Chapitre 59 - Un destin Tragique
ALTHEA
Je m'éloignais de mon père avec le cœur en morceaux, chaque pas me déchirant un peu plus. Le prince Aurelian tentait de me guider plus profondément dans la forêt, mais je résistais, l'âme submergée par une marée de chagrin. Incapable de simplement fuir et me cacher, je trouvais un repli dans l'ombre, un endroit d'où je pouvais observer la bataille, impuissante. La scène qui se déroulait devant mes yeux était un cauchemar éveillé. Les nôtres tombaient les uns après les autres, fauchés par l'ennemi impitoyable. Et puis d'un coup, je vis mon père, le fier et vaillant gouverneur, être capturé. Ils l'ont ligoté avec des chaînes, son corps marqué par les blessures, son visage empreint d'une souffrance stoïque. Mes yeux se sont remplis de larmes, chaque goutte un mélange de rage, de désespoir et d'impuissance. Je voulais courir vers lui, briser ses chaînes, le sauver de cet enfer. Mais je savais, au fond, que ce serait vain, que je ne ferais que me jeter dans la gueule du loup.
Aurelian, sentant mon désarroi, tenta de me retenir, m'enveloppant dans une étreinte ferme. Sa force était rassurante, mais elle ne pouvait étouffer le feu de ma douleur. Il se plaça devant moi, ses bras formant un rempart contre le monde, tentant de me protéger de la réalité cruelle qui se déroulait sous nos yeux. Mais même cette chaleur, cette proximité, ne pouvaient apaiser mon cœur brisé. Je pleurais sans retenue, chaque sanglot un cri muet pour mon père, pour notre peuple, pour notre avenir désormais incertain. Aurelian restait là, silencieux, son étreinte un aveu tacite qu'il n'y avait rien à dire, rien qui pourrait changer la situation. Seul le son de la bataille en contrebas nous parvenait, un rappel constant de l'urgence et du désespoir de notre situation.
Dans cet instant, j'ai compris avec une clarté douloureuse que le monde que je connaissais, que nous connaissions tous, était en train de s'effondrer autour de nous. Et malgré la force du prince, son désir de me protéger, je savais que le chemin à venir serait jonché de pertes et de sacrifices. Mais pour l'instant, tout ce que je pouvais faire, c'était pleurer pour mon père capturé, pour notre destin brisé, dans les bras d'Aurelian, espérant contre toute espérance trouver une lueur dans cette obscurité suffocante.
En voyant le prince Darius émerger des ombres, suivi de près par Darell et Silas, mon cœur s'est serré d'une douleur nouvelle, il s'est presque arrêté de battre. Une trahison qui transcendait tout ce que j'avais pu imaginer. Darius, celui qui m'avait recueillie enfant, qui avait façonné une partie de ma vie, se tenait là, un traitre à son peuple, à sa patrie. J'avais entendu des rumeurs sur ses actions, sur sa capacité à commettre l'impensable, mais jamais je n'aurais cru qu'il irait jusqu'à vendre son royaume. La révélation qu'il était l'oncle de Léandre ne faisait qu'ajouter à l'amertume de cette rencontre. Quelle ironie cruelle pour Léandre, d'être lié par le sang à un homme capable d'une telle trahison. Pendant longtemps, j'avais porté le poids de la culpabilité pour avoir choisi de me ranger aux côtés de Léandre contre Darius. Mais maintenant, devant moi, la preuve vivante de sa perfidie, je me sentais justifiée dans mon choix. C'était la confirmation que, malgré les doutes et les incertitudes, j'avais pris la bonne décision.
Quel gâchis, pensais-je, que Darius n'ait pas été décapité lorsque ses complots avaient été mis au jour à la cour. Sa présence ici, dans sa tenue royale brodée d'or, arborant un rictus satisfait, était un affront à tout ce en quoi nous croyions.
« Pourquoi est-il là ? Qu'espère-il accomplir en se joignant à nos ennemis ? »
La douleur de voir un homme que j'avais autrefois respecté, peut-être même aimé comme un parent, se tenir là, en ennemi, était insoutenable. Cela faisait écho à ma propre trahison, à la décision déchirante de me dresser encore une fois contre celui qui m'avait élevée. Mais face à cette trahison ultime, je savais que mon chemin, aussi semé d'embûches soit-il, était le bon.
Dans cet instant, alors que je pleurais la perte de mon père, la trahison de Darius venait creuser encore plus profondément le gouffre de ma désolation. Mais elle renforçait aussi ma résolution. Peu importe les obstacles, peu importe les trahisons, je resterais fidèle à mes convictions, à ceux que j'aimais. Et je me battrai, aux côtés de Léandre et contre ceux qui, comme Darius, avaient choisi le chemin de l'infamie.
