
Chapitre 62 - La maladresse de Son Altesse Impériale
ALTHEA
Après une fuite éreintante qui nous avait menés à marcher à travers la forêt toute la nuit et toute la journée, nous nous accordâmes enfin une pause méritée près d'une rivière en fin d'après-midi. La tension de la poursuite s'était quelque peu dissipée, laissant place à la fatigue et à la faim. J'avais réussi à chasser un lapin, une maigre victoire dans notre situation précaire, mais une victoire tout de même. J'allumai un feu, habilement dissimulé pour éviter toute détection, et y mis le lapin à cuire.
Le prince, peu habitué à ce genre de repas de fortune, ne put s'empêcher de râler.
— C'est ça, notre dîner ? marmonna-t-il, le dédain teintant sa voix et observant le lapin avec une réticence évidente.
Je le regardai avec un brin d'exaspération.
— Si vous n'êtes pas content, Votre Altesse, vous avez toujours l'option de mourir de faim, répliquai-je sèchement.
Ce n'était ni le lieu ni le moment pour faire le difficile. Notre survie dépendait de notre capacité à nous adapter, et le luxe n'avait pas sa place ici. Il me lança un regard quelque peu surpris par ma répartie directe, mais je pouvais voir qu'il comprenait la situation. Nous étions loin des somptueux dîners du palais, ici, dans l'obscurité de la forêt, fuyant pour notre vie. Chaque bouchée de ce lapin était une bénédiction, un rappel que nous étions toujours vivants, toujours en lutte.
Le prince finit par s'asseoir près du feu, acceptant avec réticence le repas que je lui proposais.
— Je suppose que c'est mieux que rien, concéda-t-il finalement, un soupçon d'humilité dans sa voix.
Ce moment, aussi banal fût-il, marquait une étape importante dans notre périple. Le prince, malgré son statut et son éducation, commençait à comprendre les réalités d'une vie loin d'un palais et les sacrifices nécessaires pour survivre. Du moins je l'espérais. Pour ma part, j'étais déterminé à le protéger, à le guider à travers ces épreuves, peu importe les défis à venir.
Alors que le lapin finissait de cuire, l'arôme se mélangeant à l'air frais de la forêt, je ne pus m'empêcher de penser à la route qui nous attendait. Incertaine, dangereuse, mais aussi porteuse d'espoir. Si nous restions soudés, peut-être avions-nous une chance de changer le cours des choses, pour le prince, pour l'empire, et pour moi-même. Il fallait que le prince arrive sain et sauf à Ekousa afin de rétablir la vérité et que mon père puisse être libéré.
Après notre repas improvisé, une douleur lancinante commença à me tirer le bras, devenant de plus en plus insupportable. J'avais réussi à cacher ma blessure, infligée par une flèche durant notre évasion, ne voulant pas alourdir le prince de soucis supplémentaires. Mais à présent, la douleur s'intensifiait, devenant presque insoutenable, me faisant vaciller. Je sentais la chaleur m'envahir, une sueur froide perlant sur mon front malgré la fraîcheur ambiante de la forêt. Tentant de masquer ma faiblesse, je m'adossai contre le tronc d'un arbre, espérant que le repos apaiserait la douleur. Mais chaque battement de mon cœur semblait pomper la souffrance dans tout mon corps, rendant la moindre respiration pénible.
La réalité de ma situation m'apparut clairement : la blessure était bien plus grave que je ne l'avais admis, peut-être même infectée. L'adrénaline de la fuite m'avait permis d'ignorer la douleur jusqu'à présent, mais mon corps atteignait ses limites. Fermant les yeux, j'espérais trouver un peu de répit dans le sommeil, même si ce n'était que pour quelques instants. Ma tête reposait contre l'écorce rugueuse, le murmure de la rivière à proximité mélangeant ses sons apaisants à ceux de la forêt.
Je m'assoupis, laissant derrière moi, le temps d'un instant, la douleur et les soucis. Mais même dans cet état semi-conscient, une partie de moi restait vigilante, consciente du danger qui nous guettait toujours, prête à protéger le prince à tout prix. Mon dernier souffle avant de succomber au sommeil fut une prière silencieuse pour la force de surmonter ce qui nous attendait.
Réveillée brusquement par un bruit suspect, je me redressai d'un bond, le cœur battant la chamade. Un rapide coup d'œil autour de moi révéla l'absence du prince. La panique s'empara de moi.
