Chapitre 61 - L'honneur du Général
GENERAL CAIUS DRAVELL
Mon cœur était lourd, mais ma résolution inébranlable. L'honneur, selon les lois ancestrales et les codes qui régissaient notre monde, devait être préservé, même dans la mort. C'était un principe auquel je m'étais toujours tenu, même dans les moments les plus sombres. Mon geste n'était pas celui d'un assassin, mais celui d'un guerrier offrant une dernière échappée honorable face à l'inévitable.
Soudainement, je perçus une intensité nouvelle dans le regard de Son Altesse. Écartant son garde d'un geste, il se plaça résolument devant lui. Sa détermination était palpable, et il émanait de lui une présence imposante. Il me fixa avec une force dans le regard qui me prit au dépourvu et déclara :
— Regardez-moi Général. Dites-moi qui je suis ?
Sa question me prit de court, et avant même que je puisse articuler une réponse, il poursuivit :
— L'empereur ma choisi comme son successeur. Je suis l'héritier du trône de Drevania. Tuez-moi et vous ne serait rien d'autre que le chien du Grand Conseiller. Mais plus que cela, votre lignée sera maudite pour avoir versé le sang de l'héritier Impérial.
Il ferma les yeux, une résolution gravée sur son visage, et me lança :
— Maintenant, faites-le. Allez-y. Imprégnez votre lame du sang royale et impérial.
Je répondis, cherchant les mots justes :
— Un aigle sans trône ne vaut pas plus qu'une souris, tel qu'un souverain sans royaume n'est guère plus qu'un fantôme parmi les vivants.
— Mon père est mourant, il n'a plus beaucoup de temps. Si je survis encore un peu, j'accéderai au trône.
Sa voix trahissait une pointe de désespoir.
— Même si ce n'est pas par ma main quelqu'un d'autre que moi vous ôtera la vie !
— Je ne périrai pas ! Mon aïeul à la sixième génération, Ned Adkin, veille sur moi.
— Ned Adkin...
Ce nom résonna en moi avec la force d'une révélation. Ned Adkin le conquérant. Le légendaire fondateur de notre Empire. Celui qui avait uni sous sa bannière plusieurs peuples pour créer la plus grande puissance que le monde n'ait jamais connue. C'était le seul ayant réussi à faire face à la Ligue des Cités Libres, une puissante coalition déterminée à stopper son expansion. La bataille qui s'en suivit fut épique grâce à sa stratégie audacieuse entrée dans les légendes. Il avait créé un empire unifié, prospère et en paix qui s'étendait des montagnes glacées du nord aux déserts brûlants du Sud. Il fut couronné premier empereur sous les acclamations de son peuple, unifiant sous sa couronne de nombreuses cultures de ses terres conquises. Sa bravoure et sa vision avaient façonné notre histoire, et son héritage perdurait à travers les âges. Le nom de Ned Adkin est synonyme de grandeur encore aujourd'hui et le restera à jamais.
La prise de conscience fut brutale. Assassinerais-je le dernier descendant de Ned Adkin, mettant ainsi fin à une lignée qui avait façonné l'histoire de notre empire ? La malédiction d'un tel acte me poursuivrait jusqu'à la fin de mes jours, et poursuivra ma lignée jusqu'à la fin des temps.
Mes réflexions furent interrompues par la voix pressante d'Alexandre, de l'autre côté du pont :
— Père, que faites-vous ? Lorcan sera bientôt là.
Dans ce moment suspendu, je réalisai l'ampleur de ma décision. Agir comme le bras armé du Grand Conseiller ou choisir un chemin plus honorable, fidèle à l'esprit des grands guerriers qui avaient bâti notre empire. La réponse semblait soudainement claire, évidente. Mon devoir n'était pas seulement envers le présent, mais aussi envers le passé glorieux de notre nation et l'avenir qu'incarnait le Prince Aurélian.
Sans hésiter, je pivotai brusquement vers le soldat qui se tenait derrière moi. D'un mouvement rapide et tranchant, je lui ouvris la gorge et lui mit un coup de pieds afin de le jeter dans la falaise. A mes côtés, Alexandre agissait avec la même détermination dès qu'il me vit faire mon action. Il avait compris rapidement. D'un geste précis, il neutralisa les trois autres soldats qui l'accompagnaient. Ses gestes étaient rapides, laissant peu de place à la réaction. Les corps des soldats s'effondrèrent sur le sol, témoins silencieux de notre décision.
Alexandre ayant fini son œuvre, me rejoignit rapidement, traversant le pont avec une assurance qui contrastait avec la tension de l'instant. M'avançant vers Aurelian je marquai un arrêt, pesant l'ampleur de ce que nous venions de faire et lui dis-alors :
— Promettez-moi ceci : survivez et montrez-moi de quoi vous êtes capable.
— Le Ciel ne laissera pas tomber l'aigle blanc, héritier du trône, me répondit-il avec assurance.
Je m'agenouillai alors devant lui, mon épée plantée au sol en signe de soumission. Alexandre, suivit rapidement mon exemple. D'une voix forte, je proclamai :
— Vous êtes mon empereur, maintenant. Ne m'oubliez jamais, Votre Altesse.
Je sortit ensuite un couteau de ma poche et le tendit au jeune garde.
— Utilisez ceci pour couper les cordes du pont. Il a été forgé avec un acier de Drevan, capable de trancher n'importe quel matière. Une fois que l'on sera de l'autre côté avec Alexandre coupez le cordage. Nous nous occuperons de faire diversion en détournant l'attention de Lorcan lorsqu'il sera là.