**********
LEANDRE
Assis dans le calme relatif de mon bureau, je parcourais les parchemins étalés devant moi, chacun porteur des voix de mon peuple. Leurs plaintes, leurs supplications pour une réduction des impôts, pesaient lourd sur mes épaules. J'avais pourtant agi, pensant soulager leur fardeau en révisant les taxes, en demandant plus aux nobles pour offrir un répit aux plus démunis. Mais il semblait que cela n'avait pas suffi. Le poids de mon impuissance envers mon peuple me tourmentait, une épine constante dans mon esprit.
Lykos, mon fidèle conseiller, se tenait à mes côtés, une présence rassurante dans l'océan de doutes qui m'assaillait.
— Majesté, vous devriez vous reposer, me suggéra-t-il, sa voix teintée d'une inquiétude sincère. Depuis l'aube, vous êtes à pied d'œuvre.
Il avait raison. Les heures s'étaient étirées, une suite ininterrompue de décisions, de consultations, dans une tentative désespérée de trouver une solution, un équilibre qui pourrait apporter une véritable aide à ceux que je m'étais engagé à protéger. Et pourtant, malgré mes efforts, le spectre de la famine, du mécontentement, planait toujours. Une ombre sombre sur Valeria. Je me levai, les muscles endoloris par l'immobilité prolongée, et m'approchai de la fenêtre. De là, je pouvais voir une partie de la cité, ses rues animées, ses marchés. De loin, tout semblait paisible, prospère même. Mais je savais que derrière cette façade se cachaient des luttes, des privations que trop de mes sujets enduraient quotidiennement.
— Lykos, avons-nous exploré toutes les options ? demandai-je, la voix lourde de fatigue. Y a-t-il quelque chose que nous ayons négligé, une piste que nous n'aurions pas suivie ?
Mon conseiller me rejoignit à la fenêtre, son regard scrutant le lointain.
— Nous avons fait ce que nous pensions être juste, Sire. Les taxes sur les nobles ont été une mesure audacieuse, mais le cœur du problème réside peut-être ailleurs. Peut-être devrions-nous envisager d'autres réformes, toucher à des aspects de notre économie que nous n'avons pas encore osé modifier.
Sa réponse me donna matière à réflexion. Il avait raison, comme toujours. Peut-être était-il temps de repenser notre approche, de chercher des solutions moins conventionnelles. La responsabilité de régner n'était pas seulement de gouverner, mais d'innover, de s'adapter aux changements, aux crises. Alors que Lykos rangeait les parchemins de plaintes, je restai un moment de plus à la fenêtre, contemplant mon royaume. Mon cœur était lourd, mais ma détermination inébranlable. Pour mon peuple, pour Valeria, que je chérissais tant du fin fond de mes entrailles, je ferais tous ce qui était en mon pouvoir.
L'harmonnanceur interrompit soudain le silence de mon bureau, m'informant de l'arrivée de Tomas. D'un geste, je lui indiquai de le faire entrer. Il s'approcha avec déférence, s'inclinant en une révérence qui, malgré le respect qu'elle affichait, ne présageait rien qui puisse alléger mon esprit déjà chargé de soucis.
— Le Prince Lev Darius a quitté le palais pour Lylh Serine hier soir, me révéla-t-il sans détour.
Ma surprise fut évidente :
— Lylh Serine ? répétai-je, cherchant à comprendre.
— Oui, Majesté. Ce qui est d'autant plus curieux, c'est qu'il est parti seul accompagné seulement d'un serviteur : Silas. Le fait qu'ils se dirigent vers Lylh Serine, où se trouvent Alden et le Prince Aurélian n'augure rien de bon.
Les rouages de mon esprit se mirent en marche, pesant chaque mot.
— Il doit y avoir une raison impérieuse pour un tel voyage. Quelque chose à dû arriver sur la presqu'île. Prévenez Ivar. Qu'il rassemble ses homme et enquête sur ce qui s'est passé.
— A vos ordres, Votre Majesté !
Alors qu'il se retirait avec Lykos pour exécuter mes instructions, je restai seul avec mes pensées, tentant de démêler les implications de cette nouvelle inattendue. Le départ précipité de Darius, et surtout le choix de sa destination, ajoutait une couche de complexité a un tableau déjà bien troublé.
« Quels secrets Lylh Serine dissimulait-elle pour attirer ainsi l'attention de mon oncle ? »
**********
DARIUS
Assis dans le salon, luxueusement meublé, je partageais un moment de tranquillité avec Nora. Son rire cristallin remplissait la pièce, apportant une légèreté bienvenue à l'atmosphère chargée des affaires du royaume. Cependant, cette quiétude fut brutalement interrompue par l'arrivée de Silas. Son visage, d'ordinaire impassible, trahissait une urgence qui fit taire instantanément les échos de gaieté.