— Votre Altesse ! criai-je, ma voix se perdant dans le murmure de la forêt.
En me levant précipitamment, je remarquai des traces toutes fraîches près de la rivière, des empreintes humides sur la terre sèche, menant vers l'eau, et une étoffe déchirée accrochée à un buisson bas, manifestement arrachée dans la précipitation. Mon esprit fit le lien instantanément : il avait dû tomber dans la rivière.
La rivière, bien que pas très profonde, était traîtresse avec son courant fort. Aurelian, avec ses compétences limitées en natation, risquait d'être en grave danger. Guidée par l'urgence, je longeai la berge, suivant le courant, les yeux scrutant désespérément l'eau à la recherche d'un signe de lui.
Et soudain, là, un peu plus loin, je le vis : le prince Aurelian, accroché à une branche, la tête en bas, battant des jambes dans un effort vain pour se libérer. Son visage était pâle, ses yeux écarquillés par la peur et l'effort.
Sans hésiter, je me précipitai vers lui, manquant de glisser sur les pierres mouillés et les racines dissimulées sous l'eau. J'atteignis finalement sa position, luttant contre le courant qui cherchait à m'emporter.
En me voyant arriver, il se mit à geindre dramatiquement :
— Anh Alden! Ah Alden ! Ahaaha ! Fais-moi descendre ! Mon cerveau va exploser avec tous ce sang qui arrive à l'envers dans ma tête !
« Il n'est pas croyable. »
Son ton exagéré me poussa à jouer un peu avec lui :
— Patientez un peu. Je suis sûre qu'un groupe de brigands passera par là pour vous sauver.
J'opérai un demi-tour, feignant de partir.
— Non, attends, Alden, je t'en prie. Je suis vraiment désolé, je ne m'éloignerai plus promis. Aide moi s'il te plaît. Au secours !
Son appel était à la fois désespéré et sincère. Je me retins de sourire, feignant la réflexion. Il était temps qu'il apprenne quelques leçons sur la survie et sur l'importance de rester vigilant. Nos vies sont en danger et avoir un boulet comme lui dans les pattes ne nous facilitais guère les choses. Je soufflai et m'approchai de la branche à laquelle il était suspendu et, d'un geste sec et délibéré, la cassai pour le faire tomber brutalement sur la berge.
— Ah ! Aïe ! Un peu de préavis avant de casser la branche aurait été apprécié ! se plaignit-il en se relevant péniblement.
— Hum...
Afin qu'il ne m'échappe plus je décidai de le tirer par sa robe en en faisant un nœud autour de mon poignet avec la partie déchiré. Pendant le trajet je restai muette, préoccupée par mon père et par mon bras qui me lançait de plus en plus. Sans médicament et avec seulement mon arc pour compagnie, la douleur commençait à m'obscurcir la pensée. Pendant ce temps, le Prince continuait de se plaindre, comme à son habitude.
— J'ai promis de rester près de toi. Détache cette robe, arrête de me tirer partout.
Ignorant ses protestations, je le forçai à avancer, malgré la douleur lancinante dans mon bras. Sa robe, nouée autour de mon poignet, servait de lien, une mesure de sécurité autant qu'une punition.
— Hé, tu es devenu sourde ou muette ?
Voyant que je ne répondais toujours pas il s'arrêta soudainement, tirant sur la robe afin que je lui fasse face.
— Tu ne me fais pas confiance ? Écoute je ne partirai pas même si je suis contre ta décision. Si on continue jusqu'à Ekousa on risque la mort !
— Non, justement. Je ne vous fais pas confiance.
— Tu es tellement têtu. Les hommes de Lorcan nous tueront dès notre arrivée à Valeria. Tu ne comprends donc pas ?
— Le Roi de Valeria vous protégera.
— Il a déjà essayé et il a échoué je te rappel. On vient à peine d'échapper à ce chaos !
— C'est le seul en qui j'ai confiance.
— Comment peux-tu être aussi bête ?
— Vous devez absolument aller à Ekousa. C'est le seul endroit où nous pourrons prouver l'innocence de mon père et que vous êtes vivant. Une fois arrivés là-bas vous allez leur dire haut et fort que ceux qui ont tenté de vous tuer ne sont pas des nôtres mais des soldats Drevaniens !
En guise de réponse il s'assit brusquement par terre :
— Mes jambes ne me portent plus de toute façon. En plus j'ai faim et besoin de repos. Je n'ai plus d'énergie pour marcher. On marche depuis 2 jours ! On ne peut plus avancer comme ça.