Alexandre et moi traversâmes rapidement le pont. Derrière nous, le garde s'exécuta, et le pont s'effondra dans le gouffre, coupant notre retraite mais assurant leur évasion. Nous nous empressâmes ensuite de jeter les corps des soldats qu'Alexandre avait neutralisé par-dessus la falaise, effaçant toute trace de notre passage. Une fois notre tâche accomplie, nous observâmes Aurelian et son garde s'enfoncer dans la forêt opposée, disparaissant de notre vue.
Alexandre à mes côtés, me lança alors, l'inquiétude perceptible dans sa voix :
— Vous ne regretterez pas votre choix Père ?
— Quand l'empereur sera mort, ce petit idiot montera sur le trône. Si je dois parier, je préfère prendre davantage de risque. Dans le pire des cas je meurs, mais si les choses tournent en notre faveur on me donnera du pouvoir.
C'est un pari risqué, un jeu dangereux dans lequel nous nous lancions. Mais dans ce moment, face à la possibilité d'un changement, je choisissais de prendre le risque. Pour l'Empire, pour l'avenir, et peut-être, pour une chance de rédemption.
A peine avions-nous fini notre discussion et d'observer leur fuite que Lorcan et Eryndor déboulèrent, essoufflés avec quelques hommes. Lorcan se précipita au bord de la falaise, constatant avec fureur le pont effondré. Il hurla à ses soldats, sa voix tranchant le silence :
— Qu'attendez-vous bande d'incapable ?! longez la falaise ! Maintenant ! Trouvez un autre moyen de la traverser !
Eryndor acquiesça et dirigea une escouade en quête d'une alternative. Lorcan, les yeux étincelants de colère, se tourna vers moi. D'un ton plein de dérision je lâchai :
— Ils étaient presque à portée de main. Ils ont coupé le pont avant que l'on puisse le traverser. J'aurais apporté davantage d'hommes si j'avais su...
Il ne me laissa pas terminer. Un coup de poing brutal me frappa au visage, sa force me renversant au sol. Puis, il se mit à me battre sans retenue, utilisant son fourreau et ses bottes, tout en hurlant :
— Dravell ! Salaud ! Incapable ! Abruti fini ! Imbécile inutile !
Ses coups pleuvaient, chaque impact un message clair de sa frustration et de sa rage. Je tentais de me protéger tant bien que mal, conscient de la gravité de mon échec aux yeux de Lorcan. Mais je devais jouer la comédie.
**********
DARIUS
En position dominante sur les remparts de la forteresse de Lylh Serine, je scrutais l'horizon quand je vis le Général Dravell et le Général Lorcan approcher. Leur allure rapide et décidée trahissait l'urgence de leur mission. Je descendis les marches de pierre pour les accueillir, ma curiosité piquée par l'issue de leur poursuite.
À leur vue, je ne pus m'empêcher de noter l'état déplorable de Dravell, son uniforme maculé de poussière et de sang, le visage marqué par les coups. Lorcan, quant à lui, affichait une expression sombre, la frustration et la colère se lisant clairement dans ses yeux.
— Quelles sont les nouvelles ? demandai-je dès que je fus à leur portée, ma voix portant l'autorité et l'attente d'un rapport complet.
Dravell, visiblement éprouvé, haletait encore de leur course effrénée. Il tenta de rassembler sa dignité malmenée pour me répondre, mais c'est Lorcan qui prit la parole, son ton tranchant comme la lame d'une épée.
— Ils nous ont échappés. Le prince et son garde ont réussi à couper le pont, nous bloquant, expliqua Lorcan avec une amertume palpable. Dravell ici présent n'a pas su les capturer à temps, comme à son habitude.
Je considérai cette information, pesant les implications de leur échec. Le pont détruit signifiait non seulement la fuite de nos cibles mais aussi un obstacle supplémentaire dans notre quête de contrôle total sur la région.
— Et maintenant ? questionnai-je, mon regard passant de l'un à l'autre, cherchant une trace de solution dans ce chaos.
Lorcan, toujours maître de lui malgré la rage qui bouillonnait, répondit :
— Nous devons trouver un autre moyen de les retrouver. Le temps presse et chaque instant perdu joue en leur faveur.
Je hochai la tête, conscient des défis qui nous attendaient.
— Organisez des patrouilles. Je veux que chaque chemin, chaque passage soit surveillé. Ils ne s'échapperont pas si facilement, ordonnai-je, ma voix impérieuse résonnant dans le silence tendu. Je me demande tous de même comment a-t-il pu vous échapper encore une fois ?
Lorcan, imperturbable, me rétorqua avec une calme assurance :
— Ce n'est pas le moment de désigner des responsables.
Insatisfait mais résolu, je donnai mes ordres, coupant court à toute discussion inutile :
— Fouillez les environs.
— Oui, acquiesça-t-il, marquant son accord.
Eryndor prenant l'initiative, se tourna vers nos hommes et commanda avec autorité :
— Fouillez les environs !
Ses mots, portés par la détermination, se répandirent parmi les soldats, transformant rapidement la cour en un lieu d'activité fébrile. Malgré le désarroi causé par l'évasion du prince, l'organisation d'une fouille sous le commandement de Lorcan et Eryndor symbolisait notre volonté de continuer la lutte, de ne pas laisser cet échec définir l'issue de notre entreprise.
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