— La guerre a éclaté à Lylh Serine, annonça-t-il sans préambule. Le Général Dravell, le Général Lorcan, Eryndor et Alexandre on envahit la forteresse avec plusieurs armées. Le plan du Grand Conseiller Raymund a débuté.
— Nous partons sur-le-champ, déclarai-je, résolu.
Nora me lança un regard inquiet, mais je n'avais pas le temps de la rassurer. Les enjeux étaient trop importants. Silas et moi nous précipitâmes hors de la pièce, laissant derrière nous le salon et sa fausse tranquillité. Sur le chemin, notre course fut interrompue par la silhouette inattendue de Darel. Le garde du gouverneur Lorncrest, un homme que j'avais réussi à retourner à mes fins grâce à des promesses et de l'or, semblait pressé. Son apparition était opportune, peut-être même trop.
— Je venais justement vous voir Votre Altesse, s'exclama-t-il, haletant légèrement. La forteresse de Lylh Serine est dans un chaos total....
Il nous raconta alors le combat, avec une précision qui trahissait sa connaissance intime des événements. L'image qu'il peignait était celle d'une bataille féroce, d'un affrontement qui avait déchiré le calme de la presqu'île. Mais ce qui captura toute mon attention fut sa révélation finale.
— Le prince héritier s'est échappé, dit-il, pesant chaque mot.
Cette nouvelle changeait la donne. Le prince héritier, libre, représentait un échec. Un échec, car sa capture aurait pu signifier une victoire rapide et décisive. Mon esprit s'affairait déjà à tracer notre prochain mouvement, à calculer les conséquences de cette évasion. J'étais prêt à plonger dans cette tempête. La guerre avait peut-être commencé sans moi, mais elle ne se terminerait pas de la même manière. Direction Lylh Serrine.
Ayant mandaté Darel comme éclaireur avec pour mission de retrouver Lorcan et de me guider a sa rencontre, j'avais appris qu'il se trouvait à l'orée de la forêt, victorieux après avoir écrasé les forces du gouverneur Lorncrest. Cette nouvelle était encourageante malgré que son bras droit, Emeric, ai réussi à s'enfuir. Toutefois, le Prince Aurelian restait introuvable, une ombre planant sur notre triomphe.
Arrivés à la lisière de la forêt, la scène qui s'offrait à nos yeux était affligeante. Le Gouverneur Lorncrest, capturé, se débattait avec une ferveur qui ne faisait qu'accentuer l'ampleur de sa défaite. Entendre ses cris, le voir lutter avec tant de désespoir, était un spectacle qui, contre toute attente éveillait en moi un peu de pitié. Ceux que nous avions jadis considérés comme des piliers de notre monde s'effondraient devant nous, faible, et réduits à n'être plus que des ombres de leur ancienne gloire.
Le Gouverneur, les yeux emplis d'un mépris brûlant, me fixa avec une intensité qui me transperça. Jamais encore je n'avais été regardé avec une telle aversion. Son crachat, bien que méprisable, était le témoignage de sa dernière résistance. Il leva la tête, et avec une voix chargée d'accusations et de douleur, il lança :
— Espèce de sale... c'est de votre faute... Vous avez collaboré avec les Drevaniens ! Comment pouvez-vous trahir votre propre patrie ? Honte à vous !
Face à ces mots, je restai de marbre, refusant de lui accorder la satisfaction d'une réponse. Me tournant vers Lorcan, je décidai du sort du Gouverneur :
— Général ! je l'emmènerai à Valéria.
Lorcan, intrigué, me questionna sur mes intentions :
— Pourquoi cela ?
Mon plan pour le Gouverneur était sans pitié, destiné à lui ôter tous chance de parler ou de s'échapper.
— Ne vous en inquiétez pas. Je lui arracherai les bras, et la langue, il ne pourra rien dire, ni s'échapper.
Lorcan me suggéra une alternative cruelle mais ingénieuse, utilisant la lave des abysses pour rendre sa langue inutile sans le tuer. En entendant notre conversation, le Gouverneur releva la tête, un mélange de défi et de désespoir dans le regard. Je l'approchai, m'accroupissant pour lui exposer mon plan :
— Vous n'avez pas besoin de votre langue ; votre fidèle garde, Darel, parlera à votre place.
Il ne put cacher la surprise et l'horreur sur son visage, confirmant l'efficacité de ma menace :
— Qu'est-ce que vous voulez ?
— Vous n'avez toujours pas compris ? C'est vous qui avez mené l'attaque contre le prince héritier sur ordre du Roi Léandre aux yeux du monde.