— Votre Altesse ?
— Oui ?
— Savez-vous qui est la créature la plus faible de cette forêt ?
— Quelle bêtise tu vas me sortir ? Vas-y surprends moi encore avec l'une de tes remarques.
— C'est vous, Votre Altesse Impériale. Vous n'avez ni l'énergie ni le courage d'assurer votre propre protection.
— C'est vrai, vaurienne. Tant mieux pour toi si tu sais te protéger, grogna-t-il.
— Restez ici alors. Au crépuscule, des bêtes sauvages affamées se regrouperont ici.
Je lâchai sa robe et m'en allai, je l'entendis continuer à râler :
— Ouai, c'est ça. Tu appelles ça une menace ? Où est ce que tu vois des animaux dans cet... Oh Aaaah ! Aaah ! Alden !
Me retournant je le vis se rouler par terre et bondir en sautillant et en criant.
— Un scorpion ! Au secours !
Il commença à courir me dépassant, tandis que moi je restai abasourdi. Ne me voyant pas bouger il se retourna et me lança :
— Alors on bouge ? Pourquoi me regarde tu ! Ne restes pas planté là et suis moi ! Allez, viens ! A moins que tu ne préfère attendre ici que les prédateurs nocturnes arrivent, dit-il avec assurance.
Malgré la douleur et la fatigue, je ne pus m'empêcher de sourire. Aurelian avait peut-être encore beaucoup à apprendre, mais ensemble, nous avions une chance. Une chance de prouver la vérité à Ekousa afin de sauver mon père.
**********
DAREL (le traître, garde du gouverneur Lorncrest, ami d'Emeric et taupe de Darius)
Ayant entendu parler du « Miroir des Illusions », une création sophistiquée des Drevaniens, je réalisai que c'était exactement ce dont nous avions besoin pour dévoiler l'identité de celui qui aidait le prince Aurelian. Connaissant l'urgence de la situation et les ordres de Darius, je me mis en quête d'un artisan capable de manipuler cet appareil extraordinaire.
Je trouvai un artisan renommé, un maître dans l'art de la technologie Drevanienne, spécialisé dans l'interaction entre les minéraux et les dispositifs optiques. Arrivé dans son antre je lui dis :
— J'ai une tâche pour vous Monsieur, lui exposant mon besoin de créer un portrait-robot basé sur des descriptions précises pour identifier un individu.
Je lui précisai que c'était un ordre impérial. L'artisan m'écouta alors avec intérêt, intrigué par l'utilisation du miroir. Ensemble, nous élaborâmes un plan pour ajuster le miroir afin qu'il puisse composer une image à partir de descriptions verbales. Il commença par intégrer un système de reconnaissance vocale au miroir, utilisant la résonance unique des cristaux pour interpréter les mots.
— Décrivez-moi la personne, me demanda-t-il, activant le miroir.
Je lui fournis chaque détail que je connaissais sur Alden, depuis la couleur des yeux jusqu'à la forme du visage, en passant par sa stature féminine et ses vêtements typiques. À chaque terme prononcé, le miroir réagissait, ses cristaux s'illuminant d'une lueur bleutée, et l'image projetée commençait à prendre forme. C'était comme si les mots prenaient vie, se matérialisant en une figure humaine devant nos yeux ébahis.
Une fois satisfait de l'image reflétée, qui semblait correspondre parfaitement à la description fournie, l'artisan utilisa un procédé spécial pour transférer cette image sur un support physique. Le miroir projeta un faisceau de lumière concentré sur une plaque métallique fine, gravant l'image du mystérieux complice du prince.
— Voilà votre portrait-robot, annonça l'artisan, me tendant la plaque.
L'image gravée était d'une clarté étonnante, une représentation fidèle qui pourrait facilement être reconnue par quiconque connaissant l'individu.
— C'est le meilleur portrait-robot d'Alden ! Ah ! Regardez-moi ça, lui dis-je en prenant la plaque. Vous êtes un vrai artiste ! Vous avez su capturer le visage d'Alden ! Vraiment merci, votre expertise pourrait bien changer le cours de mes projets ! ajoutai-je en me frottant les mains.
