angoisse grandissante.
Lorcan recula, se saisit de son verre et but une longue gorgée. Puis, il se mit à arpenter la pièce, plongé dans ses pensées, avant de lancer un monologue qui glaça mon sang.
— À la chasse, je capture parfois des créatures des bois, aussi rapide que des ombres-furtives. Certains de ces êtres mangent dans ma main, tandis que d'autres continuent de gronder et de me défier, les yeux flamboyants, jusqu'à leur dernier souffle. J'écorche et dépèce ceux qui me sont devenus dociles après que je les ai nourris et les mets dans ma collection. Mais ceux qui me résistent, oh, ceux-là m'enthousiasment bien plus. Cela m'excite de les dompter. Quand nous arriverons à Drevania, je ferai de toi ma dame de compagnie, ma concubine. Tu ne succomberas point aux douceurs ni aux caresses que je te donnerai. Tu ne te laisseras pas apprivoiser. A l'instant où tu fléchiras, où tu te soumettras, ce sera ta fin. Je t'écorcherai, te tuerai, et t'ajouterai à ma collection.
Son dessein révélé m'inonda d'une nausée profonde et d'une rage froide. Je jetai des regards furtifs autour de nous, cherchant désespérément quelque chose qui pourrait servir d'arme. Seul un arc reposait derrière son fauteuil, hors de portée. Lorcan, toujours avec son verre en main, semblait savourer ma détresse.
Je devais agir, et vite. Il me fallait briser ce verre, en saisir un tesson, et me libérer des liens qui entravaient mes mains. Tout en écoutant son monologue, je planifiais ma prochaine manœuvre, chaque seconde me rapprochant de l'éventualité de ma fuite ou de ma fin.
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DAREL
Devant l'horreur de la scène qui se déroulait sous mes oreilles, je plaçai instinctivement une main devant ma bouche, hoquetant de stupeur. Les mots de Lorcan, imprégnés d'une cruauté presque artistique, résonnaient encore dans mon esprit, confirmant mes pires craintes et suscitant une inquiétude grandissante. Non seulement il envisageait de faire d'Alden, cette femme intrépide, sa concubine, mais cela lui donnait aussi une ouverture terrifiante pour exercer une vengeance contre moi, pour tous mes actes de trahison envers le Gouverneur, Valeria, le Roi Léandre, et ma collaboration avec Darius.
La pression de l'urgence m'étreignant, je m'éclipsai précipitamment de derrière la porte, me frayant un chemin vers la cour du palais. Une fois à l'extérieur, je commençai à marcher de long en large et en travers, chaque pas martelant le pavé comme le battement d'un cœur alarmé. La fraîcheur de la soirée n'apaisait en rien l'agitation qui me consumait.
Je devais agir, et vite. L'idée qu'Alden puisse gagner de l'influence sur Lorcan ou de la supériorité sur moi lui permettrait d'utiliser sa position pour se retourner contre moi. Et cette idée m'était insupportable. Plus je réfléchissais, plus les scénarios se bousculaient dans mon esprit, chacun plus désastreux que le dernier.
L'air froid mordait mes joues tandis que je tentais de rassembler mes pensées, cherchant désespérément une issue, une stratégie pour contrecarrer les plans de Lorcan sans m'exposer davantage. L'image d'Alden, utilisant sa proximité avec Lorcan pour orchestrer ma chute, me hantait.
« Comment avais-je pu me retrouver dans une telle impasse, jouant un rôle dans une machination qui pourrait très bien se retourner contre moi ? »
Chaque respiration amenait une bouffée d'air frais, mais aucune clarté. Je devais trouver une solution, une faille dans les plans de Lorcan, ou tout ce pour quoi j'avais travaillé, toutes les sécurités que j'avais mises en place pour protéger ma position, pourraient s'effondrer comme un château de cartes sous l'assaut d'une brise imprévue.
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