— Espèce de... Vous ne craignez donc rien ? Tuez-moi. Tuez-moi ici et maintenant ! cria-t-il les veines apparaissant sur son visage. Tuez-moi !
Ses supplications pour la mort plutôt que de subir un tel destin trahissaient la profondeur de sa détresse. Son visage était déformé par la rage, il incarnait la tragédie d'un homme brisé par la machination et la trahison. Je donnai alors l'ordre à Silas de procéder comme prévu, ajoutant une cruauté à sa sentence.
— Emportez-le et arrachez-lui les bras et la langue. Tant qu'à faire crevez-lui également les yeux.
Silas et un soldat le prirent par les bras. La force de nos hommes surpassait ses tentatives de résistance, son cri de désespoir résonnant dans le silence de la forêt comme un écho douloureux. Ce moment marquait un tournant, révélant les profondeurs obscures auxquelles nous étions prêts à plonger pour atteindre nos objectifs. Le plan se déroulait, mais avec une urgence nouvelle : retrouver le Prince héritier. La nécessité de le capturer et de l'assassiner pesait lourdement sur nous. Si nous ne le retrouvions pas, le sacrifice du gouverneur sera vain.
**********
ALTHEA
Perchée dans les arbres, dissimulée par les feuilles et l'ombre, je vivais un cauchemar éveillé. Mon ouïe surdéveloppée, un don que j'avais toujours considéré comme une bénédiction, se transformait en malédiction, car elle me forçait à être témoin de l'horreur qui se déroulait en contrebas sans pouvoir y mettre fin. Les mots, les cris, les plans dévoilés par Darius et ses acolytes m'atteignaient avec une clarté terrifiante, chaque syllabe une lame qui lacérait mon cœur.
L'impulsion de me précipiter vers mon père, de le libérer de ses chaînes, de le sauver de ce destin atroce, me consumait. Mais Aurelian, avec une force que je ne lui connaissais pas, me retenait fermement, m'empêchant de me jeter dans la gueule du loup. Sa prise était à la fois un rempart contre ma perte et un mur m'empêchant de voler au secours de mon père. Les plans de Darius pour mon père, l'humiliation, la cruauté de son sort m'étaient insupportables. L'idée même que mon père puisse souffrir de telles tortures, qu'il puisse être mutilé et réduit au silence de manière si barbare, m'emplissait d'une horreur sans nom. Mon âme se déchirait entre la rage, le désespoir et une impuissance accablante.
Alors que je restais là, cachée dans les ombres et l'immobilité des branches, une vague de regret m'envahissait, plus dévastatrice que la colère ou la peur. Après des années de séparation, de questions sans réponse, je venais à peine de retrouver mon père, de renouer avec cette partie de moi longtemps perdue. Et maintenant, face à l'impitoyable réalité de notre situation, je réalisais que je pourrais ne jamais avoir l'occasion de le connaître vraiment. La vie m'avait été vraiment cruelle, un chemin parsemé d'épreuves et de pertes, mais cette cruauté semblait atteindre son paroxysme dans l'incapacité de tisser des liens avec celui qui m'avait donné la vie. Chaque moment passé loin de lui, chaque opportunité manquée de partager, d'apprendre de lui, de lui montrer qui j'étais devenue, pesait lourdement sur mon cœur. Alors que le destin nous avait enfin réunis, le même destin menaçait de nous arracher l'un à l'autre, de façon bien plus définitive et cruelle que la distance ou le temps ne l'avaient jamais fait.
« Comment la vie pouvait-elle être si cruelle, nous offrant un espoir fugace seulement pour le reprendre avec une telle brutalité ? »
Je luttai de toutes mes forces contre l'étreinte d'Aurelian, mais en vain. Les larmes coulaient sur mes joues, chaque goutte un testament de ma douleur, de ma colère et de ma détermination renouvelée. Je me fis une promesse, là, dans le silence de la forêt, témoin de ma détresse : je reviendrai chercher mon père, je le libérerai de ses chaînes, quel qu'en soit le prix.
Alors que la scène se déroulait en contrebas, un calme désespéré s'empara de moi. Dans ma tête, je parlai à mon père, espérant que, d'une manière ou d'une autre, mes pensées pourraient le rejoindre, lui apporter un semblant de réconfort dans ce moment sombre.
« Père, si seulement tu pouvais lever les yeux... Tu verrais le visage de ta fille, saine et sauve, cachée dans les arbres. Je suis là, père... Trouve la force de tenir, car je reviendrai pour toi. Regarde-moi Père... s'il te plaît. »
Mais malheureusement il disparu de mon champs de vision sans m'accorder un seul regard.
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