Armé de ce portrait, je savais que j'avais en main la clé pour avancer dans notre quête et augmenter de grade. Le Prince m'avait promis de le faire nommer général de la garde pour ma contribution. Je me hâtai de retourner auprès de Darius, le portrait-robot bien en main, prêt à lui révéler l'identité de celui qui se dressait entre nous et le prince Aurelian. Cette technologie, était d'une efficacité redoutable. Elle illustrait parfaitement la finesse et la puissance des outils à notre disposition.
Dès que j'arrivai chez le Prince Darius, je ne pris pas la peine de tergiverser :
— Votre Altesse, c'est Darel. Puis-je entrer ? lançai-je.
Silas, posté à l'entrée, tenta de m'arrêter d'une main ferme sur ma poitrine.
— Son Altesse est occupée avec des affaires importantes. Vous devriez revenir plus tard.
— Le temps presse. Il est impératif que je parle à Son Altesse maintenant ! Permettez-moi d'entrer, insistai-je écartant sa main avec détermination pour passer malgré son avertissement.
Je l'entendis marmonner derrière moi, indigné :
— Quel audace ! Comment ose-t-il ? Recruté par mes soins et il se permet de me devancer ?
Sans me soucier de son mécontentement, je pénétrai dans la pièce où se tenait le prince, interrompant sans ménagement sa réunion. Silas, me suivant, tenta d'intervenir encore une fois :
— C'est inadmissible d'interrompre Son Altesse ainsi pendant sa réunion ! s'écria-t-il.
Je n'avais pas de temps à perdre avec ses formalités. Ignorant Silas, je me présentai directement devant Darius, remarquant la présence du Général Dravell, du Général Lorcan, et d'Alexandre, tous concentrés sur leur discussion. Sans leur accorder la moindre attention, je m'avançai, tenant fermement le miroir des illusions dans la main.
— Votre Altesse, veuillez jeter un œil à ceci, commençai-je, posant la plaquette devant lui. C'est l'homme qui accompagne le Prince Aurelian.
Darius leva une main, demandant un moment de silence pour se concentrer.
— Comment se nomme-t-il ? interrogea-t-il.
— Alden, répondis-je.
Sa réaction fut immédiate.
— Quoi ?! Alden !? s'exclama-t-il surpris
— Oui dis-je hochant la tête.
D'un geste, il ordonna à Silas :
— Faites dupliquer ce portrait par illusion ainsi que par esquisse. Mandatez des artisans et des peintres ! Mettons toutes les chances de notre côté. Diffusez le portrait dans tout le royaume. Mettez une prime sur la tête de ce traître ! Mobilisez la garde royale et mon armée privée. Les accès vers Ekousa, surtout par la montagne, doivent être minutieusement surveillés. Je veux des gardes partout ! Avez-vous compris ?
— Je...
Alors que Silas allait répondre, je m'empressai d'acquiescer à sa place le laissant pantois :
— Parfaitement Votre Altesse. Je prends la responsabilité de cette mission.
La détermination dans ma voix marquait mon engagement total envers cette quête. La chasse était lancée, et je savais que rien ne serait plus comme avant. C'était le début d'une traque qui allait bouleverser le destin de l'empire et du royaume. Quant au Général Dravell il échangea avec son fils un regard. Ma démarche audacieuse semblait les avoir pris par surprise, mais après tous qui ne serait pas impressionné par une telle audace ? C'est alors que le général Lorcan prit la parole, décidé :
— Je prendrai en charge les opérations dans la montagne. J'aurais besoin de vos soldats et de quelques loups de chasse pour mener à bien cette mission.
A cet instant précis, Eryndor fit son entrée, un bandage frais entourant son cou. Lorcan, interloqué par la vue de la blessure de son frère, l'interrogea aussitôt :
— Qu'est-il arrivé à votre cou ?
— C'est le Gouverneur Lorncrest. Cet idiot ma attaqué de manière inattendue et s'est jeté sur moi comme un fou furieux. Il nous faudra des chaînes plus solide pour le retenir afin qu'il ne blesse plus personne ! Si seulement nous disposions ici des cristaux de Lys de la prison de l'âme pour le contenir efficacement !
— Oui, Monsieur. Je m'occupe des chaînes, répondit Silas content d'enfin servir à quelque chose.
L'organisation rapide d'une chasse à l'homme sur plusieurs fronts nécessitait une coordination sans faille, et les paroles échangées ici scellaient le sort de nombreux destins. La traque pour retrouver le Prince Aurelian et son mystérieux allié, Alden, était désormais en marche, avec toutes les forces du royaume mobilisées pour cette quête.
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